Anonyme [1649 [?]], Factum Notable. Pour Thomas Carrel Huissier Sergent à cheual au Chastelet de Paris, demandeur en execution des Arrests de la Cour des 7. Decembre 1645. & 19. Decembre 1647. , françaisRéférence RIM : M0_1363. Cote locale : C_5_3.
Section précédent(e)

Factum Notable.

Pour Thomas Carrel Huissier Sergent à cheual au
Chastelet de Paris, demandeur en execution des
Arrests de la Cour des 7. Decembre 1645. & 19.
Decembre 1647.

Contre Mes François Catelan, Martin Tabouret, Secretaires
du Roy, Pierre Meyssonnier, Pierre Moysel, Iean Migné,
Gaspard Baugi, & Canto, associez en diuers partis
& complices, accusez & deffendeurs.

L’Affaire qui se presente est vne des plus espineuses
au repos du demandeur, & des plus importantes au
Public & a l’Estat qui ayt iamais paru aux yeux de la
Iustice : C’est vne denonciation par luy faite au
Parlement d’vn vol & d’vn brigandage de plus de
cinq ou six millions commis sur le Roy & sur les suiets par lesdits
accusez : lesquels voyans leurs crimes en éuidence & entendans
les plaintes vniuerselles d’vn chacun.

 


Lidia tota fremit, phrigiæque per oppida fati,
It rumor & totam sermonibus occupat vrbem.

 

Qui frappent sans cesse les aureilles des Magistrats & implore
le secours & la rigueur des loix qu’ils ne peuuent esuiter, machinent
tous les iours des desseins contre sa vie, pensans par ce
moyen arrester le cours de la Iustice, cacher & enseuelir toute
leur infamie dans son tombeau, & conseruer ses immenses &
funestes richesses puisées dans le sang & la sueur des Peuples :
Mais quoy qu’il puisse arriuer au demãdeur, apres auoir eschapé
tant de dangers, & animé qu’il est du zele & de l’affection qu’il
porte au public, dont le salut & la tranquillité dependent en
quelque sorte de l’euenement de cette action, rien ne peut
changer la resolution qu’il a prinse, & le seruir aux despens de

-- 2 --

sa propre vie, & de s’opposer à l’audace effrenée de ce genre
d’hommes, qualifiez Partizans : pour convaincre lesquels il
suffiroit de rapporter leurs origines, & en faire de comparaison
auec l’esclat duquel ils se trouuent enuironnez aujourd’huy,
qu’on ne peut supporter qu’auec horreur, & indignation.
Catelan est venu des Montagnes de Dauphiné, n’ayant pour
tous biens qu’vne balle qu’il portoit sur son dos & desployoit
deuant luy allant dans les Villes, remplie de peignes & de miroirs
ardents, qui ne valloient pas plus de 4. ou 5. liures, &
possede maintenant plus de quatre millions. Tabouret estoit
vn chetif Notaire, qui pour ses mauuais deportemens notoires
à tout le monde, a esté deferé par ses confreres, & contraint
de vendre sa charge pour satisfaire aux creanciers qui luy en
auoient presté l’argent, & il possede des Marquisatz & des
Comtez, & autres biens aussi pour plus de quatre millions.
Migné est fils d’vn pauure Sergent, qui ne sçachant de quel bois
faire fléche, s’est ietté dans le mesme negoce que lesdits Catelan
& Tabouret, où il a acquis plus de deux millions, sans y comprendre
l’Office de Receueur general des Finances en la Generalité
d’Alençon, qu’il possede. Moysel & Canto sont des parents
desdits Catelan & Tabouret, qui ont seruy de recorps aux
Huissiers qu’ils employoient au recouurement des taxes desquelles
ils auoient traitté, & de present sont montez au rang de ces
illustres personnages, & les autres sont d’vne mesme categorie
& dans vne semblable fortune : qui est vne preuue bien concluante
des exactions, pilleries & concussions par eux exercées, qui
composent leurs grands biens & entraisnent la ruine de plus
de trois millions de familles, voire presque de tout le Royaume.
Sceleris hunc finem putas ? grarus est.

