Anonyme [1649], LES MAXIMES CHRESTIENNES, ou LES VERITABLES MOYENS POVR maintenir & conseruer LA PAIX. Non est pax impiis dicit Dominus. I. , français, latinRéférence RIM : M0_2424. Cote locale : A_6_14.
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LES
MAXIMES
CHRESTIENNES,
ou
LES VERITABLES MOYENS POVR
maintenir & conseruer
LA PAIX.

Non est pax impiis dicit Dominus. I.

A PARIS,
Chez SEBASTIEN MARTIN, ruë S. Iean de Latran,
prés le College Royal.

M. DC. XLIX.

Auec Permission.

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LES MAXIMES CHRESTIENNES,
ou les veritables moyens pour conseruer
la Paix.

Non est pax impiis dicit Dominus. I.

CE n’est pas vne bouche mortelle, ny prophane,
mais l’Oracle Diuin qui vous presche des
veritez eternelles ; qui vous public des mysteres
incognus à la terre ; qui vous apprend des
maximes adorables, & vous descouure les
secrets du Ciel : que les mortels donc l’escoutent
& apprennent de cette Bouche sacrée, que les méchans
ne possedent iamais vne veritable Paix, & que cette Manne
celeste ne se communique point aux consciences corrompuës.
Non, dit le Monarque de l’empirée, il n’y a point de
Paix pour les impies ; qu’ils se vantent tant qu’ils voudront
de l’auoir, ils n’en ont que les apparences ; & dans la confusion
de leurs pensées, de leurs desirs, de leurs mouuemens,
ils l’appelleront mille fois, sans que iamais elle vienne
à eux. C’est vn aduantage reserué à l’innocence ; c’est
vn priuilege qui n’est deub qu’aux Saincts : c’est vne faueur
qui n’est accordée qu’aux Ames pures ; & vne grace que
Dieu ne fait pas à tout le monde, parce que plusieurs ne la
meritent aucunement. Mais ie veux que la bonté Diuine
nous oblige de la Paix, & nous la donne bien que nous en
soyons indignes : ce n’est pas assez de l’auoir ; il faut en outre
cognoistre son excellence, estimer son merite, iuger de

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sa dignité, & sçauoir en quoy consiste sa perfection. Pour
l’esclaircissement de cette Doctrine chrestienne, ie pose trois
maximes certaines.

 

Premiere Maxime.

Ie dis que la veritable Paix, consiste à ne point souffrir d’alarmes,
ny de troubles en l’interieur, & faire en sorte que ny
le son des trompettes, ny le bruit des tambours, ny le cliquetis
des armes, ne soient pas capables d’interrompre nostre repos,
& nous causer de l’inquietude ; pour joüyr d’vne parfaite
tranquillité, il faut faire banqueroutte à tous les objets de
la terre, renoncer à toutes les passions, gourmander nos sens,
secouër le ioug insupportable des nos mauuaises habitudes,
se deliurer de l’esclauage, & de la tyrannie de nos appetits
desreglez, & nous mettre dans la liberté des enfans de Dieu.
C’est dans cette liberté que nous trouuont la Paix : c’est dans
cette Paix, qu’exempt des soins, des troubles, des inquetudes
qui agitent les autres mortels : nous batissons à Dieu vn
Temple au fonds de nos cœurs, où sa Majesté est adorée ; où
son Nom est beny ; où ses grandeurs infinies sont publiées ;
où ses loüanges sont chantées par des Seraphins, où ses misericordes,
sa gloire, son amour, ses bontez, sont à iamais respectées.
Mais il luy fait bastir ce Temple à l’imitation du Pacifique
Salomon, qui en fit éleuer vn, à l’honneur de sa Majesté,
auec tant de magnificence, qu’il a passé pour le premier
miracle du monde, & auec tant de dexterité & d’industrie
que l’on n’y entendit iamais, ny coup de marteau, ny de
scie, ny de quelque instrument que se puisse estre, capable de
faire du bruit.

Seconde Maxime.

