Anonyme [1649], EXPOSITION ET EXPLICATION DES DEVISES, EMBLEMES ET FIGVRES Enigmatiques du Feu construit deuant l’Hostel de Ville, PAR MESSIEVRS LES PREVOST des Marchands & Escheuins de Paris, Sur l’heureuse Naissance & Retour du Roy. Faite par Henry Estienne, Escuyer, Sieur des Fossez, Poete & Interprete du Roy és Langues Grecque & Latine. , français, latinRéférence RIM : M0_1336. Cote locale : C_7_83.
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EXPOSITION
ET EXPLICATION DES DEVISES,
EMBLEMES ET FIGVRES
Enigmatiques du Feu construit deuant
l’Hostel de Ville,
PAR MESSIEVRS LES PREVOST
des Marchands & Escheuins de Paris,
Sur l’heureuse Naissance & Retour
du Roy.

Faite par Henry Estienne, Escuyer, Sieur
des Fossez, Poete & Interprete du Roy és
Langues Grecque & Latine.

A PARIS,
Par ANTOINE ESTIENE, Premier Imprimeur
& Libraire ordinaire du Roy.

Ruë S. Iacques, au College Royal, deuant S. Benoist.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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EXPOSITION DES DEVISES,
Emblemes, & figures Enigmatiques du feu construit
deuant l’Hostel de Ville, par Messieurs les Preuost des
Marchands & Escheuins de Paris, sur l’heureuse Naissance
& retour du Roy.

ENTRE plusieurs autres enseignes militaires
dont se seruoient les Romains, le feu
tenoit le principal rang ; Et nous lisons par
toutes les Histoires, que la flamme estoit
toujours vne augure de Victoire, de Grandeur & de Prosperité :
C’estoit toujours le feu qui precedoit les anciens
Cesars & les grands Pontises. C’est par ce feu public,
que le Peuple de Paris vent témoigner à son Prince,
& sa tres-humble obeïssance & son amour : Car nous
lisons dans les Hierogliphiques des Egyptiens, qu’ainsi
que la haine estoit signifiée par les eaux, le feu estoit le
symbole de l’amour. C’est pourquoy Licinius disoit
que l homme par l’amour ne s’embrazoit pas seulement,
mais qu’il deuenoit tout feu. C’est encor par ce feu, que
le Peuple veut faire paroistre mesme au milieu des tenebres
la pureté de son cœur & la candeur de ses intentions.
C’est des mesmes Egyptiens que nous apprenons
que le feu est le symbole de la pureté.

Ie ne m’arresteray pas icy sur l’ordre de l’Architecture
de cette superbe Pyramide, puis que le Sieur Valdos
en donne la planche au public : On verra dans cette œuure
magnifique, qu’il a témoigné l’excellence de son

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Art, son zele & sa diligence enuers le Roy & la Ville de
Paris, non moindres que dans ce superbe Mausollée,
qu’il a basty à la memoire de LOVIS LE IVSTE
combattant : Et moy ayant esté choisy pour faire les
Deuises & les Eloges des Generaux d’Armée qui ont
assisté ce grand Prince, i’ay esté aussi choisy pour faire
les Deuises, les inscriptions & Hemystiques de ce feu,
dont le vay maintenant donner vne breue intelligence,
attendant que (ioignant vne plus ample exposition
à la planche) ie fasse voir l’interest que ie prends aux réjoüissances
de ma Patrie.

 

Au plus haut de la Pyramide, est posé vne Iustice,
tenant d’vne main la balance & l’espée, signifiant la
Iustice, & la force pour la faire maintenir : Car c’est d’elle
que depend l’Authorité souueraine, & qu’elle ne pout
elle mesme subsister sans la puissance Royale. On l’a
pesée au plus haut de cét Arc de triomphe, ainsi que la
raison dans la teste de l’homme, qui gouuerne toutes
les autres passions : Nous y auons adjousté cét Hemystique,

Hac leges, hac Iudice temperat arma.