 

Ce n’est pas le comble de leurs iniustices, on sçait les violences
qu’ils ont pratiqué es pour ce sujet, il n’est pas besoin de les
expliquer : elles sont de notorieté, & inseparables de leur conduite.
Les faussetez leur sont familieres, c’est le fondement de
tous leurs desseins ; Ils ont d’abord pour ce la suppose vn nommé
Baptiste Pynot, qui a faussement prins & signe le nom de Pierre
Meyssonnier, selon qu’ils iugeoient leur estre vtile dans le rencontre
de leurs affaires, & conuenable aux fraudes & brigandages
qu’ils ont exercez dans tous les endroits du Royaume ; Et

-- 3 --

en suitte ils ont commencé par la promesse & conuention qu’ils
ont faite auec le demandeur le quatriesme May 1638. de luy
donner pour sallaires & recompense le sol pour liure de toutes
les sommes qu’il leur feroit toucher en vertu des Arrests & Rolles
arrestez au Conseil, collationnez par lesdits Catelan & Tabouret
en qualité de Secretaires du Roy, qu’ils luy ont pour cét
effect mis entre les mains, auec vn nombre de quittance du Tresorier
des parties casuelles de taxes faites sur les Officiers compris
en leur traitté du dernier Mars 1637. sous le nom dudit
Meyssonnier.

 

Outre lesquelles ils ont fabriqué & donné vn grand nombre
d’autres quittances audit demandeur, pour en faire pareil recouurement,
qu’ils ont auec ladite promesse faict signer faussement
audit Pynot du nom de Meyssonnier : & ainsi malicieusement
trompé le public & le particulier en la personne dudit
demandeur, qui s’en est chargé enuers les deffendeurs par vn
inuentaire de luy signé le mesme iour quatriesme May mil six
cens trente huict qu’ils ont tousiours en leur possession. Car sous
ombre de cette fausseté dont ils pretendent éluder ladite promesse
comme s’ils n’en estoient pas les autheurs ; bien que par
vne faute innocente le demandeur aye faict les poursuittes &
contraintes necessaires pour recouurer contre les redeuables les
sommes qui deuoient prouenir des quittances de beaucoup d’autres
de mesme nature. Et bien que le demandeur les ayt payées
ausdits accusez, qui montent à plus de six vingts mil liures, ils
s’efforcẽt de le frustrer de son labeur & de ses sallaires, partie desquels
payemens les accusez en ont deschargé les inuentaires
du demandeur, & pour les autres ils luy ont fourny des quittances
& recepissez par eux faites, aussi signer faussement par ledit
Pynot dudit nom de Meyssonnier, à desduire sur lesdits inuentaires,

Lesdits accusez ont encore fait diuers autres traittez auec sa
Majesté soubs autres noms que celuy dudit Meyssonnier, dont
les quittances, outre celles des Parties Casuelles faussement
fabriquées comme les precedentes, ont esté signées dudit Pynot
& de son nom, & non plus de celuy dudit Meyssonnier,
jouant toutes sortes de personnages, & tels que le souhaitoient
lesdits accusez pour faciliter & fauoriser leurs insignes exactions

-- 4 --

& pilleries, qui surpassent nostre creance, si nous ne les
voyons deuant nos yeux, & n’en estions nous mesmes les tesmoins
irreprochables, dont la preuue est au procez, qui ne peut
estre contredicte que par le desadueu, mais inutile, qu’en feroient
lesdits accusez : dautant qu’au bas de plusieurs procez
verbaux qui sont produits au procez, faisans mention des payemens
à eux faits par ledit Carrel, il paroist qu’ils ont mandé
audit Pynot de les signer sans aucune difficulté du nom dudit
Meyssonnier, attendu qu’ils en auoient receu les deniers.

 

Cette preuue afin qu’elle fust plus authentique & conuaincante,
est fortifiée de deux circonstances decisiues ; l’vne est
que le demandeur ayant contraint deffunct Me Pescher,
Receueur du Domaine de Paris, de luy payer vne somme de
quatorze cens liures saisie entre ses mains pour des taxes faites
sur des Officiers des Eaux & Forests, & luy en ayant baille quittances
signées du nom dudit Meyssonnier, Il a esté poursuiuy
du depuis par ledit deffunct Pescher de luy en fournir d’autres,
par ce que ceux là qu’il auoit receuës estoient fausses : Dequoy le
demandeur ayant fait plainte ausdits accusez, & iceux priez d’y
mettre remede, & requis à cet effect de luy bailler d’autres quittances
veritables, auec vn certificat comme ils auoient mis entre
ses mains les premieres dont il leur auoit payé les deniers, ils
ont refusé de ce faire, & se sont mutuellement escrit des billets
les vns aux autres, qui heureusement sont tombez au pouuoir
du demandeur, & sont produits au procez, par lesquels ils
mandoient qu’il se falloit bien donner de garde de bailler au
demandeur ledit certificat, autrement qu’il leur en pourroit
arriuer du desplaisir, qui est vne pleine conuiction de leur mauuaise
foy.

