Anonyme [1649], LES VRAIS MOYENS DE MAINTENIR LA PAIX, OV LES SENTIMENS d’vn bon François, AVX HABITANS DE LA Ville de Paris. , françaisRéférence RIM : M0_4079. Cote locale : C_6_31.
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LES VRAIS MOYENS DE
maintenir la Paix, ou les Sentimens d’vn
bon François, aux habitans de la Ville
de Paris.

Pauure Peuple, entre dans mes sentimens, ie suis
bon François, ie ne desire que le bien de ma Patrie,
le repos public & le soulagement du Peuple ; Mon
style sera naïf, familier, & s’accommodera à vos esprits,
afin que vous le goustiez auec plus de facilité. Vous dites
que vous aymez mieux la Guerre que le Mazarin, Perturbateur
du repos public ; que vous aimez mieux mourir
mille fois que de le souffrir en France : c’est le faire
demeurer, que de vouloir sa perte, vous luy donnez la
vie que de luy souhaiter la mort, vous voulez l’emporter
de haute-lute auec le Roy vostre Maistre, dont la puissance
de ses Ayeuls est establie depuis douze cens
ans auec empire sur ses sujets. Voudriez-vous que vos
valets vous imposassent des Loix dans vos familles ? n’y
peririez-vous pas plutost mille fois, que de souffrir vne
reuolution & decadence vniuerselle ? Que diriez vous
d’vn fils qui des-obeïroit à son pere, d’vn valet à son
Maistre, d’vn vassal à son Seigneur ? & vous voulez aujourd’huy
imposer, sujets que vous estes, des Loix & des
commandemens à vostre Roy (auec ces termes, nous
voulons :) Vous me direz, il souffre vn Ministre estranger,
odieux à tous les peuples, Ministre qui transporte
tous les deniers hors le Royaume, Ministre ingrat, qui

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ne fait bien qu’à ceux qui sont à sa deuotion, Ministre
qui engloutit tous les Benefices, qui absorbe toutes les
richesses du Royaume. Ie veux que cela soit, mais donnez-moy
vn expedient pour obuier à ce mal heur : vous
faites comme les gens à qui l’on coupe vn bras, pour
vangeance vous vous couppez l’autre, par vne Guerre
Ciuile & cruelle, où le cousin tuë son cousin, où le frere
tuë son frere, le pere tuë son fils, de sorte que nous nous
deschirons nos propres entrailles ; Nous ressemblons à
ces flambeaux qui en esclairant les autres, se consomment
entierement. Depuis trois mois que vous voulez le
chasser & que vous ne l’auez pas fait, que vous en a-t’il
cousté, & que seditieusement dans les ruë, sans aucun
respect des Generaux & Magistrats qui sont plus sages
que vous, vous dites tous, Il ne faut plus de Mazarin, l’auez-vous
chassé pour cela, l’auez vous mis hors le Royaume ?
Vous voyez donc visiblement que c’est vne meschante
Politique, dont vous vous seruez, & que vos Generaux
& le Parlement n’en ont pû encore venir à bout,
& cependant vous courez auec plaisir à vostre ruïne, &
vous cherissez vostre mal en cette perte ? Qu’en couste-il
à Paris ? quelle perte n’auez vous point fait. Il en couste
plus de trente millions à cette Auguste Cité, dans les pertes
qu’elle a fait des villages circonuoisins, des diminutions
de plus de la moitié du bien qui est dans ses murailles,
de l’argent comptant qu’il a falu pour la subsistance
de l’Armée : on appelle cela, que le remede est pis
que le mal ; Ouy, mais vous me direz, si nous ne l’auons
fait en trois, nous le ferons en quatre, en cinq, ou six
mois ; Ie vous respondray, que si le Roy & les Princes ne

