Anonyme [1649], LES GENEREVX SENTIMENS DE LA NOBLESSE FRANÇOISE, CONTRE LE MAVVAIS GOVVERNEMENT DE L’ESTAT, PAR VN MINISTRE ESTRANGER. , français, latinRéférence RIM : M0_1488. Cote locale : A_3_73.
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LES GENEREVX
SENTIMENS
DE LA
NOBLESSE
FRANÇOISE,
CONTRE
LE MAVVAIS GOVVERNEMENT
DE L’ESTAT,
PAR VN MINISTRE
ESTRANGER.

A PARIS,
Chez DENYS LANGLOIS, au mont S. Hilaire,
à l’Enseigne du Pelican.

M. DC. XLIX.

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LES GENEREVX SENTIMENS
de la Noblesse Françoise, sur le mauuais
gouuernement de l’Estat.

Par vn Ministre Estranger.

IL n’y a personne qui ne sçache que Dieu
nous ayant fait naistre soubs le Gouuernement
d’vn Roy, ce seroit vn crime qu’on
ne pourroit assez punir, que de manquer à
luy rendre l’obeyssance que nous luy deuons : Aussi
nous ne croyons pas qu’il y ait vn seul François qui
veuille contreuenir à vne chose si iuste & si raisonnable,
& qui ne répandist de bon cœur iusques à la derniere
goute de son sang pour le seruice de sa Majesté ;
Mais d’obeyr aueuglement à des personnes estrangeres,
qui abusant de son authorité continuënt la guerre
pour ruiner ses Sujets, Cela est contre la raison :
Neantmoins il n’est que trop vray que par la lâcheté
& bassesse de cœur de quantité de François, vn Italien,
à la honte de toute nostre Nation, est Sur-Intendant
de l’Educatiõ du Roy : & s’estant rendu Maistre
de son Estat, par la perfidie & par la trahison de ceux
qui y tiennent les premiers rangs & les premieres
charges, s’oppose hautement à vne paix que toute
l’Europe demande auec passion ; dispose absolument

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des Benefices, des Emplois des Gouuernemens, & de
nos Finances, qu’il a fait sortir du Royaume, & dont
il s’est enrichy ; de sorte qu’estant nay auec peu de
bien, il est deuenu vn des plus riches du monde, &
auec vne impudence qui n’est quasi pas imaginable,
a persecuté & fait emprisonner des Princes, quantité
d’Officiers de Compagnies Souueraines, & interdit
les Maistres des Requestes, parce qu’ils sont resolus de
ne faire plus de lâchetez que beaucoup de leur Corps
ont fait autrefois : C’est ce qui nous oblige à faire cette
declaration, afin que toute la terre connoisse que si
il y a des François qui ayent l’ame assez basse pour le
souffrir, il y en a cent mille contre vn qui ont assez de
vertu, de courage, & de generosité, pour l’empêcher :
Mais auparauant que d’entreprendre vne chose si raisonnable,
Nous auons estimé qu’il estoit à propos de
supplier tres-humblement Monseigneur le Duc d’Orleans,
& Monsieur le Prince, de se souuenir qu’ils sont
Princes du Sang, & qu’en cette qualité ils sont obligez
pour l’interest de l’Estat d’en maintenir les Loix
fondamentalles, si ils n’ont renoncé absolument à
l’honneur ; Car encore que les Peuples, qui de leur
bon gré, & de leur propre authorité, ont mis la Couronne
sur la teste de nos Roys, ayent ordonné que durant
leurs minoritez les Princes du Sang doiuẽt auoir
la meilleure part au gouuernement du Royaume :
Neantmoins par vn aueuglement épouuantable &
volontaire, ils souffrent qu’vn Mazarin les gouuerne,

