Anonyme [1649], LES ACTIONS DE GRACE DES BOVRGEOIS ET HABITANS de la ville de Paris, faites au Roy, à la Reyne & aux Princes, APRES L’HEREX RETOVR DES A Maiesté en sa bonne ville de Paris. , françaisRéférence RIM : M0_29. Cote locale : A_3_7.
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LES ACTIONS DE GRACE DES
Bourgeois & habitans de la ville de Paris faites au
Roy, à la Reyne & aux Princes, apres l’heureux
retour de sa Maiesté en sa bonne ville de Paris

LA terre ne paroist iamais à nos yeux auec
plus de graces & de plaisirs, qu’alors qu’apres
vn long & fascheux hyuer, le Soleil remontant
sur son horison fait espanoüir & éclorre
les tresors & les richesses inespuisables qu’elle
renferme dedans son centre, en redorant les campagnes
& les prairies d’vn nombre presque infiny de bel
les & riches fleurs autãt agreables en leurs odeurs que
differentes en leurs couleurs, dont la beauté & l’aspect
est si doux & charmant qu’il fait éuanoüir de nostre
esprit & efface de nostre memoire le triste resouuenir
des rigueurs & des souffrances qui nous ont fait gemir
pendant que la saison passée de l’hyuer a regné sur son
empire, & qu’elle a esté priuée de la chere presence,
& des douces influences qu’elle reçoit de son astre celeste
& de son diuin flambeau : N’est il pas vray de dire
que la ville de Paris estre lieu le plus excellent & le plus
celebre de toute la terre ? puisque la Frãce est le Royaume
le plus beau & le plus florissant de tout le monde,
& que son lustre & son esclat, & pour mieux dire, son
vnique & son adorable Soleil, c’est la sacrée personne
de nostre glorieux & triomphant Roy, qu’elle ne rẽplir
iamais dauantage nos esprits & nos pensées d’admitation
& d’estonnement, que lors qu’elle ioüit auec

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paix & tranquillité de l’aimable & fauorable presence
de sa Majesté : ce qui fait qu’y retournant auiourd’huy
apres vne longue & ennuyeuse absence l’on luy voit
porter les palmes & les lauriers dedans les mains, cõme
les chants de ioye & d’allegresse dedans les cœurs
& dedans la bouche bannissant entierement les vestiges
& la memoire des douleurs souffertes depuis le
iour de son depart.

 

Il semble que pour faire reconnoistre plus amplement
les grands biens & les particuliers aduantages
que la ville de Paris reçoit dans le retour qu’il plaist à
sa Majsté d’y faire auiourd’huy, & par droit de communication
toutes les autres villes & Prouinces de la
France, dont elle est la premiere & la capitale qui influe
comme le chef à ses membres, les biens & les maux
qu’elle ressent, il faudroit emprunter l’addresse & l’industrie
dont se seruent les Peintres quand ils veulent
releuer auec plus d’esclat & plus de lustre quelque trait
de leur peinture, ou quelque visage bien fait & bien
representé, en coulant aupres des couleurs noires &
sombres suiuant cette maxime, que la nature des choses
est disposée de sorte, que les contraires paroissent
dauantage estant proches, ou exposez à leurs contraires
donc qu’il seroit necessaire de temperer & de moderer
nostre ioye par le souuenir de quelques vnes des
rencontres fascheuses suruenuës depuis l’absence de
sa Majesté ponr en augmenter dauantage la grandeur
& l’exceds.

Mais comme les Medecins qui sont autant plus excellens
qu’aduisez que les Peintres, puisque par leur
diuine science ils sçauent conseruer dans vn estat sain

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& parfait le premier subiet, non seulement de la peinture,
mais aussi de toute la nature, à sçauoir l’homme,
tiennent vne autre maxime bien plus excellente, &
qu’il est à propos de suiure en cette occasion quedulcia
amica vitæ, c’est à dire que l’entretien de nostre vie,
& de nostre conseruation se deuoit rechercher non pas
dans les choses ameres & fascheuses, mais bien dans
celles qui sont douces & agreables, & partant pour
ressentir & gouster auec douceur & contentement les
delices & plaisirs de l’heureux retour de sa Majesté en
sa bonne ville de Paris, il faut chasser bien loin & bannir
entierement de nostre esprit le souuenir des choses
passées qui poutroient bien causer dans nos pensées
des ombres noires & sombres, mais non pas contribuer
à la ioye dont nous deuons plainement ioüir
auiourd’huy.

 

La ioye & l’allegresse de la ville de Paris & de toutes
les autres villes & Prouinces de la France sera tres-grande
& tres-parfaite quand l’on considerera que le
retour de sa Majesté en icelle fera les mesmes effets
que fait vn esprit & vne ame quand elle retourne dans
vn corps desia mort, & qui ne donnoit plus que de l’éfroy
aux assistans, le faisant viure, mouuoir & parler, car
par cet heureux retour l’esprit, l’ame & le chef de l’Estat,
& du Royaume animera, fera viure, mouuoir & parler,
par sa tres chere & bien-aimée presence, sa capitale
ville, & par icelle toutes les autres villes & Prouinces
faisant par vn contre-coup mourir, & rendant immobiles
& muets tous ceux qui n’auoient point d’autres
esperances, que dans l’espoir de la desvnion & diuisiõ
entre sa Majesté nostre souuerain Roy, seigneur &

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maistre, & sa bonne ville capitale de Paris, il obligera
l’ennemy de sa Couronne & de son Estat à consentir
à vne paix honorable & glorieuse à la France.

