Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS, ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : C_3_31.
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LETTRE D’AVIS, A MESSIEVRS
du Parlement de Paris, escrite par
vn Prouincial.

MESSIEVRS,

I’ay à vous demander pardon d’abord, si i’ose
faire porter à cette lettre, le titre d’Auis à vostre Cour, parce qu’il
semble que ie vueille donner de la lumiere au Soleil, ou des eaux
à l’Ocean : neantmoins mon excuse vous paroistra peut-estre legitime,
si ie vous dis que les plus grands esprits, pour estre trop
attachez aux reflexions qu’ils font sur de hautes affaires, choppent
assez souuent en celles qui sont fondamentales, parce qu’ils
les negligent comme leur paroissant trop petites. L’on a remarqué
le tour que fit vne Milesienne au Philosophe Thales : elle le
voyoit tousiours occupé dans la contemplation des astres, & ses
yeux fichez sur les cieux, & mesmes en marchant par les rues pour
luy faire pressentir qu’il deuoit penser premierement à ses pieds,
elle mit quelque escabelle deuant luy qui le fit tomber. C’est en
vain qu’on coupe les branches des ces mauuaises plantes qui s’attachent
aux bonnes ; si l’on n’en arrache la racine, le premier printemps
leur redonne la naissance, & les fait bien souuent repousser
auec plus d’estenduë. Il vous en peut arriuer de mesme dans
la conioncture des affaires presentes, car si vous ne déracinez les
desordres qui s’attachent maintenant au Ministere, vous y pourrez
bien en effet apporter quelque amendement, mais le principe
y demeurant, ce sera tousiours à recommencer, & vous vous
exposerez au hazard de les reuoir dans peu de tẽps regner, & peut-estre
auec beaucoup plus de violence. Prenez donc en bonne part,
Messieurs, quelques reflexions que faisoit n’agueres vne Compagnie
assez considerable dans la Prouince, sur les mal-heurs
de nos iours, & qu’elle me pria de vous addresser : Ie l’aurois fait
plustost sans que nous ne receuions à toute heure de la part des

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Ministres de S. Germain, que des gazettes & des billets, où l’on
disoit que Paris estoit aux abois, que l’ardeur des Bourgeois n’estoit
qu’vn feu de paille, que la prise du village de Charenton &
de Brie auoit mis la consternatiõ si auant dans leurs esprits, qu’ils
estoient prests de se mutiner contre vous & contre vos Chefs, que
la diuision s’estoit mesme desia glissée parmy les Generaux ; en vn
mot, qu’ils estoient sur le point d’aller à S. Germain la corde au
col, pour demander pardon de ne s’estre pas laissé mourir de faim.
En effet vne nouuelle qui nous vint en mesme temps de Paris,
nous confirmoit en quelque façon tout cela, qui portoit que vous
parliez desia d’accommodement, & que mesme vous condescendiez
à vne paix, dont les articles estoient fort peu auantageux,
pour ne pas dire pis. Mais vostre poste nous a enfin desabusez &
asseurez du bon ordre de vostre ville & de la bonne intelligence
qui est entre les Bourgeois & vous. Ce qui m’a obligé de despescher
la presente & de vous l’enuoyer ; afin que si vous venez
à quelques termes d’accommodement, vous examiniez quelques
causes que ie marque, d’où nous croyons que prouiennent
tous nos maux, & que vous y apportiez le remede que vous iugerez
estre necessaire.

 

La premiere cause que nous trouuions, est que vous ne faites
pas assez de reflexiõ sur ce que vous estes. Nous ne sommes genereux
qu’autant que nous le croyons estre ; cõme nous ne sommes
poltrons que pour auoir trop de défiance de nos forces ; c’est pourquoy,
dit-on, Dieu ne voulut pas donner aux animaux la connoissance
de ce qu’ils pouuoient, autrement l’homme n’auroit
iamais pû en venir à bout, ny les dompter comme il fait. Si vous
auiez consideré plustost le rang que vous tenez dans l’Estat, & le
suiet de vostre establissement, vous n’auriez pas supporté toutes
les indignitez qu’il vous a fallu miserablement souffrir durant le
regne passé & pendant la Regence, & vous vous seriez opposez
fortement à tant de concussions qui se sont commises à l’oppression
des peuples, dont vous deuez estre les Peres & les Protecteurs.

La 5. cause
des desordres.

Car l’on ne peut oster à vostre Parlemẽt, qu’il ne soit le Soleil de
toute la France, & peut-estre de toute l’Europe, puis qu’il n’y a
gueres de Prince qui n’en reuere les Arrests (tesmoins les sentimẽs
de l’Archiduc Leopold qu’il vous a fait declarer par son Courier)
& qui ne croye qu’ils partent de la Cour de ces grands Areopages
ou du Senat Romain en sa splendeur. Comme à vray dire, vous
n’estes ny moins Venerables ny moins Augustes qu’eux ; & si vn
second Cyneas vous voyoit en corps, il pourroit dire à iuste titre
ce que dit l’ancien, en voyant la Cour Romaine ; que la vostre
ne luy sembleroit pas vne assemblée d’hommes, mais vn Consistoire

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des Rois. Souuenez-vous donc, Messieurs, que vous estes
ces Dieux Consentes, sans lesquels les Rois ne peuuent rien faire
de iuste ny de consequence dans le gouuernement de leurs peuples,
que vous deuez estre l’Azile & les Genies tutelaires de toute la
France, la Lumiere des bonnes mœurs, & les Maistres de l’equité ;
que vous estes les premiers mobiles qui faites mouuoir toutes les
Prouinces par le contrepoids de vos iugemens, & que vous les emportez
par rapidité : En vn mot, que vostre Compagnie doit estre
composée de tout ce qu’il y a de meilleur & de plus excellent en
tout le Royaume, puis que de vous dépend toute la Iustice qui s’y
exerce. Aussi n’y a-t’il personne qui vous dispute ces qualitez, toutes
les Villes & les Prouinces se rendent obeïssantes à vos Arrests ; &
tous vos Freres des autres Parlemens ne parlent de vous qu’auec
des respects qui vous sont deus, & par vostre merite, & par le droict
d’aisnesse & de primogeniture ; si bien qu’il vous est tres-facile maintenant,
& ie dis dauantage, vous estes obligez de reprendre vos premieres
brisées, & de rentrer dans la glorieuse ioüissance de tous vos
droicts & priuileges, pourueu que vous soyez aussi genereux & constans
à les poursuiure, que les Prouinces sont disposées de vous assister
de ce qui vous sera necessaire.

 

La seconde chose que nous remarquions pour estre la cause de nos
malheurs, est la venalité de vos Charges ; elles ne deuroient estre que
des recompenses d’honneur & de merite, comme elles estoient autrefois ;
& neantmoins elles sont montées à des sommes si excessiues,
que la perte d’vne seule emporte bien souuent auec soy la ruine
totale d’vne, & par fois de plusieurs familles. De là vient que pour
vous en exempter, vous estes contraints de les rachepter par la Paulette,
& de verifier tous les Edicts que la tyrannie des Ministres
vous enuoye, pour la crainte que vous auez ou de les perdre tout à
sait, ou d’en estre du moins interdits : ou bien s’ils n’osent pas tousiours
se porter à ces excés de violence, & qu’ils vous trouuent dans
vne ferme resolution de ne rien passer à l’oppression du peuple, ils
taschent de gagner les vns d’entre vous par des pensions, & les autres
par de belles esperances, sappans ainsi les fondemens de vostre
Authorité, suiuant les erres & l’instruction du Cardinal de Richelieu,
ingenieux, mais detestable artisan de tous les maux que nous
souffrons, & dont la tyrannie insupportable iointe à l’esclauage que
quelques vns des vostres voulurent subir sous ce superbe Fauory,
donna lieu à empieter sur vous, & à faire de la France comme d’vne
terre de conqueste. Et toutesfois n’en pouuant encore auec tout
cela venir à bout, parce qu’il se trouuoit tousiours nombre de braues
hommes qui s’opposoient vertement à ses damnables desseins,
il donna telle impression d’eux au Roy defunct de la facilité duquel

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il abusoit, que i’ay ouy dire à des personnes qui l’approchoient
d’assez pres, que s’il eust pû, sans faire vne iniustice trop manifeste,
& sans renuerser les loix de l’Estat, il eust exterminé iusques au
dernier Conseiller du Parlement pour en faire vn tout nouueau à sa
fantaisie : C’estoit faire le souhait de cet Empereur, ou plustost Tyran
des Romains, qui desiroit que le Senat n’eust qu’vne reste pour
la faire sauter tout d’vn coup. Vous auez encore esté pis sous l’empire
du Sicilien, de qui vous n’auez iamais pû auoir vne belle parole,
si ce n’est celle qu’il fit dire à vn des Princes qui le protegent, lors
que vous vous plaigniez de l’en leuement d’vn de vos Freres, que le
Roy pouuoit faire de ses valets ce qu’il vouloit ; faisant sans doute
allusion à de semblables de Caligula qui appelloit le Senat Romain,
seruos suos togatos, c’est à dire, selon la proprieté des mots de
ce temps-là, ses esclaues de longue robe.

 

Venalité
des Charges
de Iustice,
cause de nos
maux.

C’est vne guerre que les Mignons des Princes ont tousiours euë
auec des Compagnies semblables à la vostre, sur la pensée qu’ils ont
que leur tyrannie ne peut subsister auec des ames entieres & des-interessées ;
à moins que ce ne soient des Mignons & des Ministres aussi
gens de bien que l’estoient Mecenas & grippa sous Auguste, qui
bien loin de porter leur Maistre à rabaisser l’authorité du Senat, contribuerent
de tout leur pouuoir à en augmenter le lustre & la splendeur,
tesmoin la reueuë qu’il en fit, où il cassa tous ceux qui s’y
estoient intrus par l’insolence des guerres. Tibere son successeur fut
extrement deferant à cette mesme Compagnie pendãt qu’il fut maistre
de son esprit, luy renuoyant la connoissance de la pluspart des
affaires, iusques-là mesmes qu’il protesta de n’accepter l’Empire,
que pour en suiure les Conseils, & se ioindre aux Consuls, pour le
bien des affaires publiques. Mais quand Seian se fut emparé de son
esprit, l’on ne vid plus que des proscriptions & des bannissemens dãs
cet Ordre, parce que ce monstre se uoyoit enuironné d’autant d’ennemis
qu’il y auoit de Senateurs ; si bien que pour en gagner partie,
il se des faisoit des plus gens de bien, se montrant ouuertement protecteur
des Delateurs, & faisant controuuer mille faux crimes &
former vne infinité d’accusations sans fondement. Alors les moins
courageux se rendoient ses esclaues, pour ne pas tomber dans le malheur
de leurs freres ; & luy qui se seruoit adroitement de l’occasion,
remplissoit le Senat de ses creatures, afin que desormais il ne s’y pust
rien passer à son des-aduantage. Ces temps-là estoient veritablement
pleins de desordre, mais qu’estoit-ce en comparaison de ceux-cy :
ils n’auoient tout au plus qu’à combatre l’ambition de ceux qui
voulans monter aux Magistrats par quelque moyen que ce fust,
abandonnoient le party de leurs freres ; car les dignitez de Senateur
ne coustoient rien, & l’interdiction estoit plustost vne descharge

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d’affaires, que la perte d’aucun, bien qui fust affecté à la Charge :
mais auiourd’huy vous auez l’ambition a combatre des vns qui
vous trahissent sur l’esperance qu’ils ont d’estre eleuez à quelque
chose de plus eminent, & la lascheté des autres qui vous abandonnent,
pour les pensions qu’ils prennent, & pour la crainte qu’ils ont
ou d’vne interdiction ou d’vn bannissement.

 

Tacite l. 1.
ann.

