Anonyme [1649], LES QVATRE PARTIES DE LA THEOLOGIE DES ESPRITS FORTS, ET DES COVRTISANS DE LA COVR , françaisRéférence RIM : M0_2937. Cote locale : C_10_32.
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LES QVATRE PARTIES
DE LA
THEOLOGIE
DES
ESPRITS FORTS,
ET DES
COVRTISANS
DE LA COVR

M. DC. XLIX.

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Les quatre Parties de la Theologie des Esprits forts,
& des Courtisans de la Cour.

IL n’est rien dans l’Vniuers de plus merueilleux
& digne d’estonnement que ce Cameleon qui
au dire des Poëtes & Orateurs ou Interpretes de
la nature changent leur peau en autant de diuersitez
de couleurs que l’on trouue dans la nature
humaine de diuerses humeurs ; Ie croy qu’il n’y a
point dans Lanciclopidre des Estres, aucun Hyerogliphe
symbole ou figure de l’inconstance & de
la fragilité que ces animaux à qui ses grands esprits
du Siecle, & ses grands aualeurs de fumée du Louure,
ie veux dire les Courtisans de la Cour, sont
extremément semblable en vn poinct, ils sont differents ;
C’est que les Cameleons ayment la liberté,
& les autres l’haborrent contre tous les sentimens
du Sage du siecle ; & principalement de ceux
de l’antiquité Romaine, qui disoient vnanimement
que, libertatis nomen & omen omnibus preferendum
esse, ie sçay bien qu’il y a eu dans les siecles
passés, plusieurs grands Orateurs ainsi que Lorrenfius,
Alnababe, Licinius, & plusieurs autres qui

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ont plus fait d’estime d’vne contrainte seuerité,
que d’vne douce liberté : Les esprits forts de ce
siecle, & les Courtisans de la Cour l’ont dans leurs
cathegorie. Ces hommes à qui la liberté semble
vne estrauage & vne prison, ont pour fondements
de leurs raisons qui doiuent suiure les loix & les
ordres du loth, du sort, & du destin de la fortune,
qui sont comme les quatre eslemens de la fortune,
dont le corps chimerique de leur ambition est
composé de loth à leur opinion, est vn instrument
dont ils se doiuent seruir afin d’attraper les moins
rusez, & ceux qui ont plus de conscience qui n’ont
pas leurs ames, ils ioüent des doigts, des yeux, des
lévres, & de la pointe des pieds, afin d’attraper &
de preuenir les biens de leurs esgaux, & de leurs
superieurs, celots est different de celuy du Marchand,
qui pour donner l’option indifferemment
de leurs marchandises qu’ils ont achepté ensemble
font ietter à vn petit enfant diuerse piece de
monnoye, & c’est que l’on appelle loth. Plutarque
raconte que les sept Sages de Grece, voulant s’accorder
entr’eux des liures que le Roy d’Ætyopie
leur auoit donné, se seruirent du mesme artifice &
du jeu du loth, en se siecle l’on ne se sert point à
leur maniere de cét art, la fourbe, la tromperie, &
la ruse sont en son lieu & place, ils choisissent ceux

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qui conuiennent à leurs humeurs, ils esloignent ce
qui leur desplaist, & le loth dont ils se seruent est
inuenté par leurs propres malices, ce n’est pas
donc sans raison, que les plus Sages de ce temps,
& nos Philosophes estoïques soustiennent que les
premiers élemens qui entendans la composition
de leur vaine gloire, est le pernicieux loth.

 

Le deuxiéme élement dont leur vanité est composée,
est plus detestable qui est vn sort bien different
de celuy des anciens Payens qui croyoient
seurement que le sort n’estoit autre chose que la
mauuaise construction & inclination des choses
mobiles, nos Messieurs de la Cour croyent le contraire,
& soustiennent que le sort est vne ferme volonté
de faire mal à ceux qui nous font du bien.

Le troisiéme élement qui compose les phantosmes
ambitieux de nos esprits vains & flateurs, est
le destin des adorateurs de l’antiquité, ont estimé
qu’ils n’estoient autre chose que l’influence, & la
constellation des astres : Tout au contraire, ses
grands & petits esprits osent asseurer que le destin
des animaux raisonnables, ne despend pas de la resolution
des Globes celestes, mais plustost de leur
bon ou mauuais temperament, d’où vient qu’il
s’est trouués parmy eux des Athées qui ont bien
voulu croire que l’ame raisonnable n’estoit autre

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chose que l’harmonie des quatre humeurs. Le
loth, le sort & les destins sont les trois parties de
leurs Theologie ; c’est à dire sapience, en laquelle
ils establissent toute leur gloire & toute leur felicité
temporelle.

 

Le quatriéme élement de leur corps chimique
est, qui est aussi la derniere partie de leur science,
est la fortune, parce qu’elle a beaucoup de difinitions
des Payens, aussi l’embrassent-ils diuersement :
Les moins sages d’entr’eux sont du party
Dapullée, & disent auec luy que l’on ne doit pas
rapporter toutes choses à la Fortune, car autrement
les sciences seroient vaines ; Les autres plus
inconsiderez, sont du party de Seneque, qui soustient
que la Fortune est vne necessité inéuitable de
toutes les choses & de toutes les actions, laquelle
aucune puissance ne peut interrompre, parce
qu’elle despend de la disposition de Iupiter & du
conseil des Dieux immortels, les autres demeurent
indifferens dans leurs resolutions, pour ne suiure
pas l’opinion d’Antesignianus & des Athées,
qui ont osé proferer qu’il n’y auoit point de Dieu,
& que toute chose estoit gouuernée par la Fortune,
& que les ames perdoient leurs distances &
leurs essences par la corruption & des-vnion des
corps parmy ses hommes qui veulent viure dans

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les grands mondes, ils s’en trouuent encore de
plus raisonnable, qui forment mieux à propos,
leurs idées chimiques est la quatriéme partie de
leurs Theologie auec Boëce, Ils disent que la Fortune
est vne disposition conaturelle à toutes les
choses mobiles, par laquelle Dieu les conjoint à
ses ordres indépendans, il arriue ordinairement à
ses Esprits forts, que par les secrets de leurs Theologie,
ils meurent pauure dans leurs folies.

 

FIN.

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