Anonyme [1649], LES EMBLEMES POLITIQVES PRESENTE A SON EMINENCE. , françaisRéférence RIM : M0_1212. Cote locale : A_3_37.
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LES EMBLEMES
POLITIQVES
PRESENTE
A
SON EMINENCE.

A PARIS,

M. DC. XL IX.

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LES EMBLEMES
POLITIQVES
PRESENTE
A
SON EMINENCE.

EN fin MONSEIGNEVR, ie me suis fait
iour à trauers vne foule importune de flateurs
qui vous obsedent comme autant
de Demons, & ie puis franchement descharger
mõ cœur d’vn secret qui luy pese
& dont la cognoissance vous sera tres vrile, prenés garde
que ces complaisans n’ont que des yeux pour lesclat
de vostre fortune, qu’il en est deux comme de ces Oisseaux
de passage qui suiuent la chaleur qui leur est necessaire
sans auoir de l’amour pour aucun climat, prenez
garde, dis-je, qu’ils imitent ceux qui coupent en
l’hyuer les branches de l’arbre qui leur ont seruy d’ombrage
contre l’excessiue chaleur des Estés, ce n’est pas
que ie pretende faire valoir mes seruices, au desauantage

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de mes Compagnons, mais au moins ie puis dire
que ie n’ay point la lâcheté de ceux qui vous corrompent
l’esprit, & qui vous deguisent des choses que vous
ne deués point ignorer si vous ne voulés vous perdre,
ne doutés pas que ie ne puisse vous rendre quelque seruice,
souuenés vous que le Lyon de la fable tombe
dans les filets des Chasseurs, eut besoing des d’ents du
Rat qui rongant les nœuds du cordage luy rendit la liberté
qu’il auoit perduë, il est vray pour ne rien vous
deguiser que vous estes en tres mauuaise posture, quelques
apuis qu’vn Ministre d’Estat puisse auoir quand
il est hay par les peuples qui croient estre outragés, il
est bien difficile de ce tenir debout au bord d’vn tel
precipice, vous çauez ce que dit l’embleme, furor est
patientia læsa, il en est deux comme de ceux qui se
noient, & leur rage faict des armes de tout ce qui se
presente Ie ne vois point de Citadelles, ny de Places
Fortes ou vn Ministre d’Estat puisse estre en seureré
quand il n’est pas logé dans le cœur des peuples, &
pour moy ie pense que c’est la qu’on se doit loger,
Premierement pour n’auoir rien à craindre prenés garde
[1 mot ill.] ceux qui semblent s’aracher à vos volontés
dont vous faict vostre boucher, & vostre espée, ny
sont arraché que par les richesses que vous leur promettés
& [4 mots ill.] tout ce qu’[1 mot ill. ]en
[1 mot ill.] [2 lettres ill.]cesseront de vous proteger, & puis ne sçauez

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vous pas qu’il faut tousiours retourner à son neant,
& que les exhalaisons que le Soleil atire en haut, retombent
à la fin au lieux qui les luy ont euoiés. Vne
fortune trop haute est tousiours à craindre, & pour
moy si elle m’auoit eleué plus que ie ne pretend, i’aurois
peur que comme la Tortüe porté en haut par vne
Aigle, elle ce me laissast choir pour me brisser. Ie suis
d’humeur aujourd’huy a prouuer les veritées que i’auance
par des emblemes & celuy que i’offre icy a vos
yeux fait voir des Campignons, qui semble vous dire
que les choses qui viennent tost, sont de peut de durée.
Vous n’auez peut estre iamais fait des reflexions que
sur ce qui a de l’esclat : vous imitez ces malades qui
mangent des viandes qui leur sont contraires & qui
aiment mieux s’atisfaire leur goust qu’à leur santé, &
certes i’ay bien raison, si ie ne me trompe d’vser de
cette comparaison, car ie mimagine que vostre bonne
fortune est a l’agonie & quelle à besoing de l’extreme
Onction. Toute fois le bruit court, ce que i’ay
beaucoup de peine a croire, que vous auez encore de
grands desseins, & que vous pretendez à des qualitez
eminentes, si tels est il faut bien dire que ce sont des
effects de vostre maladie & que vous resuez, vous disray
je tout ce que i’en pense si vous en estes reduit à ce
point on doit si i’en suis cru, loger vne telle frenesie ou
dans vn lict aux Incurables, ou dans vne loge aux petites

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Maisons. Ie ne croy pas que toutes les Facultez de
Medecine sachant inuenter vn remede pour vous guerir
ie n’en excepte pas mesme tous les Charlatans ny
tous les Chimistes de l’Italie. Salomon qui cognoissoit
les vertus de tous les simples qui nous sont cachez n’auoir
sceu guerir vne telle maladie. Ie voy bien que
l’on a raison de dire que l’esprit d’vn ambitieux est
tousinurs etoufé de fumées, & que ses desirs sont des
maladies enuelopées, & les ecueils des Empitiques, ie
crois que du Laurens auroit esté bien en peine s’il se fut
presenté vn tel Hypocondriaque, & que toute sa science
eust esté confonduë en cette rencontre. Souuenez
vous qu’en bouchant les Passages des viures necessaires
à Paris, vous suiuez vn conseil tres pernicieux, & qu’il
est tres d’angereux de tomber entre les griffes des
bestes affamées, & ie me figure pas qu’il vous faille
vn interprete pour cette Enigme, ceux qui n’ont pas
d’autres pensée que pour jouïr des delices d’icy bas
mettent tous leurs soins à la conseruation de leur vie,
quoy qu’il en ait vne autre plus importante que celle
cy. Ie ne veux point croire que vostre esprit se porte
à la vengeance, l’Eglise ou vous tenez vn rang considerable
vous doit inspirer des pensées bien contraires,
& qui me sõt deffenduës par les sages d’entre les payens.
Ie ne veux pas que vous écoutiez en cette rencontre la
voix des Apostres, c’est assez que vous consultiez les

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Maistres du Lycée, ou de l’Academie, que si c’est l’enuie
ou l’imposture qui vous persecutent, si elles s’efforcent
de vous mettre au rang de leurs martyrs la verité
disipera tous les nuages & vostre conscience vous touche
de plus pres que le bruit commun. Ie viens d’aprendre
que celuy la n’est pas homme de bien de qui la
vie est desagreable aux vertueux. Ie ne veux pas asseurer
que cette pensée vous regarde, c’est vostre conscience
qu’il faut consulter en cette occasion, mais ie
sçay bien que si on le demande & au peuple & au sages
ils diront que vous n’estes pas tout a faict innocent on
dit que souuent la colere vous tranporte, mais souuenez
vous que c’est vne enflure d’esprit & qu’il en est
d’elle comme de l’hytropisie qui ne rend pas le corps
proportionné, encore quelle le rend plus gros & que
ce n’est seulement qu’vne abondance ou superfluité
mortelle : cependant ie recognois à vostre mine que
tout ce discours vous offence, & que ma fidellité vous
tient lieu d’injure, quoy que i’ay bien d’autres choses
à vous dire, ie me sens forcé de vous laisser aller ou
vostre mauuais genie vous conduit

 

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