Anonyme [1649], LES GENEREVX SENTIMENS DV VERITABLE FRANÇOIS, SVR LA CONFERENCE ET PAIX DE RVEL : AVEC Exhortation à tous bons François, de ne point poser les armes, que le Cardinal Mazarin ne soit mort, ou hors du Royaume, conformément à l’Arrest du huictiesme Ianuier, 1649. , françaisRéférence RIM : M0_1491. Cote locale : C_5_30.
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LES
GENEREVX
SENTIMENS
DV VERITABLE
FRANÇOIS,
SVR LA CONFERENCE
ET PAIX DE RVEL :
AVEC
Exhortation à tous bons François, de ne point poser les
armes, que le Cardinal Mazarin ne soit mort, ou hors
du Royaume, conformément à l’Arrest du
huictiesme Ianuier, 1649.

M. DC. XLIX.

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LES GENEREVX SENTIMENS
du veritable François, sur la Conference &
Paix de Ruel : Auec exhortation à tous bons
François, de ne point poser les armes, que le
Cardinal Mazarin ne soit mort, ou hors du
Royaume, conformémẽt à l’Arrest du 8 Ianuier.

AH François ! Ah Parisiens, qui auez iusques
icy tesmoigné tant de cœur & de generosité
pour secoüer le joug de la Tyrãnie d’vn Estranger :
C’en est fait pour iamais si vous posez les
armes, vous n’y reuiendrez plus. Faut-il que
l’on vous dupe & que l’on vous iouë si ouuertement ? Vos Ennemis
ne vous pouuans vaincre par la force, vous vainquent
par l’artifice & la trahison. L’on vous fait, l’on vous fait vne
Paix plus cruelle & plus sanglante que la Guerre : voire mesme
du sujet de la Guerre, on en fait le sujet de la Paix, Enfin,
ce Cardinal demeure, apres auoir minuté le sac de Paris,
apres nous auoir mis aux termes de nous faire perir tous d’vn
seul coup. Il retourne plus glorieux & triomphant que iamais.
Le voila qui r’entre dans Paris, qui fait marcher de-deuant
luy ses haches & ses faisseaux de verges qu’il a apportées
de Sicile. Quoy dõc ? Ces haches ne sont elles preparées
que pour couper les plus Illustres testes de nos defenseurs ?
Ces verges ne sont elles destinées que pour en battre le dos
des Citoyens, attachées au derriere de ses Chariots ! Que
diront les Nations estrangeres, lors qu’elles sçauront ce retour ?
Que dira Rome ? Que dira l’Italie ? Que dira la Sicile ?
Que dira l’Espagne ? Que dira l’Alemagne ? Que dira toute
l’Europe, lors qu’elle apprendra la facilité, auec laquelle

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nous nous sommes rendus, apres auoir fait retentir si haut le
bruit de nos armes. Quoy donc ? N’auons-nous monstré iusques
icy, tant de cœur & de constance ; que pour monstrer
par apres tant de lascheté & de foiblesse ? N’auons-nous
fait tant d’efforts & vn si grand appareil, que pour nous causer
auec mille supplices, tant de honte & de confusion.
Grosse Montagne qui n’a enfanté qu’vne ridicule souris.
Grosse tempeste qui s’est rompuë à vn grain de sable. C’est
à ce coup, c’est à ce coup, que le Cardinal va sévir plus
cruellement que iamais. Il n’en veut plus à nos biens & à
nos fortunes, il en veut à nos vies. C’est à ce coup qu’il va
mettre au iour ce grand roolle de tous ceux qui se sont esleuez
contre sa puissance, qu’il a destinez à la mort, qui sont
desia condamnez. Paris, la merueille du Monde, la beauté
de l’Vniuers : tu ne vas plus estre qu’vn Theatre d’horreur,
qu’vne boucherie sanglante. Ce qu’on a fait à la Campagne,
tesmoigne assez ce que l’on va faire dans l’enceinte de tes
murs. Si l’on n’a pas pardonné aux choses les plus sainctes
& les plus innocentes, crois tu que l’on pardonnera à tes
Habitans, que l’on veut faire passer pour rebelles & criminels
de leze Majesté ? Quelle foy peux-tu adjouster à des
gens, qui t’ont tant de fois paru infideles, qui ont enleué
ton Roy de nuict, qui t’ont inuesty au mesme temps, qui ont
minuté & qui minutent encor à present, ton sac & ta ruine ;
& qui n’ayans ny Dieu ny Religion, tiennent pour maxime
qu’vn Roy n’est point obligé de tenir parole à ses Subjets ?
Cette Conference affectée, ces passages entr’ouuerts, cette
cessation d’armes en apparence, mais sans effet, & sans
execution veritable. Cette Paix concluë en vn moment à
la gloire du Cardinal, à l’auantage des Traittans, à la
honte du Parlement, au mal-heur de toute la France.
Qu’est-ce autre chose, qu’vn piege qu’on nous a tendu, pour
nous amuser comme des enfans, & faire poser les armes, afin
de nous assaillir plus fortement par apres ? Et de fait, ne
voyons-nous pas desia qu’on fait venir de nouuelles troupes

