Anonyme [1649], LES CRIS DES PAVVRES AVX PIEDS DE LEVRS MAIESTEZ DEMANDANS LA PAIX. , françaisRéférence RIM : M0_846. Cote locale : C_1_50.
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LES CRIS
DES PAVVRES
AVX PIEDS
DE LEVRS MAIESTEZ
DEMANDANS LA PAIX.

IL n’y a pas vn d’entre nous,
tant Pauures que Riches, qui
n’attende de iours à autres des
mains toutes puissantes de vos
Majestez cette heureuse Paix,
qui est le souhait commun de
tous les hommes. C’est à ce sujet que nous
nous trouuons obligez de les supplier de nous
accorder quelque relasche, qui ayans soufferts
au de là de nos forces, & au de là de tout ce que
le mal-heur du siecle a peu inuenter, nous nous
voyons maintenant reduits ou menacez à vne
derniere misere, si vos Majestez ne nous tendent
ces mesmes mains toutes-puissantes & secourables.

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Nostre mal est si violent, que pour peu que
l’on en differe le remede nous ne serons plus en
estat de le receuoir, & si les corps les plus robustes
succombent aux saignées frequentes, se
peut-il faire que tant de rudes secousses redoublées
sans fin ne nous ayent pas reduits iusques
aux abois.

Certainement, Sire, apres auoir gemy depuis
si long-temps soubs le faix insuportable de
la Guerre, apres n’auoir subsisté que par la seule
esperance d’vn meilleur traittement, s’il faut
que nous perdions maintenant cette esperance,
qui estoit le seul bien qui nous restoit, il ne se
peut que nous ne nous trouuions reduits à cette
extremité, d’estre priuez des alimens que les
maistres les plus seueres accordent à leurs esclaues,
& que la Nature mesme fournit aux moindres
oyseaux.

Permettez nous de vous dire la verité, &
nous vous dirons, que de nous refuser la Paix
que nous ne cesserons de vous demander à mains
joinctes, c’est tarir les deux sources de nostre
vie & de nostre subsistance, c’est prononcer
contre nous & contre nos pauures familles vn
Arrest de mort, & sacrifier à l’appetit d’vn barbare
Estranger vn million d’innocens.

Que diront desormais nos pauures enfans,
quand ils demanderont du pain ? Faudra-il que

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nous n’ayons autre chose à leur respondre, si ce
n’est que tout nostre bien nous a esté arraché
d’entre les mains par violence, & que l’amour &
la douceur de vos Majestez nous pouuoient conseruer
pour subuenir aux necessitez d’vne guerre
plus iuste & plus legitime.

 

Nous nous sommes tousiours efforcez iusques
icy de donner ce que nous auions, & ce que
nous n’auions pas, & s’il faut que nous perissions
en fin dans la mandicité, & que sous le gouuernement
de la plus genereuse, & la plus charitable
Reyne du monde, nous tombions dans cette deplorable
necessité, ou de mourir de faim, ou de
traisner nostre vie mourante par des voyes criminelles.
Quel traictement & quelle rigoureuse
conduite ? Nous qui ne souhaitons que la prosperité
de vos armes à l’encontre des ennemis de
vostre Estat : Nous nous asseurons que pour l’ardente
charité qui reluit si visiblement dans toutes
les actions de Vos Majestez, elles ne permettront
pas que ce mal heur arriue, elles seront
touchées des maux de nos familles desolées.

Permettez-nous de vous dire, grand Roy, ce
que la Fable raconte, que la Lune demandant
vn iour qu’on luy fit vne robbe, sa mere luy dit,
qu’elle ne sçauoit bonnement quelle mesure luy
faire prendre, pource que croissant & decroissant

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comme elle fait, elle estoit tantost grande,
& tantost petite : Ne pouuons nous pas dire de
mesme, que les maux que nous auons soufferts
du commencement de ces guerres, ne nous sembloient
pas grands, d’autant que nous esperions
qu’vn meilleur traictement à l’aduenir arresteroit
le cours de nos miseres, ils ont accreu de
iour en iour, parce que l’obstination de ceux qui
cherchent leur grandeur dans les ruines publiques,
ont tellement alteré les volontez de Vos
Majestez, qu’il semble que nous soyons hors
d’esperance de pouuoir ressentir les effets de leur
bonté & de leur douceur, & en effet nous aurions
grand sujet de l’aprehender.

 

Mais Vos Majestez, qui se plaisent à enrichir
les pauures de leurs thresors auec tant de liberalitez,
ne voudront pas que sous leur authorité
on acheue d’apauurir ceux qui pour auoir assisté
le public de leurs commoditez soient sur le penchant
de leur ruine totalle. Sans doute Vos Majestez
conserueront à nos miserables familles infortunées
le peu de bien qui nous reste, & nous
donneront la paix, que nous souhaitons plustost
aujourd’huy que demain, le Ciel accompagnera
cette action d’équité de ses benedictions, tous
les gens de bien l’accompagneront de leurs louanges,
les pauures familles y joindront leurs plus

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ardentes prieres pour la prosperité de Vos Majestez,
& nous y joindrons en tout temps nos
vœux auec tout le zele, & dans la continuation
eternelle du tres-humble respect, & en l’obeïssance
parfaite que nous deuons, & que nous
auons iurée à Vos Majestez, comme tres humbles,
tres-obeïssans, & tres-affectionnez subjets
& seruiteurs.

 

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