Anonyme [1649], LES DIVINS ARTICLES DE LA PAIX GENERALE. , français, latinRéférence RIM : M0_1165. Cote locale : A_3_20.
Section précédent(e)

LES
DIVINS
ARTICLES
DE LA
PAIX
GENERALE.

A PARIS,
Chez la vefue IEAN REMY, ruë sainct Iacques,
à l’image S. Remy, prés le College du Plessis.

M. DC. XLIX.

-- 2 --

-- 3 --

TRAITTÉ
DE PAIX.
ARTICLE I.

Audiens sapiens sapientior erit.

ESCOVTEZ Cieux, escoute terre les parolles de
ma bouche : & vous hommes qui l’habitez, receuez
ma doctrine pour vostre soulagement. C’est
vne pluye que le Ciel vous enuoye pour esteindre
le feu de la guerre qui vous va deuorant : c’est vne fraiche
rosée qu’il me fait respandre sur vous pour vostre rafraichissement ;
& vne eau salutaire qu’il fait decouler sur les plantes
de l’Eglise, en attendant que Dieu mesme se desborde
comme vn fleuue de paix sur toute la Chrestienté quand il
I’y verra bien disposée : Mais quand le sera-elle mon Dieu ?
quand le serez-vous Chrestiens ? vous qui reclamez la Paix
auec tant d’impatience, quand vous en serez-vous rendus
dignes ? Si vous la voulez donc tout de bon, que n’y pensez-vous
comme il faut ? que ne taschez-vous de la meriter ? que
n’y trauaillez-vous à bon escient ? qui vous retient ? qui vous
empesche ? Debout, mes freres, debout ie vous prie tous
à l’oraison ; tous en prieres, tous és jeusnes & à la penitence :
& comme si personne n’y auoit encores rien fait, recõmençons
tout de nouueau : allons-y de cette fois tous ensemble,
faisons vn second effort, assiegeons le Ciel par nos
vœux, forçons le de nous renuoyer la Paix qui s’y est retirèe.

Rendez Cieux, rendez à la terre ce qui luy appartient ;
rendez luy ce que Dieu luy a autrefois enuoyé : rendez luy

-- 4 --

ce qu’autrefois les Anges luy ont apporté : rendez-luy ce
que son Createur luy a concedé : rendez-luy ce que son Redempteur
luy a autrefois confirmé : rendez-luy la Paix qui
luy appartient par tant de iustes tiltres. Où estes vous mon
Dieu, où estes-vous que vous ne regardez point ce tort que
l’on nous fait ? Où si vous le voyez comment le souffrez-vous ?
Pourquoy permettez-vous qu’on nous retienne les gages de
vostre amour ? Nous auez-vous oubliez ? Nous auez-vous delaissez ?
Ne vous souciez-vous plus de nous ? Misericorde Seigneur,
Misericorde mon Dieu, la Paix s’il vous, vostre Paix
encore vne seconde fois.

 

Mais ie n’y veux point encore entendre, parce que nos pechez
nous en ont rendus trop indignes ; Et quoy que plusieurs
faisans penitence des leur, l’ayent presque gagné, il n’a pourtant
point encore voulu laisser aller ce precieux don de la
Paix que nous luy demandons, parce que beaucoup d’autres
au lieu de s’y disposer, semblent encore s’y opposer. O ames
sans misericorde ! ô cœurs impitoyables ! qui me donnera des
larmes de sang pour ramollir la durté de ces diamants ? Qui
me donnera des forces pour les dompter ? A moy Seigneur,
à moy mon doux Iesus, du secours s’il vous plaist, pour en venir
à bout. Icy Seigneur, icy le zele d’Helye, icy l’eloquence
de vostre Apostre. Icy la voix de vostre Precurseur pour les
preparer à receuoir vostre Paix.

Sortez hors saints, sortez de vos retraites, & venez secourir
vostre bonne mere l’Eglise en son extremité, venez crier contre
la guerre qui la ruine, venez prescher la Paix, quittez vostre
repos pour procurer le sien, sortez & ne craignez point de
rompre le silence pour parler en cette necessité. Vous Seigneur
qui sçauez où ils sont, faites les sortir pour l’amour de
vostre Espouse & de ses pauures enfans.