 

Ouy, apres ce retour la ville de Paris iouyra des douceurs
de la vie, & vn chacun desliera sa langue & ouurira
sa bouche pour parler & chanter loüange & benediction
à ceux qui ont procuré & assisté ce trois fois
heureux retour.

Entre ceux qui nous ont procuré ce bon heur, la
premiere & la principale cause a esté sa Majesté la Reine
Regente Mere non seulement de nostre tousiours
glorieux & triomphant Roy Louys XIV. mais aussi
par sa bonté, pieté, & charité la mere de tout le Royaume,
ayant plus qu’aucun autre ressenty les douleurs
causées par l’absence du Roy son fils hors sa bonne
Ville capitale de Paris, qu’elle a esté obligée contre sa
volonté & ses inclinations de prolonger plus qu’elle ne
desiroit, imitant les bonnes & affectionnées meres
nourrices, qui refusent & different pour quelque tẽps
de donner leur mammelles à leurs enfans, afin que leur
rendant puis apres ils reconnoissent mieux l’excellence
du bien, dont ils ont esté priuez pour quelque tẽps,
& qu’ils l’estiment & cherissent dauantage, craignant
à l’aduenir de causer par leurs petites obstinations de
encourir la mesme perte, & partant apres auoir rendu
graces à Dieu & au Roy de son heureux retour en bonne
& parfaite & santé, il faut reconnoistre par nos
loüanges & benedictions l’affection & la bonne volonté
de sa Majesté la Reyne Regente.

L’on ne peut pas ignorer qu’apres la Reyne Regente,
Monseigneur le Duc d’Orleans y a contribué de

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ses conseils, de ses soins & de ses diligences particulieres :
nous ayant en toutes occasions fait paroistre les
bonnes volontez qu’il a tousiours eu pour la conseruation
& la paix de l’Estat, & particulierement pour la
tranquillité & la satisfaction des habitans & bourgeois
de Paris, que l’on ne peut s’exempter du blasme d’ingratitude
si vn chacun ne luy rend les actions de graces
que l’on doit à sa personne Royalle & à son merite.

 

Et pour demeurer entierement exempt de tout blâme
il ne faut pas estre moins reconnoissant dans cette
rencontre enuers Monseigneur le Prince, qui n’a pas
esté plustost de retour de son gouuernement de Bourgogne
auec la loüange & la satisfaction d’vn chacun,
qu’il nous a fait tenir pour certain celuy de sa Majesté
en sa bonne ville de Paris, & comme il est le premier
Prince du Sang, aussi n’a-il iamais espargné d’exposer
sa vie, & de verser iusqu’à la derniere goutte de son sãg
quand il a esté question d’aggrandir les bornes de l’Etat,
& de conseruer les interests de la Couronne, &
ayant reconnu que ce retour estoit heureux & aduantageux
pour le Royaume, il l’a non seulement souhaité
& procuré : mais il l’a tellement aduancé que nos
souhaits sont à present changez en la iouyssance d’vn
bien tant desiré.

Enfin auec ce que nous deuons pour ce subjet aux
prieres & aux soins de nos autres Princes, il n’en faut
pas desnier l’honneur & le remerciement deu à son Eminence
premier Ministre de l’Estat, choisi par nostre
defunct & tousiours victorieux Roy Louys le Iuste
pere de sa Majesté, & dont l’affection & la fidelité auec
laquelle il a tousiours aymé, secondé & serui la France

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oblige sa Majesté & la Reyne Regente de le conseruer
& maintenir dans la continuation de son ministere, cõme
il se voit plus amplement en la lettre d’vn Parisien
enuoyée de Rome à Paris, sur la paix des mouuemens
de Paris, aussi vn chacun sçait assez combien il a pris
de peines & de soins, pour, accompagnant sa Majesté
dans son retour, nous apporter d’vn mesme pas la paix
generale tant desirée & tousiours refusée par l’obstination
de nostre ennemy l’Espagnol, et il n’y a point eu
d’autre cause plus considerable qui aye ratardé ce retour,
que la poursuitte de la paix generale : mais son Eminence
ayant veu que la ville de Paris souhaittoit auec
tant d’impatience que sa Majesté la vint honorer
de sa presence, preferant comme il a tousiours fait ses
interests particuliers au bien public de l’Estat, il a mieux
aimé satisfaire aux desirs des habitans & bourgeois de
Paris, que d’adiouster encore à sa gloire l’honneur d’auoir
auparauant conclud la paix generale.

 

FIN.

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