Anonyme [1649], LES SECRETS DE CONSCIENCE D’VNE AME DEVOTE, DECLAREZ A SON CONFESSEVR Touchant les affaires du Temps , françaisRéférence RIM : M0_3635. Cote locale : C_10_4.
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LES SECRETS
DE CONSCIENCE
D’VNE AME DEVOTE,
DECLAREZ A SON CONFESSEVR
Touchant les affaires du Temps

A PARIS,
Chez IACQVES GVILLERY, ruë des Sept-Voyes,
deuant le College de Fortet,
proche Mont-Aigu.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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LES SECRETS
DE CONSCIENCE
D’VNE AME DEVOTE
DECLAREZ A SON CONFESSEVR,
Touchant les affaires du Temps.

Vne Ame tres deuote & tres innocente,
au fort de ses meditations, & parmy les
obscurités de la nuit, les larmes aux
yeux, les souspirs en la bouche, & les
sanglots au cœur. Contemplant les miseres
extremes & les calamitez estranges qui menacent
la France de ruine, qui la mettent sur le bord
d’vn funeste precipice & la poussent auec violence
dans la pente de toutes sortes de mal-heurs. Apperceut
d’abord vne lumiere éclattante qui repandit
dans son oratoire des rayons d’vne clarté extraordinaire,
& au milieu de cette lumiere, vn ieune homme

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enuironné de splendeurs, qui portoit sur son front
la majesté & la crainte, & qui dans la beauté de son
visage, dans la grauité de son port, dans la richesse
de ses vestemens dans la douceur de ses paroles, luy
fit assez connoistre qu’il n’estoit pas Citoyen de ce
monde. Ie vous laisse à penser si cette Ame fut surprise,
puis que c’est la coustume des Vierges d’apprehender
mesme la conuersation des Anges, quand ils
sont deguisez en hommes, & si cét objet ne luy causa
pas de grands troubles dans l’esprit : Neantmoins
estant vn peu remise de cette émotion l’Archange
Michaël qui sans doute est son Ange Gardien luy parla
en ces termes. Ma fille, vous auez trop de connoissance
de la Religion que vous professez, & trop de
sentimens de la Vertu d’humilité, que vous pratiquez
pour ne pas sçauoir que Dieu ne reuele point ses secrets,
non plus qu’il ne descouure point ses mysteres
à tout le monde. Ce sont des faueurs reseruées pour
les Ames choisies. Ce sont des graces que plusieurs
ne meritent aucunement, & des auantages qui ne sont
deubs qu’à vne pureté tres parfaitte, sçachez donc,
Ma fille, que le Ciel est extremement irrité contre les
mortels à cause de leurs debordemens, mais particulierement
contre les François, puis qu’il permet qu’ils
soient rongez de guerre iusques dans la milice du
cœur, & que la plus florissante ville du monde en
pieté, en science, en probité, en vertu, en richesse soit
en estat d’estre perduë, & en suitte d’elle, le reste de la
France. Dieu estant en colere contre Dauid, il luy
donna le choix de trois fleaux à sçauoir la peste, la fa
mine, & la guerre qu’il luy vouloit enuoyer pour le
punir. Ce Prince aussi sage que resolu aux volontez du
Ciel, choisit la peste comme le plus supportable & le
plus leger de tous : sçachant que la famine n’espargne

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personne, la où la peste ne s’attaque ordinairement
qu’aux pauures gens. Et que la guerre traisne infailliblement
apres soy, les deux autres fleaux. Aussi quand
le Fils de Dieu nasquist dedans la terre, l’Histoire sacrée
remarque que tout le monde estoit en paix, &
que les hommes ne deuoient plus auoir de differents
ensemble, puisque le Monarque des Cieux nous venoit
reconcilier par sa mort & son sang au Pere eternel.