L’autre est l’interrogatoire faite aux Requestes de l’Hostel audit
Pynot en consequence du decret decerné à l’encontre de luy
sur la plainte du demandeur : par lequel il recognoist auoir signé
toutes lesdites fausses quittances du nom dudit Meyssonnier par
le commandement desdits accusez. Apres lequel il ne peut rester
aucun doute de la verité de cette accusation.

Depuis lesdits accusez apprehendans auec iuste sujet la punition
de tant de faussetez & d’exactions accumulées les vns
sur les autres, ont recherché tous les moyens & les artifices qui

-- 5 --

se pourroient imaginer afin d’en oster la cognoissance, & effacer
tous les vestiges : & n’en ayant point trouué d’autres que
ceux de la violence, l’vn d’eux accompagné de quantité d’hommes
armez, & d’vn Commissaire à leur deuotion est entré de
force pendant la nuict, sur les vnze heures, en sa maison le 3.
Février 1639. où ayant fait ouuerture d’vn buffet, il en enleua
tous les papiers specialement plusieurs Rolles de taxes, Arrests
& quittances seruans d’vne plus entiere conviction des crimes
susdits. Mais de plus grande encore, y ayant preuue d’autres vols
de plus de cinq ou six millions faits sur le Roy & ses Sujets, en
vertu de faux Rolles & Arrests collationnez par lesdits Catelan
& Tabouret, qui ne sont pas au procez, lesquels ne se seruent
de ce charactere, & n’ont achepté leurs charges que pour ce
mauuais vsage : En telle sorte qu’à cause qu’ils font ordinairement
glisser cette clause dans les Rolles & les Arrests, que foy
sera adioustée aux coppies collationnées comme aux originaux,
ils en abusent iusques à tel point qu’ils en composent comme
bon leur semble, & sont assez hardis & effrontez de taire des leuées
de deniers sur telles faussetez.

 

Contre cette violence suiuie d’vne plus grande, ayant ledit
Commissaire & ceux qui l’accompagnoient fait signer au demandeur
vn certain procez verbal le poignard sur la gorge,
qu’il dressa comme il voulut, sans luy en laisser aucune coppie.
Ledit demandeur s’estant plaint aux Requestes de l’Hostel, &
obtenu contre lesdits accusez vn decret d’adiournement personnel
le cinquiesme dudit mois de Février, ils se pourueurent
au Conseil à dessein d’arrester le cours de cette procedure, où ils
obtindrent Arrest le neufiesme ensuiuant, portant euocation
dudit procez criminel, & descharge des assignations à eux
données à comparoir en personne ausdites Requestes de l’Hostel,
auec deffenses audit Carrel de pour suiure ailleurs qu’audit
Conseil.

Contre cét Arrest ainsi obtenu par surprise, ledit demandeur
s’estant pourueu par Requeste audit Conseil le seiziesme dudit
mois de Février, tendant aux fins de renuoy par deuant lesdites
Requestes de l’Hostel, lesdits accusez auroient fait commettre
Monsieur de Moricq Conseiller d’Estat pour la liquidation des
frais & descharges demandées par Carrel seulement, sans faire

-- 6 --

aucune mention de ladite procedure & instance criminelle.

 