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d’Alemagne & de Suede, qu’on a achepté à beaux deniers
comptans, pour nous mettre à la raison : c’est à dire, pour
nous perdre, & nous exterminer ? L’on differe & l’on temporise
exprés, iusques à ce qu’elles soient à nos portes ! Ah
François ! ah François ! seront-nous tousiours insensibles à
nostre perte, aueugles à nos mal-heurs, faciles à nous laisser
duper ? Seruirons-nous tousiours de fable & de risée à toutes
les Nations ? Presterons-nous tousiours & le dos & la gorge
à ce Comite impitoyable, semblables à ces vieux forçats
qui ne peuuent quitter les Galeres, tant ils sont accoustumez
à la Cadene ? Non, non, si vous m’en croyez, nous éuiterons
ce piege, nous ne poserons point les armes, que le Cardinal
ne soit mort ou esloigné pour iamais de la France. Il ne
triomphera pas de nous, auparauant que nous auoir vaincus.
Vne si grande victoire ne s’achepte qu’auec du sang.
Que diroient nos Compatriotes & nos Voisins, ausquels
nous auons donné nostre foy, qui se sont saignez pour nous
secourir, sinon que nous les abandonnons laschement ? Que
diroit toute la France, qui s’est mise sous les armes à nostre
exemple, non qu’il ne faut plus se fier en nous ? Que diroient
nos enfans & toute la posterité, sinon que nous les plongeons
plus auant que iamais dans la seruitude ? Que diroient
nos peres & nos majeurs s’ils estoient viuans, sinon que
nous auons honteusement degeneré de leur vertu ? Que diroient,
enfin, ces ames genereuses, qui ont exposé, n’agueres
si librement leurs vies pour nostre defense, sinon que
nous sommes des lasches & des effeminez, qui n’oserions
les suiure dans le Tombeau. Ce sang qu’ils ont respandu
si constamment, nous demande vengeance, puis qu’aussi
bien nous auons esté negligens à les secourir. Ah ! ne vaut-il
pas mieux mourir glorieusement comme ils ont fait, que
de traisner vne pauure & languissante Vie ? que de souffrir
qu’vn Estranger, mais qu’vn coquin & vn infame nous donne
la Loy, & nous traitte en esclaues ? Verrons-nous donc
tousiours ce postillon d’intrigues, assis sur le Throsne du

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Roy : disposer de tous les Gouuernemens, de tous les Benefices,
de toutes les Finances, de toutes les Charges & Dignitez
du Royaume ? Verrons-nous tousiours ses Emissaires
& Satellites, des Corsaires publics, porteurs de roolles & de
contraintes du Conseil, traisner les plus honnestes Bourgeois
en prison. Verrons-nous tousiours des Fuseliers, ou
plustost des Demons incarnez, picorer & rauager toute la
France ? Non, non, chers Compatriotes, braues François,
genereux Parisiens, vous auez trop monstré de cœur pour
le souffrir, vous aymez mieux mourir les armes à la main,
que de suruiure à tant de honte & de miseres. Mais pourquoy
mourir ? Que n’allez-vous plustost donner la mort à ce
perfide Ministre qui me dite vostre perte ? Qui est ce qui
vous en peut empescher ? N’auez-vous pas vn Prince du sang
Royal, vn Duc de Beaufort, & tant d’autres excellens Chefs,
auec vne puissante Armée, capable de faire trembler & de
conquerir mesme l’Empire Ottoman ? A quoy tient-il donc,
que vous n’alliez l’immoler à la Iustice diuine & humaine,
que vous n’alliez à vostre tour porter la terreur chez vos
Ennemis, & donner la chasse à tous ces Polonois & Alemans,
qui violent iusques dans les lieux sacrez, qui bruslent,
qui pillent & saccagent vos Campagnes ? Ils n’oseroiẽt vous
attendre de pied ferme. Ce sont gens acheptez par le Mazarin,
que la seule esperance du butin & non l’enuie de combatre,
ny la gloire de vaincre, a attirez dans la France. Les
voila qui s’en vont chargez de vos despoüilles. Sera t’il dit
qu’vne troupe de voleurs aye tenu tout Paris en eschec, &
que vous n’ayez pas osé seulement faire vne sortie ? Pouuez-vous
iamais souhaitter vne plus belle occasion pour releuer
l’Estat de sa cheute, pour le déliurer d’infamie, pour vous
tirer & vos enfans d’oppression & d’esclauage, que celle-cy ?
Vos Ennemis ne sçauent où ils en sont, ils n’ont ny poudre,
ny plomb, ny munitions ; ils sont contraints d’en venir querir
à Paris, n’en pouuans auoir d’ailleurs ; ils ont toute la Normandie
à dos, toutes les Prouinces sur les bras ; qui arment

