Anonyme [1649], LES SANGLOTS PITOYABLES de l’affligée Reyne D’ANGLETERRE. DV TREPAS DE SON MARY. , françaisRéférence RIM : M0_3585. Cote locale : A_7_19.
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Les Regrets de la Reyne d’Angleterre sur la
mort de son mary, auec ses dernieres
paroles.

LES Poëtes parlans de la mort la rendent
tres formidables, & que de toutes
les choses, elle est la plus terrible, qui
rauit la vie par l’extinction de la chaleur
vitale, elle est cruelle veu qu’elle
oste l’estre naturel, & met dans le non estre, Les
Peintres ne la décrient pas moins par la laideur &
difformité qu’ils peignent sur son visage, auec des
traits si difformes qu’il semble que l’art n’a pû rien
adiouster pour la rendre odieuse, neantmoins elle
fait acte de Iustice, donnant à la terre le corps qui a
esté tiré de son sein, à condition toutesfois de le
rendre au iour des assises dernieres & iugement vniuersel,
elle restituë au Ciel l’ame qui a esté creé, pour
y faire son sejour, y contempler Dieu, & iouyr de
ses eternelles felicitez, ou bien pour estre deleguée
dans l’Enfer pour punition de ses fautes ayant prouoqué
la Iustice. Donc la mort est iuste, & on ne
peut aller à la vie que par elle, il n’y a que le peché
qui la rend redoutable, & partant ny a que les meschans
qui l’enuisage, & comme vn obiet de leur
hayne, veu le precipice qu’elle leur promet, mais au
contraire les bons la considerent comme vne veritable

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amie, qui les deliure de leur maux, pour posseder
Dieu & receuoir les remunerations de leurs
bonnes œuures par des ioyes, extases & rauissemẽs
qui ne finiront iamais.

 

Neantmoins les hommes font ce qu’ils peuuent
pour éuiter son sort, aussi bien que son dard, témoin
Thetis d’Achille qui ce couurant des habits de femme,
deguisa sa force & sa vaillance, craignant que
reuestu en homme, il ne fut connu d’auantage, &
que cét habit le contraignist de combattre à la guerre
de Troye pour y témoigner son courage, voulant
par ce moyen éuiter la prophetie de l’Oracle & le
presage asseuré qu’elle auoit de sa fin.

Mais cette marastre inexorable, on ne peut ce cacher
deuant sa faux, elle entre d’vn pas égale dans
le Palais des grands aussi bien que dans la grotte des
petits, les riches & les miserables courent à la mort
& les parques tranchent le fil des Rois, aussi bien
que celuy des petits.

Témoins cette hystoire pitoyable que i’expose au
public qui est faite d’vn Roy, dans le plus funeste &
de praué Royaume, que le Soleil ait iamais éclairé,
qui a fait naistre vn effet de sa cruauté en la personne
de son prince, cette Barbarie a fait vne playe qui
saignera long temps : le croy, mon cher Lecteur, que
la plus infortunée Reyne en ressent dans son ame
les sinistres effets, aussi c’est d’vn prince auec lequel
Dieu auoit vny sa volonté par le lieu coniugale.

Ce tragique spectacle a esté dressé à Londres en
Angleterre, ce mauuais Saturne a conuerty fatalement

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le plomb en fer, qui a fait perdre la vie à vn
Roy tres innocent, qui n’estoit coupable que pour
auoir trop aimé les interests d’vn peuple entierement.
Ces maudits Insulaires l’ont chargé de mil
faussetez, l’ont accusé de perturbatiõ, luy qui cherissoit
la paix, & qui ne demandoit que l’amitié de ses
suiets, lesquels l’ayant detenu vn long temps sous
la captiuité de leur humanité, & reserué dans vne
prison gardé tres-estroitement, ils ont conspiré non
seulement à la perte de son Estat, mais de sa vie.

 

O maudite engeance, ó peuple selon & cruel, tu
ne te pourrois iamais lauer d’vn tel crime, d’vn tel
attentat, & d’vne cruauté, qui fait glacer ce sang
dans les veines.

Il ne s’en faut estonner car n’ayant point de Religion
qu’vne fausse & apparente, ils n’ont point
de Dieu, & n’ont en recommandation que la tyrannie
& le massacre, ils sont meurtriers des personnes
Royales que Dieu à ordonnées pour gouuerner
l’Estat, ce sont des parricides qui trempent leurs
mains dans le sang de leur pere, les Monarques sont
ainsi qualifiez & instituez de Dieu.