Animez-les de vostre Esprit, remplissez leur bouche de vos
discours, fortifiez leur cœur de vostre grace, armez les de vostre
esperance, reuestez les des armes de vostre foy ; Mettez
leur le casque de salut en teste, le glaiue de vostre parolle en
vne main, & la lance de la Passion en l’autre, & les enuoyez en
cét estat attaquer le cœur des Rebelles à la Paix.

-- 5 --

ARTICLE II.

Despexistis omne consilium meum ; & increpationes meas neglexistis.

Mespriserez-vous tousiours les salutaires Conseils que
Dieu vous donne. Continurez-vous tousiours vos guerres ?
Tant de sang respandu n’a-t’il encore pû estancher vostre
soif ? N’est ce point assez tué ? N’est-ce point encore assez
massacré ? Que voulez-vous ? que cherchez vous ? Que pretendez-vous
exterminer la vertu ? Estouffer la Religion ? Ruiner
l’Eglise ? Helas elle ne l’est desia que trop, & n’y à celuy
qui ne voye assez l’extremité de son danger ! Mais il n’y a quasi
personne qui s’en mette en peine, & pour vn qui luy souhaite
la paix, il y en a mille qui ne respirent que la guerre.

O Nations deprauées & incredules, qui vous pourra deliurer
des chastimens qu’vn Dieu viuant vangeur des crimes
prepare à vos massacres ? Vous Chrestiens, vous enfans d’vne
mesme mere, vous entre massacrer de la sorte ? Où est vostre
esprit, où est vostre foy où les sentimens de freres ? où le respect
deu à vostre Mere ? Ah pauure Mere ! Ah Mere desolée
qui as porté de tels enfans ! Que iamais tu ne nous eusse conceu,
que iamais tu ne nous eusse regenerez, que iamais tu ne
nous eusse esleuez, Nous disie qui te causons tant de dueil &
de tristesse.

Venez Turcs, venez Mores, venez Barbares tirer vengeance
de nos crimes. Venez enuahir nos terres ; Nous vous auons
longtemps resisté, mais le comble de nos pechez s’approche,
& il faut qu’enfin nous cedions à vostre force pour en ressentir
la rigueur. Mais l’Eglise de Dieu acheuera donc de perir ?
L’Espouse de Iesus perira donc ? Ses Temples seront donc demollis,
& ses Autels abbatus. Adieu donc son Culte, Adieu
donc son honneur, Adieu donc la Religion, Adieu donc la
Chrestienté, Adieu donc le prix de son sang. Ah malheurs !
Ah miseres ! hé qui me donnera de pouuoir mourir auant que
de les voir arriuer. Ma chere Mere l’Eglise, l’Eglise ma chere
Mere qui me donnera de pouuoir mourir pour te pouuoir
conseruer la vie.

Cessez mes freres, cessez Chrestiens de l’affliger, cessez de
la persecuter pour persecuter ses ennemis, pardonnez à vostre
pauure Mere. Ie vous en prie par la vie nouuelle qu’elle vous

-- 6 --

a donné, ie vous en coniure par l’amour qu’elle vous a tousiours
porté, la vie mes freres, la vie pour l’amour de Dieu à vostre tres chere Mere l’Eglise Catholique.

 

ARTICLE III.

Scrutemur vias nostras, & quæramus, & reuertamus ad Dominum.

Pleure terre des Chrestiens, & vous tous qui l’aymez arrousez
là de vos larmes, repassant pardeuant vos yeux les
malheurs qui la menacent. Ils sont tousiours deuant les miens,
& tellement imprimez dedans mon esprit qu’ils ne se sçauroient
escarter de ma memoire. Elle me les represente sans
cesse, & elle prend sujet de tout pour m’en renouueler les sentimens.
Mais de toutes choses il n’y en a aucune qui me touche
plus & qui me fasse dauantage apprehender que la ruine
totale de la terre Saincte.