Pratique
de nos
tempt.

Si le mal est donc si grand, pourquoy l’entretient-on ? quelle apparence
y a-t’il de fomenter vne playe qui consomme tout le corps ?
sommes-nous insensibles iusques au point que de ne voir pas, ou de
n’estre pas touchez des rauages que cause ce desordre ? Prenez garde,
Messieurs, comme il en est tousiours allé de pis en pis depuis que
vos Charges ont commencé à se vendre. Auant Louis XI les Rois
ne leuoient rien sur leurs Sujets que par le consentement des Estats,
ou qui ne fust du moins authorisé par la Cour de Parlement : mais
ce Prince qui les mit hors de page commença de se seruir en ses Patentes
des termes de certaine science, plain pouuoir & authorité,
& pour imprimer de la crainte dans les esprits des Officiers de Iustice
qui s’en formalisoient, il proposa à l’instigation de ses Courtisans
de mettre leurs Chargés en vente. Le plus fort l’emporte, diton :
le vulgaire des hommes se porte plus chaudement à poursuiure
ses interests que ceux du public : afin qu’on ne touchast point la corde
qui faisoit mal à leurs oreilles, ils baissent la teste, & ne s’opposẽt
à rien. Dequoy les Rois suiuans faisans leur profit, ne manquerent
pas de remettre l’vn en auant, sans crainte de perdre l’autre : si bien
que Louis XII. vendit tous les Offices des Finances, sans toucher
toutesfois à ceux de la Iustice, qui estoit vne adroite procedure, pour
les desvnir par les diuers traittemens qu’il leur faisoit : mais François
I n’ayant plus que ceux-cy à mettre à la raison, les obligea tous,
sans restriction, à acheter leurs Offices, & deslors establit le bureau
des Parties Casuelles, pour seruir, dit Loyseau au liure second des Offices,
d’eschope & de boutique à cette marchandise nouuelle. Ie
ne parle point de la plainte qu’en firent les Parlemens aux Estats
de Blois derniers, ny des [2 lettres ill.]uerses propositions qui furent faites
pour tascher de les contenter, le dernier coup de massuë vous
fut donné l’an 1604. par vn nommé Charles Paulet Secretaire de la
Chambre du Roy, parain de la Paulette, qui fut le premier partisan
de vos Charges, moyennant le soixantiéme denier de la finance.
Qu’est-il arriué depuis ? il n’est pas besoin de vous en parler, vous
le sçauez mieux que moy ; tout ce qu’on en peut dire est que le mal
est à sa crise, & qu’il faut ou perir ou le guerir.

Ce fut l’an
1522.

3. Cause reiettée
sur
les partisans
Conseillers.

Ie pourrois rapporter pour la troisiéme cause de nos malheurs, la
promotion qui se fait des races partisanes aux charges de Conseillers
& de Presidens, pour estre les Emissaires des Ministres, sans que

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i’estime auec plus de douceur que ne font la pluspart des hommes,
quil ne faut pas tant prendre garde à la naissance d’vn Recipiendaire,
qu’à sa vertu & à son merite. Et neantmoins quand ie fais reflexion
sur les inconueniens qui en arriuent, ie suis comme forcé à
renoncer à mon sentiment, comme en effect il n’est pas croyable
qu’vn homme attaché de fortune & d’interest à vn Ministre, abandonne
ce qui le touche, pour suiure le party de ceux dont il est hay :
ce seroit s’abandonner soy-mesme ; & s’il s’en trouue quelques vns
d’assez genereux pour renoncer à toutes ces alliances plastrées par
les concussions, & cimentées par des larcins, comme il s’en est
trouué en vos grabuges, l’on peut dire que c’est vn prodige, & que
la fortune leur a esté marastre, de faire prendre à ces belles ames des
corps empestez de la corruption Partisane. Il y a encore vne autre
raison qui regarde l’honneur de vostre Compagnie, de n’y admettre
personne qui sente la lie, & qui fasse dire de tout le Corps qu’il
n’est composé que d’ames venales, c’est à dire que de Partisans. I’estime
cette raison plus forte sans comparaison que toute autre. Toute
Compagnie doit s’estudier à acquerir de l’estime, à amplifier son
authorité, & à la conseruer : & il est sans doute qu’en quelque lieu
que ce soit les personnes de condition sont tousiours plus respectées
& qu’on les croit moins susceptibles de faire vne lascheté que d’autres.
C’est pourquoy en plusieurs endroits l’on requiert la Noblesse
dans vn Conseiller, comme à Venise, Rhaguse, à Nuremberg &
en Pologne, depuis l’Edict de Sigismõd de l’an 1650. qui portoit que
nul ne pourroit estre receu Senateur a moins que son pere ne fust
Noble.

 

Les Romains requeroient bien en leurs Senateurs qu’ils eussent
trente mil escus vaillans, pour auoir dequoy s’entretenir en vn estat
sortable à leur condition : mais outre cela il a esté long temps que
pour estre admis en l’Ordre, il faloit auoir exercé quelqu’vne des
hautes Magistratures : c’est pourquoy de cinq ans en cinq ans les
Censeurs enregistroient au roolle du Senat tous ceux qui auoient
eu des Charges publiques : Et quand Sylla le voulut rẽplir & en mettre
au lieu de ceux qu’on auoit fait mourir, il institua vingt Questeurs,
& Cesar quarante apres luy, afin qu’a l’instant ils eussent
entrée au Senat, & le pouuoir d’opiner, Et quoy que sous les Empereurs
il y ait eu quelque relasche pour le fait des Charges, neantmoins
les sages & vertueux Princes n’y ont iamais voulu admettre
aucun libertin ou fils d’affranchy, qui estoient sans comparaison
plus considerables que tout le tas des Partisans, par ce que hors le
malheur de la guerre qui les auoit rendus eux ou leurs parens esclaues,
il n’y auoit bien souuent rien à reprocher en leur vie. Et bien
dauantage, Alexander Seuerus ne voulut iamais en admettre en

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l’Ordre des Cheualiers, qui n’estoit que mitoyen, parce qu’il estoit
la pepiniere & le seminaire de celuy du Senat. C’est l’estime qu’on
a tousiours fait de cet Ordre supréme, si bien qu’au temps mesme
de la decadence finale de l’Empire, l’on n’y receuoit que des personnes
de qualité, connuës par leur vertu & par leurs merites, suiuant
ce qu’en dit Theodoric & Cassiodore, admittendos in Senatum
examinare cogit sollicitiùs honor Senatus.

 

Exemples,

De toutes ces causes en nuist vne quatriéme, qui est vn monstre ;
sçauoir, la diuision & desvnion de vostre Compagnie ; monstre voirement,
si nous n’aimons mieux l’appeller vne peste, qui vous infectant,
prote en suitte auec soy l’infection & la corruption par toute
la France. Messieurs, croyez moy, vous n’auez rien à craindre
des armes du dehors ; & quand vos Ennemis auroient autant de Prouinces
pour eux qu’ils en ont contre, ils ne vous peuuent rien faire,
pourueu que vous conspiriez tous à vne mesme fin, & que vous
fassiez la paix, ie ne dis pas au dedans de la ville seulement, mais
dans vous mesmes. Ie ne sçaurois penser à cette prodigieuse grandeur
où est montée la Republique Romaine, sans entrer dans des
transports d’estonnemens, & sans conceuoir comme vn prodige leur
iudicieuse conduite. Car qui est ce qui l’a ainsi eleuée, ce n’a pas esté
le nombre des armées qu’elle entretenoit ? au commencement elle
n’estoit composée que de trois mil hommes de pied & de trois cens
cheuaux ; & toutesfois à peine estoit-elle establie, qu’elle se suscite
des guerres de gayeté de cœur. Ce n’estoit pas sur la forteresse de ses
remparts qu’elle se fioit, à peine y auoit-il quelque terrasse pour
renfermer enuiron mille maisons, où plustost chaumieres qui furent
premierement basties. Estoit-ce point l’intelligence qu’elle auoit
auec les Villes voisines ? bien loin de cela, il n’y en auoit point qui
ne taschast de l’estouffer dans le berceau. Qu’estoit-ce donc ? sans
doute il ny a point d’autre cause humaine, qae l’vnion admirable
de toutes ses parties. Il ny auoit point de Citoyen depuis le plus
grand iusques au plus petit, qui ne concourust à l’augmentation de
sa ville, auec autant d’ardeur que s’il eust crû pouuoir s’acquerir
vn Royaume à luy tout seul. Que ne fist point le Senat apres l’adultere
commis en la personne de Lucrece ? Ie rapporteray volontiers
en passant l’histoire de ce temps là, qui a beaucoup de conformité
auec la conioncture de vos affaires. Le Senat auoit esté maltraitté
par Tarquin le Superbe, qui en auoit fait mourir les principaux,
banny les autres, ou fait languir dans des prisons autant qu’il
pouuoit s’imaginer y en auoir qui detestoient sa tyrannie : Le peu
qui en restoit estoient si effrayez de ces cruautez inouyes, qu’ils n’osoient
pas mesme lascher vne parole qui approchast de la plainte ; si
bien que quand Brutus s’en vint du camp de deuant Ardée à Rome,

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& qu’il descouurit son dessein, à peine le peurent-ils croire, & n’oserent
se declarer iusques à ce qu’il les eust r’asseurez. Qui ne se fust
pas douté de quelque fourbe de la part d’vn homme qui estoit du
sang Royal ? Enfin les voila assemblez, & dans la resolution de ne
plus receuoir Tarquin, l’affaire est communiquée au peuple, tout le
monde y consent. Mais comment se defendre ? leur ruine estoit ce
semble ineuitable : le Roy estoit deuant Ardée auec vne puissante
armée, & eux n’auoient pas vn homme sur pied, ny pas vne place
que leur ville. Les Bourgeois ne sont pas d’ordinaire bons Soldats
hors de leur foyer : n’importe, la iustice de la cause les anime, Brutus
leur leue toute crainte en leur remonstrant que l’armée Royale
estoit fatiguée des guerres passées, que les soldats n’auroient pas
d’autres sentimens que leurs Concitoyens ; & que quand mesmes il
y en auroit de mal affectionnez, leurs femmes, enfans, & proches
parens, & tout leur bien estoient en la ville, qui seruoient d’ostages
tres-asseurez. Incontinent tout le monde prend les armes, le Senat
donne ordre au dedans, & luy accompagné des plus courageux s’en
va deuant Ardée, l’armée luy tend les bras, & le Tyran est contraint
de s’enfuir. Ce n’est pas le tout, le voilà aussi tost reuenu aux portes
de Rome auec les forces de Porsenna, & la reduit aux abois. Qu’artiue
t’il ? des prodiges sur prodiges. L’vn arreste toute l’armée ennemie
au bout d’vn pont, pendant qu’on le rompt derriere luy, & tout
chargé de coups se iette dans le Tibre, & se sauue deuers les siens :
vn autre s’en va au camp de Porsenna & le fait trembler par sa constance :
il n’y a pas iusques aux filles qui disputent auec les hommes
à qui fera plus paroistre de generosité : personne ne veut escouter
aucune proposition du Tyran, tout le monde luy resiste, en
vn mot, & luy & ceux qui l’assistent sont contraints de leuer le siege,
voyans qu’il n’y a pas moyen de les desvnir. Vous n’estes pas, graces
à Dieu, en ces extremitez-là ; mais cependant appliquez cet exemple
à vos affaires, & vous verrez qu’il n’y a gueres de difference, sinon
qu’vn grand Roy leur faisoit la guerre sous le nõ d’vn Tyran, & pour
vn Tyran, & que les Tyrans vous la font sous le nom d’vn Roy enfant
& innocent. Faites-vous vn modele de constance & de generosité
sur ces braues hommes-là, & apprenez que rien ne vous peut
perdre si vous les imitez. Souuenez-vous que quelques emotions
& diuisions qui soient arriuées entre le Senat & le peuple, pendant
que cet excellent Ordre s’est tenu estroitement vny, rien n’a pû
esbranler l’Estat Romain, non pas mesme la sedition des Gracches,
mais dans la guerre ciuile d’entre Sylla & Marius : les Senateurs s’estans
partagez, l’on vid bien-tost les testes volet, & les proscriptions
enregne. Cesar n’auroit iamais entrepris de porter les armes cõtre sa
Patrie, sãs qu’il estoit asseuré de la fidelité des Tribuns, & qu’il auoit

