Anonyme [1652], EXTRAICT DES REGISTRES DV PARLEMENT, CONTENANT Ce qui s’est passé pour l’esloignement du Cardinal Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1351. Cote locale : B_11_29.
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Du Vendredy douziesme Avril mil six cens
cinquante-deux, du matin.

CE iour la Cour, toutes les Chambres assemblées, Monsieur
le Duc d’Orleans y estant, & le Sieur Prince de
Condé, presens les Gens du Roy, ledit Sieur Duc d’Orleans a
dit ; Que la Compagnie sçauoit ce qu’il auoit fait pour le seruice
du Roy & de son Estat, pour la deffense de ses Sujets, & pour la
Paix generale dans le Royaume ; Que son Cousin le Prince
de Condé auoit les mesmes sentimens ; Qu’il en auoit cy-deuant
fait sa Declaration, contenuë au Registre du vingt-huictiesme
Fevrier dernier, & à laquelle il persistoit.

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ET ledit sieur P. de Condé a dit, qu’il a creû estre obligé
de venir en la Compagnie pour la remercier de ce qu’elle
a trouué bon de surseoir l’execution de la Declaration
enuoyée en la Cour, sous le nom du Roy, contre sa personne,
& ceux qui l’ont suiuy en sa retraite, apres auoir reconnû
qu’il y auoit esté forcé, pour se garantir des violances &
de l’oppression du Cardinal Mazarin ; & que la creance
qu’il auoit tousiours euë de son retour, n’estoit pas vn pretexte
recherché pour troubler le repos de l’Estat ; Qu’il prie
la Compagnie de s’asseurer qu’il n’a jamais eu & n’aura
d’autres intentions que d’employer sa vie pour le seruice du
Roy, & le bien de l’Estat, & de suiure entierement les ordres
de S. A. R. & les sentimens de la Compagnie, ausquels il
se soûmettra tousiours auec beaucoup de joye & de satisfaction ;
declarant qu’il n’a rien fait que pour la seureté de sa
personne, & qu’il est prest de poser les armes à l’instant que
le Cardinal Mazarin sera hors de France, & que les Arrests
donnez contre luy auront esté executez ; & prie la Compagnie
qu’il soit fait registre de la presente Declaration.

Et apres Monsieur le President de Nesmond a dit ; Que
le Samedy 23. Mars dernier, il eut ordre auec Messieurs les
Deputez de la Compagnie, de se transporter vers le Roy,
pour luy porter les Remonstrances par escrit de ladite
Cour ; qui trouua bon qu’elles fussent reueuës, (ce qui fut
fait : Partirent le Ieudy ensuiuant, allerent disner à Linas,
& coucherent à Estampes ; se rendirent à Orleans le Samedy
veille de Pasques, où ils furent receus & visitez par tous
les ordres & Officiers de la Ville auec beaucoup de respect
& de ciuilité : Et apres auoir receu diuers ordres de la part
de sa Majesté, se rendirent à Sully, où ils furent visitez de
plusieurs personnes de qualité, & furent conduits en la
maison du Roy ; où estant aduertis par le sieur de Guenegaud
Secretaire d’Estat, d’entrer au cabinet de sa Majesté ;
ils le virent assis en vne chaire, à sa main droite, la Reyne
assise à gauche, Monsieur le Duc d’Anjou debout, à
main droite derriere M le Garde des Sceaux, M. le Duc
d’Anuille, Mrs les Mareschaux de Villeroy & du Plessis,

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les sieurs de Brienne, de la Vriliere, le Tellier, & de Guenegaud
Secretaires d’Estat.

 

Monsieur de Champlastreux sans autre personne, apres
auoir fait humbles reuerences à sa Maiesté, ledit sieur President
dit en ces termes.

SIRE, c’est auec vn extréme regret de vostre Parlement,
que la premiere Deputation qu’il a fait à V. M. pour luy
faire connoistre les malheurs qui menaçoient la France, a
esté suiuie des effets dont il n’auoit encore que la crainte.
Nous esperions que sa bonté preuenant les accidens funestes
que portoit auec soy l’entrée du Cardinal Mazarin, arresteroit
le cours de ce dessein ; mais nous voyans priuez
de cette attente, nos desirs & nos vœux sans succez & sans
fruit, nous sommes obligez de luy porter par escrit nos Remonstrances
& nos plaintes pour nous acquitter du deuoir
de nos charges enuers le public & la posterité. Ces Remonstrances,
SIRE, ont pour fondement principal la Declaration
& les paroles de V. M. données si souuent à vostre
Parlement, deposées dans nos Registres, & publiées à tout
le Royaume si solemnellement, qu’on ne pouuoit entrer
en doute qu’vne Loy si authentique deust estre enfrainte.
Cette Loy poursuiuie auec tant de justice, & receuë auec
vn tel applaudissement, est demeurée si viuement grauée
dans les cœurs de tous vos subjets, qu’elle n’en peut estre
ostée sans les arracher, sans alterer leurs affections, qui sont
les plus riches thresors de la Couronne, & blesser la reputation
de V. M. qui consiste dans l’entretien de la parole
Royale, la source & l’ame de nos Loix, lesquelles estant les
nerfs de ce corps Politique, les anchres de ce vaisseau public
qui affermissent l’Estat & la Royauté, ne peuuent receuoir
atteinte sans diminuër l’authorité du Prince, puis qu’vn
changement si soudain est vn adueu de quelque faute, ou
vne marque de foiblesse.

