Anonyme [1649], LES DOVCEVRS DE LA PAIX, ET LES HORREVRS DE LA GVERRE. , françaisRéférence RIM : M0_1173. Cote locale : B_20_8.
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C’est la nature qui s’abat quoy que l’ame s’éleue, & qui
montre sa crainte malgré la hardiesse de l’esprit qui la sollicite.
C’est la partie inferieure qui s’intimide à mesure que
la superieure s’anime. C’est la chair & le sang, le corps cette
partie sensible & corruptible, à qui les douleurs sont si ameres,
& la mort est si effroyable qu’elle ne fuit que ce qui l’en
approche, & ne desire que ce qui l’en peut éloigner.

Ce n’est pas que l’ame generalement & des animaux, & des
hommes ne craigne la mort, aussi bien que le corps. Estant
la forme dont il est la matiere, leur vnion & l’amour estroite
qui se rencontre entre l’vn & l’autre, leur donne vne extreme
auersion pour tout ce qui les peut desunir. Celle des
brutes apprehende la perte de la vie, parce quelle perit par
le mesme effort qui fait perir le corps, auquel elle vit en l’informant,
& sans lequel comme elle est toute materielle, elle

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ne sçauroit subsister. Celle des hommes outre ces considerations
generales, & ces frayeurs si violantes & si naturelles ;
regarde la mort auec des horreurs, qui ne sont pas
moins estranges pour luy estre particulieres. Quand elle apperçoit
cet obiet effroyable, elle se souuient incontinent
des crimes qu’elle a commis, & de cet arrest irreuocable
de la Iustice diuine, qui condamne l’homme
pecheur à mourir. C’est ce qui fait que les hommes les plus
perdus dans leurs vices quant ils vont au combat, sentent
se ioindre aux frissons du corps, les troubles & confusions
de l’ame, & redoubler tout à la fois la cheute qui precipitant
de la vie au tombeau, iette encore du tombeau dans
l’abysme. Ceux mesmes qui n’ont pas des frayeurs si profondes,
& qui esperans en la misericorde diuine, souhaittent de
passer cette perilleuse carriere ; ne laissent pas de sentir quelques
terreurs se méler parmy leurs desirs. L’image du trépas
les trouble, & quoy que toute la rigueur en soit ostée, pource
que sa laideur demeure, & qu’il porte tousiours imprimées
les marques de l’ire de Dieu ; il effraye & met d’abord
en allarme les plus saints & les plus genereux esprits. Iesus-Christ
mesme semble en auoir apprehendé les approches, &
par vn si fameux exemple auoir voulu en iustifier les sentimens,
puis que luy mesme les auoit soufferts.
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