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intelligence auec quelques Senateurs ; & ie puis dire que iamais les
Ministres n’auroient entrepris ce qu’ils ont fait sans l’intelligence
qu’ils ont mesnagée auec partie de vostre Compagnie. Malheureux
interests, qui portez les esprits à des aueuglemens si estranges ! tel
les reclame auiourd’huy qui en portera la peine ! & Dieu qui vange
les crimes tost ou tard permettra qu’eux ou leurs enfans subiront
le ioug qu’ils peuuent secoüer auec tant d’auantage : qu’ils prennent
garde qu’il ne leur arriue le mesme qu’à ceux des Romains que ie
viens de dire, qui sans gouster le fruict qu’ils auoient esperé de leurs
trahisons, surent enseuelis miserablement dans les diuisions ciuiles
dont ils estoient la cause. Messieurs, ces exemples vous doiuent
faire apprehender, pensez y bien, & sçachez que si iamais vous auez
deu parler hautement ; c’est à present, où il y va de vostre authorité,
de l’honneur de vostre Compagnie du salut de vos Freres, de
la liberté de vos Concitoyens, en vn mot, du repos de toute la
France. Ce n’est pas à present qu’ils faut s’estudier à obliger les Ministres,
si vous l’auez fait par le passé, vous en estes loüables, parce
que peut-estre presentiez-vous les maux qui sont arriuez ; mais c’en
est fait, le masque est leué ; & il est besoin auiourd’huy d’vne concorde
& d’vne conspiration vnanime pour le bien public, & pour
la punition des meschans.

 

4. Cause la
desvnion.

Malheur
de la desvnion.

Veritablement il y a lieu de s’estonner qu’il y en ait encore entre
vous qui proposent des voyes d’vne paix si des-auantageuse lors
que le peuple est le plus animé & que vous voyez que toute la Noblesse
qui n’a point d’attache d’interest à la conseruation des Ministres,
vous offre son courage, & que toutes les Prouinces vous tendent
les mains. Pleust à Dieu que tout fust bien pacifié : tous les
gens de bien ont à le souhaiter, & n’y a que les mauuais François
qui demandent la continuation des desordres : mais s’il est permis
d’argumenter de l’auenir par le passé ; que peut-on esperer d’vn accommodement
auec ces gens-là, sinon la desolation entiere de toute
la France. Vous sçauez, Messieurs, quelles paroles on vous tint
à la prise de Monsieur de Broussel : la Reyne vous remercia du bon
ordre que vous auiez apporté à pacifier l’émotion des Bourgeois :
Elle en fit autant à Messieurs de la Ville, & en vous rendant vos
Freres, elle protesta qu’elle tenoit à faueur tous vos procedez, &
que bien loin de s’en ressentir, comme le simple vulgaire s’imaginoit,
elle vous en auoit de tres-sensibles obligarions. Qui est ce qui
eust rien soupçonné de funeste en ces paroles-là, si la suite ne nous
l’auoit appris ? peu de temps apres l’on fait deloger le Roy de Paris
d’vn grand matin, sans tambour ny trompettes. Incontinent Paris
est inuesty de toutes parts de gens de guerre : neantmoins parce que
les Ministres trouuerent qu’ils s’estoient mespris en leur calcul, &

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qu’ils n’auoient pas assez bien pris le temps d’executer leurs damnables
desseins, vous y allastes, & ils entendirent a vos remonstrances ;
& apres plusieurs allées & venuës ennuyeuses aux gens de bien,
ils font enfin condescendre la Reyne à cette belle Declaration, qui
deuoit seruir de pierre fondamentale au gouuernement. Elle s’y porta
ce sembloit sans reserue, les Princes y signent, tout le monde
s’en resjoüit : voilà le Roy de retour à Paris auec toute sa Cour, toute
la Ville gouste le calme apres l’orage, enfin tout est en paix. Mais
combien dure cela ? autant de temps qu’il en faut pour bloquer Paris,
& pour faire amasser des trouppes de toutes parts, afin de faire
perir en vn moment cette puissante Ville : Pour en auoir suiet, l’on
contreuient ouuertement aux principaux poincts de la Declaration,
vous voilà aussi tost dans la deffiance, & eux font prendre au Roy
vne seconde fuite vne heure apres minuit, pour reuenir comme ils
font les armes à la main, & vous contraindre de leur porter vos
testes. Tout le monde est imbu de ce procedé, la foy publique y est
violée, les droicts diuins & humains sont renuersez ; & nonobstant
cela, vous y enuoyez ; la Ville y va, vous faites des remonstrances
par escrit, vous faites representer de bouche ; à tout cela la response
est qu’il faut perir. Et apres cela vous tenterez encore des voyes
de douceur ! Pourquoy ? est-ce pour prier les Ministres de vous pardonner ?
Vous deuez croire que si l’impuissance ne les en empesche,
il n’y a point de pardon pour vous ; Est-ce pour obuier au pillage
de la France & à sa ruine totale ? Au contraire, il n’y a point de
guerre qui ne soit plus à souhaiter que la meilleure Paix auec ces
gens-là. Dieu sçait quel traittement ils luy feroient apres auoir reconnu
les bonnes inclinations qu’ont les peuples pour eux. Est ce
pour faire voir la iustice de vostre procedé, & les mettre entierement
dans le tort ? comme s’ils n’y estoient pas desja, & que
la France ne sceust pas de quelle façon vous vous estes comportez.

 

Moyens
d’accommodement
incompatibles
auec le temps
où nous sommes.

Mais l’on me dira, qu’il est bien raisonnable que le Parlement
fasse le premier pas, que ce seroit reduire la Reyne à
des submissions indignes de sa qualité, que de la vouloir obliger
à vous offrir la Paix, & qu’il vaut mieux que vous en ayez
l’affront, que non pas elle. Ie voudrois qu’il ne tint qu’à des
submissions de toute la France qui a les mesmes interets que vous,
que nous n’eussions vne veritable paix ; mais comme il nous est
permis de douter de la iustice de leurs procedez, ie pretends que
vous deuez retenir vos armes, & que la Reyne doit commander
à ses Ministres de mettre bas les leur, qu’elle doit desboucher Paris
& rendre la liberté du commerce, sans parler qu’elle vous liure

-- 13 --

l’autheur de ces desordres, auant que iamais vous songiez à aucun
accommodement. Cette proposition est bien hardie pour ne pas
dire insolente ; il est vray, eu égard à nostre esclauage passé, qui
ne nous eust pas permis de parler si librement : mais graces à Dieu
nous goustons au moins en ce moment la douceur des Saturnales,
comme faisoient les Esclaues chez les anciens Romains, qui pouuoient
ces iours-là reprocher à leurs Maistres tous leurs defauts
sans crainte du supplice. Ie pretends pourtant qu’il n’y a rien de
plus iuste : car en quoy ne le seroit-il pas ? tout le pis qu’on peut dite
est que le Parlement auroit eu le dessus, qu’il auroit fallu à le
Reyne ceder au temps & accorder tout, & que cette leuée de boucliers
que ses Ministres ont fait, passe & passera pour ridicule : Et
aprés cela quelle conclusion ? le Parlement en abusera-t-il ? voudra-t-il
secoüer le ioug de l’obeïssance ? esteindra-t-il les loix pour
la deffense desquelles il est armé ? Cela ne peut tomber sous le sens
commun de ceux qui sçauent comme quoy Messieurs du Parlement
ont agy depuis le mois de May dernier. S’ils eussent eu de
mauuais desseins aux Barricades, il leur estoit tres-aise de les executer,
ils pouuoient enseuelir sous vne mesme ruine tout ce qu’ils
eussent voulu, lors qu’il y auoit cent mille hommes sous les armes
qui ne faisoient qu’attendre leur ordre, l’on peut dire que
trois iours durant ils ont esté Maistres absolus de Paris, & qu’ils
n’auoient que trop de personnes à executer leurs commandemens :
c’estoit du temps assez pour prendre leurs auantages : mais cette
Auguste Compagnie a les lys trop bien grauez en l’ame, pour en
vouloir à la tige, bien loin mesme de se preualoir de tant de bonne
volonté qu’on leur tesmoignoit pour se vanger de leurs ennemis,
ils s’en seruent pour pacifier tout, & vsent auec tant de moderation
de cette victoire qu’au moment que parut Monsieur de
Broussel en la ville, ils font mettre bas les armes, & en moins d’vn
rien tout fut aussi calme que s’il n’y eust pas eu de bourasque.

 

Le Parlement
ne doit
point mettre
bas les armes.

Messieurs
du Parlmẽt
ne peuuent
abuser
de leurs
armes.

La France sçait combien ils ont esté rebutez de fois à S. Germain
aprés la premiere fuite qu’on a fait prendre au Roy ; on les renuoyoit
souuent sans les entendre aprés les auoir fait garder le mulet
comme on dit des six heures entieres ; par fois on leur donnoit
audiance à vne heure de nuict ; par fois on passoit le temps à des
badineries, on differoit le plus souuent pour vne autre fois, enfin
que ne leur a-t-on point fait ? & cependant a-t-on ouy dire qu’ils
ayent entretenu des intelligences secretes auec les ennemis de l’Estat,
comme on leur a voulu imposer à cette derniere fuite ; ils
sçauoient fort bien que le suiet de la premiere, estoit pour executer
le mesme dessein qu’ils taschent d’executer à present, les troupes

-- 14 --

commençoient à faire des hostilitez, elles approchoient de Paris
detous costés, mais parce que c’estoit en vne saison où il ne faisoit
pas bon pour les Ministres, on les leurre de la Declaration
derniere, l’on sçauoit à Paris leur impuissance, & estoit aisé d’aller
querir le Roy à S. Germain, & le ramener, ce qui n’est pas
sans exemple, & faire pis si le Parlement eust voulu. Ceux qui
ont enuie de broüiller, ne perdent point des momens si pretieux,
& des gens si fort esclairez n’auroient pas fait des pas de Clerc si
manifestes : la Reyne croit-elle estre plus en seureté à S. Germain
qu’elle n’estoit pour lors ? elle a des forces veritablement, mais
elles sont dissipées & esparses en trop d’endroits, pour pouuoir
empescher que cent mille hommes qui peuuent sortir de Paris,
n’aillent l’inuestir : c’est ce qu’on a proposé dés le commencement
& qui a aussi esté reietté, pour ne point s’opposer à la liberté &
aux contentemens du Roy. L’on ne peut donc pas iusques icy se
plaindre que le Parlement ait abusé insolemment de l’auantage
qu’il a eu : car quoy que la Declaration derniere soit au nom du
Roy, toutes-fois, il n’en faut point faire la petite bouche, les
Ministres ne l’ont consentie que par force, tout le monde le sçait,
& leurs procedez l’ont bien fait voir depuis. L’on pouuoit dire
pour lors que le Parlement auoit eu le dessus, aussi bien qu’aux
Barricades, & cependant quel auantage en tire-t-il ? at-t-il voulu
sapper par des voyes indirectes, l’Authorité Royalle ? a-t-il remué,
ou tenté autre chose que ce qui estoit contenu dans la Declaration ?
n’a-t-il pas poursuiuy l’establissement de la Chambre
de Iustice, pour trouuer de l’argent au Roy, à quoy les Ministres
se sont tousiours opposez ? en quoy le peut-on donc accuser ;
si ce n’est de trop de douceur, & d’auoir aprés tant de fourbes
& de crimes, toleré des harpies dans le Ministere.

