Anonyme [1649], LES LOVANGES DES PARISIENS, DONNÉES EN L’HONNEVR DV PARLEMENT. , françaisRéférence RIM : M0_2329. Cote locale : C_4_49.
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LES LOVANGES DES
Parisiens, données en l’honneur
du Parlement.

 


PROTECTEVR de nos destinées,
Astre qui sur nostre Horizon,
Ramenez la belle saison
Apres tant de tristes journées :
Que vos soins effects de nos vœux,
Fassent pour nous & nos nepueux,
Tout ce que le Ciel vous inspire
Pour vn peuple persecuté,
En rendant à ce grand Empire
Sa premiere felicité.

 

 


Des commencemens si prosperes,
Nous flatent d’vn siecle plus doux,
Et l’Estat vous regarde tous
Comme ses veritables peres.
Ce tiltre vous est glorieux,
Et toute la France à les yeux
Sur vous & sur vostre seance :
Maintenant Iuges Souuerains,
Vous tenez dans vostre balance
Le bien ou le mal des humains.

 

 


Le ciel joignant vostre courage
A vostre genereux deuoir,
Reünit enfin le pouuoir
Pour acheuer ce grand ouurage.
Poussez d’vn noble mouuement,
Seruez vous glorieusement
De l’authorite qu’il vous donne,

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Et que vostre saincte vnion
Ne souffre pas qu’on la soupçonne
D’vne lasche corruption.

 

 


Pauure France que l’on opprime,
Pour t’auoir trop tiré de sang,
Tant de Vautours rongent ton flanc,
Que tu n’es plus qu’vne victime :
Mais tes maux ont assez duré,
Et bien-tost le siecle doré,
Rendra tes plaintes assoupies,
Tu mangeras ton pain sans pleurs.
Et l’on chassera les harpies
Qui s’engraissent dans tes malheurs.

 

 


C’est vne veneneuse inceste,
Qui cause la mortalité,
Et qui flatte l’authorité,
La rend odieuse & suspecte.
Ces grands voleurs dignes des fers,
Ne doiuent point estre soufferts,
Auec vn commerce si lasche :
Tous les imposts soient abolis,
Et ne souffrez plus vne tache
Qui ternit l’esclat de nos lys.

 

 


L’on dit que ces hommes d’affaires
Tâchent de diuertir leur sort,
La Fortune ne fait effort
Que sur des ames mercenaires,
Et vostre zelle non suspect,
Ne differe point au respect,
Ny d’interest ny d’alliance :
Et le salut de deux ou trois
Vous est de moindre consequence
Que celuy de tous les François.

 

 


Regerdez, sages Politiques,

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Dans nos villes & dans nos champs,
Et vous verrez que ces meschans
Sont les pertes des Republiques,
Tout le pays est desolé
Ils ont tout pris & tout volé,
Sans respect de sexe ny d’aage :
Ce ne sont que pleurs & que cris,
Et par tout se trouue l’image
Des restes d’vn fascheux débris.

 

 


Assez a troublé nostre ioye,
Leur insolente cruauté,
Assez de leur auidité,
Nous auons tous esté la proye.
Ces gens de tous haïs & crains,
Perdent mesme les Souuerains :
La disette de leurs Prouinces,
Oste la force à leurs projets,
Et l’incommodité des Princes,
Vient de celle de leurs Subiets.

 

 


Le retour de ces iours plus calmes,
Signalera vostre vertu,
Releuer l’Estat abbatu :
C’est cueillir d’eternelles palmes.
Rendez nostre Roy, quoy qu’enfant,
Tres-grand, heureux & triomphant :
Et monstrez à toute la France
Par vn propice changement,
Que vos loix & vostre prudence
En sont le plus seur fondement.

 

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LOVANGE
A LA REYNE.

 


REYNE de qui la pieté
Et la sagesse sans seconde,
Ont auec raison merité
Le plus grand Empire du monde,
Voicy la FRANCE à vos genoux,
Cet Estat qui rendoit ialoux
Par sa fortune & par sa gloire,
Les plus redoutables Estats,
Et de qui tous les Potentats
Iadis pour bien regner estudioient l’histoire.

