Anonyme [1652], LES SOVSPIRS DES FLEVRS DE LYS, ADDRESSÉES AV ROY ET A LA REYNE. , françaisRéférence RIM : M0_3706. Cote locale : B_3_26.
LES SOVSPIRS DES FLEVRS DE LYS, ADDRESSÉES AV ROY ET A LA REYNE.
IE suis la Fleur de Lys de chacun admirée, Qui ma Racine a pris du Roy Clouis le Grãd Mais las ! les Mazarins m’ont beaucoup efleurée, Des fueilles de mes Fleurs vn chacun d’iceux prend
Mon Renom & mon los tirent leur origine, Des Sacrez saincts Cahiers du double Testamẽt Benie, i’ay esté d’vne faueur Diuine, Pour seruir aux François de Sceptre & d’ornement.
En diuerses Saisons i’ay esté esbranchée, Beaucoup de mouuemens m’ont fait voir leurs rigueurs,
Ie suis vne herbe saincte, vne Tige, vne Plante, Qui n’ay pour mon Soleil, sinon l’Oing du Seigneur, Si de sa Majesté Mazarin ne s’absente, Il ne pourra iamais éuiter le mal-heur.
Ie connois ma beauté, mon honneur, mon merite, Louys le Iuste m’auoit esleué dignement, Dire ie ne le dois, car vn chacun me dicte Que Louys son Successeur est de tout innocent.
Louys mon Protecteur qui auoit pour figure, Ma Fleur qui te seruoit de Symbole & Tableau, Faudra-il qu’on me brise & qu’on me défigure Puis que ton fils ne veut pas chasser mon fleau.
Faudra-il que ie perde ma riche couleur Blanche, Faut-il que Mazarin iouïsse d’vn tel bien, Et en cét abandon ie n’aye la voix franche Pour dire le mal-heur de mon Roy & le mien.
Que chacun sçache donc mon mal & ma foiblesse,
Mazarin comme chef a choisi la plus haute, Et les siens auec luy sont dans le cœur Royal, Ayant souffert cela, on a fait tres-grand faute, Car de les en tirer on aura bien du mal.
Helas ! quel creue cœur, aucun ne me console Quoy ie voy les Rameaux qui sont sortis de moy A eux s’estre arresté de vouloir & parole, En me soulant aux pieds me met en grand émoy.
Mais Gaston le suport de ma Tige & mes branches, Et de Condé l’apuy de mes feuïlles & Fleurs, Sont ioints l’vn auec l’autre, & par paroles Franche, Declareront au Roy mes cuisantes douleurs.
En luy ayant fait voir la hardie entreprise, Que ces Pipeurs ont fait sur son Authorité ; Peut-estre les fera-il fustiger en chemise Leur donnant le loyer de leur temerité.
Car celà est honteux de voir qu’on me baffouë,
Faloit-il l’esleuer dedans le Ministere, Luy permetant d’auoir si grande authorité, Qu’il méne comme il veut de l’Estat les affaire, Faisant ce qu’il luy plaist prés de sa Majesté.
Quoy vn homme Estranger aura tant d’insolence, Que de vouloir narguer nos Princes, & Seigneurs, De brauer les François, & de perdre la France Lors que ie voy cela ie me pasme & ie meurs.
Quoy vn nouueau venu dans la Maison Royalle, Y fait tout ce qu’il veut sans auoir de dédit, Alors qu’en France il vint la iournée fut fatale, Parce qu’il a causé que ie perds mon credit.
Faut-il donc qu’vn maraut, vn gueux portebesace, Se voye dans le pouuoir d’vne telle façon, Et que l’on vueille bien qu’il fasse & qu’il défasse, Et que mesme aux plus grands il donne la leçon.
Il est vray que le Roy est ieune, & qu’il l’amuse, Car à tout ce qu’il dit il le croy fermement, Mais il ne connoist pas du Mazarin la ruse, Qui fait le bon valet, mais par vn faux semblant.
Enfin il a en Cour vn tres-grand priuilege, Et les Grands n’y sont pas comme luy respectez, Ie croy qu’asseurément il a du sortilege, D’estre si absolu auprés leurs Majestez.