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pour nostre defense : il nous vient du secours de tous costez.
Les Ennemis mesmes de l’Estat, offrent leurs forces pour
exterminer ce Perturbateur public, afin de paruenir à vne
Paix generale qu’il a rompuë & empeschée tant de fois, par
la consideration de ses seuls interests. C’est ce qui les a obligez
de precipiter cette fausse Paix, en remettant la partie à
vn autre temps. Sans cela ils estoient perdus sans resource,
comme ils le sont encor si nous tenons bon : car ils sont
estonnez, & ne sçauent, comme on dit, sur quel pied danser.
Qui est ce donc, qui nous retient ? Nostre cause n’est-elle
pas iuste ? Et pourquoy combattons-nous, sinon pour
abbatre la Tyrannie d’vn insolent Estranger, pour recourir
nostre Prince qu’il nous dérobe, pour conseruer sa Couronne
qu’il deschire, pour secourir nostre Patrie qui nous tend
les bras, & nous déliurer de tous les maux qui se peuuent
imaginer. Courage donc, chers Compatriotes, acheuons
vn si grand & si glorieux ouurage. Faisons voir au Cardinal
& à tous les Supposts du Ministere, que nous sommes veritablement
François, que nous n’auons point degeneré de la
vertu de nos Ancestres, & que qui ose attaquer nostre liberté,
se doit asseurer de mourir. C’est en extirpant ce Monstre
empourpré de nostre sang, que nous asseurerons nos
vies, que nous recouurerons nostre liberté, que nous conseruerons
au Roy & Paris & toute la France : Et qu’ayant osté
la cause du mal, esteint le flambeau de la guerre, nous procurerons
à toute la Chrestienté vne parfaite & solide Paix,
qui consolera l’Eglise, resioüira la Noblesse, maintiendra la
Iustice, restablira tous les Arts, & fera reuiure le Commerce :
lequel auec le repos de nos familles, nous apportera l’abondance
de toutes choses. Au lieu que si nous le souffrons,
si nous posons les armes, si nous nous diuisons, quelques
belles promesses qu’on nous fasse, quelque Paix auantageuse
qu’on nous propose : C’en est fait, nous n’allons plus voir
qu’vn Siecle de fer & de sang, nous n’allons plus voir que
meurtres, que supplices, que proscriptions, que monopoles,

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que partis, que maltotes, & ce qui est plus à craindre qu’vne
guerre Ciuile & Estrangere tout ensemble. Enfin, nous
n’allons plus voir nostre Prince & nostre Maistre, nostre
ieune Monarque, dont la presence seule pouuoit dissiper
l’amertume de tous nos maux. Ce traistre qui se qualifie
Surintendant de son education, n’osant plus retourner dans
Paris, parce que sa conscience & ses crimes luy font apprehender
la fureur d’vn Peuple qu’il a voulu perdre, nous
le va rauir pour iamais, & auec luy tout nostre bon-heur,
toute nostre consolation, tout nostre Commerce : & partant
nous voila sur le poinct le plus important ou à nostre
felicité, ou à nostre mal-heur. Voy donc, François ;
Voy donc, Parisien, ce que tu as à faire, pendant que tu
as le temps, pendant que tu es sous les armes, pendant
que tu es le plus fort, ne differe point à prendre vne bonne
resolution qui mette fin à tous tes maux ; de peur que si tu
relasches, tu ne retombes dans de plus grands. La recheute
est plus à craindre que la maladie. Quand il t’en cousteroit
vn peu de sang, quand il t’en cousteroit mesme la vie, peux-tu
mourir plus heureusement & plus glorieusement, qu’en
défendant ton Prince, ta Patrie, ta Famille, tes Autels, tes
Enfans, tes biens, & tes fortunes ?

 

Ainsi le
Cardinal de
Richelieu
comme tous
les Tyrãs &
Fauoris de
cette estoffe
là, ont exterminé
tous
leurs ennemis,
apres
s’estre releuez
d’vne
pareille
cheute. Et
la raison en
est, que
n’ayans aucune
qualité
pour le faire
aymer des
Grands, &
respecter
des petits, il
faut de necessité
qu’ils
se fassent
craindre par
la terreur
des supplices
& chastimens,
s’ils
veulent se
maintenir.

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Anonyme [1649], LES GENEREVX SENTIMENS DV VERITABLE FRANÇOIS, SVR LA CONFERENCE ET PAIX DE RVEL : AVEC Exhortation à tous bons François, de ne point poser les armes, que le Cardinal Mazarin ne soit mort, ou hors du Royaume, conformément à l’Arrest du huictiesme Ianuier, 1649. , françaisRéférence RIM : M0_1491. Cote locale : C_5_30.