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dispose des deniers de la France, & que
quantité de gens de basse & vile condition s’enrichissent
aux despens & à la ruine du pauure peuple.
C’est ce qui les fera rougir de honte quand leurs
yeux seront desillez, & qu’ils reconnoistront que
leurs mauuais conseils les auront trompez. Nous
sçauons bien que le premier a vn traistre aupres de
luy, qui l’oblige il y a long-temps à faire des actions
indignes de son rang & de sa haute naissance. Et sçauons
bien aussi que ceux qui approchent de son Altesse
Royale, n’osent luy dire cette verité qui luy est si
importante. C’est pourquoy nous la publions, afin
qu’il sçache que tout ce qu’il y a de Noblesse dans ce
Royaume, tous les gens d’honneur, seront contrains
à continuer d’auoir mauuaise opiniõ de son courage
& de son iugement, si bientost il ne donne de veritables
marques qu’il est fils de Henry le Grand : comme
desia nous ioignons nos affections aux interests du
Parlement, qui sont ceux-là mesme du pauure peuple
opprimé. Au reste, parce que nous sçauons bien
que si nous sommes contraints d’opposer la force à
la tyrannie, ceux qui la veulent excuser nous accuseront
d’estre perturbateurs du repos public, criminels
de leze Maiesté, & tout le reste que la rage leur
fera dire ; Nous declarons dez à present, afin de n’auoir
point la peine d’y respondre, que nous n’auons
autre dessein que de maintenir la cause publique,
qui est celle du Roy, & aider à oster les abus qui se

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sont glissez dans le Royaume, afin qu’il le treuue riche
& florissant quand il sera paruenu au temps de
sa Maiorité. Nous sçauons encore qu’on nous dira
que les Ennemis ayans des armées sur pied, nous
serions extremement blasmables, si ils font quelque
progrez dans le temps que nous serons occupez
à deliberer des affaires de l’Estat. Mais quand cela
arriueroit, ce que Dieu ne vueille permettre, qui
que ce soit ne nous en pourroit pas attribuer la
faute, mais bien à ceux qui ont souffert & permis
le mal, pouuant y remedier sans beaucoup de peine,
& ne le voulãt pas, nous obligeant d’auoir recours à
d’autres moyens, pour nous deliurer du ioug & de
l’oppression où nous sommes reduits, esperant de la
bonté de Dieu que nous auons assez de mon de pour
nous opposer à leur effort, & à celuy de ceux qui
nous voudroient trauerser dans nos iustes desseins,
puisque pour dire le nombre certain de ceux qui
sont portez de seruice en cette occasion, il ne faut
que dire les noms de tous les veritables François :
Et d’autant qu’on pourroit douter de personnes assez
experimentées pour les commander, Nous
auons assez bonne opinion de nous, pource que
dans vn grand nombre comme nous sommes, il
s’en trouuera quantité d’assez capables pour s’acquitter
dignement des Commandemens que les
Estats leur voudront donner. Comme la Vertu
n’affecte point les conditions des Princes, plustost

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que celles des autres, on peut trouuer dans toutes
conditions des personnes propres à faire des actions
grandes & difficiles ; & parce que nous serions ingrats
si nous ne reconnoissions les extrêmes obligations
que toute la France a à Messieurs du Parlemẽt,
puisque tous les premiers ils se sont genereusemẽt
opposez aux mauuais desseins de ceux qui les veulent,
ruiner d’honneur & de biens. Nous declarons que
nous honorons autant que faire se peut cét Auguste
Senat, le coniurant de ne point se relâcher, mais de
s’vnir à vne si glorieuse entreprise : Et les autres Parlemens
& Cours Souueraines de ne se separer point
d’vn Corps remply de personnes si sages, si habiles,
si iudicieuses, si courageuses, & si justes : Les suppliant
de donner des Arrests par lesquels il soit permis de
deputer pour aller conferer auec eux, si ils iugent
qu’il en soit besoin : Ce que nous remettons à leur
grande prudence, ne pouuant pourtant nous empescher
de croire qu’il est impossible de bien reigler
le Royaume sans en assembler les Estats generaux,
qui est le seul moyen qu’on puisse trouuer pour interesser
vn chacun ; & ce sera lors qu’on pourra facilement
se défaire des Estrangers, ausquels il ne faut
pas donner temps de s’emparer des bonnes graces
du Roy, parce que si il possedoit son Estat vn iour
quand il sera majeur, ils se vangeroient infalliblement
de ceux qui se sont opposez à leurs volontez,
& ce suiuant les pernicieuses maximes de feu le Cardinal

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de Richelieu, diminuëroient en tout ce qu’ils
pourroient la puissance que nos Roys par de bons
conseils, & pour de grandes & importantes considerations,
ont donnez au Parlement, & feroient
encore beaucoup de choses qui seroient trop longues
à deduire icy.

 

Ce sont là les Sentimens des Gentils hommes
François, qui ne manqueront pas de le signer de
leur sang, quand ils iugeront à propos de le faire.

VIRTVS VNITA FORTIOR.

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