Quoy pour fauoriser vn homme de sa sorte, Les Princes ne sont pas receus en leur maison, Ie n’y sçaurois penser, la passion m’emporte, De voir ce procedé qui est contre raison.
Et pour vn adoptif les enfans legitimes Se verront déchassez, & ils perdront leur droit : Peut-on faire cela sans faire de grands crimes ? Qui diroit autrement, insensé il seroit.
Les Princes mes Enfans, Appuys de la Couronne, Qui de sa Majesté deuroient estre cheris, Estant de son Estat les Remparts & Colomnes, Se voyent moins honnorez que des gens de bas prix, prix.
N’ay-je pas bien sujet de me voir indignée Contre le Mazarin qui flétrit ma beauté,
Ha Sire ! serez-vous point touché de ma peine, En me voyant pour vous lamenter & douloir, C’est parce qu’vn coquin vous mene & vous ramene, Et que vous le suiuez au gré de son vouloir.
Quoy vous fuyez Paris, & l’on vous y honore Auec tant de respect & de fidelité, Si Mazarin le fuït, l’apprehende, & l’abhorre, C’est qu’on ne l’y veut plus n’y à d’autre costé.
N’est-ce pas grand pitié voir la France regie Par vn homme estranger, duquel on a fait choix, Le preferer à ceux qui sont de la patrie, Quoy n’est-ce pas aller contre toutes les Loix ?
Bref ce m’est vn sujet d’vne grande amertume Voir qu’vn Italien mon Estat vient vacquer, Les autres Roys n’ont point vne telle coustume, Et c’est ce qui iamais ne s’est veu pratiquer.
Mais auoit-on raison de voir vn homme ignoble Ministre d’vn Estat, d’vn lieu d’où il n’est né,
Verray-je plus long-temps regner ce Polipheme, Qui trouble des François la paix & l’vnion, Le Roy ne fait-il pas tout son possible extréme De le vouloir tenir en sa protection.
Vn homme qui a mis la guerre & la discorde Entre tous les François, que peut-il meriter ? On dira tout du moins qu’il merite la corde, Et si que c’est le trop humainement traiter.
Sire, vous protegez vn meschant, vn impie, Et vous faites pour luy la guerre à vos Sujets, Mais s’ils sont armez c’est contre cette harpie, Non pas donc contre vous, mais contre vos valets.
Sire, souffrirez-vous que vostre Estat se perde, Pour trop considerer vn homme comme luy, Car de s’imaginer que nos Princes luy cede, Ils ne le feront pas, cela seroit inoüy.
On ne sçauroit blasmer son Altesse Royale, Son procedé est iuste, il n’est que pour vn bien, Condé ioint auec luy dont l’ame martiale Employera son bras contre l’Italien.
Ceux qui sçauent estimer la valeur des Couronnes Sont grandement ialoux de leur possession, Pour les bien conseruer faut que les Roys eslognes Ceux qui dans leurs Estats mettent la diuision.
Sire, Paris qui est la Ville capitale Du Royaume François, vous fait vœu & serment D’vne fidelité & d’vne foy loyale, Pendant vous le traitez du tout seuerement.
N’y deuriez-vous pas estre en magnificence Sur le Trône Royal brillant comme vn Soleil, Et redonner la paix au Royaume de France, Et chasser le Demon qu’est dans vostre Conseil.
Vous allez çà & là sans tenir voye ny sente, Suiuant la volonté d’vn infame Vassal, Quoy ! vostre Majesté faut-il qu’elle consente ? A tout ce qu’il plaira au traistre Cardinal.
Louys vostre Geniteur vous laissa son Royaume, Dans vne bonne Paix, n’estant point oppressé Mais depuis Mazarin ce furieux Phantosme, A troublé son repos & tout bouleuersé.
Où estes-vous grand Roy Louis treize le Iuste, Vous estiez mon Appuy, mon Phare, mon Rempart, Mais depuis vostre mort ie me vois bien décheute, Car Mazarin de moy prend vne bonne part.
Durant vostre viuant i’estois tant honorée, I’éclattois de beauté, de lustre & de candeur, Mais à present ie suis de ces honneurs frustrée, Mes fueilles sont flétries, & ie perds mon odeur.