Il est vray, SIRE, que les Roys sont au dessus des Loix,
par leur dignité sans pareille. Mais ils ne laissent pas d’estre
aussi estroitement obligez par leur propre lien de l’honneur
& de la conscience, ainsi que Dieu dont ils portent

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l’image, ne jure que par soy, comme il ne peut respondre
qu’à luy-mesme. Sa bonté, neantmoins, ne nous veut pas
engager que par l’exemple & la fidelité de ses paroles, &
cette independance ne destruit pas la force de la promesse,
mais luy imprime vn caractere plus saint & plus inuiolable.
C’est ce qui nous fait asseurer que V. M. verra ces Remonstrances
de bon œil, y fera enfin vne forte & serieuse
reflexion, & considerera la face de son Estat comme d’vn
malade languissant sans poux & sans haleine, ayant le cœur
saisy d’vn venin, qui par la guerre l’agite d’vne part, & par
la misere le consomme de l’autre : Et de peur que la maladie
ne soit trop lente, toutes les parties de ce grand corps
armées les vnes à l’encontre des autres, pour épuiser le
sang qui coule encore dans ses veines.

 

Les Estrangers, Espagnols & Anglois, spectateurs d’vn si
cruel carnage, pour en profiter seuls, & projetter entr’eux
le partage de la despoüille qui restera. V. M. ne veut pas
voir perir son Estat à l’entrée de son Regne, ny diminuer le
nombre de ses subjets, pour accroistre celuy de ses Ennemis.
Elle preferera sans doute le remede qui est en ses
mains d’en restablir la vigueur & la force. Le seul esloignement
du Cardinal Mazarin peut causer ce bon-heur,
dans lequel V. M. treuuera l’execution de sa parole, le
maintien de son autorité, l’vnion de la maison Royale, la
paix estrangere & domestique. La paix, SIRE, que nous
attendons de V. M. que le Ciel reserue à son innocence,
puis qu’elle a esté donnée aux desirs de ses peuples par vn
miracle particulier de celuy seul qui peut donner la paix,
qui luy est tous les jours demandée par les soûpirs & les gemissemens
dont retentit toute la France. Nous nous promettons
que V. M. embrassera tant d’aduantages ensemble ;
& s’il reste encore quelque consideration foible qui
les combatte, comme elle porte par tout le bon-heur & la
victoire, elle obtiendra plus glorieusement celle-là sur soy-mesme
à la supplication generale de ses subjets. Dans la connoissance
certaine de cette verité, que personne ne peut
contester dans son cœur, nous n’estimons pas qu’il se puisse

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trouuer vn homme de bien dans son Conseil, qui donne à
V. M. celuy de le retenir, sans se rendre complice de la ruine
de son Estat, & attirer sur soy la vengeance du sang
François, qui s’espand dans tout le Royaume. Quand à vostre
Parlement, lequel n’a point d’autre interest que celuy
du public, il ne se peut aussi départir de ses sentimens & de
ses Remonstrances, puis qu’elles n’ont point d’autre objet
que la grandeur de V. M. l’honneur de sa Couronne, & la
tranquilité publique.