Ils pensoit par cette adresse auoir impose vn silence eternel
au demandeur, supprimé & effacé toutes les marques de cette
procedure extraordinaire. Mais tant s’en faut qu’estans tombez
dans vn sens reprouué, ils ont eux mesmes trauaillé à leur
condemnation, Catelan ayant deuant ledit sieur de Moricq,
qui auoit desiré de s’esclaicir de quelque chose par sa bouche,
Confesse que ledit Baptiste Pynot son Commis auoit signé du
nom de Meyssonnier, toutes les quittances susdites par son
commandement. Ce que ledit Pynot a encore recognu par
escrit en deux occasions differentes, par vne Requeste qu’il a
presentée au Conseil le trente vn Decembre 1640. signifiée
au demandeur le deuxiéme Ianuier 1641. & par vn certificat de
sa main qu’il auoit mis en celles dudit sieur de Moricq, que le
demandeur a retire soubs son recepissé, & produits au procez
auec les interrogatoires desdits Pynot & Catelan, & les offres
par luy faictes & ses complices de rendre audit demandeur ses
inuentaires de toutes les pieces susdites, qu’ils luy auoient, ainsi
que dit est, pris & enleué nuictamment & par violence, en telle
sorte que l’on ne peut plus douter de la verité de cette accusation,
ne differer dauantage sans iniustice le supplice & le chastiement
de ses instances criminelles contre ses cruelles harpies
repeus de nostre sang ; C’est l’attente de tous les peuples
du Royaume, & l’vnique moyen aussi de calmer tous les esprits,
& les rendre sousmis à l’obeyssance du Roy & de ses Magistrats,
Quand ils verront la fin de ces brigandages, & ces Colosses abbatus
aux pieds de vostre Iustice, ils ne s’imaginent pas de iamais
reuoir autrement leurs biens, leurs vies & leurs libertez en
asseurance. Et il est impossible que les Loix reprennent leur vigueur,
si vous n’exterminez cette vermine, ces pestes de l’Estat,
& ces ennemis du repos & de la tranquillité publique. Ce sont
des Victimes necessaires au salut de cette Ville & de tout le
Royaume, dont la perte, NOSSEIGNEVRS, où la restauration
est en vos mains dans cette conioncture, & la fortune du demandeur,
qui n’a autre but que de consacrer les reliques de sa vie au
seruice du Roy & de sa Patrie.

Outre les crimes & delits cy dessus clairement iustifiez au
procez, le demandeur auroit puis peu de iours en ça recouuert

-- 7 --

pieces seruant à la conuiction desdits Catelan & complices, qui
ne peuuent receuoir de contredits, & lesquelles iustifient clairement
que ledit Catelan & ses complices ont par leurs artifices
& déguisements fait perdre au Roy des grandes & notables
sommes de deniers qu’ils se sont iniustement appropriez, &
notamment par le Traitté par eux faict le dernier Mars 1637.
sous le nom dudit Meyssonnier, pour le recouurement des taxes
faictes sur vn nombre infiny d’Officiers, tant de Iudicature, Finances,
Police, & autres, Et pour nouuelle creation d’Offices
de toutes qualitez. Par lequel Traicté, entr’autres choses, ayant
esté par exprés stipulé que tous les roolles des rayes qui seroient
faictes au Conseil de sa Maiesté sur les memoires du Traittant
n’excederoient en total, le fort portant le foible, la somme d’vn
million soixante cinq mil liures : Ledit Catelan & complices
par vne insigne fraude & surprise punissable, auroit fait faire des
taxes iusques à la somme de douze cens soixante-deux mil quatre
cens cinquante-cinq liures dix sols, ainsi qu’il se iustifie par
le compte fait entre ledit Catelan & ses associez pour le faict
dudit Traitté, & par ledit Traitté fait sous le nom dudit Meissonnier,
recouuerts de nouueau par ledit Suppliant ; En quoy
sa Maiesté auroient grandement esté trompée & circonuenuë
par ledit Catelan & complices, ausquels il auroit esté facile par
le moyen de ce qu’ils auroient excede lesdites taxes d’enuiron
de deux cens mil liures, de faire taxer comme ils ont faict sur
leurs memoires plusieurs officiers de nouuelle creation à telles
sommes qu’ils ont voulu, afin d’en retirer à leur profit la plus-valeur
qui leur a esté remise par ledit Traitté ; en ayant esté fait
de mesmes pour les taxes qu’ils ont fait faire sur plusieurs Officiers,
pour augmentation de gage, droicts, taxations, hereditez,
& autres attributions qu’ils ont aussi fait taxer à telles sommes
qu’ils ont voulu ; & dont la taxe de trois mil liures faite sur
le sieur Galland Proprietaire de l’Office de Receueur Payeur
des gages & droicts du Bureau des Finances de Tours, au lieu
des quatre mil liures qu’il auoit payé pour la premiere taxe qui
en auoit esté faicte, sert de preuue suffisante des exactions qu’ils
ont faictes sur plusieurs autres Officiers, desquels ont exigé
de notables sommes de deniers, pour les faire taxer à bas prix :
ce qu’ils n’eussent pû faire, s’ils n’eussent excedé ledit million