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le veulent, vous ne le ferez pas en dix ans ; c’est vn point
d’honneur, où il est raisonnable de le ceder au Roy &
luy en donner l’execution à luy-mesme, & quand bon
luy semblera ; vous ne sçauez que trop, que c’est la perte
totale du Royaume d’Angleterre, où les sujets du Roy
voulurent chasser l’Archeuesque de Cantorbery son
Fauory, ce qu’il fit à la suscitation de ses peuples ; le lendemain
n’en demanderent ils pas encor vn autre, &
ne continuerent-ils pas dans de nouuelles inconstances,
iusques au poinct de cruauté & barbarie, du tout inoüys
aux siecles passez ? C’est aujourd’huy le theatre de la
guerre, c’est l’oprobre des Royaumes du monde, ce sera
le sujet de la vangeance vniuerselle de tous les Potentats
de toute la terre. Ie n’entre point en comparaison des
bons François enuers leur Roy, auec ces Scythes & ces
barbares ; c’est la seule esperance que i’ay, de l’vnion des
bons François, auec les sacrées Personnes de leurs Majestez :
c’est pour vous faire voir clairement les consequences
qui se glissent dans les rebellions auec les
meschans pretextes, qui n’ont iamais manqué dans ces
miserables guerres, & qui ont tousiours aueuglé les peuples,
sous l’esperance de plus grands biens imaginaires.
Mais je reuiens à mon discours, & que si en trois mois il
vous a cousté plus de trente millions, en six il vous en
coustera plus de cent, & tant plus vous ferez la guerre,
plus vous vous y consommerez. Cependant vous perdez
cette merueille du monde, ce Paris, dont il est parlé
par toute la terre, comme d’vn miracle, d’vn prodige de
richesse, d’abondance vniuerselle de toutes choses : Ce
Paris qui a tousiours esté le Siege de nos Roys, cepẽdant

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qu’ils soient, auec regret, obligez de le perdre, pour n’y
pas trouuer vne obeïssance, vne fidelité de leurs Suiets
enuers leur sacrée Personne ; vous y trouuerez vos interests
dans vostre deuoir, chers Concitoiens, & si vous
vouliez faire reflexion plus d’vne fois aux miseres qui
vous peuuent encor arriuer en la continuation de cette
cruelle guerre : Ie ne vous parleray point de la famine &
la peste, fleaux de Dieu, qui n’abandonnent iamais ces
miserables entreprises de la perte vniuerselle de tout le
Royaume, qui nous fera brusler à petit feu : Croyez-vous
que les decadences arriuent en vn moment ? dix
ans de peines, de miseres, de cruautez inoüies, de carnages,
d’incendies, de violemens, de pestes vous accompagneront
incessamment. Et quoy, vous ne finirez
point cette guerre contre la volonté de vostre Roy, vous
ne desirerez point cette paix, desirée auec tant de passion,
de tous les gens de bien : Mais ie ne puis passer sous
silence l’inoüye resolution de quelques gens desesperez
& passionnez au seruice de l’Espagnol, nostre ennemy
juré, de luy faire affranchir les limites bornées par la Diuine
bonté, car au lieu de nous faire du bien, par ses astuces
dissimulées il nous viendra ronger iusques au cœur &
nous dõnera les plus belles apparences de bien, qu’il n’y
aura que les plus clair-voyans qui en reconnoistront les
fourberies, ce ne seront que roses dans les commencements,
qu’vne discipline bien ordonnée enuers les François,
qu’vne protestation de seruice dans nostre cruelle
guerre, que mille offres d’vnion & d’amitié pour toute
la France ; cependant quand ils nous auront deceu par
ces colorées protestations ; qu’ils se seront petit à petit

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encrés dans nos biens, dans nos terres, & nos fortunes, ce
sera alors que nous reconnoistrons nos fautes, mais il ne
sera plus temps ; quand ils auront exercé des cruautez,
des barbaries inoüies sur nous, quand de maistres nous
serons venus esclaues ; ce sera alors que de nostre assoupissement
nous nous reueillerons, mais il ne sera plus
temps : Nous maudirons l’heure de nos mauuaises resolutions,
nous souhaitterons auec acclamation les seruices
que nous deuons à vn Roy que Dieu nous a donné, mais
nous ne le trouuerons plus en estat de nous escouter.
Contribuez donc de vos soins, mes chers Concitoyens,
à ne point souffrir cét Espagnol, odieux aux François ;
Finissons donc encor vne fois cette guerre, & demandons
la Paix, auec l’obeïssance que nous deuons au Roy :
il est trop bon pour ne nous la pas donner, quand nous
nous mettrons en nostre deuoir ; il nous fera iouyr de
la generale, & voir fleurir auec ioye ce beau Royaume,
que nostre ennemy voudroit voir diuisé en mille partialitez ;
obeissons donc à nostre Prince, & nous en receurons
les fruits ; & finissons, en nous souuenant que toute
puissance vient de Dieu, Adieu.

 

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