 

Apres auoir acheué nostre discours, nous presentasmes
au Roy les Remonstrances par escrit, lesquelles sa Majesté
receut auec bonté ; En suite nous luy dismes : Que la coustume
estoit de les faire lire par vn Secretaire d’Estat en sa
presence. Surquoy s’estant formé quelque difficulté, & nous
ayant dit qu’il en parleroit à son Conseil, nous luy representasmes
que les Roys ses predecesseurs, depuis l’institution
des Parlements, leur auoient toûjours donné la liberté de
leur faire des Remonstrances lors qu’ils jugeoient le deuoir
faire en leurs consciences ; Qu’on les faisoit quelquesfois
de viue voix seulement, & d’autre-fois de viue voix & par
écrit ensemble, comme le Parlement nous auoit ordonné
en cette occasion qui estoit si importante, où il estoit necessaire
que les causes de la ruїne & du peril extréme de son
Estat, luy fussent representées exactement par ceux qui
n’auoient point d’interest que le bien de son seruice, & lesquels
estoient obligez en leurs consciences de le faire. Que
le Roy son Pere d’heureuse memoire en mil six cens quinze,
les Remonstrances par écrit du Parlement, luy ayant
esté portées les fit lire en sa presence par Monsieur de Lomenie
Secretaire d’Estat, qui estoit icy present, & l’asseureroit
de cette verité, & qu’il auoit toûjours esté ainsi pratiqué
en semblables occasions, & n’y auoit point d’exemples du
contraire. Que les Deputez du Parlement qui estoient
porteurs des Remonstrances estoient aussi témoins necessaires
de cette action, afin de rapporter à leur Compagnie,
que leurs raisons auoient esté entenduës par sa Majesté, autrement
se seroit étouffer la verité, oster au Parlement la liberté

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de faire connoistre au Roy les necessitez de son Estat,
& rendre les Remonstrances inutiles & illusoires, en ne les
lisant point, dont il arriueroit vn grand inconuenient ; d’autant
que les Officiers de sa Majesté, deuans respect & soûmission
aux Ordres qui venoient de sa part, s’ils auoient
creance que ses Ordres fussent surpris, ou ne fussent pas
donnez en suitte d’vne connoissance parfaite de la verité,
ils ne pouuoient pas y auoir la mesme deference, mesmes
s’ils estoient priuez de cette consolation, de luy faire entendre
leurs plaintes par les voyes ordinaires & legitimes : Que
nous le supplions de nous faire cette justice, & à luy-mesme,
puisque c’estoit pour le bien de son Estat. Ce que le Roy
ayant entendu, il nous dit de nous retirer, & qu’il nous
rendroit response, mesme sur la lecture des Remonstrances.
Surquoy apres auoir de nouueau insisté, nous fusmes dans
vn Cabinet proche la Chambre du Roy vn quart d’heure ;
puis estant rappellez, le Roy nous dit, Qu’il auoit commandé
à M. le Garde des Seaux de nous faire sa response, qui fust
autant que nous la pusmes recueillir.

 

Que le Roy luy commandoit de nous dire ; Qu’il trouuoit
estrange que le Parlement, lequel auoit toûjours tesmoigné
sa fidelité & ses bonnes intentions pour le seruice de sa Majesté,
auoit pris le temps de faire ses Remonstrances lors
que les Estrangers entroient en France, & que ses sujets rebelles
s’opposoient à main armée au passage de sa Majesté :
Que la posterité s’estonneroit auec raison de voir dans les
Registres, qu’au lieu de donner des Arrests contre les entreprises,
conuoquer le ban & arrie-ban suiuant les formes
ordinaires ; On n’auoit pas voulu deliberer sur les Conclusions
des Gens du Roy, & qu’on auoit veu rouler le Canon
dans Paris, pour le conduire contre les troupes de sa Majesté
sans en rien ordonner : comme aussi de ce que le Parlement
auoit surcis la Declaration de sa Maiesté, verifiée
contre ceux qui auoient pris les armes contre son seruice :
Sa Maiesté neantmoins esperoit que cette premiere Compagnie
du Royaume conserueroit toûious sa fidelité & son
affection pour le seruice du Roy, comme ayant toûiours eu

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les intentions bonnes ; Que tous ces discours du Mazarin,
où de M. le Cardinal Mazarin, n’estoient que des pretextes
qui auoient esté proiettez dés la Minorité du Roy, dont on
voyoit les effets, lesquels il sembloit que le Parlement vouloit
fauoriser ; Que le Roy vouloit faire Iustice à M. le Cardinal
Mazarin, & auoit enuoyé Commission à son Procureur
General pour luy faire porter les Informations ; lesquelles
quand il auroit veuës, il feroit lire nos Remonstrances, &
nous enuoyeroit querir pour y faire response s’aprochant de
Paris, comme il en auoit le dessein. Que le Roy estoit Maieur,
vouloit estre obey, & regner auec Iustice.

