Anonyme [1649], LETTRE ENVOYEE A SA SAINTETE, TOVCHANT LE RESTABLISSEMENT DE LA PAIX GENERALE DE FRANCE. , françaisRéférence RIM : M0_2231. Cote locale : A_5_47.
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LETTRE
ENVOYEE
A
SA SAINTETE,
TOVCHANT
LE RESTABLISSEMENT
DE LA
PAIX GENERALE
DE FRANCE.

A PARIS,
Chez la Veufve THEOD. PEPINGVÉ, & EST.
MAVCROY, ruë de la Harpe, vis à vis
la ruë des Mathurins.

M. DC. XLIX.

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LETTRE
ENVOYEE A Sa Saincteté, Touchant le
restablissement de la Paix
generale de France.

SAINCT PERE,

Les felicitez publiques, qu’vn chacun de nous
bons François, se sont promis de vostre eslection
au sainct Siege, ne seroient pas accomplis, & vos
bontez, qui desia ont esté suiuies de quantité de
bons effets d’affection que vous auez voulu tesmoigner
à la France, ne se rendroient assez illustres
d’eux-mesmes, s’ils n’estoient saincts & remplis de
belles vertus, iusques à contribuer vostre pouuoir
aux pressantes necessitez de son Estat, de ses Prouinces,

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& de ses peuples, & en vn mot de son Eglise,
qui semble beaucoup plus tesmoigner par son
silence les regrets & les ressentimens qu’elle souffre
des querelles, & de l’aneantissement de ses peuples,
& de la destruction de ses Autels, que ie croy
que si ce Prototype de toutes choses, & cet Architecte
de cette machine celeste, n’appaise & n’esloigne
les fleches de sa iuste colere, prestes d’estre decochées
à nostre ruïne ; & ne change ses foudres,
desia penchans sur nos testes rebelles, par vne extresme
bonté, il ne restera plus aux hommes que
de s’armer, & pour apres contre parties aduerses,
contre sa patrie, & au desauantage de son prochain,
& à la ruïne de ses propres enfans, se rendre
parricide : mais l’asseurance du fruit que nous nous
proposons cueillir de vos prieres auprés de nostre
Roy Tres-Chrestien, & de la Reyne Regente sa
mere, desia consentant à vos iustes requestes, ne
nous donneront pas moins de resioüissance, que
nous esperons le manger en profonde paix ; Et
pour rendre ses bons seruices à la France, il n’est
pas, s’il vous plaist, besoin d’armes, vos merites &
vos vertus seruiront d’vn ample sujet à nostre genereuse
Reyne : & puis, Dieu desire que l’authorité
qu’il vous a donnée, trauaille à l’vnion de son
Eglise, & de ses peuples, attachez à vostre domaine,
& adherans à vostre Sainct Siege, comme
l’Allemagne, la France, & l’Espagne, & quantité

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d’autres pays, qui commencent par le trouble des
guerres qui s’allument dans leurs Royaumes, &
dans leurs Prouinces, à chanceler dans leur Religion.
L’Allemagne vous seruira, s’il vous plaist,
de tableau, dans lequel seront depeintes les guerres
passées, & durant les mesmes temps les schismes
qui se sont formez. L’Angleterre du dernier siecle,
aujourd’huy l’Espagne contre la France : mais ce
n’est pas encore assez, faut qu’outre les autres guerres
nostre Auguste Parlement de la capitale du
Royaume, soit aujourd’huy forcé de prendre les
armes contre vn seditieux, & vn perturbateur du
repos public, pour rauoir nostre Roy, qui nous a
esté enleué par ses complots & ses stratagemes. Vn
Roy, qui ne nous promet pas moins par ses tendres
années, que fait vn lys bien arrousé & cultiué.
C’est donc nostre Roy que nous taschons d’auoir,
Sainct Pere, c’est cette Rose engagée entre les
espines, apres laquelle nous cherchons, qui est arrestée
par ses flateurs : de plus, ce sont nos Princes,
ce sont ses lauriers verdoyans qui composent la
Cour & la Couronne de nostre Roy. Ce n’est pas
encore assez, c’est la Paix aujourd’huy que nous
demandons auec luy ; c’est nostre Pere qui a laissé
ses enfans, c’est nostre Tuteur qui a laissé ses orphelins :
en vn mot, c’est nostre Roy qui a laissé
ses subjets : estant nostre Pere, nous ne le voulons
pas quitter, estant nostre Tuteur, nous voulons

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l’honorer ; nostre Roy, nous voulons luy obeïr.
C’est donc auec vne cause juste, Sainct Pere, que
nous prenons les armes pour rauoir nostre Roy,
que ie croy auoir esté perdu dans le grand nombre
de Roys qui estoient ce iour-là : Toutefois ie
croirois plus facilement qu’il estoit auec nos trois
Roys pour aller adorer le Sauueur du monde,
ayant pour guide la mesme Estoile que nos trois
Pelerins, ou plustost, que par vn malheur à la France,
nostre Roy ne perdit de veuë cette Estoile,
pour prendre celle là de Sainct Germain. Ouy,
c’estoit asseurement cette Estoile maligne qui le
conduisoit, c’est cette lumiere qui par ses effets &
son apparence trompeuse, a ce jourd’huy esloigné
nostre Roy du chemin de la capitale de son
Royaume : c’est cette constellation sanguinaire,
qui nous a aujourd’huy pronostiqué les grands
malheurs dans lesquels nous sommes tombez ;
c’est dessous ce faux masque rouge, qui paroissoit
à nos yeux semblable à vne Estoile brillante, &
remplie de lumiere, où il ne paroissoit que du sang
& de la cruauté. Ce sont les cordons de ce Chapeau
rouge qui nous tiennent liez, que nous
croyions estre pour amener à la France nos ennemis
captifs ; c’est pour vn seul homme que la France
vous requiert de vouloir estre son Mediateur,
l’Arbitre de ses differens, & l’Ange Tutelaire de ses
Autels. C’est à ce coup qu’elle souhaitte que vostre

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Saincteté prenne la peine d’en voir vn fidel extraict,
sans les desguisemens que l’on y peut apporter,
& d’escouter les personnes des-interessées :
Elle aura peine de s’empescher de verser des larmes
sur les miseres qui peuuent naistre des sentimens
si contraires à l’affection que vous auez euë
iusques à present pour la France : & ce sera par les
effets de vostre puissance, & de l’authorité que
Dieu a laissé au Prince des Apostres, que la France
en general se reconnoistra obligée à iamais des
faueurs, dont vostre Sainteté n’a cessé de l’honorer
par vostre eslection au Sainct Siege, comme
aussi de se dire, Sainct Pere, d’vne viue voix.

 

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