Louys de Dieu-donné imitez vostre Pere, Mettez-moy dans l’Estat où ie luisois alors, Cependant qu’il regnoit encor dessus la terre, Et de vostre Maison ne me chassez plus hors.
Mais chassez-en plustost ce perfide & prophane, Qui ose vous oster de vostre liberté, Et n’endurez donc plus qu’il me gaste & fane, Car ie suis l’ornement de vostre Majesté.
L’on blasmoit Richelieu par mille inuectiues, A de mauuais esprits il estoit odieux, Mais depuis Mazarin rend la France chetiue, Faisant bien pis que luy, doncques il valoit bien mieux.
Ie seray desormais toute seiche & aride,
Sur les Armes des Roys ie suis plus estimée, La France m’a euë comme present des Cieux, Faut-il donc aujourd’huy que ie sois consommée, Et que l’on me separe en tant de diuers lieux.
Ha ! qu’il est bien-tost temps que ie sois secouruë. I’appelle les François, car ils sont mes enfans, I’espere que par eux ie seray maintenuë, Me deliurant bien-tost de mes cruels Tyrans.
Enfin i’ay bon espoir en sa Royalle Altesse : Et au vaillant Condé & mes autres appuye, Qu’ensemble estant touchez de ma grande détresse, Ils m’osterons des mains de tous mes Ennemis.
Ouy, ils me remettrons dans ma beauté premiere, Ie parestray sur eux, à l’entour de mon Roy. Mais faut auparauant qu’il chassent ce Vipere, Qui me ronge & destruit ainsi comme l’on voy.
Ie veux donc m’addresser a vous ô grande Reyne,
On ne peut m’ẽpescher il faut que ie me pleigne De voir l’Estat qu’est mis tous s’en dessus dessous, Ce m’est grand déplaisir voir vn si piteux reigne Et de tous ces mal-heurs ie m’en veux plaindre à vous.
Vous qui auez en main le timon du Nauire, Ne deuez-vous pas bien conduire le Vaisseau ? Mais là, vous aydez plutost à le d’estruire, Et voudriez desia qu’il fut au fonds de l’eau.
C’est pour vn Mazarin que vous estes obstinée Et de qui vous prenez, si fort les interests, Que vous vous souciez peu si la France est ruïnée Et de perdre pour luy tous vos pauures sujets.
Celà est estonnant & ie ne sçay pas comme Vous voulez sans raison du Peuple vous venger : C’est bien considerer vn si desloyal homme, Qui cause dans l’Estat vn si furieux danger.
Le Peuple ne peut plus souffrir telle vergõne De voir que ce meschant a tout mis en débat,
Or puis que Mazarin est la cause certaine, Que ie voy allentir mes Nobles fleurs de Lys : Et que tous les François il a mis dans la peine, Pourquoy ne voulez qu’il aille a son pays.
Dieu vous ayant donné vn Peuple a vostre charge Vous estes obligée de le bien Gouuerner, Et de ne pas souffrir qu’on l’afflige & l’outrage Où si quelqu’vn le fait vous deuez l’esloigner.
Vous voyez Mazarin estre la source entiere, Du mal qu’ont les François & vous le protegez, Vous estes comme luy du Peuple meurtriere Ie ne sçay pas du tout à ce que vous songez.
Madame, vous deuez tremper vostre colere, Et ne pas tant cedder à cette passion : Car ce feu deuorant si on ne le modere, Cause souuentes-fois nostre perdition.
Il est temps d’apporter vn diligent remede, A tant de maux causez par des Cõseils mauuais Affin qu’à vn mal-heur vn autre ne succede, Vous deuez vous haster d’accorder à la Paix.
FIN.
QVATRAIN.
L’Ancre autres fois gasta de nos Lys la blancheur, Et pour la conseruer on la mit en ruyne, Mais pensant les sauuer d’vne sale noirceur On les a corrompus de l’odeur Mazarine.
A LA FRANCE.
France ie plains bien vostre sort, Car on connoist vostre impuissance Vn coyon vous mit en balance, Et Mazarin vous met a mort.
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