C’est elle qui tempere & les Loix & les Armes.

C’EST à elle que le Roy refere toutes ses actions,
tant de la paix que de la guerre.

Elle tient vn Soleil à sa main, tant pour illuminer
cette plus haute partie, que pour signifier que la Iustice
(ainsi que le Soleil) void tout, découure tout, & penetre
iusques aux lieux les plus reculez des Abysmes, ou par
sa lumiere, ou par la puissance de sa vertu.

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Voicy en suite Apollon, Phœbus ou le Soleil (car ce
n’est que la mesme chose :) Cette blonde cheuelure &
crespelée, cette Ieunesse, & les traits de visage nous font
assez connoistre qu’il represente le Roy. C’est cét Astre
propice, qui par sa Naissance a reparé la perte de nostre
Soleil couchant : C’est cét Astre puissant dont l’aspect
fauorable produit, engendre, nourrit & conserue
toutes les creatures animées & inanimées, qui dissipe
tous les nuages & les broüillards qui s’opposent à sa
clairté. Hercule n’a pas seul defait les Monstres en sa
ieunesse, Phebus tua le Serpent Python, qui le vint attaquer
dans son berceau : C’est pour quoy il porte des fleches
pour de faire ses ennemis, mais c’est de la main gauche
dont il se sert peu, & prend plus grand plaisir à se
seruir de la droicte dont il porte les graces : Ce sont les
Faueurs, les Bontez, & les Liberalitez qu’il exerce enuers
ses Subjets. Cette bonté & cette promptitude à
contribuer plustost des faueurs que des disgraces, se fait
entendre par ce mot Latin,

Dextra promptior.

La main droite est tousiours plus prompte à operer
que la gauche ; c’est pourquoy c’est de celle-cy qu’il
tient les fléches, & de l’autre les graces.

On void les Monstres que ce ieune Heros a défait
dés ses plus tendres années, representez par ces Lions
& ces Aigles ; Ce qui est expliqué par ces mots Latins
pris de Seneque le Tragique,

 


Monstra superauit prius
Quam nosse posset.

 

A peine nostre ieune Prince cognoissoit-il ses ennemis,
qu’il les a défaits & mis à vaudetoute.

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Voicy vn grand nombre de Déesses qui suiuent [1 mot ill.]
ieune Phœbus, C’est Minerue, cette Diuinité & guerriere
& sçauante, qui nous ameine la France toute rejoüie,
& la Paix. Ouy, nous la deuons esperer de la
prudence de nostre Minerue la Reine Regente, qui
employe tous ses soings & ses veilles pour nous la donner
glorieuse, Les Muses n’ont garde de manquer de
se rencontrer à ce Triomphe : elles suiuent leur Apollon,
& au retour du Roy rameinent les Arts qui auoient
esté bannis par son absence.

Tout est en ioye, tout est en allegresse, tout le Ciel
retentit d’acclamations pour le salut de leurs Majestez.
& Paris maintenant remis en son lustre, se glorifie dans
la possession de son Prince.

Ces Muses, & par leurs gestes & par leurs visages,
tesmoignent la ioye qu’elles ont de voir tant de matiere
pour estre employées à celebrer les vertus de nostre
Monarque : Car elles qui sont Déesses, se plaisent à publier
les faicts heroïques des Dieux.

Parmy les Muses paroissent plusieurs trophées d’armes,
qui sont là bien posées auec cette Inscription,

Gaudet enim virtus testes sibi iungere Musas,

La Vertu veut auoir pour témoins les neuf Muses.

ET quasi tous les grands Capitaines ont esté amateurs
des beaux Arts.

Entre ces figures & ces festons paroissent quelques
peintures auec des mots Latins : Ce sont quatre deuises,
dont le corps de la premiere est vn Soleil qui darde ses
rayons temperez sur le costé d’vne montagne fertile en

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toutes sortes de fruicts, & sterile, orageuse & plaine de
tempestes de l’autre costé, dont elle n’est pas illuminée :
l’Ame est,

 

Quos aspicit beat,

Heureux ceux qu’il regarde.

