Anonyme [1652], MANIFESTE DES ANGEVINS, ADRESSÉ AV PARLEMENT ET A LA VILLE DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_2383. Cote locale : C_12_32.
Section précédent(e)

MANIFESTE
DES
ANGEVINS,
ADRESSÉ AV PARLEMENT
ET A LA VILLE DE PARIS.

A PARIS,
Chez NICOLAS VIVENAY, en sa
Boutique au Palais.

M. DC. LII.

-- 2 --

-- 3 --

LE MANIFESTE
DES
ANGEVINS,
ADRESSÉ AV PARLEMENT
& a la Ville de Paris.

Novs n’auons iamais douté que celuy qui
semble n’estre né que pour la ruine de ce
Royaume, ne s’attaquat enfin à nostre Prouince,
& que le premier chef-d’œuure de son funeste retour
ne fut apres auoir desolé tout l’Estat de nostre
Roy, la dissipation de Lapannage de son Frere
Vnique ; affin qu’il ne restat rien d’entier de tout
ce qui peut appartenir à la Maison Royalle. C’estoit
vne necessité fatale que comme le C. Mazarin

-- 4 --

auoit abismé la France dans le gouffre des mal-heurs
qui l’enuironnent de toutes parts, & qui sont
prests de l’engloutir, sous la plus Tragique de toutes
nos Minoritez, il reuint de son exil pour acheuer
en personne la perte d’vn Pays, qui porte auiourd’huy
le plus illustre Nom de la Monarchie, &
qui ne faisoit que de commencer à se remettre de
tous les maux qu’il auoit soufferts par ses Ordres.
C’est vne chose si publique, & dont la memoire est
si recente & si affligeante tout ensemble, qu’il faut
estre d’vn autre Monde pour ne pas sçauoir que les
miserables restes, qui eschapperent à la persecution
inexorable des fuseliers de l’Intendance, &
des Archers des Tailles, des Subsistances & des
Gabelles, furent la proye des gens de Guerre, &
que tout ce que nous auions de bien ne pût nous
rachepter de la cruelle & barbare insolence d’vn
Soldat, qu’on prenoit à tasche d’irriter & de haller
sur nous, & que des Ordres de la Cour obligeoient
à feindre plus de cruauté qu’ils n’en auoit
peu contracter dans la licence effrenée, & dans
l’abandonnement du brigandage qui luy est permis
depuis tant d’années, pour recompense du
larcin que luy faisoit le maistre des volleurs, de
l’argent des ses monstres.

 

-- 5 --

C’est cette maudite insatiabilité qui le rendoit
industrieux à se faire des ennemis, où plutost à
feindre des iniures pour couurir ses pillages d’vn
pretexte que l’honneur & la conscience font detester
en France, & que la Politique seule de son
pays authorise ; parce que la vengeance regne en
Sicile, & que c’est le seul partage que cét auorton
des tyrans qu’elle a produits, ait apporté d’vne
Region qui n’a rien de pius signalé que le reproche
des Tombeaux de nostre illustre Noblesse
Angeuine, qu’elle massacra auec vne inhumanité
que toutes les Histoires ont en execration, & que
la posterité abhorrera iusques au dernier des
hommes. La Nature a donné des antipathies
innocentes à tout ce qui est au monde, & les
choses inanimées n’en sont pas exemptes ? il y a
des Nations qui ne peuuent sympatiser, & qui
peuuent encor moins rendre raison de leur auersion,
mais l’Anjou conserue vn ressentiment si
iuste contre les Siciliens, que le Roy mesmes ne
peut condamner vne querelle dont il est heritier,
& à laquelle il est substitué comme aux doits de
cette Couronne. Ainsi nous ne craignons
point de dire que nous auons hay le Mazarin,
que nous le haïssons encor, & que nous le haïrons

-- 6 --

tousiours, mais cette haine à demeuré comme
estouffée dans nos cœurs, par vn extreme respet
que nous auons eu pour nostre Prince : & comme
nous sçauons discerner les interests de sa Majesté
& de son Estat, d’auec ceux d’vn simple particulier,
nous ne nous sommes point declarez ses ennemis
quelques maux qu’il nous eut faits, que
quand nous auons apris par la bouche d’vn Corps
Auguste que nos Roys nous ont donné pour Oracle,
qu’il l’estoit de toure la France.