 

Ie veux donc qu’on dise que la Reyne a cedé, & qu’elle y a esté
contrainte, que cette leuée de boucliers à quoy l’ont engagée
ses Ministres, n’a fait qu’apprester à rire, & qu’a faire voir la foiblesse
de son party ; quel mal en peut-il arriuer ? elle est bien asseurée
qu’on ne luy en veut non plus qu’au Roy ny à aucun de
la maison Royale, & que tout ce qu’elle risque en cét accommodement,
est qu’il luy faille abandonner ses Ministres, & notamment
celuy qui a le plus de part en ses bonnes graces, qui est remettre
le Royaume en seureté, & luy redonner le calme, & que
d’ailleurs le Parlement ait contentement, tant pour luy que pour
les peuples & les Princes qui le protegent. Il n’y a personne qui
doute que ceux qui se sont rangez de son party, ne l’ont fait qu’en
consideration du repos public & de l’auersion qu’ils ont pour le

-- 15 --

mauuais Ministere. Le rang que les Princes vnis tiennent à la
Cour ne leur permet pas de penser à vn changement d’Estat, comme
ceux de sainct Germain publient, ils ne peuuent pretendre au
dessus de ceux qui tiennent le party des Ministres, comme aussi
ils ne peuuent estre plus bas qu’au second lieu. Tellement que
la Reyne peut dissiper tous les orages qui s’en vont fondre sur elle,
en donnant satisfactïon au Parlement & aux Princes. Que
si elle suit ses mauuais Conseillers, elle met le Royaume en vn
danger éuident, & l’expose en proye. Quand l’on s’embarque
en de semblables affaires, l’on n’en void point les issuës, il n’y a
que Dieu seul a qui tous les moments sont presents qui les connoisse :
tout ce que la prudence humaine nous enseigne, est de
preuenir les mal-heurs tant que nous pouuons, & de ne nous pas
engager en haute mer, quand nous voyons la tempeste qui s’appreste.
La Reyne deffunte fournit d’vn puissant exemple, pour
faire apprehender à la Reyne Regente, pareil traitement qu’elle
a receu : cette leçon luy deuroit estre vtile, & luy apprendre,
que quand le Roy sera Maieur, il peut auoir vn Ministre semblable
au Cardinal de Richelieu, qui luy poura faire souffrir les mesmes
rigueurs qu’il fit souffrir à la defunte. Et si cela est, à qui aura-t-elle
recours ? aux Ministres d’auiourd’huy ? c’est vne folie
que de croire qu’ils subsistent, quand par impossible on les lairroit
en France, iusques à ce temps-là. Il n’y a point d’enfant qui
qui ne soit bien aise de sortir de dessous la ferule de ses Maistres,
& quelque traitement que fasse le Cardinal au Roy, qu’il tasche
d’obseder par des charmes de libertinage & de contentement,
quand il sera capable d’agir de luy mesme, ce sera le premier dont
il se defera ; ioint que dés à present il est tres mal en son esprit, &
que bien qu’il n’y ait que de ses Emissaires auprés de luy, ils ne
sçauroient empescher qu’il ne tesmoigne le mescontentement
qu’il en a, & le peu de plaisir qu’il prend à entendre parler des défaites
imaginaires des troupes Parisiennes, qu’on publie incessamment
à ses oreilles. Aura-t-elle les Parlements & la Iustice
de son costé ? elle ne le peut esperer, puis qu’elle contribuë de
toutes ses forces à les destruire. Sera-ce point les peuples ? helas,
elle en est bien esloignée ! l’affection qu’ils ont eu pour elle,
quand ils l’ont veuë dans l’oppression d’vn insolent Ministre, s’est
changée en vne estrange auersion, ouy en auersions ie l’ose dire,
puis qu’au lieu du soulagement qu’ils esperoient d’elle, ils ne
voyent que des surcharges d’oppression de sa part, & que Comites
à leurs portes qui les traittent comme des Forçats.

 

Ie crois auoir suffisamment montré que la Reyne ne risque rien

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en faisant mettre bas les armes à ses Ministres ; voyons maintenant
à quel danger s’exposeroit le Parlement, s’il faisoit comme
on demande le premier pas, & s’il se soumetoit encore vne
vne fois aprés tant d’autres. Quelle seureté y auroit-il pour luy ?
le peu de fidelité qu’on a experimenté dans les Ministres, desia
par deux fois, ne permet pas d’en tenter vne troisiesme ; ce ne seroit
pas faire en gens prudens, que de rechercher les precipices
qu’ils ont éuitez. Aprés la victoire de Scipion sur les Carthaginois,
l’on proposa dans le Senat ce qu’il en falloit faire ; Cn.
Cornelius Lentulus fut d’auis de les ruiner tout à fait, parce que
de tous les traittez qu’on auoit fait auec eux, ils n’en auoient pas
obserué vn, qu’ils ne demandoient iamais la paix, que quand ils
n’en pouuoient plus, & que puis que l’on ne leur pouuoit oster
la perfidie qui leur estoit naturelle, au moins leur falloit-il oster
la puissance de nuire. Et quoy que cét aduis ne fust pas suiuy pour
l’heure, neantmoins l’on y fust obligé aprés, à cause de ce qui arriua
depuis, c’est à dire à cause de la foy qu’ils violerent aprés
tant de traitez, & qu’ils violoient sans cesse. Aussi quel traitté
peut on faire auec les Ministres qui font comme on tient que faisoient
Alexandre sixiesme, & son neueu le Comte de Valentinois,
que Machiauel met pour le Parangon des Princes : car quelque
paix ou accord qu’ils fissent, il n’y auoit iamais de seureté, d’autant
qu’Alexandre ne faisoit rien de ce qu’il disoit, & que le Comte
ne disoit rien de ce qu’il faisoit. L’histoire marque les grands
sermens qu’il fit pour asseurance de la paix auec les Princes qui
s’estoient liguez contre luy, lesquels aprés auoir attirez sous ombre
de bonne soy, il fit aprés cruellement mourir, sur quoy Alexandre
dit en riant, qu’il auoit ioüé vn tour d’Espagnol. Leçon
aux Princes vnis de ne se fier iamais à des infracteurs de la foy publique,
imitateurs encore en ce point de Maximilian premier,
qui disoit qu’il ne faisoit iamais de traitté auec Louys douziesme,
que pour l’abuser & l’amuser, & pour se vanger de dix-sept iniures
qu’il pretendoit auoir receuës des François. Et quoy Messieurs,
les Princes oseront-ils donner leur foy à des gens qui n’en
ont point ; & si vous entendez à vn accord, croyez-vous qu’ils
le tiennent, eux qui ont de grands interests à prendre leurs seuretez,
pensez-vous qu’ils ioüent à des ieux d’enfans ? & les Prouinces
qui sont pour vous, que diront-elles ? & celles qui ne sont pas
encore declarées, le voudront-elles faire, si elles entendent que
vous traittiez de paix. C’est vn artifice, ne vous y fiez pas, &
tout ce que pretendent les Ministres, est de vous oster l’appuy,
que vous auez & l’vnion qui vous rend inuincibles. Puis qu’il

-- 17 --

n’y a donc point de foy, à quoy pensent ceux qui concluënt aux
voyes de douceur & à des articles si plastrez, n’en a-t’on pas fait
& de bouche & par escrit ? qu’a produit la soubmission du Parlement,
sinon des traittemens qu’on ne receuroit pas mesme du
Turc : il n’en faut pas esperer d’autres à l’auenir, n’en doutez point.

 

Le Parlemẽt
ne doit
pas mettre
bas les armes.

Mais quoy, sera-t’on tousiours en guerre ? & si la Reyne ne
veut faire mettre bas les armes, y aura-t’il moyen de subsister ?
le peuple sera-t’il tousiours dans l’oppression ? pourrons nous voir
emporter ou rompre leurs meubles, & eux mesmes traisner comme
des scelerats à la queuë des cheuaux, sans en estre touchez ?
veritablement quant aux peuples, cela est digne de compassion,
particulierement pour le menu de Paris & des enuirons ; mais
quelque chose qu’il perde, il ne s’en plaint pas sur l’esperance
qu’il a que vous le protegerez, comme vous auez commencé, il
est tout persuadé qu’à des maux violens qu’il souffroit, il faut
endurer de violens remedes : cela ne sert qu’à l’aigrir tous les
iours contre la milice Cardinale, qui est plus en hazard par la
campagne chez les Paysans, qu’elle n’est entre les mains de nos
soldats : au contraire, quand ils voyent ceux-cy, tout leur est ouuert,
l’on n’entend que des benedictions sortir de leur bouche, &
que des prieres à Dieu que vos bons desseins reüssissent. Vous
deuez vous seruir de cette affection pendant qu’elle dure, & en
faire vostre profit. Ils ayment mieux perdre leur bien pour la
deffense de la iustice, & souffrir tout d’vn temps la derniere
violence des Ministres, que de languir perpetuellement sans mesmes
oser se plaindre.

Preuues que
la paix ne
se doit faire

Mais ie dis plus, il n’est pas possible de faire paix auec
le Conseil de la Reyne : premierement, parce qu’on n’en
sçauroit faire qui ne soit honteuse : secondement, parce qu’elle
ne peut estre que trop dangereuse : & en troisiesme lieu, parce
qu’elle ne se peut faire du tout. Permettez moy, Messieurs,
de vous faire voir ces trois raisons dont se seruit autrefois Ciceron
en pareille occasion contre Marc Antoine fauteur de la tyrannie,
d’où les Romains ne faisoient que sortir aprés la mort
de Cesar. Le Senat fit force procedures contre luy, & mesme
le declara Perturbateur du repos public, & ennemy de la Patrie,
nonobstant quoy, il se trouua des Senateurs accommodans, qui
firent plusieurs ouuertures de paix, & Ciceron qui preuoyoit de
loing le carnage que ce Barbare tyran auroit exercé, si les esprits
de la Cour se portoient à les entendre, s’y opposa vertement & en

-- 18 --

remonstra les consequences par ces raisons : premierement, il
fait voir que cette paix seroit honteuse, parce que les Arrests du
Senat deuoient estre sacrez & inuiolables, & que la legereté &
l’inconstance estant blasmables en qui que ce soit, elles le sont
sans doute beaucoup plus dans vn si Auguste Corps : quelle apparence
y auroit-il donc, de casser les decrets qui auoient esté
faits contre luy, ce qu’il estoit necessaire de faire pour en venir
à vn accommodement, quelle honte ne seroit-ce point au Senat
de receuoir celuy qu’il venoit de declarer ennemy du public, &
dont il auoit loüé & recompensé les ennemis ? Messieurs, vous
auez dans toutes vos procedures fait voir clairement combien le
Ministere du Cardinal Mazarin vous déplaist, & combien il est
pernicieux à l’Estat, vous l’auez declaré Perturbateur du repos
public, & ennemy du Roy & du Royaume, vous auez confisqué
ses biens comme d’vn Criminel, quelle apparence donc d’en venir
à vn accommodement ? vous paroissoit-il lors de vos procedures,
Criminel & Perturbateur du repos public, & auiourd’huy
innocent ? ce seroit faire tort à vos iudicieuses conduites, & n’y a
point de si petit raisonnement qui ne vous condamnast de boutade
& de passion aueuglée. Si vous estes dans le sentiment que
vous estiez pour lors, & s’il vous paroist Criminel en tout temps,
pouuez-vous éuiter qu’on ne vous accuse de legereté & d’inconstance,
si vous entendez à vn accommodement ? De quelque
costé que vous tourniez, il n’y a point de paix à faire qui ne soit
honteuse à vostre Compagnie, à moins que vous ne la donniez,
Turpe est (disoit Ciceron au Senat Romain) summo Consilio orbis
terræ, præsertim in re tam perspicuâ consilium intelligendi defuisse.

