Anonyme [1649], LES FEVX DV CIEL DESCENDVS EN TERRE EN FAVEVR DV ROY. , françaisRéférence RIM : M0_1383. Cote locale : C_5_8.
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LES
FEVX
DV CIEL
DESCENDVS EN TERRE
EN FAVEVR
DV ROY.

A PARIS,
Chez PIERRE VARIQVET, ruë S. Iean de Latran,
deuant le College Royal.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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AV ROY.

SIRE,

Ce n’est pas assez que les Peuples qui vous sont soumis,
pour témoigner leur zele enuers vostre Majesté,
celebrent le iour de vostre heureuse Naissance, ou chantent
la grandeur de vos victoires & de vos conquestes,
comme de toutes vos autres actions parmy la lumiere
des flammes & des feux : si la mesme lumiere ne les
esclaire pour leur faire connoistre ce que ces feux signifient,
& ce qu’ils representent par leur actiuité.

En effet, que seruiroit que Paris deuint vn petit Firmament,
enuironné d’vn million d’Estoilles, & d’Astres
brillans, qui répandent par tout des clartez, & lancent
des rayons ? Pourquoy des places publiques de
cette ville en faire des Arsenacs, d’où l’artillerie se
fait entendre de toutes parts, auec autant d’estonnement
que de réjouїssance ? A quel propos tant de Pyramides
eleuées ; tant de Lions qui ne vomissent que feu & flamme ;
tant de figures embrasées ; tant de captifs bruslez ;
tant d’ennemis reduis en cendre ; tant de poudre & de

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deniers consommez & aneantis dans l’ardeur des charbons,
si ces preparatifs, ces magnificences, ces feux de
ioye & d’allegresse n’honorent la Majesté en faueur de
laquelle ils sont destinez, & pour qui les Magistrats &
& les peuples les esleuent ?

 

Il est constant, SIRE, que le feu est le symbole de
la puissance, & la marque de l’Authorité Souueraine ;
rien ne peut resister à son actiuité, ny s’opposer à sa
violence. Il conuertit toutes choses en soy, il reduit en
cendres les matieres les plus dures ; il est le plus noble
de tous les Elemens, comme le plus pur ; & la legereté
de ses flammes est si genereuses, qu’elle purifie tout ce
qu’elle touche, ou ce qu’elle regarde.

Ne pouuons-nous pas assurer que voila vne idée parfaite
de la Majesté Royalle, dont la puissance est si absoluë
qu’elle destruit, renuerse, aneantit tout ce qui entreprend
de la choquer, ou qui ose contredire ses desseins :
les peuples en le faisant y perdent la vie, les Princes la liberté,
les Monarques leur Sceptre : comme elle ne reconnoist
rien qui soit au dessus d’elle, elle veut que tout
le monde luy obeїsse, & quiconque est si temeraire que
de vouloir se soustraire de ses Loix, experimente assez
par sa propre ruine, & sa propre perte, que les Roys sont
des Rochers qui brisent tout ce qui les abordent : d’ailleurs
aussi ils ont le cœur si genereux, l’ame si noble, l’esprit
si releué, la conscience si pure, qu’ils donnent des
qualitez auantageuses aux obiets les moins considerables,
& agrandissent auec éclat & auec gloire, les personnes
qui de soy n’auoient aucun merite.

SIRE, le titre le plus glorieux que les Prophetes,

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les Philosophes, les Peres, & la Theologie puissent donner
à Dieu, est celuy de feu : Il est bien appellé le Prince
des armées, des batailles, des combats : le Roy des
Roys, le Souuerain des Monarques, mais ces diuines
grandeurs ne sont rien en comparaison de celle d’estre
vne tres-pure flamme, & vn feu consommant ou deuorant :
ses plus intimes amis sont des ames d’Amour &
de feu, ses fauoris des Cherubins ardens, & ses domestiques
des Esprits de feu. Ne vous estonnez pas donc
si le Ciel en vostre faueur ne fait paroistre que des feux,
& si la terre n’adore vos grandeurs, vos actions, vostre
Naissance qu’auec des flammes, des clartez, & des flambeaux.

 

Ie sçay, SIRE, que Dieu n’a iamais parlé aux hommes
qu’au milieu des flammes & des feux, & que sa Majesté
Souueraine ne s’est iamais fait connoistre à eux
que parmy le bruit des esclairs, des tonnerres, des foudres,
des embrasemens. S’il veut découurir ses desseins à
Moyse son fidelle Seruiteur, c’est fur vne Montagne, &
dans vn buisson ardent qui brusle continuellement sans
se consommer. S’il esleue son Prophete Elie iusques
dans les Cieux, c’est par le moyen d’vn Chariot de feu ;
& s’il se communique à ses enfans bien-aimez, à ses Disciples,
ou à ses Apostres, c’est par l’entremise du feu, &
à la faueur des lumieres.