 

Nous suiuimes les iustes mouuemens du Parlement
& de la Ville de Paris, dont l’affection &
la fidelité ne peuuent estre suspectes qu’à la tyranie
& sous vn Gouuernement Estranger, & pour
faire veoir la iustice de nostre conduitte, nous
mismes les Armes bas aussi-tost qu’elle eut finy
la Guerre, & receumes auec joye la Paix, que le
Roy leur donna ensuitte ; de laquelle nous nous
serions plaints, & de leur peu d’assistance, si elle
leur auoit esté gardée, & si ils n’auoient eu autant
de peine a se deffendre des pratiques secrettes
de l’ennemy commun, que nous receumes d’outrages
des trouppes qu’il enuoya pour nous rauager,
& qui mirent tout nostre Pays a sac. Le
dessein de ce perfide Ministre estoit en se vangeant

-- 7 --

de vous imputer la cause de nostre ruine,
& de nous separer pour iamais de l’obeïssance
que nous deuons au Parlement, & de l’Vnion que
nous deuons auoir comme membres a la Ville,
qui est chef de la Monarchie : Mais nous auons
bien sçeu faire difference entre celuy qui faisoit le
mal & ceux qui ne l’ont peu destourner, nous n’auons
peu que protester de la Foy publique violée
en nos personnes, a tout ce qu’il y a de François.

 

Il est vray que nous auons en suitte gousté
quelque repos sous les heureux auspices de Monsieur
le Duc de Rohan, qu’il pleust au Roy de
nous donner pour Gouuerneur. Ce Seigneur
qui ne doit le restablissement de la grandeur ancienne
de son Illustre Maison, qu’aux excellentes
qualitez d’vne naissance si genereuse, a sagement
paré aux coups de l’impetuosité d’vn conseil furieusement
temeraire, & escarté tous les orages
qui grondoient autour de nous, & qui foudroyoient
les autres Prouinces. Il a eu pour l’Anjou
tous les sentimens d’vn Pere, en gardant au Roy
ceux d’vn tres-affectioné sujet, & contre la nouuelle
maxime d’Estat, qui arme contre la liberté
des Peuples ceux qui ne sont instituez naturellement

-- 8 --

que pour les maintenir en repos, sous vne
obeïssance non seruile, il a accordé l’amour auec
l’authorité, & nous auons reconnu dans sa conduitte
qu’au lieu de partager nos despoüilles auec
ceux qui pillent tout l’Estat, il prenoit part a nos
souffrances.

 

Nous n’auons pas veu sans vn extreme regret
que tant de belles parties si rares en ce Siecle dur
& fascheux, non seulement ne fussent pas sans recompense ;
mais qu’elles fussent odieuses, & que
sa vertu luy eut fait des ennemis de ceux qui la
deuoient proteger, s’ils eussent esté dignes de la
part qu’ils ont dans le Ministere. Il a esté mal
traitté en Bretagne par des Ordres extraordinairement
violents, & l’on l’a contraint de reuenir a
Angers, par des sentimens qui nous sont tres-iniurieux,
si l’on a creu qu’il seroit incapable d’aïder
la cause publique dans vne Prouince dont il a si
bien merité, & si l’on a pensé qu’vne petite cabale
Bourgeoise là tiendroit sousmise à la tyrannie du
Mazarin qu’vne faction de petites gens à ramené,
au grand scandale, & à la ruine de tout ce Royaume,
qui doit perir s’il ne le reuomit.

