Anonyme [1649], LES EXEMPLES POLITIQVES. , françaisRéférence RIM : M0_1326. Cote locale : A_3_29.
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LES
EXEMPLES
POLITIQVES.

VOSTRE demande est trop ciuile pour ne pas satisfaire
à vostre curiosité, sur la priere que vous
m’auez faite de vous dire ce que l’on pensoit de
mon temps, que la confiance que la deffunte Reine
Mere Marie de Medicis auoit auec le Mareschal d’Ancre, &
quel sentiment i’en auois : Pour response ie vous diray, que
l’employ où i’estois en ce temps là me faisoit peu songer à ce
qui se passoit à la Cour, ayant pour lors aussi peu trauaillé à
m’instruire de ce qu’on faisoit, que de ce qu’on vouloit faire,
imitant en cela ceux qui viuent auec tant d’indifference, qu’à
peine peuuent-ils se souuenir de ce qu’ils ont fait ; neantmoins
pour contenter aucunement vostre desir, ie me forcoray
d’appeller ma memoire en vostre faueur, aidée de
quelques eserits qui me sont demeurez par le deceds d’vn
mien amy fort, iudicieux ; car il faut que ie vous aduouë, que
ie suis en peine de m’aquitter dignement de ce que i’entreprens
sur ce sujet, n’estant pas dans vn aage qui me puisse
permettre de composer vn volume comme ie souhaiterois,
ayant assez de matiere pour cela : mais ie me contenteray de
vous expliquer mon sentiment suiuy de quelqu’autre plus
raisonnable sur les affaires de nostre vieille Cour, vous faisant
vn extraict de temps & d’histoires, rapportée par preuues
& par raisons, faisant voir que la negligence que les Magistrats
ont eu à remedier aux affaires du temps passé fera la
ruine de celuy-cy, si la generosité de quelques particuliers
n’y remedie par la fidelité ordinaire à ceux de leur rang.

C’est vne maxime politique cognuë de tous temps, que les
nations les plus esloignées ont tres-iudicieusemẽt obseruée

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de ne point souffrir chez eux aucun Estranger pour l’administration
des affaires, pour les raisons qui suiuent. Iamais
l’Estranger, disent-ils, ne s’introduit dans les Royaumes ou
Republiques que par des voyes douces & humiliantes, se
rendant assidus à seruir laschement ceux qu’ils voyent en faueur
par des flatteries de tigre, qui ne carresse que pour
estrangler, s’auançant peu à peu dans les emplois par la decadence
de ceux qui les ont fauorisez : C’est pourquoi les
Republiques bien policées n’admettent iamais les Estrangers
aux honneurs qui sont deubs aux merites des veritables
citoyens, ne trouuant pas raisonnable que le fruict des trauaux
des enfans passent dans vne maison estrangere, comme
il arriue bien souuent.

 

Vn ancien Politique a bien sçeu dire hardiment au milieu
d’vne illustre Conference, que le vray moyen de destruire
vn Estat, est d’y appeller les Estrangers, ce qu’il authorise par
vne longue suite d’exemples, faisant voir que tous les Estats
qui les ont receus ont esté renuersez par eux, ou par les diuisions
ausquels ils ont donné naissance, parce que tout ce qui
est composé de differente nature passe pour vn principe de
diuision, & toutes diuisions apportent auec soi la ruine & la
destruction de la chose diuisée, ce qui m’oblige à vous reïterer
que l’on ne doit receuoir aucun estranger dans l’Estat.

Vous ne sçauriez douter de la generosité des Hebreux, si
vous sçauez l’aduersion qu’ils auoient contre le Ministere
estranger, le Conseil de leurs Sages vous doit faire cognoistre
la deffense qui en fut faite au peuple, lors que Dieu luy
promit vn Roy : Tu ne pourras, dit le Seigneur, eslire vn
Roy d’vne nation estrangere, mais tu le choisiras parmy tes
freres, si tu veux viure en paix asseurée.

