Anonyme [1649], LE VRAY PARISIEN, ET LA HARANGVE D’VN BOVRGEOIS, Faite à ses Compagnons allant au dernier Conuoy. , françaisRéférence RIM : M0_4071. Cote locale : A_5_106.
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LE VRAY
PARISIEN,
ET LA
HARANGVE
D’VN BOVRGEOIS,
Faite à ses Compagnons allant au dernier
Conuoy.

A PARIS,
Chez la Veufve d’ANTHOINE COVLON, ruë d’Escosse
aux trois Cramailleres. 1649.

AVEC PERMISSION.

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LE VRAY PARISIEN,
Et la Harangue d’vn Bourgeois, faite
à ses Compagnons allant au dernier
Conuoy.

LE pouuoir de l’Eloquence, & l’art de persuader
adjouste beaucoup aux aduantages
de l’esprit & du corps de mesme, que l’vsage
des choses & la force des coustumes
est tres-necessaire à leur perfection. L’Empereur
Octaue, estant encore plustost imbu de la science
& doctrine des Grecs qu’instruict au mestier de la guerre,
sembloit estre beaucoup inferieur à Anthoine. Mais
quant il eut quelque temps pratiqué l’exercice de Mars,
il vainquit ce Herault qui l’estimoit d’vne valeur bien
moindre que la sienne. Les Cymbres façonnez dés le
berceau, dans ce genereux exercice, cognoissoient si peu
la terreur qu’ils se rejoüy soient quand ils mouroient en
combattant, & s’attristoient lors que la maladie les forçoit
d’expirer dans leurs foyers. Les Sparthiennes voyant
sortir leurs enfans pour aller à la Guerre, leurs commandoient,
ou de restourner victorieux, ou de se faire reporter
morts auec leurs armes teintes du sang de leurs ennemis.

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Certes, cette vertu si necessaire aux grandes actions
est beaucoup eschauffée, par l’exemple des Chefs & des
Generaux, desquels on attend ou la recompense de la valeur,
ou le chastiment de la lascheté : Car de mesme que
les Matelots qui font les manœuures dans vn vaisseau sont
tousiours attentifs aux commandemens du Pilotte qui les
gouuernent, Ainsi les gens de guerre ont incessamment les
yeux portez sur leurs General ; Non seulement pour obeïr
à ses ordres ; mais encore pour s’informer de sa generosité,
& se tendre imitateur de ses heroïques actions. La consiance
que nous auons à nos Chefs, est le premier indice
de la victoire. Tous les courageux se fortifient par
cét exemple, qui rend mesme les coüarts courageux. Alexandre
s’efforçoit de surmonter la fortune de ses ennemis
par sa hardiesse, & leurs forces par sa valeur ; disant : Qu’il
n’y auoit rien d’indomptable aux ames genereuses ; De
mesme que les timides ne pouuoient trouuer d’assez forts
remparts contre les traicts de la valeur. Et Parmenion luy
conseillant vn iour de le seruir des ombres de la nuict
pour surprendre ses ennemis : C’est affaire aux Larrons,
dit il, d’employer cét aduis, eux dont l’inclination ne meditte
que la tromperie ; Et i’ayme beaucoup mieux me repentir
de ma mauuaise fortune, que d’auoir honte de ma
victoire.

Cette valeur si naturelle entre les Perses & les Grecs
semble s’estre transmise à leurs neveux ; Et l’Empire des
Lys, ayant tiré son origine de la fin de celuy des Troyens,
conserue encore aujourd’huy leur sang & leur generosité
dans l’esprit & le corps de ses Habitans. La Ville de
Paris, la merueille & l’ornement de l’Europe, & qui porte

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le nom du dernier Prince de Phrygie, esleue encor aujourd’huy
des nourrissons qui ne desgenerent en rien de
la vertu de leurs Ancestres, les troubles que l’Enfer a n’agueres
suscitez en ce Royaume, semblent fournir de glorieuse
matiere à nos Parisiens, pour confirmer cette verité.
La douceur du repos & le peu d’occassion de faire essay
de leurs forces les auoit, iusques icy, pû dissipliner dedans
la milice. La fatigue des veilles, le braict des tambours,
& l’odeur du alpestre n’auoit touché leurs sens
que de loing : mais ces autres lyons qui ne cognoissent
qu’vn seul Maistre ce voyant menassez de la chaisne par
vn gouuerneur Estranger, ont bien-tost commencé de
rugir, & de porter courageusement leurs destinées redoutables
contre l’oppresseur de la liberté publique, & pour
l’accroissement de la reputation des François. Les veritables
oracles Parisiens ont bien fait cognoistre en ses derniers
iours & par leur ardentes resolution au combat, &
leur impatient couroux contre l’ennemy public qu’ils peuuent
encore vtilement opposer leur seule valeur à l’effort
de toute vne armée, & faire teste dans vn passage à d’innombrables
ennemis.

