Anonyme [1649], ELOGE ROYAL PRESENTÉ A SA MAIESTÉ sur la representation d’Apollon & des neuf Muses, Feu de joye fait deuant l’Hostel de Ville. PAR MESSIEVRS LES PREVOST des Marchands & Escheuins de Paris: EN COMMEMORATION de la Miraculeuse Naissance du Roy & de son agreable Retour à Paris. , français, latinRéférence RIM : M0_1208. Cote locale : C_7_65.
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ELOGE ROYAL PRESENTÉ
à sa Majesté, sur la representation d’Apollon & des
neuf Muses au Fou de joye fait deuant l’Hostel de
Ville, par Messieurs les Preuost des Marchands &
Escheuins de Paris, en commemoration de la miraculeuse
Naissance du Roy & de son agreable Retour
en la ville de Paris.

IL est bien juste qu’en cette heureuse
rencontre ie mesle ma voix à celle du
peuple, & que les Echos de ma solitude
ne soient pas muets lors que tout
le monde crie, Viue le Roy. Les cris de benedictions
sont entendus dans le desert aussi bien que dans la
Ville, puis que les Solitaires tout ainsi que ceux qui
composent les Villes iouyssent à present de l’heureuse
tranquilité, qui leur est renduë par le Retour
de nostre Monarque en sa bonne ville de Paris.
La Paix n’est pas moins de la solitude que de la ville,
puis qu’elle porte également l’abondance par tout,
& qu’elle cultiue iusques aux rochers qui prennent

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part à la ioye publique. Apres auoir souuent
esleué les mains au Ciel, apres auoir souuent
formé des vœux pour la santé de mon Prince
& pour son Retour, ie puis rompre le silence
qui me rendroit coupable, si ie ne parlois point
en cette belle occasion. Ouy, ie dois prendre
part au bon-heur de cét Estat, qui celebre auiourd’huy
la naissance miraculeuse de ce Dieu-donné.
Il semble que le Ciel qui se rend de la partie par
l’apparition d’vne nouuelle Estoille prenne ou vne
nouuelle langue, pour applaudir au retour de mon
Roy, ou vn nouuel œil pour le contempler ou pour
considerer iusques où va nostre ioye. Mais certes, ie
pense qu’on pourroit dire aussi que c’est vn nouueau
feu qu’il allume là haut lors que nous en allumons
en terre, & c’est de ce lieu là mesme que nous
viennent les felicitez que nous goutons. Ouy, Peuple
de la France, c’est au Ciel que tu és redeuable de
tant de delices qui te viennent à la sois, & c’est aussi
à la vertu de ton jeune Monarque que le Ciel fauouorise
comme estant son plus noble chef-d’œuure,
que tu dois rendre graces pour celles que tu reçois.
Disons donc tous d’vne commune voix, ô Cieux !
aymables sources de nos prosperitez, ô Cieux ! d’où
souuent la manne tombe dans les deserts, ô Cieux !
d’où souuent la rozée decoule sur le sommet des
montagnes pour les rendre secondes, ô Cieux, soyez
benis, puis que vous rendez mon Roy à nos vœux

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& puis que vous nous esleuez au plus haut comble
de la gloire. Que tout ce qui est en la nature prenne
des langues, que tout parle vn nouueau langage
pour vous remercier, Auteurs de nostre supréme
ioye, Cieux qui roullez incessamment pour le bien
de la terre. Disons donc tous d’vne commune
voix, ô Vertus de nostre Prince incomparable, par
quels Panegyriques pourrez-vous estre assez dignement
exaitées ? Quel marbre, quel porphire employrons
nous pour eriger des Statuës à nostre puissant
Monarque ? Quel Cantique sera digne de ses
oreilles ? Quel cizeau, & quelles couleurs pourront
representer ce jeune Alexandre ? Où trouuerons
nous vn Appelles pour ce conquerant des cœurs
aussi bien que des villes ? Quel d’entre tant de Poëtes
sera digne d’estre l’Homere de cét Achile, puis qu’il
pourra vn iour faire suer tous les Orphées de son
Siecle.