La belle & glorieuse nation que c’estoit au temps de sa prosperité ;
mais plus elle parut heureuse en seruant Dieu, plus elle
est deuenuë malheureuse par le mespris qu’elle a souuent
fait de son culte. De maistresse qu’elle estoit de toutes les autres
Nations, elle est deuenuë l’esclaue des plus Barbares, de
Reyne qu’elle en estoit, elle est deuenuë leur tributaire : De
bien-aimée de Dieu l’objet de son courroux : De la gloire des
Royaumes, l’opprobre des nations : Et des delices du monde,
le rebut de l’Vniuers. Ses Prouinces ont esté rauagées, ses
villes saccagées, ses maisons brulées, ses forteresses abbatuës,
ses richesses pillées, & ses habitans reduits à l’extremité. Celle
qui estoit Mere des Prophetes, est deuenuë nourrice des
Barbares ; Et au lieu de ses legitimes enfans, elle ne voit plus
à sa table que leurs meurtriers. Ils ont deshonoré ses filles, ils
ont violé ses Vierges, tué la fleur de fa ieunesse, dessait ses
Soldats & Capitaines, outragé ses Prestres, massacré la pluspart
des grands & des petits, & emmené le reste en captiuité.

Qui n’eust pleuré de voir ce pauure peuple qui auoit esté
tant chery de Dieu ainsi conduit en seruitude. Qui ne I’eust
plaint le voyant gemir sous la pesanteur des chaisnes & des
fers ! ô peché ! ô rebellion ! Que tu desplais à Dieu, puis que
tu luy as ainsi fait abandonner son peuple. Ses ennemis ne faisoient
cependant que se rire de luy. Ils se mocquoient à l’enuy
de ses desastres, ils luy insultoient en son malheur, & faisoient

-- 7 --

seruir ses chaisnes, & ses fers à leur triomphes Et encore auiourd’huy
l’opprobre de ses descendans à leur superbe gloire.
Ils sont tous vagabons, çà & là, fugitifs comme de Cains de
deuant la face du Seigneur, bannis de leurs terres, sans patrimoine,
sans demeure assurée, sans heritages, odieux au Ciel,
execrables à la terre, hays de tous, persecutez en tous lieux,
chassez des vns & des autres, abandonnez de Dieu mesme, &
aussi miserables en toutes choses, que leurs ancestres furent
heureux deuant qu’ils eussent attiré l’ire de Dieu sur eux.

 

Leur terre cependant, cette terre de promission qui leur distilloit
le lait & le miel, & d’où ils ont esté chassez pour leur
crime, ne cesse de deplorer leur perte. Ses campagnes en pleurent,
ses Chasteaux, ses villes, & toutes ses maisons. Tout y
est en desolation, tout confit en tristesse, tout couuert de
dueil, & tout enseuely-dans vn morne filence. Les tenebres en
ont chassé la lumiere, la pauureté la richesse, la misere le bonheur,
& le peché toutes sortes de benedictions. La splendeur
des saints y est eclipsée, la gloire des Patriarches abbatuë,
l’esprit des Prophetes esteint, & toute la Religion estouffée.
Il n’y a plus aucun vestige des anciennes festes, plus de solemnité,
plus de Neomenie, plus de Sabbat, de Prestres, ny de
Sacrifices. Le lieu qui y estoit anciennement dedié a esté
ruiné, le Temple abbatu, & l’Autel profané. Et quoy qu’il y
ait desia longtemps que se fit ce rauage, l’horreur en est demeurée
tellement imprimée és choses les plus dures qu’elle
n’a encore pû s’effacer. Les plus insensibles s’en ressentent
encore, & font pitié à tous ceux qui les regardent. Les pierres
des edifices demollis en pleurent, les ossemens des SS. en gemissent
sous leurs tombeaux, les tombeaux mesme en sont
tous larmoyans, les chemins de Sion par où ils passerent autrefois
esplerez, & les lieux qui leur seruirent de demeures,
tellement tristes & desolées qu’on n’y sçauroit ietter les yeux
en passant sans y verser des larmes. La seule idée que i’en ay
me desrobe les miennes, & me presse si fort le cœur que ie ne
puis me passer de plaindre leur desolation & les malheurs de
la pauure Hierusalem.

