Anonyme [1649], LE CONGÉ BVRLESQVE DE L’ARMÉE NORMANDE. , françaisRéférence RIM : M0_752. Cote locale : C_2_39.
SubSect précédent(e)

LE
CONGÉ
BVRLESQVE
DE L’ARMÉE
NORMANDE.

 


EN fin la Paix est de retour :
Adieu donc Trompette & Tambour,
Adieu braue Caualerie,
Adieu troupes d’Infanterie,
Adieu la Guerre & ses outils,
Adieu pistolets & fusils,
Adieu mousquets & bandoulieres,
Adieu piques, Adieu rapieres,
Adieu Cornettes & Drappeaux,
Adieu les plumes des chappeaux,
Adieu manchons, adieu mitaines,

-- 4 --


Ornements de nos Capitaines,
Adieu drilles, adieu cadets,
Adieu tant Maistres que Valets,
Adieu canapsas & bougettes,
Adieu chariots & charettes,
Adieu tout ce grand appareil
Qui n’eut iamais rien de pareil,
Adieu l’honneur de Normandie,
Son Altesse vous congedie,
Et vous donne licence à tous
D’aller boire du sildre doux.
Sus donc partez, pliez bagage,
Chacun retourne en son village,
Défilez & quittez vos rangs,
Retirez-vous chez vos parents,
Ou si vous regrettez la guerre,
Allez conquerir l’Angleterre,
Et si l’on vous dit, Qui va-là,
De grace, amis, Demeurez là.

 

 


Vous mignons de dame Bellonne,
Seul appuy de cette Couronne,
Plus nobles de cœur que de sang,
Pour tenir tousiours vostre rang,
Sortez les premiers ie vous prie,
Et d’auoir seruir la patrie
Allez vous vanter au logis,
Dites que les champs sont rougis
Du sang versé par vos espées ;
Que les Cesars ny les Pompées

-- 5 --


N’ont rien eu d’égal à vos bras,
Que ce qu’on escrit de Coutras,
D’Y vry, d’Arques & Cerisoles,
Ne sont que des discours friuoles,
Et que vous paroissiez plus beaux
Quand vous fustes à Moulineaux :
Vantez-vous d’auoir fait merueilles,
Et d’auoir rompu nos oreilles
Par la bouche de vos Canons ;
Que vos qualitez & vos noms
Seront bien auant dans l’Histoire,
Que le papier & l’écritoire
Vont doresnauant rencherir
Pour vous empescher de mourir.

 

 


Cadets, enfans de la débauche,
Qui tourniez à droit & à gauche
Auec la piques & le mousquet,
Que chacun face son paquet,
Ie suis las d’aller aux reueuës
Et de vous heurter par les ruës,
Vous auez, pour le dire net,
La teste trop pres du bonnet,
Vos Commandeurs vous licentient,
Tous nos Fauxbourgs vous remercient,
Et n’ont iamais veu, sans railler,
Iardiniers si bien trauailler,
Ny d’instrumens de tant de sortes
Pour abattre & rompre des portes.

 

-- 6 --

 


Drilles, vrays morpions de Mars,
Ignorans de tous autres Arts,
Vieilles reliques de bataille,
Où vous ne fistes rien qui vaille,
Allez éplucher au Soleil
Vos poux ennemis du sommeil,
Et que là, vous chauffant la tripe,
Auec vn petit bout de pipe
On vous voye embaumer les sens
De cette herbe, qu’au lieu d’encens
Iadis Vrgande & Melusine
Offroient à Dame Proserpine.

 

 


Sergents, jadis simples Records,
Qui preniez les hommes au corps,
Ou si vous n’estiez de pratique,
Qui trauaillez à la boutique,
Chacun retourne à son mestier
De Chincher ou de Sauetier,
Ou, sans vous attendre à la poule,
Allez joüer vn tour de boule,
Et de là, droit au cabaret,
Non de vin blanc ou de clairet,
C’est trop pour vostre gibbeciere,
Mais faites Gogaille à la bierre,
Et vous battez à coups de pot
Pour vn denier de subrecot.

 

 


Vous Tambours, Fiffres, & Trompettes,
Attendez les Marionnettes

-- 7 --


Ou le retour de l’Elephant :
Laissez en repos le Marchand,
Cessez vos baons & bouteselles,
Remettez le cul sur vos selles,
I’entends selles de Cordonnier
Faites de vray cœur de pommier :
Enfin pour changer tous de note,
Retournez siffler la linotte,
Ou si vous méprisez ce soing,
Allez faire du bruit plus loing.

 

FIN.

-- 8 --

SubSect précédent(e)


Anonyme [1649], LE CONGÉ BVRLESQVE DE L’ARMÉE NORMANDE. , françaisRéférence RIM : M0_752. Cote locale : C_2_39.