-- 8 --

soixante mil liures, comme ils ont fait d’enuiron deux cens mil
liures, ayans par cet artifice iniustement profité de toutes les
susdites plus-valeur d’offices & exactions, outre la somme de
trois cens cinquante mil liures de remise à eux faicte par ledit
Traitté, & sur les cent cinq mil liures de rente sur les Tailles
baillées par eux en payement au denier quatorze ; la iouissance
des cinquante mil liures de gages par an attribuez à plusieurs
Officiers, dont ils ont sur chargé les Finances du Roy ; des droicts
de chauffages des Officiers des Eaux & Forests ; de la remise de
deux sols pour liure desdites taxes ; & sur les payemens par eux
faits pour ledit Traitté, en vieilles debtes, arrerages de gages,
dont ils auoient composé à la moitié, & autres ioüyssances portées
par ledit Traitté, pour lequel il se peut dire auec verité, que
sa Majesté n’a touché effectiuement que les quarante mil liures
qui furent payez comptant lors de la deliurance des Articles dudit
Traitté : tout le reste dudit million soixante mil liures ayant
esté consommé pour les susdites mauuaises debtes.

 

De tous lesquels crimes, ledit Catelan & complices ne se peuuent
mettre à couuert par les artifices & desguisements dont ils
pretendent esblouyr les yeux de ceux qu’ils s’imaginent ne pouuoir
déchiffrer les secrets de la caballe financiere, comme ils taschent
de faire par le Factum que ledit Catelan a fait imprimer
en forme de Requeste, qui n’est qu’vn amas de suppositions, ayãt
esté si temeraire que de mettre en faict par ledit Factum, qu’il n’y
a que la leuée des Tailles en France qui se fasse en vertu de Rolles,
bien qu’il soit tout notoire que toutes les taxes qui sont faites
sur des Officiers se leuent en vertu des Rolles portans contraintes
arrestez au Conseil du Roy, & des quittances qui sont expediées
en consequence par les Tresoriers des parties Casuelles &
deniers extraordinaires.

Ledit Catelan ayant auec pareille impudence supposé par
ledit Factum, Qu’il ne se trouuera pas que luy ny autres pour luy
aye iamais fait aucune leuée de deniers, bien qu’il soit plus que
conuaincu de cette imposture & supposition, tant par ledit Traitté
de Meyssonnier, qu’autres pieces produites au procez suffisantes
pour destruire tout ce qu’il a mis en auant sur ce sujet par ledit
Factum.

Auec semblable artifice & desguisement ledit Catelan s’est

-- 9 --

imaginé de se pouuoir mettre à couuert de la dessation qui a
esté cy deuant contre luy faite à la Cour, d’estre l’autheur &
inuenteur des retrachements qui ont esté faits de la plus-part
des gaiges, droits, taxations de tous les Officiers du Royaume,
tant de judicature, finances, pollice, qu’autres, en desniant
par le Factum qu’il fist déslors imprimer, d’estre l’autheur & inventeur
desdits retranchements, & supposant que c’estoient
d’autres que luy, & ayant esté si impudent de soustenir à la face
de la Cour, par ledit Factum pour cuider se couurir de ce crime,
que lesdits retranchements qui auoient commencé en l’année
1639. & dont il recognoist par ledit Factum auoir eu la
direction de la commission de Moysel, estoient faits long-temps
auant qu’il fust entré dans les affaires du Roy, bien qu’il
soit convaincu de cette imposture & supposition, tant par le
traitté par luy fait auec le Roy soubs le nom dudit Meyssonnier
dés le dernier Mars 1637 qui est deux ans auant lesdits retranchements,
& par le compte rendu de la societé dudit traitté cy-dessus
enoncé, que par autres pieces produites au procez.

 

En quoy la Cour peut recognoistre par cét eschantillon,
quelle doit estre la piece entiere, & quelle foy peut estre adjoustée
à quoy tout ce que ledit Catelan allegue en suitte de
telle supposition : de laquelle conction resulte clairement
auec les autres pieces produites ; Que ledit Catelan est le seul
autheur & inuenteur desdits retranchements, desquels il a
traitté soubs le nom interposé d’vn sien nepveu nommé Pierre
Catelan, auquel il a fait changer son nom en celuy de Moysei,
preuoyant bien que ce nom de Catelan seroit vn iour en execration
à tous les Officiers du Royaume contre lesquels il auoit
donné ses pernicieux aquis, pour recompense desquels il a
exigé & s’est préualu injustement de la remise qui luy a esté
faite du tiers desdits retranchements qui se montent à des sommes
immenses, pour le recouurement desquels il a fait fort peu
de frais ; d’autant que lesdits retranchements ont esté fait sur
les estats des Finances & portez à l’Espargne.