Hierusalem qui fut iadis les delices des Peres que de matiere
tu leur as depuis donne de douleurs & de tristesses. Que

-- 8 --

de Prophetes ont deploré ta ruine. Et que de saints ont arrousé
tes Cendres de leurs larmes : Vous mesme mon Seigneur,
vous mon Iesus qui la vistes en sa derniere splendeur, qu’elles
atteintes de douleur ne sentites vous point en preuoyant sa
destruction. Qui n’eust pleuré en vous voyant pleurer sur elle.
Quels souspirs, & qu’elles larmes n’eust elle point elle mesme
meslé auec les vostres si elle en eust sceu le sujet : Mais quoy
que vous fussiez pour le luy faire voir elle y ferma tousiours
les yeux. Et est à la parfin perie dans son aueuglement. Vous
pleuriez pour l’aduertir, & elle n’y prenoit pas garde, vous
l’aduertissiez pour la sauuer, & la voila maintenant perduë
manque de vous auoir escouté.

 

O surdité ! ô aueuglement ! Escoute le toy mon ame, escoutez
le Chrestiens, prestez l’oreille aux semonces interieures
qu’il vous fait de reconciliation, entendez à ses propositions
de paix, n’y faites pas es sourds comme les pauures Iuifs,
soyez sages à leurs despens, & ne faites pas les obstinez, comme
eux, crainte qu’apres vous auoir bien aduertis. Il ne iure
enfin en sa fureur vostre perte comme il iura autrefois la leur.

ARTICLE IV.

Omnis populus eius gemens & quærens panem.

Pauure nation, de n’auoir pas presté l’oreille aux salutaires
semonces de ton Sauueur ! Tu serois encore en
ses bonnes graces, & tu n’y as plus de part. Tu serois encore
dans l’honneur, & te voylà dans le mespris pour n’auoir pas
suiuy ses salutaires conseils. Il t’a donnée en proye à tes
ennemis, & a enfin permis pour punition de ta rebellion au
Traicté de Paix qu’il t’estoit venu proposer, que la guerre
t’aye ruinée & jettée en vn abysme de mal-heurs, d’où tu ne
sçaurois plus te retirer. Tu y croupis, tu y gemis, tu y pourris,
tu t’y plains, tu t’y desespere, tu demande secours, &
personne ne te le donne plus. C’est fait de toy ; c’est fait de
ton ancien bon-heur, jamais plus tu n’y auras de part, l’esperance
en est perduë pour toy & tes enfans. Ton endurcissement
leur a enfin fermé la porte de la misericorde de Dieu :
Il les a abandonnez, il les a reprouuez, & ne veut plus entendre
parler d’eux. Ny les vœux, ny les prieres, ny les sacrifices,
ne peuuent plus rien pour leur reconciliation auec

-- 9 --

luy. Il en a refusé ses plus fidels seruiteurs, econduit ses plus
grands fauoris, & rebutté les offres qu’ils luy ont fait de satisfaire
pour eux en s’immolant à sa Iustice. Quoy qu’ils luy
ayent jusques icy presenté en leur faueur, il l’a tousiours refusé,
en punition du rebut qu’ils ont fait auec obstination de
sa Paix & Misericorde lors qu’il la leur presentoit. Parce qu’ils
l’ont mesprisé lors qu’il les faisoit prier par ses Prophetes, il
les mesprise maintenant à son tour, & ne veut plus entendre
aux prieres qu’on luy fait pour eux. Plus de moyen de l’appaiser,
plus moyen de le gagner. Il a resolu leur perte en sa
colere, & en a fait vn serment dont on ne sçauroit plus le faire
se desdire. Iamais il ne s’en dédira. C’est fait que d’eux &
de tous leurs descendans jusques à la consommation des siecles.
Il n’y a plus moyen de luy faire rien rabbatre des peines
qu’il a ordonnées à leur rebellion : ils en ont jusques à la fin
du monde visible. Il finira mesme que la pluspart d’entr’eux
r’entreront en de nouuelles souffrances qui en commenceront
pour ne finir jamais. Du lieu de leur bannissement où
ils déplorent leur mal heur, ils seront enleuez & precipitez
dans vn instant en vn autre, où ils n’auront jamais plus de
treves, jamais plus de repos, jamais plus de paix ny de misericorde,
parce qu’ils en ont refusé la douceur lors que Dieu,
leur en faisoit la proposition. Tant que Dieu sera Dieu ils y
payeront la peine deuë à leur obstinée rebellion. Rien moins
pour eux qu’vne eternité de souffrances en punition de leur
endurcissement, & obstinée rebellion.