Les hommes s’imaginent que pour auoir la Paix, qu’il faut
mettre les armes bas, & ne plus parler de la guerre : leur pensée
est bien eloignée de celle de Dieu : leur sagesse n’est rien qu’vne

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pure folie, leur resonnement vne resuerie, & leurs maximes
toutes contraires aux maximes chrestiennes, qui nous apprennent
que pour conseruer la Paix, l’on doit tousiours entretenir
la guerre. Au temps du deluge, lors que Dieu voulut
tesmoigner aux hommes que ses coleres estoient appaisées, &
que doresnauant, il n’auroit plus pour eux que des douceurs,
des tendresses, des complaisances, il protesta à Noë que
pour preuue infaillible de son amitié & de nostre reconciliation,
il feroit paroistre en l’air & dans les nuës son arc, &
qu’il seroit le signal aussi bien que le caractere de la Paix
qu’il nous auoit iurée. Mais, certes, quelle apparence, dit S.
Augustin, que pour signe de la Paix, il fasse voir des instrumens
de guerre, & que pour tesmoignage de son affection,
il mette sur nos testes des supplices, des fleaux, des chastimens :
Si ce n’est pour nous donner à cognoistre que pour
auoir la veritable paix, il faut estre continuellement en guerre,
& combattre sans cesse nos passions, nos desirs, nos concupiscences.
Dauid ne fut iamais plus malheureux, que lors
qu’il abandonna la guerre, & qu’il voulut se diuertir en vn
temps où les Roys courageux, s’acquierent de la gloire & de
la reputation parmy les combats. Aussi Dieu, qui cherissoit
particulierement le peuple d’Israël, qui estoit le bien-aimé
de son cœur, & en faueur duquel sa puissance à fait tant de
miracles & de merueilles estonnantes, voulut qu’il fut toûjours
parmy les combats, & qu’il passa sa vie au milieu des hazards,
des fatigues, des trauaux, des peines qui se rencontrent
dans le fascheux mestier de la guerre. Pendant qu’il fut
en Egypte, il n’eut ny Paix ny treue, ny relasche ; & l’espace
de quarante ans ; qu’il demeura dans les deserts & dans les solitudes,
il eut tousiours les armes sur le dos, des ennemis en
teste qu’il auoit à combattre & à vaincre ; & vne terre qu’il
deuoit conquerir au peril de son sang & de sa vie. Les saincts
Maccabées, l’honneur des Anciens Capitaines, & la gloire
des premiers Martyrs, ne vescurent qu’en faisant la guerre ;
& leurs plus belles actions ne parurent esclattante qu’à la faueur
des lumieres & des feux, qui sortoient de leurs armes,

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Faisons le semblable : soyons tousiours en guerre auec nous-mesmes,
& nous iouyrons d’vne parfaite tranquillité d’esprit.
Tranquillité, que ny les ennemis de l’Estat, ny l’ambition
des princes, ny l’aueuglement des Peuples, ny la passion
des mauuais Ministres ne pourront iamais troubler.

 

Troisiesme Maxime.

Pour bien conseruer la Paix, ce n’est pas assez que nous
soyons en guerre auec nous-mesmes : il est necessaire encor
que nous contradictions vne solide amitié auec nostre prochain,
& particulierement auec les pauures ; or, comme l’amitié
consiste à faire du bien à la chose aimée : n’est-il pas resonnable,
& n’est ce pas l’vnique moyen pour entretenir vne
paix de longue durée, que de soulager les membres de Iesus-Christ,
& d’assister les pauures en leurs necessitez. C’est vne
action genereuse, loüable, excellente & chrestienne ; mais,
c’est aussi vn traict d’vne Politique, & moralle, & prudente ;
& dans les villes les mieux reglées, où les Habitans recherchent
la Paix, comme le seul tresor qui les peut enrichir, &
l’vnique rampart qui les peut deffendre ; on ne permet pas
qu’il y ait des pauures, ou s’il y en a, on ordonne qu’ils soient
soulagez par l’assistance des bourses communes. Les Magistrats
iugeans bien que la necessité conçoit toûjours de funestes
desseins, qu’elle estouffe les belles qualitez de l’esprit,
qu’elle est marastre des plus nobles actions, qu’elle ne medite
ordinairement que des desespoirs, des vengeances, des
enuies, des rebellions, des sousleuemens, & que s’il y a des
riches mécognoissans, il y a aussi des pauures blasphemateurs :
pour obuier donc à ces malheurs selon les regles & la
conduite de la sagesse humaine, il est à propos d’assister les
pauures, les mettres hors de la mendicité. Mais pour parler
en veritable politique chrestien, il est absolument necessaire
que nous donnions l’aumosne aux pauures, parce que la charité
estant la plus excellente, comme la plus considerable de
toutes les Vertus, & Moralles & Theologalles, elle nous

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vnit à Dieu, & nous rend semblables à luy. Dans cette vnion
nous aimons les pauures à cause qu’il les aime particulierement,
& pour recompenser nostre amour, il nous enuoye la
paix, nous la donne, la maintient & la conserue, comme le
plus pretieux tresor que nous puissions souhaitter de sa liberalité.

 

FIN.

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