Les Perses ont tousiours eu de l’aduersion pour eux, les
Atheniens n’ont pas mesmes voulu leur donner l’entrée de
leurs villes, & à cette Loy de Solon Pericles ad jouste, & dit,
que ceux-là fussent seulement faits Citoyens d’Athenes, qui
seroient nez de pere & de mere Atheniens, de sorte que
Euagoras, illustre Estranger, eut de la peine apres beaucoup

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de bien-faits & de seruices rendus à la Republique, d’estre
mis seulement au rang des Citoyens priuilegiez : apres quoy
il enrichit sur les autres, & fit vne Loy, par laquelle les bastards
mesmes estoient priués de la Bourgeoisie, quoy que
premier il l’eut violée en faueur d’vn bastard, qu’il laissa
pour successeur. Voyez iusqu où alloit la delicatesse des Anciens
quand il falloit estre estimé Citoyen de leurs Republiques.
Les Lacedemoniens & les Thebains, par l’ordre de
Licurge, publierent l’exemption de leurs Republiques aux
estrangers. Les Sparthes obseruent si estroitement cette
Loy, qu’ils furent appellez les sages Hospitaliers, & si
quelques citoyens sortoient pour sejourner chez les estrangers,
ils estoient punis de mort, presupposant qu’ils s’estoient
malicieusement exposez pour emprunter leurs mauuaises
pratiques, pour les rapporter & seduire les concitoyens.

 

Les Egyptiens ne vouloient point auoir de commerce auec
eux, & les Romains en fin les considerent tousiours comme
indignes de porter les marques de leurs citoyens, c’est pour
cela qu’vne de leurs anciennes loix leur deffendoit de monter
sur les murailles de la ville, ce qui fit qu’vn genereux
Consul ne peut souffrir qu’vn estranger (à qui Iulle Cesar
auoit donne le droit de Bourgeoisie,) fust esleué en vne
charge où il pretendoit, le fit prendre & foüetter dans la place
publique afin de luy oster l’ambition qu’il auoit qu’on
le deuoit traitter comme citoyen Romain ; & c’est pour cette
mesme raison que Claudius Cesar defendit aux estrangers
sur peine de mort de prendre les noms des familles Romaines,
de crainte de confondre en eux ce qui n’estoit deub
qu’aux citoyens de Rome. Vous auez peu lire les plaintes
que les peuples faisoient contre Iules Cesar, par ce qu’il
auoit introduit des François dans le Senat. Cesar, disoit-on,
triomphe des Gaulois & les emmeinent captifs en cette ville,
& ces mesmes Gaulois quittent dans leur Senat leurs robbes
courtes, & en prennent de longues, cette plainte fut
fort sensible à Cesar, au rapport de Tacite.

L’Empire d’Allemagne estant composé & agrandy du

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debris des Romains, en ont gardé beaucoup de loix fondamentalles,
entre lesquelles est celle cy, que la dignité de
l’Empire ne peut estre transferée à celuy qui ne sera pas originaire
Allemand ; ce qui fit que Charles. Quint lors qu’il
fit le serment ausquels les Empereurs sont obligez, iura qu’il
n’admettroit point aux affaires publiques des estrangers,
mais seulement des personnes choisies d’entre la noblesse
d’Allemagne.

 

La Republique de Venise ne souffre point les estrangers
dans leur Senat, les Suisses n’admettent point dans les charges
que leurs compattriotes, & les Princes des Païs-bas
trouuent entre leurs loix, sur l’obseruation desquelles ils sont
obligez de iurer quand ils entrent dans le Gouuernement,
celle de ne donner aucune charge aux estrangers.

Que vous diray-je des autres endroits de l’Europe, ie
vous aduouëray que les coustumes en sont diuerses, mais
par tout, sont portez d’esgalle inclination à porter leurs sujets
naturels, ne voulant souffrir l’administration des estrangers.
Les Polonois qui par leurs droits de l’election prennent
des Roys où bon leur semble, neantmoins ne purent
souffrir que Casimir donnât les charges de magie à des Allemands,
ce qui fit chasser du Royaume Mizitas pour n’auoir
voulut donner charges qu’aux estrangers.