 

ARTICLE V.

Qui confidit in corde suo stultus est.

Hlerusalem, Hierusalem nouuelle qui en veut si fort à
ceux que Dieu t’enuoye auec des nouuelles de Paix &
des lettres de reconciliation, combien de fois a il voulu ramasser
& rallier par amour tes enfans rebelles comme vne
poulle ramasse ses petits poussins sous ses ailes, & ils n’ont pas
voulu ? Combien de fois ont-ils rebutté ceux par lesquels il
leur a fait parler d’accord ? Combien de fois se sont-ils opposez
au traicté de Paix dont il leur a fait faire la proposition ?
Combien d’inspirations ? Combien de moyens, & combien
d’occasions en ont-ils negligé, vous les desirez Chrestiens,

-- 10 --

vous les desirez, les iours viendront, & ie vous dis qu’ils
viennent, ausquels vous desirez la Paix que vous mesprisez
à cette heure. Vous la rebuttez maintenant, mais le temps
viendra que vous la reclamerez & que ne la pourrez plus obtenir.
Vous voulez de la guerre vous en voulez, mais assurez-vous
que vous en aurez tout vostre saoul. O la rigueur & la
fureur extréme que ce fleau de Dieu exercera sur vous ! i’en
tremble des ja pour vous, & ne puis enuisager qu’auec horreur
les horribles chastimens que vos diuorces, & massacres
attirent sur vos testes.

 

Regarde Chrestienté, regarde les autres Nations & apprens
de leurs malheurs, ceux dont ton Dieu te menace.
Regarde l’Angleterre, regarde l’Egypte, regarde la Palestine,
regarde l’Affrique, où en sont elles reduittes les pauures
nations ? où en est reduit tout l’Orient ? où tant de Prouinces
qui furent jadis si florissantes en saincteté ? qu’est ce maintenant
que la Grece ? qu’est ce plus que la Iudée ? qu’est-ce de
la pauure Hierusalem, & de tant d’autres Citez si renommées
en toute l’Antiquité ? qu’est deuenuë leur gloire, leur vertu,
leur magnificence, & leur splendeur ? où est maintenant tout
cela ? où leur ancienne religion ? où leur pieté ? où leur foy, où
le Dieu tout-puissant qui y estoit adoré ? où est-il qu’il n’y
fait plus de miracles ? las il s’en est retiré, & peut-estre pour
iamais. Pourquoy ? pource qu’estant vn Dieu de Paix & de
misericorde, il n’a pû demeurer plus long-temps parmy des
peuples lesquels estant tousiours en diuorces ne cessoient de
faire comme nous la guerre au Ciel, & à la terre. O pernicieuse,
ô fatale guerre.

ARTICLE VI.

De fecit gaudium cordis nostri, versus est in luctum chorus noster.

Ovure-toy ma bouche aux soûpirs, laisse aller tes douloureuses
plaintes : & vous mes yeux le torrent de vos
larmes sur les miseres de ces pauures Citez. Tout le bon
temps est passé, la pauure Hierusalem ne fait plus que gemir,
elle se lamente iour & nuict, & la douleur qui la presse
l’a noye continuellement en ses larmes. Personne cependant
ne se presente à elle pour la consoler, ceux dont elle se
promettoit le plus, l’ont abandonnée au besoin, depuis sa

-- 11 --

disgrace ils n’ont tenu aucun conte d’elle, au lieu de luy compatir,
ils n’ont fait que l’affliger & d’amis qu’ils parroissoient
luy estre pendant sa prosperité, ils se sont declares ses ennenemis.
Ils ont esté les premiers à la persecuter, & mal traitter
ses enfans.

 

Hierusalem, Hierusalem, qui les esleuoit si tendrement
quels pouuoient estre tes sentimens les voyans traicter de la
sorte, & quels seront à cette faim, dont la seule pensée me
fait horreur.