 

Leurs sorties aux Conuoys d’Estampes & de Gonnesse
en sont d’irreprochable tesmoings, lors que pour seconder
la valeur du grand Duc de Beau-fort, ils sembloient
plustost voller que marcher au combat, & que desuoüez
pour le salut du Royaume ; Ils s’offroient auec empressement,
en glorieuses diatombes.

Mais parmy cette tourbe genereuse de vrays Pasisiens ;
ie ne puis taire l’heroïque action de l’vn de nos Bourgeois
dans la derniere sortie. Ce soldat dont le nom

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doit viure autant que la Monarchie voyant qu’entre ceux
qui l’accompagnoient en cette expedition plusieurs eludez
des faux bruicts que semoient icy les Partysans du
Mazarin manquoient de ceste fermeté de cœur, qui faict
brauer les perils & courrir à la gloire. Il leur tint a peu
prés ce discours.

 

HARANGVE D’VN BOVRGEOIS DE PARIS
à ses Compagnons.

VOVLEZ-vous, mes Compagnons, aduancer le
triomphe de nos ennemis en publians nostre deffaicte ?
Laisserez-vous de vous deffendre pource qu’ils cessent
de vous attaquer ? Gouste l’armée ennemie n’a pû
forcer nos resolutions, tandis que nos courages ont braué
leurs menaces. Nos passions ce rendront-elles plus
fortes ? Nous auons soustenu deux mois contre des puissances
formidable. Nous rendrons-nous aux premiers assauts
que nous liure nostre foiblesse ; Trahirons nous nostre
propre fidelité ; Et serons nous d’intelligence auec le
Cardinal Mazarin contre-nous mesme ? Les larmes & les
cris de nos femmes & de nos enfans nous glaceront-ils
le sang, à l’aspect de nos Generaux, qui ne sçauent
qu’imprimer la terreur sur le front de leurs ennemis ? Et
qui ne la reçoiue iamais dans leurs ames ? Vne heure peut
couronner les trauaux de milles iournées ? Nos maux sont
dans leurs crises, & de quelques accidents que nous
soyons touchez la seruitude se rend bien moins honteuse.
A qui la reçoit les armes à la main qu’à celuy qui l’attend

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les larmes au visage. Si la Iustice est ordinairement
suiuie de la victoire ; Si la vertu se trouue armée contre toute
atteinte ; Et si le Ciel a accoustumé de fauoriser l’innocence
oppressée. Que craignons nous ? Ou que n’esperons
nous pas dans cette rencontre ? Nos ennemis sont forts en
apparence, mais foibles en effet. Ils sont enyurez de delices ;
Ils sont accablez des pillages, & du butin qu’ils ont
volez de toutes paris, & nous sommes appuyez en la confience
du Dieu des Batailles, dont nous deffendons les Autels,
& que ces sacrileges ont polué. Qui nous pourra vaincre
si nous sommes assistez de ce bras, soubs lequel fleschisent
les Sceptres de toutes les puissances humaines ? Courage,
mes compagnons, que ce soit pour la derniere fois que
ie vous anime à ce iuste combat. Si vous n’aymez mieux
rougir de honte que du sang de vos ennemis ? Ie vous recommande
cette action au nom de vostre propre salut, pour
la seureté de vos vies, pour le repos de vos familles, & l’honneur
de vostre pays.

 

Vn bruict de voix parlant du cœur de tous ses compagnons
respondit à ces paroles, par l’expression d’vn desir
violent de combattre & vaincre les ennemi, par tout où ils
se presenteront : Et charmez des vertus de ce Noble Bourgeois,
ils ne respirerent plus qu’vne guerre ouuerte, pour
chasser Mazarin de cét Estat, & r’appeller vne Paix immortelle,
qui fasse incessamment refleurir les Lys sur la teste sacrée
de nostre ieune Roy.

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