 

Apres auoir oüy le discours de M. le Garde des Sceaux, nous
repartîmes, que s’il plaisoit à sa Maiesté de faire lire nos Remonstrances,
elle y trouueroit la response pertinente à tout
ce qu’auoit dit M. le Garde des Sceaux ; Que le Parlement
lequel auoit accoustumé de rendre Iustice auec sincerité, &
agissoit toûiours dans le vray seruice du Roy, sçauoit bien
distinguer les pretextes recherchez des causes veritables ;
Que l’entrée du Cardinal Mazarin en France estoit la seule
& veritable cause de tous les maux que nous voyons ; Que
lors qu’il a esté absent du Royaume suiuant la volonté du
Roy, si les armes auoient esté prises par Messieurs les Princes,
la Declaration de sa Maiesté contre eux auoit esté verifiée
au Parlement sans contredit, sur laquelle les Gens du
Roy donnans leur Conclusions auroient dit ; Que si on s’en
vouloit seruir comme d’vn degré pour faire rentrer le Cardinal
dans le Royaume, ils n’y consentiroient iamais. Mais
que nous auions veu son retour dans la France contre toutes
les paroles données deuant le mois expiré. Ce qui auoit
obligé la Compagnie aussi tout d’vne voix, à sursoir l’effet de
la Declaratiõ auec iustice. Qu’il ne sembloit pas raisonnable
d’imputer au Parlement l’entrée des troupes estrãgeres dans
le Royaume, puis que c’estoit le Cardinal Mazarin qui auoit
ouuert par la sienne toute la frontiere aux ennemis du Roy,
dépoüillãt toutes les Villes de leurs garnisons, pour en composer
vn corps d’armée, & menant auec luy vingt Gouuerneurs
où Capitaines des Places, lesquels sous pretexte de

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luy seruir d’escorte, auoient abandonné leurs charges dont
ils estoient responsables au Roy, laissant par ce moyen la
France en proye aux Estrangers. Sur cela M. le Garde des
Sceaux ayant dit, que tout cela n’estoit que des pretextes ;
Nous repliquâmes que s’il plaisoit au Roy faire cesser la
cause du mal par l’éloignement du Cardinal Mazarin, nous
ferions bien apres cesser tous les pretextes. La Reyne prit la
parole, & dit que cette contestation n’estoit pas bien sceante
deuant sa Maiesté, & que M. le Garde des Sceaux ayant
fait la response du Roy, nous n’auions plus rien à dire. Nous
repartismes : Que si le Roy nous eust fait l’honneur de faire
lire nos Remonstrances, nous n’eussions pas insisté dauantage,
mais que nous voyons auec regret que la verité estoit
cachée à sa Maiesté, & qu’elle ne la pouuoit connoistre que
par la desolation qui paroissoit tous les iours à ses yeux, marchant
dans son Royaume, & que nos Remonstrances luy
feroient voir euidemment que c’estoit par le retour du Cardinal
Mazarin, par sa faute & par sa mauuaise conduite. En
fin ne pouuant plus insister, le Roy & la Reyne se voulans leuer,
nous nous seruismes du suiet des trois pieces que nous
auions encores à donner, pour respondre au discours de M.
le Garde des Sceaux, & demander encore la lecture des Remonstrances,
ou sur le suiet de ces pieces dire ce qui nous
vint dans l’esprit de ce que portoient les Remonstrances
par écrit, sans pouuoir rapporter precisément les mesmes
termes, parce qu’ils n’estoient preueus de part ny d’autre.
La premiere piece fust le Discours fait par les Gens du Roy
de la part de la Reyne Regente le 9. Feurier 1651. que nous
expliquâmes au long, qui portoit parole asseurée de sa Majesté,
Que la sortie du Cardinal Mazarin estoit sans esperance
de retour, sans aucune fraude ny desguisement ; Que ses
mesmes asseurances auoient esté souuent repetées en differentes
occasions par les Gens du Roy, & confirmées de la
part de sa Maiesté lors Regente, plusieurs fois par M. le premier
President ; nous disant, que si le C. Mazarin rentroit,
tous les liẽs estoiẽt rõpus, & nous asseurãt en termes si precis
du cõtraire, qu’ils ne pouuoient laisser aucũ doute. Que nous

