Anonyme [1649], LES COMME ET AINSI DE LA COVR , françaisRéférence RIM : M0_717. Cote locale : C_2_38.
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LES
COMME
ET AINSI
DE LA
COVR

M. DC. XLIX.

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LES
COMME
ET AINSI
DE LA
COVR.

 


Comme la corne d’Amalthée
Parmy les Astres fait sejour,
Ainsi ma belle Pasithée
Il fait bien fascheux à la Cour.

 

 


Ainsi que maint croissant se cache
Dessous le caré d’vn bonnet,
De mesme vn Courtisan se fasche
De n’estre point du cabinet.

 

 


Comme le grand Dieu de la Guerre
Son nom aux Astres veut grauer,
Ainsi l’Abbé de la Riuiere
A besoin d’vn pourpoint d’Hyuer,

 

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Comme sur le fleuue d’Euphrate
Annibal fut d’Amour espoint,
Ainsi bien souuent on se gratte
Au lieu qui ne demange point.

 

 


Comme il se fit vn grand carnage
Autrefois au Mont de Sion,
Ainsi on connoist au visage
Ceux qui demandent pension.

 

 


Comme de la Lune éclypsée
On voit sortir de grands effects,
Ainsi de la Tréve engrossée
Nous pouuons esperer la Paix.

 

 


Comme on ne vit iamais de bottes
Voler pour les chauues-souris,
Ainsi les galans pleins de crottes
Viennent tous les iours de Paris.

 

 


Comme on voit le front de l’Aurore
Porter les nouuelles du iour,
De mesme le Comte de Maure
Est le plus heureux de la Cour.

 

 


Comme dessus le Mont d’Epire
Iupiter y donne la Loy,
Ainsi maint Courtisan souspire
Qui n’oseroit dire pourquoy.

 

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Comme le braue Dom-Quichote
Par sa valeur fut renommé,
Ainsi on porte la calote
Pour s’empescher d’estre enrumé.

 

 


Ainsi comme le son des cloches
Fait aux Moines venir la toux,
De Mesme qui n’a des galoches
Porte des mules de veloux.

 

 


Comme le Dieu cause tonnerre
Esclatte en tourbillons espaix,
Ainsi tel desire la Guerre
Qui n’est vaillant qu’en temps de Paix.

 

 


Comme de rien & du non estre
Cét Vniuers fut composé,
Ainsi pour bien seruir son Maistre
On est enfin recompensé.

 

 


Comme la matiere des ames
N’est pas de cire des flambeaux,
Ainsi la fortune & les femmes
N’ayment pas tousiours les plus beaux.

 

 


Comme les gourmandes harpies
Auoient leurs retraites aux Enfers,
Ainsi la toux & les roupies
Nous chasseront de ces deserts.

 

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Comme l’Astre qui nous domine
Du destin accomplit le vœu,
Ainsi tel a fait bonne mine
Qui en effet a mauuais jeu.

 

 


Ainsi que le Soleil s’auance
Dans l’Orient audacieux,
De mesme l’homme sans finance
Ne peut auoir l’esprit ioyeux.

 

 


Comme le grand cheual de plastre
Fut à Marc-Aurele jadis,
Ainsi belle que i’idolatre
La Cour n’est point mon Paradis.

 

 


Comme le blond Phœbus se care
Aux Antipodes deualant,
Ainsi la Guenon en Simare
Surprend les mouches en volant.

 

 


Comme tant de Villes destruites,
Se vont en leur perte esleuant,
Ainsi sur vn canal de truittes
Le Courtisan se paist de vent.

 

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DIALOGVE DE IACQVEMARD
ET DE LA SAMARITAINE
du Pont-Neuf.

Iacquemard.

 


Rare honneur du Punt-Neuf, belle Samatitaine
Vostre amy Iacquemard vous donne le bon iour ;
Il vous escrit ces vers pour vous rendre certaine
Combien depuis deux iours il a pour vous d’amour.

 

La Samaritaine.

 


Roy de ce vieux donjon ou les Demons se cachent,
Veillant comme vn dragon, Iacquemard mon soucy,
Ie veux que tous les Dieux, & tout le monde sçache,
Si vous m’aymez bien fort, que ie vous ayme aussi.

 

Iacquemard.

 


Les vents plus frizottez qui sortent de la Seine
M’ont conté la grandeur de vos perfections
De puis si i’ay vescu, ie n’ay vescu qu’en peine
Vous dediant ma vie & mes affections.

 

La Samaritaine.

 


Depuis deux ou trois iours l’vne de ces corneilles
Que l’on voit si souuent sur vos bras s’abaisser,
De vos rares vertus m’a conté la merueille,
Et depuis ce temps-là ie n’ay peu reposer.

 

Iacquemard.

 


Ie vous garde vn beau nid de crecerelles grises
Qui s’ébattent ensemble & voleront demain
La Nature desia les a si bien apprises
Qu’elles viennent souuent becqueter en la main.

 

La Samaritaine.

 


Ie vous garde vn present de mitaines fort bonnes
A réchauffer vos mains qui tiennent le bétail,
Et lors que les chaleurs halleront les personnes
Vous aurez de mon coffre vn pareil esuentail.

 

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Iacquennard.

 


Ie veux que les grands vents vous donnent pour aubades
Les abois des mastins, & les cris des hibous,
Et que mille Demons fassent des serenades.
Desguisez en corbeaux tout à l’entour de vous.

 

La Samaritaine.

 


Mon cœur vous n’entendez qu’vne triste Musique,
Les cris du Chat-huant, les heurlemens du lou,
Et moy i’entends siffler les courtaux de boutiques
Et dix mille Lacquais qui chantent le filou.

 

Iacquemard.

 


Ie ne fais rien icy que sonner vne cloche
Au lieu de commander à quelque bataillon,
Mais s’il plaist aux destins qu’vn iour ie vous approche
Ie m’attends de sonner vn autre carillon.

 

La Samaritaine.

 


Inuincible valeur dont ie suis idolatre
Que ne puis ie le vol d’vn Vautour emprunter,
Ou que n’ay ie vn vaisseau comme auoit Cleopatre
Pour chercher mon Antoine & mes yeux contenter.

 

Iacquemard.

 


Bien que le Ciel cruel contre nous deux s’irrite
Ie ne veux pas pourtant ceder à ta valeur,
Mais imitant les Roys dont l’orgueil ie dépite
Ie vous veux espouser comme eux par Procureur.

 

La Samaritaine.

 


O digne Iacquemard, la gloire vniuerselle,
L’attente de mon ame & l’honneur des maris,
Aymez-moy de bon cœur, si ie ne suis pucelle
N’esperez pas iamais en trouuer à Paris.

 

FIN.

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