 

La 1. raison
est que cette
paix est
deshonneste.
7. Philipp.
[1 mot ill.]. 11.

Secondement, le mesme Orateur fait voir qu’vne paix ne
pouuoit estre sans danger, parce que ses parens & amis demeurans
en la ville & estans extremement puissans ne manqueroient
pas à prendre leur temps, & à remuer tout de nouueau quand l’on
y penseroit le moins, que les gens de bien qui s’estoient declarez
contre eux, se trouueroient exposez à leur rage, & qu’ainsi l’Estat
ne pouuoit éuiter sa ruine. Messieurs, vous iugez bien ce
qu’il y a à craindre si vous faites la paix. Il n’est pas possible de
faire des traittez sans que les parties relaschent chacune de son
costé, autrement si l’vne retenoit tout son droit & que l’autre relaschast
tout, ce seroit vn partage mal fait où tout seroit d’vn costé
& rien de l’autre, ce qui s’appelle donner la loy & non pas

-- 19 --

traitter. Si donc vous en venez à vn accommodement, qui est ce
qui donnera la loy ? la Reyne ne pretend pas vous la donner, à
mon aduis, estant en la posture où vous estes : vous ne pouuez
non plus pretendre la luy donner absolument, cela passeroit pour
vne insolence qui ne seroit pas supportable dans des sujets. Il faut
donc de necessité que vous relaschiez de vos droits : & que relascherez-vous ?
sera-ce que vous permettrez que le Cardinal demeure
en France en quelqu’vne de ses Abbayes : ie ne croy pas
que vous en ayez la pensée, non plus que ie ne croy qu’on ait à
Sainct Germain la pensée de vous le demander, cela estant moralement
impossible. Sera-ce à condition que le Cardinal sortira
de France, qui est l’vnique pierre d’achopement ? nous n’en
sommes plus dans ces termes-là, les choses ont changé de face
& ceux qui le protegent & qui le suiuent, ne sont pas moins criminels
que luy, pour ne pas dire plus. Si vous vous contentez
de bannir le Cardinal, tous ces gens-là demeureront ; & si cela
est, en quelle asseurance serez vous, s’ils viennent à reprendre
leur credit, comme il leur sera facile quand vous aurez mis les armes
bas, en quel estat reduiront-ils la France ? des paix de contrainte
sont à des ames vangeresses, des esquillons & des flammes
dans le cœur qui ne s’esteignent iamais ; nous en auons veu
l’experience, mais ce n’a esté que ieu au regard de ce qui se fera
si vous relaschez. Comment pourront subsister les Princes, qui
ont auec ardeur embrassé vostre party ? seront-ils en seureté de leurs
testes s’ils sont contraints d’obeïr à ceux contre qui ils sont armez ?
seront-ils en égale puissance ? cela ne se peut, deux contraires,
disent les Philosophes, ne se peuuent endurer en vn mesme suiet :
& en matiere de grandeur, & de grandeur ennemie, il n’y peut
auoir de pareil. Quoy donc, donneront ils la loy ? il seroit necessaire
pour le repos du public, mais cela ne se fera pas dans vn
accommodement, & par consequent il est moralement impossible
de faire de paix, sans s’exposer à vn danger tres-éuident. Mais
cela est estrange, ie ne veux point de paix, qui est la chose du monde
la plus souhaitable : ie responds ce que fit Ciceron, Net ego
pacem nolo, sed pacis nomine bellum inuolutum reformido : quare si pace
frui volumus, bellum gerendum est : si bellum amittemus, pace nunquam
fruemur.

 

La 2. raison
est que cette
paix est
dangereuse.

De ces deux raisons l’on tire la troisiesme par vne consequence
necessaire, que cette paix ne se peut faire : car de quel front vous
pourront regarder ces gens-là, qui se sont vantez de lauer leurs

-- 20 --

mains en vostre sang ? qui ne demandoient pas moins que huict
Conseillers & quatres Presidens à leur choix, pour les immoler
à leur fureur comme des victimes ; & vous comment pourrez
vous les regarder de bon œil ? serez-vous tousiours dans la défiance,
ou tousiours en armes, cela ne se peut faire. Et le peuple
qui n’aura peut-estre pas tant de retenuë que vous, pourra-t’il
voir de ses yeux des gens qui ont exercé tous les actes d’hostilité
imaginable sur tout ce qui luy appartenoit ? qui ont publié
par tout qu’ils ne metteroient iamais les armes bas qu’aprés
auoir fait vn village de Paris, & reduit les Bourgeois à aller
la corde au col demander pardon, qui en ont proposé le pillage
à leurs soldats, au lieu de solde & d’autres recompenses, qui
authorisent le viol, les larcins, & les sacrileges : & eux pourront-ils
voir des Bourgeois qui leur ont fait la nique, & qui leur ont
appris en tant de rencontres, qu’ils auoient plus de courage qu eux
& moins de temerité, aprés tant de libelles qu’ils ont fait publier,
où ils ont descouuert leur infamie & l’énormité de leurs crimes,
enfin aprés les auoir fait démentir de ce qu’ils se sont si insolemment
vantez. Ie ne dis rien des autres Parlemens, auec qui vous
auez fait alliance, ie ne parle point des gens de guerre que vous
faites venir, ny des Seigneurs que vous auez engagez en vostre
party ; ils ne sçauroient faire de paix s’ils ne la donnent, il est important
& pour eux & pour vous qu’ils subsistent, & cela estant
ie consens tres-librement à la paix, tout le monde aura suiet de se
resioüir, & de benir Dieu pour le soin que vous aurez eu d’vn
pauure estat desolé, autrement mourons plustost que de rentrer
dans la seruitude qui ne sçauroit estre que plus rigoureuse que la
mort. Nomen pacis dulce est, & ipsa res salutaris ; sed inter pacem
& seruitutem plurimum interest. Pax est tranquilla libertas ; seruitus
malorum omnium postremum, non modò bello sed etiam morte repellendum.

 

La 3. raison
que la paix
ne se peut
faire.

Mais aprés tout, dira-t’on il faudra que le Roy soit le Maistre :
ie l’auouë, & personne ne le luy dispute. La Reyne veut restablir
son authorité qu’elle pretend estre fort lezée en tous ces grabuges ;
elle le veut rendre absolu au point qu’il estoit quand elle a pris la
Regence : les Roys ne prennent point la loy de leurs Subiets,
mais les Subiets de leurs Roys ; & faut tost ou tard qu’ils se rendent
obeïssans. Qui est-ce qui doute de cela ? mais il y a biẽ à distinguer
entre la puissãce d’vn Roy maieur, & de celle de ses Ministres

-- 21 --

dans sa minorité : le Roy n’est pas à present en estat d’agir de sa
personne, il faut donc que ceux qui ont le plus d’interest en la
conseruation de son Royaume refrenent l’insolence de ces zelez
Ministres qui sous ce masque de l’authorité Royale, tranchent
de souuerains, & rauagent le Domaine du Roy comme vne terre
ennemie. Est-il possible que si le Roy auoit la connoissance des
miseres de son peuple, il n’en fust pas touché sensiblement ? & ces
harpies ne songent qu’à se repaistre du peu de sang qui leur
reste.

 

Ces voleurs detestables, nous ont depuis trente ans voulu faire
passer pour legitime vne Polytique de Tyran, & publié par tout
que le Roy a droict de vie & de mort sur ses subjets, que nos vies
& nos biens sont à luy, & qu’il en peut disposer comme bon luy
semble, comme en estant le Maistre Souuerain. Il est vray que
les subjets sont obligez naturellement d’employer leurs vies &
leurs biens pour le seruice de leur Prince : mais il y a bien de la
difference entre ces deux propositions : le Prince peut prendre, &
disposer de nos vies, & de nos biens à sa fantaisie, & nous deuons
employer vies & biens pour le Prince ; la premiere suppose vne
puissance despotique & seigneuriale ; & la seconde vne sujettion
dans le subjet qui l’oblige à seruir son Prince aux despens de son
sang, & de ses biens, quand la necessité est grande. Iamais la France
n’a esté en gouuernement despotique, si ce n’est depuis ; o. ans
que nous auons esté soûmis à la misericorde des Ministres, & exposez
à leur tyrannie Ceux qui ne philosophent que sur les choses
presentes, & qui ne portent pas leur esprit à rechercher la verité,
croyans que c’est assez que d’estre imbu d’vn, Tout le monde
ledit, s’estonneront peut-estre de cette proposition ; mais qu’ils
apprennent que la France est vne pure Monarchie Royale, où le
Prince est obligé de se conformer aux loix de Dieu, & où son peuple
obeïssant aux siennes demeure dans la liberté naturelle, &
dans la proprieté de ses biens : au lieu que la Despotique gouuerne
des subjets comme vn pere de famille ses esclaues. Tel est le gouuernement
du Turc, qui pour cela s’appelle le Grand Seigneur,
qui peut sans iniustice mander à ses Bassa de luy apporter leurs testes,
s’estant fait Maistre par la voye des armes, & ayant tousiours
retenu le pouuoir de Conquerant, qui donne suiuant le droict des
Gens la puissance de traitter en Esclaues ceux qu’on subiugue.

Question si
le Roy est
Maistre de
nos vies &
de not biẽs.

La France n’est pas vne terre de conqueste, c’est ce qu’il faut
prouuer, & pour cét effet, il est besoin de prendre la chose dans
sa source. Merouée, que nous pouuons appeller nostre premier

-- 22 --

[1 lettre ill.]oy, plus à propos, que ny Pharamond, ny Clodion le Cheuelu,
qui ne regnérent iamais en nostre France, ayant amené vne armée
considerable au deça du Rhin, & mesmes pris Treues, fut
prié par Aëtius Gouuerneur dans les Gaules pour l’Empereur, de
ioindre ses forces auec les siennes, & celles de Theodoric Roy des
Gots, pour chasser Attila qui rauageoit la Gaule auec vne armée
de plus de cinq cens mille combattans. Merouée ne demanda pas
mieux, tant pour l’esperance du butin, que pour signaler son courage
en quelque belle occasion ; ce qu’il fit en effet dans la bataille
Catalonique, où Attila fut deffait, & contraint de quitter la
France. Deux choses furent fauorables à nostre Merouée ; l’vne
que Theodoric y fut tué, & qu’incontinent Aëtius fut aussi assassiné
par le commandement de l’Empereur : les Gaulois demeuroient
ainsi en proye, si bien que iettans les yeux sur Merouée, qui
auoit acquis grande reputation dans la bataille, ils le prirent pour
Chef, & Paris premierement, & puis d’autres Villes luy ouurirent
les portes, ayant apris auec combien de douceur il traittoit
celles qui l’auoient receu : le voilà Maistre sans coup ferir, & pas
vne de nos Histoires ne dit autre chose, sinon, qu’aprés cette bataille-là,
estant alleché par la beauté & bõté du Pays, il gagna quelques
Villes qui le receurent à bras ouuerts apres la mort d’Aetius.
Et pour monstrer que nos Gaulois se soûmirent volontairement à
luy, & que iamais ils n’y furent contraints par la voye des armes,
c’est qu’ils chasserent son fils Chilperic, tout Roy qu’il estoit, à
cause de ses vices, & qu’ils auoient éleu selon la forme ordinaire,
& rappellerent vn Gillon qui estoit Romain pour se remettre sous
la domination de l’Empereur : élire & destituer ne sont pas des marques
d’vn peuple subiugué, mais d’vn peuple libre qui prend vn
Chef pour estre protegé contre ses ennemis. Ie passe quantité d’autres
raisons que ie pourrois alleguer, mais pour faire court, ie viens
à la question, & dis que les Roys de nos temps ne peuuent pretendre
sur la France autre droict que celuy qu’auoit Merouée,
puis que iamais le gouuernement n’a manqué, & que s’il y a eu
quelque changement, ce n’a esté que dans la succession de nos
Princes, sans que la France ait cessé d’estre Monarchie : de sorte
que l’on peut tirer cette consequence, que la France n’estant point
terre de conqueste, ne peut estre traictée en esclaue, estant chose
inouïe, que de dire qu’vn Chef à qui l’on se soûmet volontairement,
ait le mesme droict sur ceux qui s’assuiettissent, qu’vn Maistre
ou Seigneur sur ses Esclaues. Aussi les bons Empereurs Romains
ne vouloient pas qu’on les appellast Domini, c’est à dire, Seigneurs,
mais bien Princes ; tesmoin Suetone dans la vie d’Auguste :