Mais quoy que nous n’y pensions pas, ô mon ame, Dieu ne
laisse pas d’y penser, & peut estre qu’à l’heure mesme que i’en
parle, il minutte l’arrest de nostre condemnation. Peut-estre
l’a il desia prononcé, peut-estre sigé, & peut estre mis entre
les mains d’vn Ange exterminateur, auec commandement de
le venir executer contre nous à la rigueur, à la rigueur mon
Dieu helas, he qui le pourra supporter ? Mais tolerable ou
non, si Dieu l’a arresté il le faudra souffrir : C’est fait de Nous
s’il l’a ainsi resolu, s’il a iuré nostre perte en sa fureur il n’y a
plus de salut pour nous, & il nous faudra malgré que nous en
ayons porter aussi bien que les Iuifs la peine deuë à nos crimes,
vous n’y pensiez pas pauures Iuifs, vous ne croyiez pas
que les vostres deussent iamais estre ainsi chastiez d’vn Dieu
qui s’estoit fait vostre Pere, vous ne pouuiez vous imaginer
auec tous ses aduertissemens, & menaces qu’il en deust iamais
venir là ; Mais les effets espouuentables de ses mencees font
enfin voir à vous & à nous à vos propres despens qu’il faut le
croire quand il parle, & le redouter quand il menace.

I’en tremble mon Seigneur, & crains que les iours de vostre
vengeance s’approchent aussi de nous ; Ils ont bien tardé
à venir pour les faits, vous les auez differé tant que vous auez
pû, vostre bonté ne les a laissé venir qu’à regret, mais les voila
pourtant enfin arriuez par leur faute & contre leur esperance,
les voila enfin pris les pauures peuples, les voilà enfin
humiliez, les voila abbatus, prosternez, & destruits comme
vous leur auiez predit. Les voila enfin tombez dans les abysmes
malheureux dont vostre Iustice auoit tant menacé leurs
reuoltes. Iustice espouuantable que ie te crains, que ie redoute
ta cholere.

-- 12 --

ARTICLE VII.

Conuertere ad Dominum Deum tuum.

LA voix du Crieur dans le desert, faites penitence Chrest
ens, parce que le Royaume s’approche de vous ; non pas
celuy des Cieux, mais celuy d’Enfer & des Demons. Il est
mesme desia venu, y ayant quasi autant de Demons incarnez
regnans sur terre, qu’il y a de soldats respandus par le monde.
Ils sont plus furieux que des lyons, plus cruels que des tigres,
plus impudens que des chiens, plus infames que des boucs,
plus acharnez que des loups, & plus determinez que des
Diables mesme.

Ils en veulent comme eux au Ciel & à la terre, à Dieu, &
aux hommes au sacré & au prophane, & aux maisons de Dieu
aussi-bien qu’en celles de ses pauures seruiteurs. Ils battent,
tuënt, violent, depoüillent, saccagent, bruslent, pillent Eglises,
Monasteres ; Chappelles, Autels, Presbyteres, villages &
bourgades : ne laissent par tout où ils passent que des marques
horribles de leur cruelle rage. Elle leur fait mespriser Dieu,
le maudire, le blasphemer, le prouoquer, tirer des coups de
pistolet contre le Ciel, & décocher sur ses peuples tous les
traits de leur fureur. C’est vne horreur de voir les degasts
qu’ils font parmy eux, & les maux qu’ils leur font souffrir. Ils
sont cruels à tous, mais sur tout aux pauures paysans, dont ils
n’ont non plus de pitié ny de compassion que de miserables
bestes, parce qu’ils les trouuent d’ordinaire desarmez, & sans
aucune defense : Il n’y a mal qu’ils ne leur fassent auec tant
d’inhumanité & de barbarie, que la venuë des barbares ne
leur est plus mes[1 lettre ill.]huy à apprehender : estant tres-veritable
que s’ils ne leur faisoient pas mieux, ils ne leur pourroient
pas faire pire. Quand ils seroient des serpens & des dragons
d’enfer, ils ne pourroient vomir contr’eux ny plus de fiel, ny
dauantage de venin que nos propres soldats. Ils n’ont pour
la pluspart de doux que le seul nom de Chrestien, ny d’humain
que celuy d’homme, estans au reste assez fiers & barbares
à leurs Concitoyens pour leur faire souhaitter la venuë
des nations barbares & estrangeres.

Section précédent(e)


Anonyme [1649], LES DIVINS ARTICLES DE LA PAIX GENERALE. , français, latinRéférence RIM : M0_1165. Cote locale : A_3_20.