A ce propos il me souuient d’auoir remarqué dans
la Cour Saincte du Pere Caussin, l’effroyable hystoire
de Marie Stuart Reine de ce malheureux Climat,
qui aprez vingt ans de prison, luy firent perdre la
vie sans autre forme de justice que celle de la malice
Angloise, pour monstrer leur ferocité & deprauation,
qui ne trouue aucune forme de justice dans
son procedé, sinon celuy de sa perfidie, inhumanité

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pas moins coupable que l’ẽtrepreneur. Il y a de certaines
choses, dans lesquelles c’est vne faute irremissible
quand on ferme les yeux, & c’est asseurement en ce
qui concerne l’administration des Royaumes. Ces
raisons nous forcent de declarer à toutes les Prouinces
qui composent ce vaste corps de la France, & à
tous ceux qui sont touchez de l’excez de nos miseres,
causées par le Mazarin, apres plusieurs meures deliberations
& resolutions prises auec tout ce qu’il y a de
grands & de genereux, auec dis-ie, tout ce qu’il y a
de personnes affectionnées au seruice du Roy & au
bien de son Royaume, de se mettre en estat de repousser
par les armes les attentats de ce meschant
Ministre. Il faut auouer que l’Histoire ne nous fournit
point d’exemple dans toutes les suittes des siecles,
d’vn Monstre plus fatal, d’vn si grand, & si dangereux
ennemy du Roy & du public. Nous sçauons, &
nous le ressentõs assez, qu’il a pillé tous les tresors de la
Frãce, nous ne le sçauos pas seuls, les estrãgers le sçauẽt
& s’en estonnent ; Il a creu donner icy dãs les yeux des
plus grands de la France par des nieces qu’il a fait passer
pour des Princesses, quoy que leur origine soit plus
iuconnuë, que ne l’est la source du Nil Il croyoit
ébloüir par l’eclat des tresors qu’il nous a volez les
meilleurs partis de ce Royaume, afin d’y treuuer des
appuis à ses desseins pernicieux, & d’auoir par ce
moyen, celuy de foüiller tousiours dans vne mesme
source. Mais il deuoit penser qu’il n’en est pas des richesses ;
comme de l’Ocean, elles peuuent estre à la fin

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epuisées, & nous voyons que par cet epuissement il a
osté au Roy les nerfs de la guerre, puis qu’ellene peut
estre faite sans employer l’or, & l’argent. Mais graces
à la bonté Diuine qui prend le soin d’vn ieune Monarque,
dont les vertus naissantes comme les rayons
d’vn beau Soleil, nous font esperer vn beau Midy, ses
fourberies, ou plustost ses crimes ont esté decouuerts.
Il est inutile d’en faire le denombrement en ce lieu,
puis que personne ne les ignore. Il est, auec raison l’objet
de la hayne des plus genereux d’entre les Princes ;
qu’il a traitté comme des esclaues, & ce perfide, pour
faire le bon valet, a voulu souuent les faire passer pour
criminels. Il a prodigué le sang de la Noblesse, & des
soldats, il a rançonné les Officiers, & reduit le peuple
à vne extreme misere pour executer ses passions, &
pour vanger les querelles que sa vanité a fait mal à
propos à tous les Princes voisins : comme son ame est
vn fond de malices, elle l’a porté à rendre suspects du
crime de leze Majesté tous ceux qu’il a voulu faire
mourir, emprisonner, chasser, & despoüiller de leurs
charges, pour les prendre pour luy, en disposer en faueur
de ses parens, qui en sont incapables, ou pour les
donner à ceux qu’il veut engager à soustenir les iniustes
pretentions de sa tyrannie. Elles sont si visibles,
que nous ne pouuons faillir dans l’vnion que nous
pretendons de faire, pour nous opposer à des iniustices
qui perdent tout l’Estat d’vn Prince mineur, durant
vne Regence administrée par vne estrangere.
Nous ne pouuons faillir, dis je, estans appuyez de

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l’authorité des plus sages testes du premier Parlement
du Royaume, dont les trauaux insignes surpassent infiniment
tout ce que les fables ont feint de ceux du
grand Hercule. Apres tout, il suffit de dire pour la
condemnation entiere de Mazarin, que ceux qui
sembloient auoir iuré la perte de la France par vne
haine qu’on croioit irreconsiliable, entre deux grandes
Couronnes, nous ont decouuert la lacheté de se
trahisons.

 

FIN.

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