Anonyme [1649], LES HEVREVX CONVOIS ARRIVEZ A PARIS, OV LE REMEDE A LA FAMINE. En Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_1633. Cote locale : C_4_32.
LES HEVREVX CONVOIS arriuez à Paris, où le remede à la famine en Vers Burlesques.
Incomparable DXXX. Belle qui loin de nostre Ville, Où le peu de prouision Cause entre nous sedition, Pour auoir vn peu de farine, Dequoy combattre la famine : Dont l’ennemy du Parlement Veut couronner nostre tourment. Vous dis-ie, belle DXXX.
Qu’au prix de nous en nostre Ville, Au milieu de nos parens, Assiegez de meschantes gens, Ie voy que vous estes heureuse : Car point ne faites la pleureuse, Pour auoir vn morceau de pain, Dequoy contenter vostre faim, Ainsi que font quelques Badaudes, Qu’on voit pleurer à larmes chaudes, Pour en auoir quelque morceau,
Qu’elle prise plus que gateau : Fut-il du plus bis que l’on fasse, N’importe, il est de bonne grace. Car ce qu’autrefois vn friand Trouuoit à dire au chaland, Au pain de cuisson n’a que dire, Car pour le plus noir il soupire ; Et s’en nourrit echarsement, Comme il l’achepte cherement. A cause que Dame Iustice
N’y peut establir de Police.
Au commencement du Caresme. Mais deuant quiconque voudra Contre Monsieur le Prince ira ; Ie ne veux point enfler mes voilles, Que ie ne sçache où les Estoilles Me marquent vn asseurê port, Où ie sois tousiours le plus fort. Mais pourquoy ne souhaitterais-ie Pour mon bien d’estre de Geruaise, Vn peu de plus prés le voisin :
Si tant est qu’à vostre moulin (Ainsi qu’il souloit tout à l’aise) Tousiours aille & vienne Geruaise Ma foy si i’estois son voisin ? Point ne serois vostre Cousin, Car la Nourice vostre mere, Qui me veut faire son Compere, En ayant Iuré son Iuron,
Et qu’il rime au nom de farine : Ie pourrois m’asseurer bien fort, De ne pas terminer mon sort, Faute d’auoir vne voisine, Qui m’assistast dans la famine.
I’aurois tousiours vn gros pain bis De reserue pour mes amis, Que nous mangerions en Critiques, Faisant les censez Politiques, Disant cecy, disant cela,
Pourquoy donc ne va-on pas la ? Veut-on que S. Cloud soit frontiere, Et Sainct Denys tousiours lisiere De nostre ville de Paris ? Quoy ne serons-nous point épris D’aucun appetit de colere, Pour nous retirer de misere ? Par la mort ; Mais tout doucement, Grace à Messieurs du Parlement, Tout baste assez bien pour la Ville ;
Fors que Colas le malhabile : Colas ce malheureux garçon, Qui n’ayant de pain de Cuisson, Blanc, bis, noir, aucune miette, Dessus le chant de Robinette Chantoit à son fils i’en auron, Non du pain à la Montoron, Mais du pain que dans la famine On appelle à la Mazarine ; I’àuron mon fils de ce pain là,
Aussi-tost ayant dit cela, Il releue d’vne eguillette Son feutte, & prend vne seruiette, Faite de mesme qu’vn bissac,
Pour plus qu’il n’auoit de finance ? Il en prit pour tout son argent. S’il ne craignoit point de Sergent ? Il deuoit craindre autre chose : Car voicy comme il se repose, Qu’vne bande de Polonois, Gens qui n’entendent le François : Se font maistres de sa personne : Et sans sçauoir s’il leur donne, Le pain qu’il a dessus le dos,
Ils luy volent mal a propos. Heureux s’il en demeuroit quite, Et qu’il peust prendre apres la fuite. Mais ô malencontreux Colas, Tu ne leur échapperas pas. Afin donc qu’il s’en ressouuienne, Et que iamais il n’y reuienne, On le met nud comme la main, Et l’on l’enuoye à Sainct Germain Heberger dans le jeu de Paume,
Sur vn peu de paille & de chaume, Où souffrant la soif & la faim, Peste contre l’air inhumain : Donnant au Diable la guerre, Qui va rauageant nostre terre. Apres auoir fait maints regrets, Que ie veux vous conter exprés.
O que ie sui, dit-il. peu sage, (Chetif & malheureux visage) De m’estre mis sur des chemins, Remplis de voleurs inhumains.
N’auois-ie pas oüy naguere Que Maistre Denis mon Comp Vn soir s’estant emancipé, (Apres auoir beaucoup soupé) D’aller chercher par les villages, Pains, pois, œufs, lard, beurre, fromages, Fut rencontré des Allemans Qui luy firent mille tourmens : L’ayant mis tout nud en chemise,
Apres sa prouision prise. Pourquoy donc aux despens d’autruy, N’ay-je esté plus sage auiourd’huy ? Pourquoy faut-il que ie me voye A ces meschans seruir de proye, Et que ie sois si mal traité, Sans l’auoir iamais merité ? Moy qui soulois auec grand zele, Comme vn Parisien fidelle, Prier pour la prosperité
Pour l’embon-point & la santé Du Roy nostre Sire de France Que Dieu garde de male-chance.
Ie priois Dieu pareillement Pour la Reyne, & mandy qui ment, Ie priois pour Monsieur le Prince, Qui lors loin de cette Prouince faisoit la guerre aux ennemis, Que depuis il a tout soumis. Cependant pauure miserable
Ie suis traité comme vn coupable, N’ayant à personne fait mal : Non pas mesme à ce Cardinal Contre qui tout Paris fulmine, Tous en ayant iuré la ruine, Qu’on croit que bien-tost auiendra, Où tout sens sus dessous ira. Lors ceux qui rauagent la France,
Iront ailleurs croquer des nois. Et pour lors ie prendray vengeance, De leur execrable insolence, Les calomniant de chansons, De mille & mille maudissons. Les faisant passer pour infames, D’auoir mis à l’encan leurs ames, Et vendu leur sang pour argent, Contre la plus ciuile gent. Cœurs mercenaires & timides, Quittez ces lieux, allez perfides.
Courez traistres, fuyez chez vous, N’excitez pas nostre courroux, Regardez de quels biens la France Vous a comblez, ingratte engeance. Qu’elle est l’Epouse de ton Roy ? Et quelle paix as-tu chez toy ? Alleman connoy cette grace ; Polonois iamais ne l’efface, Reconnoissez vos bien facteurs, Sans estre plus executeurs
Des conseils lasches & sinistres Du plus deloyal des Ministres. Mais a quel propos tant parler, Si mes discours s’en vont en l’air, Et si plus qu’on ne sçauroit dire Ie souffre auiourd’huy de martyre, Dans vn lieu qui de toutes pars, Reçoit les sinistres regars Du Ciel contre nous en furie
Pour vne telle barbarie, Voyant qu’on traicte les Chrestiens Mille fois plus mal que les chiens. Là les yeux au lieu de sa langue, Mirent fin à sa triste Harangue.
FIN. |
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