-- 23 --

& Pline le ieune disoit à Traian. Principis scdem obtines ne fit Domino
locus. Cette difference fut bien remarquée par les anciens Perses,
qui appelloient, au rapport d’Herodote, Cyrus l’aisné Roy, Cambises
Seigneur, & Darius Marchand, parce que l’vn s’estoit monstré
Prince doux & debonnaire ; l’autre hautain & superbe ; & le
trosiesme trop exacteur & trop auare. La definition de Roy qu’apporte
Aristote au ; de la Repub. s’accorde auec ce que nous, auons
auancé, où il dit, que le Roy deuient Tyran pour peu qu’il force
la volonté de ses subjets ; ce qu’il faut prendre, non pas au pied de
la lettre, autrement il n’auroit pas le pouuoir de leur donner la
loy, & les plus iustes du monde deuiendroient Tyrans ; mais en
sorte qu’il doit luy mesme obeir aux loix de la Nature, & gouuerner
ses subjets par la Iustice naturelle, qui veut qu’on rende à chacun
ce qui luy appartient. Cela paroist par les marques qu’il donne
de son administration, dont les principales sont de craindre
Dieu sur tout, d’auoir de la compassion des affligez, d’aimer ses
subjets, de se rendre ennemy des meschans ; & en vn mot, iuste
enuers tous, n’estant pas plus dispensé de la loy de Dieu que le reste
des hommes, mais au contraire, estant obligé d’y obeïr, & les
subiets aux siennes, l’on peut dire que cette loy de Dieu doit estre
la Maistresse, & la Reine de toutes les actions de part & d’autre.
Et pleust à Dieu que cela fust ; nous ne verrions pas le deplorable
estat où est auiourd’huy la France reduite, & ne souffririons pas
que des Ministres insolens nous fissent passer pour constant que les
loix d’vn Estat ne peuuent subsister sans quelque iniustice.

 

Neantmoins l’on m’obiectera qu’outre cette obeïssance le subiet
est obligé à quelque redeuance enuers son Prince, & que iamais
l’on n a veu de subjets sans rendre tribut, d’où vient que
quand l’on demanda à nostre Seigneur, s’il falloit rendre le tribut
à Cesar, il donna ouuertement à entendre qu’ouy, en disant : Rendez
à Cesar, ce qui est à Cesar. Tout cela est vray, mais il y a bien
à distinguer entre le Tribut pris generalement, & la qualité du
Tribut ; il n’y a point de subjet qui ne doiue en qualité de subjet,
quelque tribut à son Prince, dés l’heure mesme qu’il s’y soûmet,
qui n’est autre chose, à le bien prendre qu’vne subsistance qu’on
luy donne pour l’entretien de sa maison, & pour les affaires qui
concernent la seureté & le repos de l’Estat. Et c’est ce que nous appellons
Domaine ; duquel les Rois de la premiere & seconde race,
& mesmes beaucoup de la troisiesme se sont contentez sans rien
leuer au delà sur leurs subjets, si ce n’estoit en quelque cas extraordinaire.
Et est à remarquer que ce Domaine est inalienable
parce que les subjets l’ont affecté au commencement à la subsistance

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des Rois ; & qu’ils se sont obligez à luy en payer exactement
les reuenus de droict naturel, de sorte que quiconque ne le
fait, outre qu’il offense Dieu mortellement, est encore obligé à
restitution, parce qu’ils s’en sont desaisis en faueur de la subsistance
du Prince. Mais ce qui est à noter, ils ne se sont iamais deportez
de la connoissance des subsides extraordinaires qu’il a fallu leuer
sur eux, & n’y a nulle prescription qui ait pû acquerir aux Rois le
droict de faire des leuées sans leur consentement, pour quelque
cause que ce soit. La raison de cecy se tire de la maxime que nous
auons posée, que le Roy n’a point de droict sur les biens des particuliers,
& partant il ne les peut obliger à les luy bailler sans iniustice.
Aussi voyons-nous que les premiers Rois qui ont commencé
à leuer sur le peuple, en ont fait vn poinct de conscience, & s’en
sont accusez deuant Dieu comme d’vne chose iniuste, & qui ne
leur estoit pas deuë. Tesmoin S. Louïs qui cõmanda à Philippe son
fils aisné & successeur, de remettre les Tailles qu’il auoit esté contraint
de leuer à cause des guerres, & luy defẽdit d’en leuer aucune
si l’vrgẽte necessité ne l’y obligeoit : ce qui fait voir que la taille n’estoit
pour lors qu’vn subside extraordinaire, non plus que la leuée
de Louys le Ieune de la 20 partie du reuenu de ses subiets pour
vne sois seulement ; telle fut encore la Maletote de Charles VI.
Et parce que les Estats virent que depuis S. Louys, les leuées
se faisoient comme ordinaires, il y fut arresté en presence de Philippes
de Valois l’an 1338. qu’il ne s’en feroit aucune sur le peuple
sans son consentement. Les Deputez des trois Estats tenus à
Tours firent à Louys XI. par forme de don pour deux ans seulement
quelque somme considerable comme vn octroy qui fut esgalé
sur lesdits Estats, sans toutesfois tirer à consequence, & sans
que ledit octroy pust estre appellé Taille ou impost. Et fut remonstré
aux Estats tenus en la mesme Ville sous Charles VIII. par Philippes
de Comines, qu’il n’y auoit point de Prince qui eust pouuoir
de leuerimpost sur ses subjets, ny prescrire ce droict, sinon de
leur consentement. Bon Dieu que nous sommes à present esloignez
de cette condition-là ! En ces temps-là, si quelque necessité
pressante obligeoit les Rois à exiger quelque tribut de leurs
subjets, c’estoit auec des protestations de le supprimer aussi-tost
qu’ils en seroient deliurez ; ainsi que fit Philippes le Long, qui mit
le premier vn double sur la liure de sel ; & depuis Philippes de Valois
declara par lettres patentes de l’an 1328. qu’il ne vouloit, ny
n’entendoit que le droict de Gabelle, qui estoit pour lors de quatre
deniers pour liure, fut incorporé au Domaine. Est-ce là vne
marque d’vne puissance souueraine sur nos biens ! la Monarchie

-- 25 --

est la mesme qu’elle estoit ; le Roy à present regnant l’a euë par
par succession. En ce temps-là l’on ne leuoit rien sur les subjets que
par leur consentement, & auiourd’huy on leur rauit tout ce qu’ils
ont en depit d’eux. Considerez cecy infames Partisans, & cessez
de nous vouloir faire passer le gouuernement de France pour despotique.

 

Quel tribue
l’on doit au
Roy.

Quand ie
parle des
peuples, ie
n’entends
pas les particuliers :
mais les
Estats &
les Parlemens
qui
font pour le
peuple.

Ce sont-là les leçons que la Reine deuroit faire apprendre au
Roy son fils ; elle deuroit luy representer par ces exemples qu’il
ne doit pas abuser de son authorité, & que les Tailles qui montent
auiourd’huy à des sommes si excessiues ne luy sont point
deuës selon les loix du Royaume, & que iamais les Rois ses predecesseurs
ne les ont leuées que par violence, ou par tolerance. Il
est vray que c’est là vne science que nous ne sçauons point auiourd’huy,
où nous sommes si accoustumez à l’esclauage que nous ne
pouuons croire que nos peres ayent iamais esté libres ; mais qu’elle
luy apprenne s’il luy plaist que ce n’est pas le plus seur pour vn
Roy que de tenir ses subjets en bride par la violence des extorsions ;
car en pensant leur oster les moyens de se rebeller, on ne
captiue pas leurs volontez pour cela, & tost ou tard, à la moindre
esperance de mieux, ils secouënt volontairement le ioug, sans
auoir égard, ny à serment, ny à respect. Qu’elle luy fasse voir
que les inuenteurs de nouueaux imposts ont eu pour l’ordinaire
des fins fort tragiques, & que les Roys n’ont pas esté exemps du
bouleuersement, tant en leurs personnes qu’en leurs Estats : car
sans parler des notes d’infamie, dont les peuples marquent la reputation
des Princes pour tel sujet, comme firent les Romains à
l’endroit de leurs Censeurs Liuius & Claudius, qu’ils nõmerent les
Sauniers pour tesmoigner la haine qu’ils leur portoiẽt, sans parler
encore d’vn certain Acheus Roy des Lydiens, qui fut pendu par ses
sujets, les pieds en haut & la teste en la riuiere, à cause des subsides
qu’il vouloit exiger. Qu’elle sçache que Philistus fut en partie cause
de la haine que les Syracusains conceurent contre Denys le Ieune,
leur Tyran, & finalemẽt de sa perte, à cause des exactions violentes
qu’il exerçoit sur eux. Au commencement de cette Monarchie vn
nõmé Procletes, fut lapidé par les habitans de Treues, pour auoir
conseillé au Roy Theodebert de charger ses subjets de nouueaux
subsides : le mesme malheur enseuelit Theodoric Roy de France,
& luy fit perdre sa couronne. Il n’y a pas vn siecle que Georges Preschon
fut cruellement executé à mort ; & que Henry Roy de Suede,
dont il estoit le Gouuerneur fut chassé de son Estat pour le mesme
sujet. Nos Histoires nous marquent vne infinité de pareils
exemples. Du temps de Charles V. surnommé le Sage, l’on massacra
deux Mareschaux de France, & peu s’en fallut que le troisiesme

-- 26 --

n’eust la mesme fin ; & la fureur se porta si auant que l’on esgorgea
des Daciers iusques sur les Autels, comme des victimes
publiques. Sous Carles VI. toute la France ne fut-elle pas sur le
point de changer de Maistre, & quoy que les leuées, & contributions
se fissent auec quelques formes d’Estats, & pour la necessité ;
neantmoins le peuple faisant tousiours instance contre Maistre
Iean de Montaigu, Intendant des finances, autheur de nouuelles
Daces, l’on fut contraint de l’abandonner, & eut la teste
tranchée aux Hales, auec vne Doloire, quoy qu’il eust fait bastir
les Celestins & donné la grosse cloche de Nostre Dame. Mais à
quoy bon chercher des Histoires anciennes, puis que nous voyons
tous les iours par effet, la haine que les peuples portent aux Partisans,
n’y ayant presque point de Prouince, ny de Ville en France,
où l’on n’en ait massacré quelqu’vn depuis trente ans.

 

Imposts causes
de grãds
troubles.

