Anonyme [1649], LES CHARMANS EFFECTS DES BARRICADES, OV L’AMITIÉ DVRABLE DE LA COMPAGNIE DES FRERES BACHIQVES DE PIQVE-NIQVE. EN VERS BVRLESQVE. , françaisRéférence RIM : M0_687. Cote locale : C_2_30.
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LES CHARMANS
EFFECTS
DES BARRICADES,
OV L’AMITIÉ DVRABLE
DE LA COMPAGNIE
DES FRERES BACHIQVES
DE PIQVE-NIQVE.

EN VERS BVRLESQVE.

A PARIS,

M. DC. XLIX.

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LES CHARMANS EFFECTS
DES BARRICADES
OV L’AMITIE DVRABLE
DE LA COMPAGNIE DES FRERES
BACHIQVE
DE PIQVE NIQVE.

EN VERS BVRLESQVE.

 


Chers Freres si les Barricades
Nous ont joüé tant d’argarades,
Et nous ont fait malgré nos dents
Passer vn peu de mauuais temps,
En nous apportant la famine,
Dame de fort mauuaise mine,
Grace à Dieu ce temps est passé,
Heureux qui n’est pas trespassé,
Et qui peut boire à plaine tasse,
Apres vne telle disgrace,
Puis que nous pouuons desormais,
Tous viure ensemble en bonne paix,
Et recommancer ce commerce,
Que chascnn des freres exerce,

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Seulement le verre à la main,
Allons sans attendre à demain,
Ce jourd’huy de May le seisiesme,
Enuoyons famine & Caresme,
Qui sont à present superflus,
Chez les morts qui ne mangent plus,
Et qu’vne double bonne chere,
Nous fasse oublier la misere,
Qui nous alloit faire mourir,
Si nous l’eussions voulu souffrir,
Que puissent bien viure en mal aise,
Ceux qui vinrent troubler nostre aise,
Et qui sous couleur d’vn grand bien,
Nous ont tant trauaillé pour rien,
Toutesfois que Dieu les benisse,
Puis qu’ils ont remis la police,
Et que nous pouuons en repos,
Nous remplir en vuidant les pots,
Sans craindre ces fausses alarmes,
Qui nous faisoient courir aux armes,
Et nous menaçoient d’vn trespas,
Au beau milieu de nos repas,
Payons nous par nombre d’années,
De quelques mauuaises journées,
Qui pour redoubler nos ennuys,
Ont eu de si fascheuses nuicts,
Et puisque maintenant nous sommes,
Libres comme le sont les hommes,
Et que l’esclauage arresté,
Nous remet nostre liberté,
Que nul ne soit si temeraire,
De vouloir desormais rien faire,
Qui puisse causer le mal-heur,
Qui nous a donné tant de peur,

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Et de crainte que l’insolenee,
Trouble nostre resiouyssance :
Ne parlons plus que de la paix,
Qui nous rend tous nos interests,
Qui cherche le mal, treuue pire,
Ma foy ne pensons plus qu’à rire,
Quittons la generosité,
Qui nous a quelque peu cousté,
Ne faisons plus tant les soudrilles,
Repandons au croc nos hatilles,
Nos engins & nos bracquemars,
Ne soyons plus enfans de Mars,
Ny de la Deesse Bellone,
Nous sçauons bien ce qu’en vaut l’aune,
Enyurons-nous plustost deux fois,
Et viuons en braue Bourgeois,
Que la paix soit dans les familles,
L’amour entre garçons & filles,
La belle humeur entre les vieux,
Et loin de là les enuieux,
Les femmes les plus rechigneuses,
Doiuent deuenir amoureuses,
Et faire encor plus de cocus,
Qu’il n’en fut durant le blocus,
Les féneants & les auares,
Enuieux de nos tintamares,
Auront du moins vn pied de nez,
D’estre par nous ainsi bernez,
Et la septiesme de nos races,
Suiuant nos glorieuses traces,
En beuuant comme leurs ayeux,
En prendront pardessus les yeux,
Benissant Messieurs leurs grands peres,
Qui furent de l’ordre des freres,

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Dont Picque-nique grand beuueur,
fut le premier instituteur,
pour la posterité gaillarde,
Qui rira de la Barricade,
Et de l’orgueil de ces Bourgeois,
Qui furent soldats autre fois,

 

PRIVILEGES
ET
STATVTS
DE LA
COMPAGNIE
DE PIQVE-NIQVE.

 


Qve tous les freres Picque-niques,
Tant les nouueaux que les antiques,
Iouyront tous également,
De la qualité de gourmand,
Durant douze mois de l’année,
De siecle en siecle ordonnée,
Pour le bien & repos public,
Qu’apportera nostre trafic,
Sans vouloir excepter personne,
D’vne societé si bonne,
bannissant le nom de Monsieur,
Pour ceux qui se picquent d’honneur,
Les expers à faire grillades,
Sauces, ragouts, cabirotades,
Sçauront les fameux cabarets,

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Et feront les marchez des mets,
Pour regaler tous les confreres,
Qui seront enfants de leurs peres,
Et ne se visiteront pas,
Qu’armez de bouteilles & de plats,
En ceste agreable assemblée,
Chascun dira sa ratelée,
De coq à lasne & de bons mots,
Qui ne seront picquant ny sots,
A tous tres-expresse deffence,
Dans la bachique Conference,
De parler d’affaires d’Estat,
A moins que de passer pour fat,
Que nul ne charge sa memoire,
De libelle diffamatoire,
Qui portent à sedition,
Infame & trop lasche action,
Pour des gens de qui le courage,
Ne degenere point en rage,
Les grands nez riront des camus,
Chascun fera gaudeamus,
Sur tout l’on bannira la fronde,
Qui fait manquer la table ronde,
Faisant comme chascun le sçait,
Tousiours plus de bruit que d’effet,
Le glou glou de nostre bouteille,
Resiouyra bien mieux l’oreille,
Que tous ces vulgaires propos,
Dont on amuse les badots,
Les perturbateurs de la joye,
Que le grand Demon nous enuoye,
Pour faire pecher par excez,
Sans autre forme de procez,
Seront pendus en effigie,

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Et si l’on pouuoit sans magie,
Découurir ces lasches autheurs,
Auec leurs écrits imposteurs,
Il faudroit les reduire en cendre,
Si c’estoit trop peu de les pendre,
Sur tout que pas vn d’entre nous,
Ne rompe vn entretien si doux,
En nous racontant ces sornettes,
Propres pour les marionnettes,
A peine d’estre mis dehors,
De ce grand & celebre corps,
Qui ne vit que dans l’innocence,
Chascun en payant sa dépense,

 

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