Les Escossois aymerent mieux donner leur foy, & rendre
leurs obeïssances à vne veuve Angloisse, qu’à François le
Dauphin, & les Anglois voyans qu’ils ne pouuoient empescher
que Marie leur Reine n’espousast Philippe de Castille
fils de Charles, dont elle acheta la possession auec vne
somme immence de deniers, consentirent au Mariage
auec condition qu’aucun n’auroit la Magistrature, ny ne seroit
receu aux honneurs publiques, & bien qu’il y eut vne
parfaite vnion entr’eux & les Espagnols, la jalousie pourtant
qu’ils en conceurent lors, qu’ils apprehenderent de leurs
voir tomber quelques charges entre leurs mains, fut si grande,
qu’ils commencerent leur capitulation, faisant voir que
cela leur estoit tres sensible.

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Les François qui ont tousiours voulu viure selon leurs
anciennes libertez, n’ont iamais pû souffrir de Ministeres des
estrangers, non seulement par ce qu’il se voyent par eux
deuancez dans les charges & dans les honneurs, dont ils sont
tres jaloux, mais parce qu’il leur a esté presque impossible
de s’accommoder à la legereté des Anglois, a la pesanteur
des Allemands, aux cruautes des Espagnols, à la fourberie
des Italiens. Tant à bien resoudre qu’à bien faire, les nouuelles
façons d’agir qu’ils ont introduites parmy eux, & sur tout
dans les choses où il y va de l’interest des particuliers, leur
ont esté insupportables, & nostre Histoire nous en remarque
peu qui n’ayent rẽporté toute l’aduãtage qu’ils s’en estoient
promis. Charlemagne eust beaucoup de peine à estouffer
par addresse, & par force les conspirations que les Lorrains
firent contre luy, parce que pour la iustice & pour les armes,
il se seruoit plustost des estrangers que de ceux du païs. Charles
Duc de Bourgongne apres auoir essuié les plaintes que
ses sujets firent contre luy de ce qu’il auoit esleué le Comte
de Compobachy Napolitain, iusqu’a-la faueur de son ministere
trouua qu’il auoit donné ses affections a son traistre,
& que son Estat estoit en danger par l’infidelité de celuy à
qui il en auoit confié la conduite. Charles le Simple ayant
voulu, au mespris des François, mettre les principaux soins
de ses affaires à des Allemands, fut en fin despouillé de sa
Couronne, & finit ces iours en prison. Lhotaire ne s’estant
point rendu prudent par le mal heur d’autruy, laissa l’Empire
si foible & si fragile à son fils, qu’il fust le dernier de la
race de Charlemagne, qui y commanda les Empereurs.

Louïs mesme ne se peût garantir qu’auec beaucoup de
peine des coniurations faittes contre sa personne par ses
propres enfans, & par les Princes de l’Empire, parce qu’il
auoit fait venir en sa Cour Bernard Comte d’Espagne, à
qui il auoit donné le secret de ses affaires, & auec cela la charge
de son Maistre de Chambre.

Quelque’vns de nos Roys pour oster aux estrangers l’esperance
de pouuoir posseder aucune office ny benefice dans

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le Royaume, ont fait des Edicts en diuers temps, qui les
rendoient incapables des affaires publiques, comme il est
ordonné par l’Edict de l’an 1431. & par autres de Louïs
XII. du 13. Iuin 1499. touchant les benefices, & qui mesme
reuoque toutes les dispenses que le Roy Charles VIII. auoit
auparauant donné de son authorité aux estrangers, & encore
par vne Declaration de Louys XIII. Et vn arrest du Parlement
de Paris, par lequel tout estranger est declaré incapable
de s’entremettre du ministere d’Estat à peine de la vie.

 

Nos Roys ont esté portez à publier ces Ordonnances,
parce qu’ils ont estimé que les affaires tant diuines que ciuilles
de leur Royaume seroient mieux conduittes, & auroient
vne issuë plus heureuse, & que seroit faire tort & vne iniure
tres insupportable à leurs subjets d’ẽployer des estrangers,
se trouuant en France nombre de grands hommes enrichis
de toutes qualitez necessaires, & que c’estoit vne maxime
obseruée dans tous les Estats qu’il n’y auoit que les naturels
citoyens, reputez capables d’exercer les offices, & autres fonctions
publiques.