Lisons les Historiens, SIRE, nous trouuerons que
les plus grands Monarques du monde sont nés parmy
les feux, & que le Ciel a voulu tesmiogner par là ce qu’ils
deuoient estre sur la terre. Ce fut vne Estoille brillante.
qui éclaira celle du Fils de Dieu, qui la publia aux

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hommes, & l’annonça aux Empereurs de l’Vniuers :
Iosias, au recit du Rabbi Salmon, vint au monde
aussi tost mesme qu’vn acte nouueau qui portoit la
figure d’vn petit Lionceau en eut predit l’heure &
le moment. Mathatias Capitaine Machabée nasquit
dans vn temps que le Palais de ses Ancestres
estoit attaqué, & le Ciel qui auoit destiné ce grand cœur
pour deffendre la querelle de Dieu, & la Iustice de ses
Loix, auec vn zele digne d’vn si haut employ, voulut
qu’il parust dans la terre parmy les flammes, & les feux.

 

L’on tient pour certain que trois Soleils se firent voir
en la naissance de Cesar. Ie ne sçay pas s’il est vray ce que
l’on dit de celle d’Alexandre : mais les Historiens de
sa vie asseurent que les Astres, les nuës & les foudres
sembloient se destacher de leur place, pour venir
rendre hommage à ce Vainqueur des nations, & à ce
Triomphateur de la terre. Vn globe de feu parut long-temps
à Rome, lors que Vespasian sortit des entrailles
de sa mere. L’on voyoit aupres de Romulus des rayons
de lumiere, toutes les fois que la Déesse Eglira luy parloit,
& luy descouuroit ses secrets. Et au recit de Plutarque,
Licurgus ce grand Legislateur de la Grece, admiré
des plus sages esprits de l’Antiquité, fut engendré par
vn coup de tonnerre, qui auança de quelques iours les
couches de sa mere.

SIRE, nous ne doutons aucunement que tant de
feux qui paroissent au mesme iour que le Ciel nous a
obligé & honoré de vostre digne presence, ne soient des
témoignages asseurez, & des preuues infaillibles de la
grandeur, comme de la gloire de vostre Empire : Vous

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estes nay parmy les feux, vous deuez regner dans les
affection ardentes de tous vos Sujets, & vous pouuez
vous asseurer de rencontrer au milieu de leurs cœurs, des
Palais plus riches mille fois que le Louure, qui loge vostre
Maiesté.

 

Non, SIRE, tous ces feux de ioye & d’artifice que
l’on void tous les iours, lors que la moindre occasion
s’en presente, ou que la pensée en vient à vos seruiteurs
de le faire, ne sont point des rencontres du sort, ou vn
caprice de quelques Esprits ; mais vn dessein formé du
Ciel, & l’effet d’vne inspiration Diuine, qui veut que
par là nous honorions parfaitement vn Prince qui nous
est donné de ses propres mains, & estably par sa puissance :
Que si Dieu trouue ses delices, sa beatitude, ses voluptez
innocentes, & eternelles parmy les flammes d’vn
amour infiny ; nous pouuons dire de mesme, que vostre
Majesté doit esperer son plus parfait bon-heur en ce
monde, que de viure dans les ardeurs d’vne bienueillance
immortelle, & d’vne affection sans feintise.

Oüy, SIRE, que les Esprits febles, sans lumiere,
sans raisonnement, s’arrestent à la superficie & à l’escorce
des choses qui enuisagent l’éclat d’vne vaine & fragile
apparence ? Qu’ils prennent pour de l’or tout ce qui
reluit, & qu’ils soient rauis de voir les magnificences,
les pompes, les triomphes que l’on a fait à vostre Majesté ;
qu’ils admirent, & l’excez de tant de despenses, &
le zele d’vn amour si prodigieux enuers vostre Royalle
Personne : pour moy ie n’admire auec estonnement que
l’abondance des graces qui sont en vous, que les grandes
qualitez qui vous rendent recommandable, & les

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rares perfections que vous possedez : Que si la gloire de
quelques Monarques a receu de l’estime & du respect,
parce que les feux ont paru en leur naissance, croyons
sans doute, que les Cieux & la Terre vous doiuent rendre
des hommages particuliers, puis que tous deux sont
pleins de feux & de flammes à vostre consideration.

 

FIN.

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