Anonyme [1649], LES HEVREVX PRESAGES DE LA FIDELITÉ DES ESPAGNOLS, Pour destruire la tyrannie DE MAZARIN. Tirez du Iournal de ce qui s’est passé depuis qu’ils sont en France. , françaisRéférence RIM : M0_1634. Cote locale : A_4_27.
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LES HEVREVX
PRESAGES,
DE LA FIDELITÉ
DES ESPAGNOLS,
Pour destruire la tyrannie
DE MAZARIN.

Tirez du Iournal de ce qui s’est passé depuis
qu’ils sont en France.

C’est chose estrange que la France qui
a tousiours eu l’Espagne pour principalle
emulatrice de sa gloire, se
voyant auiourd’huy quasi reduite
au triste moment de perdre non seulement
ses grands & insignes aduantages qu’elle
a remportez en ces dernieres guerres mais encore
de voir ses frontieres, les villes, ses prouinces &
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celuy qui la veut perdre. Nos dissentions ciuiles,
& la trahison du Cardinal Mazarin, offroit
l’occasion belle à l’Archiduc-Leopold pour reprendre
les places que le Roy d’Espagne a cy-deuant
perduës, & l’auantageuse paix qui luy
étoit offerte par cét infidelle Ministre auroit mis
à couuert en quelque façon la reputation que
ses armes ont perduës depuis quelques annees,
s’il en eust accepté le Traitté. Mais soit que la
generosité de cet ennemy n’ayt peu prester l’oreille
aux perfides propositions qui luy estoient
faites ; soit que lasse de la guerre, il ne respire
qu’vne ferme & solide Paix, nous le voyons ne
se seruir de nos desaduantages, que pour nous
donner ce bien, apres lequel il y a si long temps
que nous aspirons. Tout le monde a sçeu que
l’Archiduc-Leopold ayant esté sollicité par le
Cardinal Mazarin de luy prester main forte
pour la ruine de Paris, la luy a non seulement
refusée, & découuert ses intelligences ; mais encore
a fait offrir ses troupes par son Agent, à
Messieurs nos Generaux, pour s’en seruir contre
celuy qui comme obstacle de la Paix generalle,
est reputé l’ennemy commun des deux partys.

 

Mais comme quelque-vns peuuent tenir
pour suspecte l’entrée de ceste armée en France,
veu que quelques Partisans du Cardinal Mazarin

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ont déja publié qu’elle exerçoit toutes sortes
d’actes d’hostilité. Ie suis bien ayse de vous faire
voir icy le Iournal de leur marche, & le recit des
lieux par où elle a passé, afin que chacun apprenne
le veritable procedé qu’a tenu ladite armee.
L’vnziesme de ce mois, qui estoit le Ieudy,
l’Archiduc-Leopold ayant rappellé les troupes
qu’il auoit r’enuoyées peu de temps auparauant
dans leurs garnisons, en grossit son armée,
qu’il fit partir de Valenciennes pour aller droit à
Bouchain & Cambray, ou il luy fit passer l’eau,
pour se loger au poste de Marguerin, qui est entre
Bapaume & Cambray, où il sejourna iusqu’au
Lundy suiuant du mesme mois, lequel iour
il luy fit repasser, l’eau au mesme lieu de Cambray,
& venir loger proche le Chasteau Cambresy.
Le Mardy ayant enuoyé mettre vne garnison
de cinquante fantassins & de cinquante
cheuaux dans Bouchain, il fit tout disposer pour
entrer le lendemain en France : auquel iour il prit
son logement sur la riuiere d’Oyse, à vne lieuë
de Guise, sçauoir le Lieutenant General à Vvaudencour,
& le reste des troupes à Hannap, Tupigny,
Seques, Verly & Long champ, &
fit passer deux Regimens de Caualerie ; sçauoir
celuy du Comte de Buquoy, qui loge à Monguigny,
& vn autre Regiment à l’Abbaye Bauhorie.
Le mesme iour il fit encore passer enuiron

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douze cens cheuaux, qui vinrent faire halte
au poste de Ribemont, ou les Chefs mirent pied
à terre, & visiterent le Chasteau, y ayant mis le
Lieutenant du Capitaine Diuot, auec 30 caualiers
de sa compagnie, & en mesme tẽps ceste troupe
marcha pour venir loger à Villersé, Le lẽdemain
ils passerent à la Ferté pour aller à Crecy, ou le
Comte de Grand Pré estoit logé auec son Regiment
qui s’en estant retiré, sur l’aduis de
cette marche, en fist rompre le pont. Les Espagnols
y ont seiourné iusqu’au Vendredy, &
le reste de leur trouppe tousiours à Vuandancour,
& autres lieux circonuoisins, les Generaux
disant qu’ils ne pouuoient faire passer leur
Infanterie & bagage que les autres ne se fussent
retirez, & que mesme ils attendoient
beaucoup plus de trouppes, & l’Archi Duc en
personne. Ses Generaux sont deux, sçauoir le
Comte de Fuensaldaigne cy-deuant Gouuerneur
de Cambray, & le Comte de Gara à present
General de l’Infanterie de ceste armée.
Le Ieudy dix-huictiesme de ce mois le quartier
de Vuandancour a commencé à marcher,
partie duquel s’est venuë loger à Crecy, & le
reste, sçauoir l’Infanterie, bagage & canon, qui
est de huict pieces de Campagne, aux enuirons
de Marle, s’estant fort elargie & aduancée
iusque-là, n’ayant aucune crainte de troupes

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qui les peussent incommoder. Le Vendredy
du matin cette trouppe de 1200. cheuaux
a passé sur le pont de Crecy racommode, &
ayant passé à la veuë de Laon, s’est venuë loger
à Hep, à deux lieuës de ladicte ville de
Laon, sur le chemin de Soissons, où ils attendent
le reste de leurs trouppes pour auancer
vers ledict Soissons. Ceste armee dans toute
ceste marche a tousiours obserué vne grande
discipline. Ses Chef, ayant faict declarer qu’ils
n’entendoient pas que leurs soldats prissent
rien qu’en payant, & publie qu’ils ne venoient
pas en France comme ennemis ; mais seulement
pour y faire & chercher la Paix. D’où
ie laisse a iuger de la sincerité de leurs desseins,
& de la fausseté de ce que leurs impose leurs
ennemis & les nostres.

 

FIN.

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