Et ne sert de rien de dire que ceux qui l’ont fait en ont esté punis,
& que les Villes qui ont refusé d’obeyr aux ordres des Partisans superieurs,
ont esté traictées en ennemies par les gens de guerre
qu’on y a enuoyez pour viure à discretion, tesmoin la Ville d’Angers
l’an passé : il ne sert dis-ie rien de parler de la sorte, l’on ne
peut pas vaincre les sentimens, ny les volontez ; tel void vn
exemple de chastiment deuant soy qui espere estre plus heureux
dans le mesme crime, & le pouuoir euiter. Ce sont des secrets qui
se mesnagent en haut, & où nous n’y voyons rien.

Ie sçay bien qu’on peut encore repartir que quand les peuples se
sont sousleuez, l’on a sceu prendre le temps, & les chastier à propos,
que les vrais Politiques dissimulent pour quelque temps,
iusques à ce que cette beste indomptable, ait poussé son plus
grand effort ; que ce seroit ietter de l’huile dans le feu, que de
vouloir chastier vn peuple quand tout conspire à la reuolte,
mais qu’on luy cede quelque chose en apparence, pour luy
ferrer apres plus fortement la bride, & luy donner de l’esperon,
que les Rois ne sont iamais chiches d’accorder à leurs
subjets ce qu’ils veulent en cét estat-là, parce qu’ils n’en tiennent
rien s’ils ne veulent ; si bien qu’apres tout les rebellions
causent vne perte inévitable à des subjets. Quand i’aduouërois
tout cela, c’est presenter à des peuples animez vn mauuais miroir,
que de leur faire voir qu’il n’y a iamais eu de seureté à s’accommoder
auec les Rois ; car qui est-ce qui ne void que pour éuiter
pareil chastiment, il n’y a rien qu’on ne fasse ? quand ce seroit auec
la plus grande iniustice du mõde, qu’on détrôneroit les Rois legitimes,
neantmoins cette consideration ne touche point à l’égal
de la peine qu’on se represente qu’il faut souffrir ; & l’ou se iettera
plustost entre les mains d’vn Barbare, & d’vn Ennemy, que de

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s’accommoder auec vn Prince qui ne propose pour articles que
des rouës & des gibets ; car au moins a-t-on esperance d’vn plus
fauorable traittement sous quelque autre que ce soit : la plus-part
des reuolutions des Estats sont arriueés par là, & sans que i’apprehende
d’abuser du temps, & d’estre trop long, i’en marquerois
assez pour preuue de mon dire.

 

Ie reuiens donc à ma proposition, & dis que la Reine deuroit
faire lire, & comprendre ces Histoires-là au Roy son fils, & le
nourrir dans vn amour pour ses subjets au lieu de l’animer à la
vengeance contre les Parisiens & tous ses autres fideles seruiteurs :
Car si les peuples, comme il est infaillible, ont connoissance de
cette nourriture ; que dirõt-ils en eux-mesmes, s’ils ne le declarẽt
tout haut ? que peuuent-ils attendre de meilleur que par le passe ?
quoy, il y a trente ans qu’ils sont sous vne tyrannie, & ils en voyent
trente autres qui viennent, ou dauantage, qu’il leur faudra estre
encore pis ? à quoy se doiuent-ils resoudre ? les traits de la necessité
sont cuisans, & tel se void obligé de faire ce qu’il n’auroit iamais
pensé. C’est vn pernicieux conseil qu’on a donné à la Reine
de luy faire risquer le tout pour le tout ; elle commence à en voir
la consequence, elle a crû n’auoir que le Parlement de Paris en teste,
elle luy fait la guerre, & ie ne sçay si elle n’a point affaire de
luy auiourd’huy pour estre maintenuë, & ie ne sçay s’il en pourroit
venir à bout quand il l’entreprendroit ; Elle a ietté le dé la premiere,
& luy en suite, ils n’en sont plus les maistres, ny l’vn, ny l’autre ;
c’est à la fortune à iouër à son tour, où plustost à Dieu a faire
voir vn effet de sa souueraine puissance.

Leçon an
Roy.

La Reine ne doute pas, si on ne la flatte, que tout le monde la cõdamne,
& si la voix du peuple est la voix de Dieu, qu’elle tire la cõsequence.
C’est vne des grandes marques qu’il y ait d’vn changement
d’Estat, quand les peuples n’ont plus de respect, ny de crainte
pour leurs Souuerains, & quand ils les mettent au pis faire : Denis
le Tyran voulut bien changer de baterie, quand on luy rapporta
que ses subjets ne se soucioient plus de ses rages, ny de ses tourmens,
mais il n’en estoit plus temps ; & iugea bien qu’il estoit
perdu, comme en effet, si-tost que son ennemy se fut presenté vers
Syracuse, tout le monde s’y retira comme à vn azyle, & luy, fut
abandonné miserablement, despoüillé de son Estat, & reduit à
l’esclauage. Voilà ce qu’il faut representer au Roy d’vn costé pour
luy faire apprehender de mal traitter ses peuples, & de l’autre ces
sainctes instructions que donne l’Empereur Theodoze à son fils
Honorius dans Claudian, où il apprendra en substance, que les
armes ne mettent pas les Couronnes à l’abry des coups de la fortune,
mais bien l’amour des subjets ; qu’vn Prince ne se peut faire

-- 28 --

aimer par force, & que le Diademe qui ne subsiste que par les piques
des Gardes est bien prés de sa cheute ; que celuy qui pense
épouuanter les autres par le nombre de ses Satellites, craind plus
qu’il n’est craind, & que pour estre en seureté, il vaut mieux faire
le pere, & le Citoyen, que de faire voler les testes des Princes, ou
des Conseillers, qui peuuent faire ombrage.

 

 


Qui terret, plus ipse timet, Sors ista tyrannie
Conuenit, inuideant claris, fortesque trucident.
Tu ciuem patremque geras tu Consule cunctis.
Nec tibi, &c.

 

O que c’est vne pernicieuse Politique, que de porter les Rois à
faire tout ce qu’ils peuuent plustost que ce qu’ils doiuent, & que
c’est mal connoistre les fondemens d’vne Monarchie Royale, que
de vouloir faire passer vne authorité sans bornes pour legitimé.

Car outre que de cette façon il n’y auroit nulle differẽce entre vn
Roy & vn Tyran, à prendre mesme le mot en sa plus odieuse signification ;
il est cõstant à quicõque l’examinera de prés, que dés lors
qu’vn Roy abuse du pouuoir que Dieu luy donne en cette qualité,
& qu’il contreuient à son deuoir, il cesse d’estre Roy, & les subiets
d’estre subjets. La raison en est euidente, mais mal-goustée par les
Politiques du temps ; à quoy pourtant ils n’ont point de repartie :
la voicy, Quand les Rois viennent à la Couronne, ils iurent
sur les Sainctes Euangiles, qu’ils maintiendront l’Eglise de Dieu
à leur pouuoir ; qu’ils obserueront les loix fondamentales de l’Estat ;
& qu’ils protegeront leurs subjets selon Dieu & raison, ainsi
que de bons Rois doiuent faire ; & moyennant ce serment, les
peuples sont obligez de leur obeyr cõme à des Dieux sur terre & le
serment qu’ils en ont fait aux premiers Rois, dure encore à present,
à cause de la succession perpetuelle qui s’entretient en la
France. L’vn & l’autre serment est respectif, & comme le Roy
peut iustement faire punir par toutes les voyes d’vne Iustice rigoureuse
des subjets contreuenans à la promesse qu’ils ont faite de
luy obeyr, comme à leur legitime Monarque, dans tous les articles
qui ne choquent point les trois fondamentaux que i’ay posé ;
de mesme les subiets sont-ils exempts de l’obeïssance, quand les
Roys violent leur serment : car s’ils renuersent les loix de l’Eglise,
qui est le subiet qui leur obeïra, ou qui est obligé de leur obeïr :
c’est la grande question meuë du temps de Henry IIII. à quoy il
ne pût trouuer de solution qu’en se rendant Catholique. S’ils contreuiennent
aux loix fondamentales de l’Estat, comme s’ils pretendent
faire tomber le Royaume en quenouïlle, vendre & aliener
leur Domaine, les subiets sont exempts de leur en redonner vn autre,
& de leur obeïr en l’autre point ; tout cela est sans difficulté, &

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faut conclure qu’il en va de mesme pour la troisiesme circonstance
du serment, que si les Roys ne protegent leurs subiets selon le droit
& la raison conformément aux loix de Dieu & aux Ordonnances
des Estats que les Cours Souueraines sont obligez de faire executer,
comme les ayant en depost, les subiets sont exempts de l’obeyssance ;
& bien dauantage, s’ils sont opprimez iniustement &
auec vne violence tyrannique, qui ne peut compatir auec la Monarchie
Royale où les subiets ne s’obligent aux Roys que pour en
estre protegez contre ceux qui pourroient troubler leur repos ; tellement
que s’ils le troublent eux mesmes, ils cessent d’estre Roys &
les subiets d’estre subiets. Aussi voyons-nous que quoy que les
Romains n’eussent rien tant à cœur que d’estendre leur seigneurie,
& de faire de nouuelles conquestes, neantmoins ils n’ont iamais
authorisé les reuoltes des subiets contre leurs Princes legitimes
qu’en cas d’vne iniuste oppression ; & est certain que les peuples
ont plustost eu recours à eux, qu’eux aux peuples, pour faire
chasser les Roys qui abusoient de leur authorité, tesmoin
les villes de la Grece qui leur enuoyerent des Deputez pour les
prier de les aller secourir contte leurs Tyrans. Il est vray qu’ils
estoient bien aise de rencontrer des occasions & des pretextes si
fauorables : car comme ils croyoient que c’eust esté vne iniustice
que d’excitet vne reuolte & de corrompre des subiets, aussi s’imaginoient-ils
qu’ils eussent commis vne lascheté trop grande s’ils les
eussent laissez dans vne oppression iniuste quand ils auoient recours
à eux, tant il est vray que les subiets ne sont obligez aux Roys
qu’entant qu’ils sont Roys, & qu’ils n’abusent pas de leur authorité.
Il n’en va pas de mesme dans la Monarchie seigneuriale, ou les subiets
sont bien obligez par serment au Monarque, sans que le Monarque
s’oblige à rien s’il ne veut, & de quelque violence qu’il
vse enuers eux, ils n’ont iamais de iustes suiets de se rebeller (ie parle
icy selon le droit des gens & non pas selon les maximes du Christianisme)
la raison est, parce que le Monarque ne se defait iamais
de la qualité de Seigneur, & qu’vn Seigneur, à prendre le mot en
sa rigueur, n’a point d’autre loy que son espee, pouuant de droit
quand il veut rauir, & biens & vies de tous ses subiets, faire d’autres
Colonies & de nouuelles peuplades, comme il le pouuoit quand il
les a premierement assuietis par la voye des armes.

 

Il faut donc que le Prince d’vne Monarchie Royale soit soumis à
ses subiets, & qu’il n’ose faire ce qu’il voudroit bien, crainte de les
offenser ? Nullement, mais le Roy & les subiets ayans vn mesme

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Dieu pour maistre, ses loix & ses commandemens doiuent estre la
regle de leurs actions. Ces grands Politiques oseront-ils dire que
Traian ne se comporta pas en Empereur quand il fit Licinius Sura
Prefet du Pretoire, & qu’en luy donnant l’espée nuë qui estoit la
marque de sa charge, il luy dit, ie tedonne cette espeé, Sura, dont tu
me seruiras fidelement si ie te commande quelque chose selonle
droit & l’equité, sinon, ie te dispense de ton obeyssance, & seray
bien aise que tu t’en serues contre moy-mesme. Pensons nous
qu’Alexander Seuerus eust moins de pouuoir & d’authorité que
Caligula ou qu’Heliogabalus, parce qu il n’en abusoit pas comme
eux ; que Tacitus fût moins Empereur que les autres par ce qu’il ne
vouloit rien faire sans l’aduis & le consentement du Senat ; & pour
parler de nos Roys, Louys XII. qui estoit les delices du peuple &
qui faisoit cõscience de leuer quelque chose sur luy crainte de le faite
crier, estoit-il moins Roy & moins absolu que n’estoient ses deuanciers ?
Henry IIII. a-t’il eu moins d’authorité que Louys XIII pour
n’auoir pas fait sauter la teste à des Montmorency, à des Marillacs,
à des de Thou & à des Cinq Mars, & pour n’auoit pas fait
tant emprisonner & exiler de Conseillers & de Presidens, qu’il y en
a eu sous Ie regne precedent, & depuis la Regence ? mais le malheur
est qu’on ne fait iamais conceuoir aux Roys ce qu’ils doiuent,
mais ce qu’ils peuuent, & combien leur authorité a d’estenduë,
contre la maxime & l’instruction que donnoit le Grand
Theodoze à son fils.