Ce furieux retour pratiqué contre la Foy publique,
au preiudice de la parole Royalle, & des

-- 9 --

Arrests de la Cour, qui sont autant irreuocables
qu’il est imposible d’empescher qu’ils n’ayent esté
proserez, a deuelopé les tenebres qui cachoient
sous des apparences trõpeuses, vn dessein si cruel,
qu’on ne le peut qualifier que du tiltre d’attentat ;
puisque ç’à esté le veritable motif du voyage de
Guyenne, pour perdre auec cette Prouince toute
la Maison de Condé, a qui la France est redeuable
de tant de Victoires, & pour reuenir fondre
sur Paris, l’Ame de la France, & sur ceux qui le
protegent ; dont son Altesse Royalle ne desdaigne
pas d’estre le Chef, par les tesmoignages
qu’elle a donnez de son affection enuers cette
Ville. Nous auons reconnu en mesme-temps
nostre peu de preuoyance, & la prudence admirable
de nostre Gouuerneur, que nous loüerons a
ramais, d’auoir sçeu percer si auant, & penetrer
les intentions de ceux qui sous le nom du Roy
abusoient de nostre credulité, & d’auoir par la
prise du Pont de Cee, fermé la porte aux Trouppes
Mazarines, a qui nous estions exposez en
proye, tant en allant qu’en reuenant de l’armée.

 

Sans ce coup d’estat nous estions perdus, puisque
nous ne pouuions refuser l’entrée au Mazarin,
qui victorieux ou vaincu deuoit passer chez

-- 10 --

nous, & par consequent desoler & piller l’Anjou,
& faire d’Angers vne Place d’Armes contre la
Bretagne & le Poictou, & par ce moyen se rendre
maistre du trasic de la Loire, & de la Maine, par
lequel nous subsistons, & exercer dans le cœur
du Royaume ce qu’il fait sur les Frontiers. Ainsi
Monsieur de Rohan nous a sensiblement obligez
d’auoir presenty vn d’anger ineuitable, & qui
nous estoit commun auec luy, qu’il enueloppoit
également, & nous ne pouuons refuser de l’assister
de toute nostre puissance dans vne entreprise que
la conioncture du temps ne rend pas seulement
necessaire à nostre salut mais pour le bien de toute
la France, qui à mesme interest de refuser pour
Ministre celuy que nous ne pouuons souffrir pour
Gouuerneur, c’est à dire pour tyran, quand il ne
nous traitteroit pas autrement que ceux de Saumur,
dont la captiuité nous fait horreur.

 

Tout le Royaume ayant ce mal-heureux en
égale detestation pour les maux passez, ne doit pas
souffrir qu’il confirme par la continuation de ses
insolences l’opinion qu’on à euë qu’il vouloit faire
perir la Maison Royalle, pour nous lopprimer
auec plus de facilité, & apresent qu’il est tout
publique les intentions des Princes sont vnes

-- 11 --

auec les souhaits des Peuples, nous deuons tous
faire vn dernier effort, pour seconder les genereuses
intentions de Monsieur le Duc d’Orleans,
en assistant Monsieur le Prince ennemy capital de
cét infame Estranger ; dont la temerité n’est pas
supportable d’auoir osé ; ennemy declaré qu’il est
de cette Couronne par la voix des Parlemens &
des gens de bien, trauerser tout le Royaume pour
faire iniure à son Altesse Royalle, pour ruiner vn
grand Prince, dont la valeur & les Triomphes ont
si long temps combattu le mal-heur de sa damnable
conduitte & la honte de son abominable
Ministere : enfin pour signaler sa vengeance sur
tout ce qui reste de François, que l’honneur de
la nation rend ses ennemis, & que l’amour de la
patrie doit rendre incorruptible.