 

Ce n’est pas donc sans raison si lors que nous voulons
exprimer l’excez de nostre joye nous exposons
icy toute la troupe du Parnasse si celebrée par tout
ce qu’il y a iamais eu de beaux esprits au monde ;
Non, non, ce n’est pas sans raison que tout l’helicon
se fait voir en ce feu de joye, & qu’Apollon s’y
montre au milieu de ses doctes sœurs. Ce n’est pas,
dis-je, sans raison que nous voyons icy cette troupe
sçauante, qui vient rendre hommage aux vertus de
nostre Roy, qui par son retour a rendu la paix à tout

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son peuple, & qui la fera regner sur la cime des
montagnes où les Muses ont de coustume d’aller
réver. Ces illustres filles qui sont du sang de
Iupiter, vont entonner mille Cantiques à l’honneur
de ce siecle d’or, que nostre ieune Auguste fait reuoir
à la France, & les vertus sans pareilles de ce braue
Prince seront la plus noble matiere de leurs Hymnes.
Chantez donc, ô filles de Iupiter, vostre Apollon
est icy, & la presence de mon Roy, qui est la
marque asseurée de vostre bonne fortune, vous inspire
tout ce qu’on a iamais pû conceuoir de beau.
Les choses les plus insensibles qui sont en la nature,
semblent auoir chãgé leur estre touchées par la presence
de nostre Roy, & nous pouuons dire d’elles ce
que l’on a dit autrefois de cette Statuë de Memnon,
qui resonnoit lors qu’elle estoit eschauffée par les
rayons du Soleil naissant. Car n’est-il pas vray de dire
que les vertus naissantes de ce Prince, promettent
à toute la France vn heureux auenir ? Pour peu qu’on
le considere, ne dira-t’on pas de luy ce que l’on a
publié jadis en plain Senat du fameux Trajan ? Que
les Estudes vont reprendre leur vigueur sous luy, &
ses faueurs r’appelleront les Muses errantes, ces
sainctes & chastes filles qui n’ayment que les vertueux,
& qui font profession ouuerte de rendre les
tyrans infames à la posterité, celebreront ses actions
& sur leurs lyres elles chanteront les merueilles d’vne
si glorieuse vie. Mais, ô grand Prince, ce qui fut

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recité dans le Senat à la loüange de cét Empereur,
sera dit par toute la terre à la vostre : Ouy, l’on dira
de vous en parlant à ce Royaume.

 

 


Hic est, tibi quem
Promisere Dij, quo nec tulit alta vetustas
Majorem, nec secla parem ventura videbunt.

 

Ce seroit auec ces paroles que ie pourrois finir vostre
Eloge, ô genereux Monarque, & sans doute c’est
vne matiere qui doit seruir d’employ à cét Apollon
& à ces doctes Pucelles, qui vous sont icy representées,
c’est pourquoy ie laisse ce sujet illustre à ces
belles Muses. Cette occupation est bien digne d’elles,
mais apres tout ie pense qu’elles ne seront pas
moins empeschées à publier vos merites, qu’elles le
sont à present à tesmoigner la ioye publique de vos
Peuples, qui par ses acclamations continuelles la
fait esclatter, quoy qu’imparfaitement. Pleust à
Dieu, ô grand Prince, que vous peussiez lire iusques
au fond de nos cœurs qui vous sont consacrez, l’affection
qu’on y conserue auec autant de soin qu’on
en auoit jadis pour le feu des Vestalles. Et cependant
cette amour ne vous peut estre tesmoignée
que par ces cris, Viue le Roy, Viue le Roy.

FIN.

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Anonyme [1649], ELOGE ROYAL PRESENTÉ A SA MAIESTÉ sur la representation d’Apollon & des neuf Muses, Feu de joye fait deuant l’Hostel de Ville. PAR MESSIEVRS LES PREVOST des Marchands & Escheuins de Paris: EN COMMEMORATION de la Miraculeuse Naissance du Roy & de son agreable Retour à Paris. , français, latinRéférence RIM : M0_1208. Cote locale : C_7_65.