 

 


I’ay pris ce Royal vestement,
Où l’on voit les Fleurs de Lys peintes,
Pour vous parler plus aisément
Et vous faire entendre mes plaintes :
Car à voir l’extresme paleur,
Qu’vn fatal excez de douleur
Imprime dessus mon visage,
A voir les fers où ie languis,
Sans mouuement que de la rage,
Helas qui me prendroit iamais pour qui ie suis,

 

 


Tout ce qu’on void sous ce manteau,
Paré des mains de la victoire,
Que me sert-il que de fardeau
Et de funeste estat de gloire :
Ces nouueaux peuples conquestez
Tous ces Chasteaux & ces Citez,
Sur tant de si belles riuieres,
Me pourroient donner quelque rang :

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Mais que me seruent ces frontieres,
Si pour des fleuues d’eau i’en ay donné de sang.

 

 


Helas ie desesperois,
Que vous me fussiez pitoyable :
Mais ie me souuiens qu’autrefois
Vous auez esté miserable :
Vous pouuez iuger des bien-faits
Par les plaisirs qu’on vous a faits,
Vous deliurant d’vne puissance
Qui traittoit vostre Maiesté,
Auec autant de violence
Que l’on vous traitera dans la Maiorité.

 

 


Qui n’eust asseuré que la mort
De Richelieu l’impitoyable,
Ne deust finir le mauuais sort
Dont la Rigueur encor m’accable :
Et qui n’auroit dit que l’Estat
De nostre ieune Potentat,
Au lieu d’vn Theatre de guerre,
Ne deuroit estre desormais
Que les delices de la terre,
Et le Temple sacré d’vne immortelle paix.

 

 


Mais loin de gouster ces douceurs,
Que la Paix cause sur la terre ;
I’esprouue toutes les rigueurs
De la famine & de la guerre :
Toutefois ce n’est pas malheur,
Mais vne legere douleur,
Et i’en souffre vne beaucoup pire,
De dire que depuis vingt ans,
Ce Sceptre d’vn si bel Empire,
Se trouue en d’autres mains que de mes vrais enfans.

 

 


Lache François, peuple sans cœur,
Mais vous indigne sang de France,

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Quoy ce petit Vsurpateur
Enchaisnera vostre puissance.
Où sont ces courages hardis,
Qui faisoient tout trembler iadis,
Pouuez vous endurer sans crime
Vn si detestable attentat,
Et voir que ce Tyran m’opprime,
En faisant de la France vn tyrannique Estat.

 

 


Et vous Souuerains Magistrats,
Quand sera-ce que vostre foudre,
Lancera ses iustes esclats,
Et reduira ce Monstre en poudre :
Il est temps que par vos Arrests,
Vous defendiez leurs interests,
Et la gloire de ma Couronne,
Et qu’on scache en tout l’Vniuers,
Que la Loy de l’Estat vous donne
Le pouuoir d’affranchir vn peuple de ses fers.

 

 


Mais grande Reyne c’est de vous,
Que l’on attend cette victoire ;
Vostre courage est trop ialoux
Pour en abandonner la gloire,
Aussi bien mon peuple irrité
Ne connoist plus d’authorité
Que de ses veritables Princes ;
Et las de voir dans le danger
Le Monarque de nos Prouinces,
Proteste de chasser ce Ministre Estranger.

 

 


Vous pouuez tres-facilement,
Dissiper cette tyrannie,
En rendant à mon Parlement
L’authorité qu’on luy denie.
Rendez ces Palais enchantez,
Que mes sueurs ont cimentez,
A ceux dont le sang les reclame,

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Et que vostre seuerité
Fasse de cette race infame,
Vn exemple d’horreur à la posterité.

 

 


La France n’eut pas finy ces mots
D’vne mourante contenance,
Que tout d’vn coup mille sanglots
La contraignirent au silence.
Vn prompt euanoüissement
L’a pensa mettre au monument
Au milieu de ses pleurs baignée,
Ce qui la mit dans les abbois,
C’est qu’elle auoit esté saignée
Depuis fort peu de temps en plus de mille endroits.

 

FIN.

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