Quelque-fois on s’est dispensé de la rigueur des Edicts en
quelque rencontre lors qu’il y a quelqu’vn à recognoistre,
la vertu ou les seruices de quelque grand personnage, car
alors l’on s’est exempté de la rigueur des Loix, comme le
prattiqua Charles VIII. envers Marie Stuard Reine d’Escosse,
Frãçois premier envers vn Mareschal de France ; Henry II.
envers Charles de Birague ; Henry IV. enuers le Mareschal
Dornano, corse de nation : mais ces grands hommes n’eurent
point de part dans le ministere de l’Estat ; receurent
seulement les graces & biens faits de leurs Princes, ne seruant
que pour executer leurs volontez. Vn des articles des
Napolitains publié en 1647. fait voir qu’ils ne pouuoient endurer
que les charges publiques ny de Magistrature, Gouuernement
des places du Royaume de Naples fussent entre les
mains des Espagnols. Et vn autre article, de la force & puissance
de leurs Republiques soubs le Duc de Guise, porte
expressement que d’oresnauant, il ny auroit que les naturels

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du païs, admis aux charges & Gouuernemens de ladite
Republique.

 

La rumeur qui est arriuée à Madrid au mois d’Aoust 1648.
entre les Grands d’Espagne & leur Roy, a esté causée au sujet
que sa Majesté vouloit marier sa fille auec le fils de l’Empereur,
qui est vne alliance tres-raisonnable, neantmoins
les Espagnols se sont sousleuez & opposez, ne voulans consentir
à ce mariage, pour ne tomber pas sous la domination
d’vn Allemand , quoy que de la Maison d’Autriche
parce qu’il ont des Princes chez eux de la maison de Castel
d’Arragon, de Portugal & de Vallence, parmy lesquels les
Estats d’Espagne veulent trouuer vn Roy pour les commander
(suiuant leurs anciennes coustumes) en mariant l’Infante,
leur souuenant des desordres qui arriuerent dans leurs
Estats à l’aduenement de Charles-Quint.

Les Italiens quoy qu’ils n’ayent pas plus de droict que les autres
nations Chrestiennes à la nomination d’vn Pape, se sont
conseruez seuls depuis long-temps dans leur Conclaue de
faire nommer vn Pape de leur nation, autant pour remedier
aux troubles qui peuuent arriuer dans l’Eglise, que pour se
conseruer le commandement dans l’Estat Ecclesiastique, qui
est dans leur pays. Ainsi vous voyez que toutes les nations
sont ialouses de ne laisser pas commander les Estrangers
chez elles.

Les Portugais ont secoüé le joug d’Espagne, & ont couronné.
Dom Iean IV. à present regnant, qu’ils recognoissent
pour leur Roy, autant & plus parce qu’il est Portugais de nation,
que pour le droict que la Maison de Bragance peut auoir
sur la Couronne de Portugal.

Enfin pour abreger tous nos exemples en vn seul,
vostre memoire vous peut faire souuenir de la fin tragique
du Mareschal d’Ancre, & de l’Arrest du Parlement
de Paris contre les Estrangers, pour les exclure du Ministere
d’Estat. Ce n’est donc pas sans raison que le peuple murmure
& s’esleue à tous momens contre le Cardinal Mazarin,

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dont on ne peut souffrir la façon d’agir, estant si contraire à
celle de nostre nation. Ie ne touche point à sa vie, ie la croy
sans reproche, & sçait que l’enuie trouue à mordre par tout :
mais ie vous prie d’examiner sans passion chaque Courtisan
en particulier, vous cognoistrez visiblement que c’est l’origine
des maux que nous souffrons, & de ceux qui nous menacent :
Et ce qui m’estonne le plus dans nostre mal-heur,
c’est la foiblesse de quelques vns de nos Princes, qui poussez
d’vn aueuglement dénaturé, ont porté si cruellement leurs
armes contre le peuple, pour l’interest d’vn particulier
Estranger. Le feu Cardinal de Richelieu, quelque credit qu’il
eust, & quelque authorité qu’il se donnast, ne porta iamais
la France à cette extremité, se faisant aymer & craindre des
peuples, comme vn naturel François.