Et ledit Catelan ne s’estant pas contenté de faire retrancher
les gaiges, droicts & taxations de tous les Officiers qui sont limitez
a des sommes certaines, mais qui plus est il a sait retrancher
les droicts que reçoiuent de iour à autre plusieurs menus

-- 10 --

Officiers de police, comme Controlleurs prud’hommes, Vendeurs
de Cuirs, Aulneurs de toilles, & autres de pareille nature,
desquels il est impossible pouuoir estre fait aucun estat
certain de recouurement. Ce que neantmoins ledit Catelan
à fait, ayant mesmes fait donner Arrest au Conseil le dixiéme
Septembre 1645. soubs le nom dudit Moysel, par lequel est
ordonné que les Proprietaires & possesseurs des Offices de
Controlleurs prud’hommes & Vendeurs de Cuirs qui ont reçeu
leurs droicts & émolumens par leurs mains, au preiudice
des retranchements faits d’iceux les années 1631. 42. 43. &
1644. seront contraints à la restitution & payement desdits retranchements,
comme pour les deniers & affaires du Roy ; A
l’effect dequoy ledit Catelan a signé plusieurs estats de recouvrement
des droicts & émoluments retranchez : comme aussi
le Procureur general dudit Moysel pour lesdites années 41. 42.
43. & 44. Comme aussi les estats de retranchements faits des
droicts & émoluments de diuers Officiers de Gabelles, qui ne
sont limitez à aucune somme certaine.

 

Pour tous lesquels pernicieux aquis, desquels mesmes ledit
Catelan a traitté & receu les deniers sous le nom dudit Moysel
son nepveu, il a encouru la rigueur des Ordonnances & des
Edicts du Roy verifiez audit Parlement, & autres Cours Souueraines,
qui declarent criminels de leze Maiesté & ennemis du
bien & repos public, ceux qui donneront des aduis pour nouuelle
creation d Offices & Commissions qui seront à la charge
du peuple, & que tout ce qu’eux ou autres qui s’en seront aidez,
en auront receu & perceu, sera repeté sur eux & leurs heritiers à
perpetuité.

Toutes lesquelles pieces cy-dessus enoncées, de nouueau
recouuertes, sont produites & jointes aux premieres dudit demandeur,
auec le Factum que les Aduocats du Conseil du Roy
au nombre de deux cens ont fait imprimer depuis peu, qui qualifient
auec grande raison ledit Catelan du nom odieux de fleau
des Officiers du Royaume, & le digne obiect de la colere de la
Iustice.

Par Arrest de ladite Cour du 23. Decembre 1647. Herué
Marguerye a esté receu partie formelle à l’encontre desdits Tabouret
& Canto, deux des accusez par ledit Carrel, & le nommé

-- 11 --

Lombard, des grandes leuées sur tous les Officiers du Royaume,
au preiudice du Roy & des particuliers, faites par lesdits
Tabouret, Canto & Lombard, en vertu de faux Rolles par eux
faits & fabriquez, autres que ceux mentionnez en la denonciation
dudit Carrel. Lequel Marguerye a produit par deuers la
Cour dix faux Rolles, & les quittances des payemens faits en
vertu desdits faux Rolles signez desdits Tabouret, Canto &
Lombard. Comme aussi ledit Marguerye a produit les veritables
Rolles des sommes qui deuoient estre payées, arrestées au
Conseil, signées de Messieurs les Secretaires du Conseil, qui
iustifient clairement lesdites faussetez, sur lesquelles la Cour a
decretté adiournement personnel du douziesme Septembre
1648. contre lesdits Tabouret, Canto & Lombard, lesquels en
vertu & en consequence dudit decret ont esté interrogez pardeuant
mondit Sieur de Broussel, Conseiller Rapporteur.

 

Par ledit Arrest du 23. Decembre 47. la Cour a ordonné
que l’instance dudit Marguerye sera iugée conioinctement auec
l’instance dudit Carrel ou separement, ainsi qu’il sera aduisé
par la Cour.

Monsieur DE BROVSSEL Rapporteur.

-- 12 --

Section précédent(e)


Anonyme [1649 [?]], Factum Notable. Pour Thomas Carrel Huissier Sergent à cheual au Chastelet de Paris, demandeur en execution des Arrests de la Cour des 7. Decembre 1645. & 19. Decembre 1647. , françaisRéférence RIM : M0_1363. Cote locale : C_5_3.