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auiõs vescu dans cette bõne foy iusques à la fin de la Regẽce,
& reglé sur cette creance toutes nos Deliberations. Qu’à la
veille de la Seance du Roy, pour la publication de sa Maiorité,
& le premier iour d’icelle, la Declaration du sixiéme
Septembre que nous luy portions, comme la premiere
action qu’il auoit faite estant Majeur, nous auoit esté donnée
& publiée, dans laquelle estoient expliquées les raisons
& les motifs de la volonté de sa Maiesté, si clairement, que
nous ne nous estenderions point à les representer dauantage.
Apres quoy l’administration du Cardinal Mazarin demeurant
condamnée par la bouche & par le tesmoignage
du Roy mesme, qui nous faisoit connoistre les mauuaises
impressions qu’il luy auoit données en diuerses rencontres,
& les autres subiets qui auoient obligé sa Maiesté à rendre
cette premiere iustice à son Estat, en prenant le gouuernement
de son Royaume, nous n’estimions pas qu’il y eust
plus rien à desirer. Que nous luy portions encore cette Declaration
pour luy faire voir, que le Roy s’estant voulu engager
le premier à ses subiets, par tant de tesmoignages de
sa volonté, ses Officiers & ses Peuples n’auoient fait en cela
que la suiure par leurs inclinations : Et que cét engagement
estant lié par la loy du Prince pleine de raison, & la submission
des subiets, il estoit bien difficile de le separer & de
le rompre ; Et que ce manquement de parole dans l’execution
pouuoit seruir de pretexte aux subiets de manquer à
l’obeїssance. Ce que nous voulions empescher, & la conseruer
auec fidelité tres-entiere pour sa Maiesté. Comme
nous pensions estre bien fondez à luy demander auec toute
sorte de soûmission & de respect l’effet de ses promesses,
nous prismes en suite la Declaration de Mr le Duc d’Orleans
qui seruit de response en l’expliquant à partie du discours
de M. le Garde des Sceaux, & dismes que M. le Duc
d’Orleans ayant souuent pris la peine de venir au Parlement
dans les occasions presentes, & tousiours fait paroistre
vn grand respect pour la personne du Roy, & beaucoup
d’inclination pour le repos de l’Estat dans les mouuemens
que luy inspire le sang Royal, qui anime son bon naturel ;

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& excité par les prieres de la Compagnie, auoit fait vne
Declaration, laquelle depuis il auoit voulu estre mise dans
les registres du Parlement, pour s’engager dauantage à l’executer,
& qu’il n’en pût demeurer aucun doute, laquelle
Declaration nous portions à sa Majesté, cõme luy voulans
& deuans rendre compte de toutes nos actions. Par laquelle
il s’oblige aussi-tost que le Cardinal Mazarin, suiuant la volonté
du Roy qui subsiste tousiours, sera hors du Royaume,
qu’il posera les armes, & tous ceux qui sont joints à ses interests
sous son autorité, & laissera la dispositiõ de ses troupes
à sa Majesté, qui est vn moyen infaillible pour reünir toutes
les armes, & les cœurs des François, & forcer les Ennemis à
luy demander vne Paix aduantageuse à la France, restablir
l’authorité Royale, & preparer à sa Maiesté vn regne plein
de ioye, de repos & de benediction, qui est ce que son
Parlement luy souhaitte, afin qu’elle surpasse en gloire &
en bon-heur tous ses predecesseurs, establissant vne paix
heureuse en son Royaume. Nous prismes suiet apres auoir
donné ces trois pieces au Roy, qu’il receut, sur la fauorable
audience qu’il luy auoit plû de nous donner, d’insister
encores à la lecture des Remonstrances. M. le Garde des
Sceaux nous dît, que nous voyons bien les intentions du
Roy, qui estoient de ne les pas lire à present. Nous repartismes
qu’apres que sa Maiesté nous auroit fait l’honneur
de les faire lire, & seroit instruite de la verité, nous serions
encores plus asseurez de ses intentions. La Reyne dit que
c’estoit assez, & que le Roy auoit eu trop de bonté de nous
escouter si long-temps. Nous repartismes que nous ne
doutions point de la bonté du Roy ; mais que nous attendions
sa iustice sur le suiet de nos Remonstrances. Le Roy
nous fit l’honneur d’oster son chapeau, & dit : Retirez-vous
Messieurs, Retirez-vous ; Nous luy dismes, SIRE, nous-nous
retirons, puisque V. M. le commande, auec beaucoup
de déplaisir, de ce qu’il ne luy a pas plû de faire lire les Remonstrances
de son Parlement en nostre presence. Nous
deschargeons nos consciences des mal-heurs qui en peuuent
arriuer, & en imputerons la faute à celuy qui vous

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donne ses conseils, & ceux qui le soustiennent, lesquels
sont cause de tous les maux que souffre le Royaume.

 

Apres ce recit M. le President de Bailleul au nom de toute
la Compagnie, a remercié ledit sieur President & les autres
sieurs Deputez. Et les Gens du Roy ont presenté à la
Cour vne Declaration de sa Maiesté, & vne Lettre de Cachet,
datée à Saumur le deuxiéme Mars dernier, dont a
esté fait lecture, & de laquelle Lettre de Cachet, la teneur
ensuit.

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