 

Ma Fille, ne iugez-vous pas bien que cette guerre
intestine & mal-heureuse, causera des maladies contagieuses,
& des disettes estranges puisque l’on void
dés-ja les elemens reuoltez, & les saisons renuersées,
des inondations espouuantables & des froids qui empeschent
le dessein des moissons ? Nous en sommes à
la veille tous les iours, & nous regardons auec larmes
les pauures mourir de faim, & languir malades dans
les hospitaux. Ma fille, les pechez des hommes sont
la cause de ces mal-heurs & les blasphemes que vomissent
leurs bouches infames contre le Ciel, la source
& l’origine de toutes ces disgraces. Peut-estre que
le discours que ie m’en vais vous faire estonnera vne
ame qui n’est accoustumée qu’aux melodies des Anges,
qui n’entend volontiers que la voix de son Epoux
celeste, qui n’a des oreilles que pour les veritez eternelles,
& qui n’en a point pour les malices de la terre,
Qu’vn Prince esleué parmy la congregation la plus
sage, & la plus vertueuse de Paris, soit deuenu imperieux
iusques à ce poinct que de s’attaquer à Dieu
mesme & le vouloir destruire s’il pouuoit. Croyriez
vous bien qu’il eust assez d’insolence pour outrager
ses Saincts, & condamner leur vie d’extrauagance ou
d’imposture ? pourriez-vous, vous persuader qu’il
eust permis à ses soldats, la liberté de tous les crimes,

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de violer les femmes & les filles, d’exercer mille violences
sur leurs biens, sur leurs personnes & sur leurs
vies ?

 

En effet l’on void les Temples prophanez par leurs
impudicitez, les Autels abbatus, l’Auguste Sacrement
foullé aux pieds, les biens de l’Eglise enleuez, les Prestre
despoüillez, le Sacrifice de la Messe empesché : &
les ceremonies de la Religion mesprisées. Peut-estre
me respondrez vous, Ma fille, que la medisance, est
vn poison qui infecte mesme les plus belles choses &
qui noircit la blancheur des plus sainctes actions, que
c’est vne science qui ne doit pas estre écoutée, & qui
ne pousse la douceur contagieuse de sa voix, qu’à dessein
de tuër nos ames, & les perdre. Le Verbe eternel
a eu des persecuteurs & des bourreaux, & biẽ qu’il fut
tres-innocent, mesme dans l’impossibilité de pouuoir
pecher, ayãt pris toutes nos infirmitez, excepté l’ignorance
& le peché, neantmoins les ennemis de sa gloire
n’ont pas laissé de condamner ses Miracles d’imposture,
ses actions de malice, & ses Oracles de mensonge.
Aussi deffend-il absolument de iuger dans son
Euangile. Et il proteste en plusieurs, que les hommes
addonnez aux vice de la médisance, seront mesurez de
mesme mesure qu’ils auront mesuré leur prochain.
Anciennement dans les Republiques les mieux policées,
les médisans estoient punis de mort comme les
meurtriers ; & dans la pensée de ses Anciens, ce n’estoit
pas vn moindre crime de rauir l’honneur à vn
homme que de luy oster la vie, Et certes les François
passent pour lasches dãs l’esprit des Nations voisines,
en ce qu’ils medisent égallement des vns & des autres,
& d’eux mésmes. Sçachez donc, ma fille, que Dieu a
ce vice en abomination, que c’est luy qui luy met les
foudres dans les mains, & qui excite les tẽpestes & les

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orages qui menacent la France d’vn funeste naufrage.
Pourtant, ma fille, Dieu m’a commandé de vous
dire que l’on desracinera ce crime des cœurs si l’on
desiroit auoir la paix ; & doresnauant l’on parlera des
Princes auec beaucoup de respect quand mesme leurs
actions ne seroient pas Sainctes. Dieu les a estably sur
nous, rendons à leur grandeur nos deuoirs, & s’ils ne
sont pas comme ils deuroient estre, prions le Ciel qu’il
les change. C’est l’vnique moyen d’appaiser bien-tost
ses coleres & de luy arracher les carreaux des mains.
Ouy, ma fille, asseurez vous que Dieu touché de compassion,
mettra fin en bref à tant de calamitez. Cét
Auguste Senat composé de tant de gens de bien, de
personnes si pieuses, si sainctes, si iudicieuses, qui obseruent
si exactement les loix de la Iustice, sera enfin
victorieux. Et Dieu qui void la sincerité de ses intentions,
le rendra glorieux & triomphant parmy toutes
les nations de la terre. Fauorisez, Ma fille, ses desseins
& ses armes de vos prieres : & faictes en sorte que toutes
les sainctes Ames ioignent leurs vœux à vos larmes
pour son eternelle prosperité.

 

FIN.

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