 

Il n’y a plus de seurté que pour ceux qui l’ont
ramené & qui ne peuuent mieux tesmoigner que
par cét attentat, que les charges & les employs où
il les à esleuez ne sont pas tant les recompenses
des seruices qu’ils ayent rendus à l’Estat, que de
leur lasche dependance & de leur infidelité future,
personnages au reste dont la valeur sans conduite
n’a fait que des coups d’vne heureuse brutalité,
où que l’aueuglement d’vn interest sorside

-- 12 --

rend indignes de leur naissance & de l’aduentage
d’vn nom illustre : qui deuroient mourir de honte,
de partager la recompense de leur escorte &
d’vne complicité impardonable auec quatre ou
cinq petites gens, qui se vanteront de les auoir
eu, non pour compagnons, mais pour aueuglés
executeurs de leur intrigue. Or puis qu’il s’est
trouué assez de reste de generosité dans vne cour,
qu’il croioit auoir toute corrompuë, pour ne pouuoir
souffrir le restablissement de ce meschant
Ministre. Puis que nous voyons des Seigneurs
considerables qui s’en retirent volontairement :
nous auons raison desperer que tous les nobles de
France, qui n’ont point d’vnion auec sa fortune &
qui ayment l’Estat, monteront a cheual pour le
bien publiq, que les Parlemens poursuiuront courageusement
l’execution de leurs arrests, dont dependent
leur honneur & leur seureté, & que les
Bourgeois des bonnes Villes & les communes
des champs, se rallieront de nouueau pour asseurer
leur liberté sous la protection de son Altesse
Royalle & de Princes, pour desgager la personne
du Roy, d’entre les mains de l’ennemy commun
& d’vn Conseil furieux, composé de tous ses
adherans qui l’animent à la perte de son Royaume,

-- 13 --

& à l’extermination de ses suiets.

 

Mais comme le Parlement & la Ville de Paris,
sont plus notablement interessez en cette affaire,
comme ils sont le modele sur lequel tout le Royaume
se conforme, comme ils donnent le bransle
à toutes les Prouinces, & comme c’est pour obeïr
aux ordres de son Altesse Royalle, & aux Arrests
de la Cour, que nous auons pris les armes
contre le Mazarin, qui se promettoit de grands
aduentages de l’anjou, qui luy ouure l’entrée de
tant d’autres pays : Nous nous persuadons qu’ils
nous aideront a soustenir l’orage qui s’apreste
contre nous, & que nous d’estournons de dessus
leur teste, & qu’ils considereront que c’est vn
coup de salut & de reputation pour eux de nous
secourir. Il ne nous faut que peu de forces dans
la resolution ou nous sommes, de mettre iusques
à la derniere goutte de nostre Sang, pour nostre
deffence, & pour le bien de la cause commune, &
il y va autant de la gloire de son Altesse Royalle,
que de la Capitale du Royaume, d’arester si loing,
& de repousser ceux qui veulent forcer vn poste
qui fauorise le passage des gens de guerre en
Guyenne, & leur retour contre Paris ; dont l’accablement
est le dernier project & l’accomplissement
de la tyrannie, qui menace tout le Royaume
& que nous nous vantons de pouuoir empescher,

-- 14 --

si la deference & l’obligation que l’on doit
auoir aux soins & aux genereux sentimens de son
Altesse Royalle, luy facilite les moyens de nous
maintenir comme elle nous à promis.

 

Vne affaire si publique & si importante demande
vne deligence extraordinaire pour nous deliurer,
non pas de la seruitude dont nous sommes
peut estre capables de nous garentir ; mais pour
preuenir la ruyne du pays si l’ennemy y entre.
C’est pourquoy nous supplions Monsieur le Duc
d’Orleans, de vouloir trauailler à sa conseruation
& exhortons le Parlement & la Ville de Paris
principalement, par leur propre interest, d’embrasser
chaudement vne occasion d’où depend
absolument auec leur fortune, la ruine du miserable
autheur & conspirateur de tant de maux &
passez & futurs, qui ne peut où choisir de retraitte
& qui doit perir, pour peu que nous luy
faisions de resistance. L’exemple de leur secours
fera suiure par tout celuy de nostre braue resolution,
& nous verrons dans peu de temps, nos
maux vanger, la restauration de l’Estat, la reünion
de la Maison Royalle, & la Paix Generale
de la Chrestienté suitte infaillible d’vne si iuste
Guerre.

FIN.

Section précédent(e)


Anonyme [1652], MANIFESTE DES ANGEVINS, ADRESSÉ AV PARLEMENT ET A LA VILLE DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_2383. Cote locale : C_12_32.