RIEN ne s’engendre, rien ne se produit, rien ne
prend croissance que par l’aspect du Soleil : & ce
qu’est cét Astre à la terre & aux fruicts, la presence du
Roy a le mesme effect sur les peuples. Il n’y a gueres
que tout estoit triste dans Paris, le commerce abandonné,
des petits esprits alterez les vns contre les autres :
par tout vn cahos & vne confusion ; Mais dés que ce
Soleil a daigné nous regarder de ses belles lumieres, la
terre s’est resioüie, les cœurs se sont reschauffez & reünis
à la chaleur de ce feu : Les broüillards des mauuais soupçons
ont esté dissipez, & la tranquillité, l’amour & la
paix ont paru par tout.

La seconde est vn essain de mouches à miel, attachées
auprés de leur Roy, auec ces mots :

Cuncti gens vna sumus,

Pour suiure nostre Roy nous sommes tous vnis.

QVAND ces petits animaux sont trop hastez de
sortir de leur Ruche, & que leur Roy n’est pas
encor dehors, vous voyez de grands troubles & de
grands combats entre ces Abeilles, qui font retentir l’air
de leurs plaintes, & ne s’arrestent iamais que par le doux
murmure de leurs trompes elles n’ayent attiré leur Roy :

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Et alors toutes d’vn accord s’attachent aupres de luy, &
ne l’abandonnent point qu’il ne les ait conduites dans
leur Royaume. Si le peuple n’estoit retenu de l’authorité
des plus grands, aussi tost qu’ils verroient leur Prince
esloigné d’eux, leur affection s’altereroit, & seroient capables
de quelque émotion ; mais il n’y a si mutin ny
obstiné, qui reuoyant la face de son Roy, ne commence
à l’aimer d’auantage, & ne se rende tres-affectionné à
executer ses commandemens, tant cet amour a pris de
puissantes racines dans le cœur des François.

 

La troisiesme est vne Aurore qui conduit le Soleil,
auec ces mots pris de Virgile,

Matre dea monstrante viam

Ta Mere auec toy ramene le beau temps.

IL est tres-certain que des deux sujets de cette réjoüissance
publique, nous en auons la plus grande
obligation à la Reine Regente, qui a conserué cette
semence Royale dans ses flancs par ses soins, mais bien
plus par ses vœux & prieres enuers le Tout-puissant :
Qu’elle l’a éleué iusques en l’âge de connoissance où il
est maintenant, par sa grande Prudence. On ne void iamais
paroistre le Soleil sur nostre Hemisphere, que cette
belle éclatante & pure Estoile, que l’on nomme l’Aurore
ou Porte-lumiere, ne paroisse auparauant, comme
pour le conduire & luy monstrer le chemin. C’est cette
grande Princesse, qui laissant vaincre son courroux par
sa bonté & clemence, a rendu le Roy à ses Peuples, les
Peuples à leur Roy, & le repos & la tranquilité à tout le
Royaume.

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Dans le corps de la quatriesme, sont quantité de fusées
qui s’éleuent en haut, & iettent dans l’air vn nombre
infiny d’Estoiles & de Serpenteaux, auec ces paroles,

Tot vota meorum,

Autant de vœux pour moy font mes Subjets au
Ciel.

Novs auons dit cy-deuant que le feu estoit vne chose
sacrée, & qu’on le portoit deuant les Empereurs :
outre cela, le feu represente les vœux que l’on fait à Dieu :
Ce qui est cause qu’on remplit nos Temples de quantité
de cierges. Le Roy acceptant & reconnoissant la bonne
volonté de ses Subjets, se peut vanter estre plus aymé
d’eux, que tous les autres Princes ses deuanciers, puis que
le nombre des cœurs de ceux qui brûlent pour luy estant
infiny, ne se peut nombrer non-plus que ces petits feux
artificiels, qui cachent & obscurcissent les Estoiles du
Ciel.

FIN.

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