 

Dion en la
vie de Traian.

 


Nec tibi quid liceat, sed quid fecisse decebit
Occurrat, mentemque domet respectus honesti.

 

D’où viennent donc tous ces desordres ? c’est de vous, Messieurs,
pardonnez-moy, si ie le dis ; car si vous vous opposiez vertement
à ces iniustes & tyran niques procedures dés leur naissance,
on ne les verroit esclorre qu’à la confusion de leurs Autheurs, & à
l’honneur de vostre Compagnie. N’y a-t’il pas lieu de s’estonner
que vous qui estes les Depositaires de ce qu’il y a de plus sacré dans
nos Loix, ayez si long-temps toleré le trafic infame du sang des
subiets du Roy ? i’ay cent fois ouy dire dans les Prouinces, que
tout le mal ne venoit que de vous, qu’on ne demandoit pas mieux
qu’à secoüer ce ioug insupportable des Ministres Partisans, pourueu
que vous donnassiez le bransle, puis que vostre Parlement est
sans contredit, le premier mobile de la France ; & ie puis adiouster
auec verité que vous estes cõplices de tout le mal qui s’est fait depuis
tant d’années, horsmis depuis le mois de May dernier que vous

-- 31 --

commençastes enfin à vous réueiller d’vne malheureuse lethargie,
qui vous a si long-temps tenus sans poux, & sans mouuement.

 

Claudian
au 4. Cons.
d’Hom.
Le Parlement
cause
du mal par
sa conniuence.

Il me souuient à ce propos de certains discours qu on dit, que
tint le Plaisant, autrement le bouffon du Roy, sur le sujet des
duels du grand Boutheuille, qui auoit desia tué seize Gentils-hommes,
au combat d’homme à homme ; & comme on demandoit
au Roy sa grace pour le seiziesme, & que le Roy n’en vouloit
point ouyr parler, à cause de tant de meurtres qu’il auoit commis,
ce fou luy dit, que Bouteuille n’en auoit tué qu’vn, & que
le Roy auoit tué les autres, parce que s’il l’eust puny dés le commencement,
selon ses Ordonnances, il n’en eust pas tué dauantage.
I’en puis dire autant de vous, Messieurs, & prendre la liberté
d’vn fou qui estoit sage, en vous remonstrant que si vous auiez
chastié dés le commencement les brigandages du regne passé, nous
n’en serions pas où nous en sommes maintenant.

A qui pensez-vous que les peuples puissent adresser leurs plaintes,
si ce n’est à vous ? iront-ils au Cõseil du Roy, où l’on ne met quasi
plus que des Partisans, pour se plaindre des extorsions qu’ils font ?
c’est à dire, iront-ils deuant des Iuges qui sont parties ? il n’y a pas
d’apparence, & le peu de Iustice qui s’y rend, fait mesme apprehender
aux plus iustes d’en auoir des Arrests à leur aduantage. Pourquoy
verifiez vous les Edits du Roy ? est-ce par forme seulement
& par vne vieille coustume ? ou bien si c’est parce que vous seruez
de barriere à cette authorité Royale, & que vous auez droict d’examiner
s’ils sont iustes. Vous sçauez mieux que moy que les peuples
n’ont aucune voix deliberatiue en tout cela, si ce n’est par
vous qui estes comme leurs Deputez ; & quand i’ay dit qu’ils
estoient par fois exempts de l’obeyssance, ie n’entends pas que les
particuliers se puissent arroger ce droict, autrement ils se feroient
iustice à eux mesmes selon leur caprice, ce qui ne se peut pas, mais
bien quand ils sont authorisez par vos Arrests qui tiennent lieu
d’Estats & d’Ordonnances.

Souuenez-vous donc, s’il vous plaist, que depuis que les
Parlemens sedentaires sont instituez, pour rendre plus commodément
la Iustice aux subiets du Roy, l’on n’a tenu les Estats
que pour remedier aux desordres qui arriuent de temps en
temps en l’administration, qu’on leur en a donné les Ordonnances,
comme en depost, pour les faire executer en leur forme
& teneur, & qu’ils en sont chargez, tant de la part du Souuerain
que des subjets : si bien que l’on peut conclurre conformément

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à ma proposition, que toute la corruption qui arriue dans
l’administration de l’Estat, ne prouient que de la lasche tolerance
des Parlemens ; & que les Rois, & les peuples leur peuuent demander
raison d’vne iustice si mal administrée.

 

Ie sçay bien que vous me direz que vous estes trop prés du Soleil
pour ne cligner pas les yeux, qu’il se trouue trop peu d’aiglons
parmy vous qui puissent en supporter les rayons, que la violence
d’vn costé, & la diuision de vostre Compagnie de l’autre, vous a forcez
de faire des choses que vous sçauiez estre contre la Iustice, qu’il
y a peu de Catons en ce siecle qui aillent au Palais au trauers des picques,
& qui fassent trembler les armes sans armes, comme fit l’Ancien
d’Vtique celles de son Collegue qui le vouloit empescher de
parler pour le bien public. Voilà, ce me semble, ce que vous pouuez
repliquer à ceux qui vous accusent de trop de conniuence. Mais parlons,
ie vous supplie, serieusement, est-ce là faire l’office de Iuges,
& de Iuges Souuerains ? Si vous n’estes establis que pour faire la volonté
du Roy à l’aueugle, à la bonne heure ; mais en ce cas là il n’a
que faire de vous, & les peuples encore moins ; ce Conseil d’en haut
suffit, puis qu’aussi bien l’on n’a point d’autre raison, si non que, fit
volo sic iubeo, sit pro ratione voluntas. Qu est-il besoin que des peuples
viennent de si loin vers vous, si vostre pouuoir ne s’estend qu’à faire
iustice entre Pierre & Iacques ? ils trouueront la mesme chose auprés
deux en leurs Presidiaux & Seneschaussées ; & s’il n’y auoit que
cela, l’on pourroit dire qu’il n’y auroit rien de si inutile que les
Cours de Parlement. Mais i’ay d’autres sentimens pour vos Compagnies,
& vous mesmes en deuez auoir de bien plus grands, parce
que vous en connoissez mieux le merite.

Response du
Parlement.

Response à la
Response.

Tellement que si vous m’accordez que vous auez droict, comme
il est vray, de vous opposer hautement à la vexation des peuples, &
de casser les faux Arrests du Conseil d’en haut, quand ils choquent
vostre liberté, & celle des peuples ; vous m’accorderez aussi que
vous estes obligez de le faire genereusement, ou qu’il faut abandonner
vos Charges.

Charges des
Conseillers.

Ce n’est pas en l’administration de la Iustice qu’il faut chercher
à plaire aux Roys, si ce n’est en la rendant bonne : ce n’est pas là où
il faut pallier la verité, la Iustice est trop auguste d’elle mesme, &
donne trop dauantages à vn homme de cœur pour en estre trahie,
& si la flatterie est pardonnable à des Courtisans, elle est criminelle
dans des Iuges qui ne sont Iuges que pour la punir, puis qu’elle
est la mere de l’iniustice. L’Eschole de la Cour est bien differente

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de celle du Parlement ; en celle-là on apprend à plastrer addroitement,
& à chercher dequoy plaire aux Rois, & en celle-cy toutes
les pensées doiuent tendre à chastier les fourbes, & à rendre la Iustice :
tellement qu’estant impossible de seruir deux Maistres si differens,
sans haïr l’vn & aymer l’autre, l’on peut dire d’vn Magistrat
qui fait le Courtisan par interrest ou par affection, qu’il quitte
son office de Iuge pour estre fourbe, à moins qu’il n’en vse comme
faisoit Callisthenes chez Alexandre. Ce grand Philosophe
voyant que son Maistre se mesconnoissoit, & qu’il se portoit à des
excez de violence & de bouche, mal seans à la reputation qu’il acqueroit
en ses conquestes, l’aduertissoit de ses deffauts auec beaucoup
de liberté, ce que le Roy auoit bien peine à souffrir ; tellemẽt
qu’Aristote craignant qu’il ne luy en prit mal, luy dit vn iour, Callisthene,
où il ne faut point approcher des Roys, ou il les faut vn
peu flatter : au contraire, replique Callisthene, ou il n’en faut point
approcher, ou il leur faut dire la verité. Ie pardonnerois à des
Courtisans, quand ils ne seroient pas si rigoureux : mais il n’est pas
supportable de voir des Iuges s’accommoder au temps, & feindre
de s’opposer à l’iniustice quand ils la voyoient si manifeste.

 

Ouy, mais le mauuais traittement qu’on fait à ceux qui ont cette
fermeté que ie dis qu’il faut auoir, n’est-il pas suffisant d’estonner
les mieux intentionnez ? il est vray, Messieurs, que vous pouuez
dire ce que disoit autrefois Ciceron en cas pareil, cenebamur
vndique neque quominus seruiremus, recusauimus ; sed mortem & eiectionem
quasi maiora timebamus, quæ multò fuere minora. En effect, la
mort & le bannissement de vos freres estoient pour vous faire apprehender
de dire vos sentimens auec liberté : mais vous auez enfin
reconnu que les maux qu’ils ont soufferts, estoient bien moindres
que ceux qu’on vous a fait souffrir depuis, s’il est vray qu’il
n’y a point de tourment plus rigoureux à des hommes de cœur que
de viure sans honneur, ou que de mourir lentement par des apprehensions
continuelles. C’est vne chose faite, resueillez vos esprits
maintenant, & r’animez vos courages, toute la France vous
tend les bras, ne la delaissez pas ; elle fait ses efforts, & foüille le
reste de ses veines pour vous assister ; vnissez vous estroitement, car
l’vnion de vostre Compagnie est plus forte que toutes les armes
que l’on vous sçauroit opposer ; d’où vient que ce n’estoit pas sans
raison que le Senat Romain sassembloit le plus souuent au temple
de la Concorde, & que Q. Marcius estant Censeur, fit mettre
en toutes les Cours des statuës de cette Deésse, auec des Autels ;

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pour monstrer que le Senat ne se deuoit iamais partager en opinions.

 

Ep. 18.
dul. 2. à
Atrit.

C’est à quoy toute la France vous coniure, & moy particulie rement,
qui fi nis par ces paroles de Ciceron, Magna vis, magnum numen
est vnum & idem sentientis Senatus. C’est,

MESSIEVRS.

Vostre tres-humble, & tres obeyssant
seruiteur.

AV LECTEVR,

IL y a desia long temps que cette Lettre deuoit paroistre,
mais quelques considerations en ont empesché.
L’Autheur a mandé qu’elle seroit suiuie en bref d’vne
autre à la Ville de Paris, où il doit monstrer l’interest
qu’elle a de se tenir vnie auec la Cour de Parlement, &
quelques avis sur le fait de la Police où l’on manque :
on l’attend à la premiere poste, car il est esloigné de cette
Ville.

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Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS, ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : C_3_31.