 

Ie vous ay iustifié par des Loix & par des exemples tres-veritables,
comme les Estrangers ont esté bãnis des affaires
publiques, qui se peut encore authoriser par d’autres raisons.
La premiere, S. Augustin dit, que la difference des mœurs
& du langage met souuent la discorde entre les peuples. Le
Prince estranger, dit vn de nos grands Docteurs, voulant
conformer le peuple aux mœurs & aux coustumes de son
pays, veut croire que ce qui est honneste parmy les siens le
sera aussi dans l’Estat où il commande. C’estoit la plus grande
loüange qu’on donnoit à l’Empereur Prolus, de ce qu’il
cognoissoit les mœurs de toutes les nations qui estoient dans
son Empire, ne souffrant parmy eux aucune frequentation
que pour maintenir le commerce. Vn de nos Historiens dit,
que quand mesme vn Estranger gouuerneroit bien l’Estat,
neantmoins à cause, dit-il, de la difference qui sera entre son
esprit & les nostres, sa maniere de viure & celle des François,
causera tousiours quelque sujet de plainte ou de murmure
publique, estant impossible qu’il cognoisse si nettement l’Estat
& le peuple qu’il veut conduire, comme les subjets naturels.

La seconde raison est, parce qu’vn Estranger ne conduit

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iamais l’Estat auec toute la passion, comme il se fait par vn
Citoyen naturel : car le plus grand de ses soins est d’esleuer
sa maison, d’accumuler des thresors, & de faire sa retraite
quand il n’y aura plus rien à prẽdre pour luy dans le Royaume.
Les Conseillers, dit Thucidide, qui sont estrangers, ne
trauaillent iamais au bien, rarement aux choses qui regardent
le salut public, n’estant passionné que pour les affaires
particulieres, que si il traite de quelque chose pour l’Estat,
c’est auec beaucoup d’indifference, c’est pourquoy ces fameux
Politiques les appellent, arbitres interessez, qui
croyent que les peuples doiuent beaucoup de graces & de
bien faits à leurs grands trauaux. Vn Prince, dit Tacite, instruit
plustost aux coustumes estrangeres, qu’à celles de son
Royaume, ne sera pas non seulement suspect aux peuples :
mais il passera tousiours pour fascheux & mal-faisant : Ce
que cét Autheur dit d’vn Prince, il le faut entendre d’vn Ministre
esgalement, parce que bien qu’il y ait de la difference
dans le caractere, il n’y en a presque point dans le pouuoir.

 

Cette authorité de Tacite me fait pousser tousiours à ce
raisonnement, qu’vn Estranger ne peut estre en seureté contre
la deffiance naturelle des peuples, ny contre la jalousie
des Grands, si premierement il ne se fortifie de gardes, s’il
ne dispose des meilleures places, s’il ne change les Magistrats,
s’il ne se rend maistre des charges Seculieres & dignitez
Ecclesiastiques, afin d’en faire des creatures en les donnant,
ostant le credit aux Citoyens, pour y establir ses compatriotes.
Voyez si toutes ces pratiques se peuuent souffrir
sans murmurer.

Enfin c’est vne chose honteuse à la France, que l’on peut
dire la Mere nourrice des beaux esprits, capable des plus
grandes affaires du monde, de se voir quelquesfois sousmise
au pouuoir des Estrangers. Ie puis dire, que ceux qui sont ce
choix monstrent éuidemment leurs foiblesses & peu d’amitié
pour les peuples, au mespris mesmes de l’Estat. Les

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Scythes, quoy que barbares, l’ont si bien recognu, qu’ils
ne le peurent celer au Grand Alexandre, tout victorieux
qu’il estoit : Bien que tu sois, luy dirent-ils, plus fort que tous
les autres, souuiens toy que personne ne veux souffrir la domination
des Estrangers ; ce qu’il trouuast si raisonnable,
qu’il leur laissast ceux qui auparauant les gouuernoient,
apres leurs serments de fidelité.

 

FIN.

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Anonyme [1649], LES EXEMPLES POLITIQVES. , françaisRéférence RIM : M0_1326. Cote locale : A_3_29.