Anonyme [1649], MANIFESTE POVR MESSIEVRS DE PARLEMENT Contre Iules Mazarin Perturbateur durepos public, ennemy du Roy & de son Estat. Exortant tous les bons François de suyure & proteger Ceux qui n’ont point d’autre dessein, de remettre le Roy dans son authorité accoustumée par la descision de trois Poincts qui sont le seruice du Roy le bien Public & l’exemption de la Tirranie. , françaisRéférence RIM : M0_2401. Cote locale : A_6_24.
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MANIFESTE
POVR
MESSIEVRS DE
PARLEMENT Contre Iules Mazarin Perturbateur
durepos public, ennemy du Roy
& de son Estat.

Exortant tous les bons François de suyure & proteger
Ceux qui n’ont point d’autre dessein, de remettre le
Roy dans son authorité accoustumée par la descision
de trois Poincts qui sont le seruice du Roy le
bien Public & l’exemption de la Tirranie.

M. DC. XLVIIII.

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MANIFESTE POVR
Messieurs du Parlement,
Contre Iules Mazarin.

LA deffence de ceux qui exposent leur
vie pour la nostre, est vne cause qui
doit estre commune à tous les gens
d’honneur, & ceux dont le raisonnement
est tant soit peu formé, ont
autant d’interest de combattre pour la vertu persecutée,
comme de tascher de se rendre vertueux
eux-mesme : & il ne faut pas souffrir qu’on rende
coulpables ceux qui n’ont point fait d’autre
faute que de vouloir seruir leur Roy, & le remettre
dans l’authorité qui luy auoit iniustement
esté vsurpée par des gens de neant, poussé
par ce seul motif. I’entreprends vne chose qui
aura sans doute plus de Cenceurs que de Deffenseurs,
tant il est vray que tout le monde suit en
ce temps icy, non le vray cours de la Iustice,
mais celuy de la Fortune, & que la pluspart des

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hommes n’ont point d’autre Dieuque leur propre
interest.

 

Mais toutes ces considerations ne m’arresteront
du tout point, & ne me feront point
changer le dessein que i’ay forné, ie ne seray
point esbloüy par ce metail qui fait faire tant de
lascheté au reste des hommes, ny espouuenté
par cette pourpre qui a corrompu tant de François,
& qui a causé tant de desordre en France.

I’entreprends, donc, de deffendre ceux qui
nous protegent, & ce sera le plus briefuement
que ie pourray, puis que ie n’ay pas dessein d’occuper
le Lecteur de cette piece, puis qu’il ne
doit auoir à present aucune occupation que celle
que luy fournit le seruice du Roy & le salut de
ceux qui le deffendent.

Trois puissantes Raisons semblent fauoriser
mon dessein : La premiere, qui est le seruice du
Roy, m’oblige à le poursuiure, comme estant
bon François. La seconde qui est le bien du Public,
me fait desirer de faire pour autruy ce que
ie desirerois estre fait pour moy : Et la troisiéme
qui est l’exemption de la tyrannie, me fait souhaitter
de voir bien tost hors des frontieres de
cét Estat celuy qui n'auoit point d’autre but que
d’arracher le Sceptre des mains de nostre Monarque,
& de couurir sa teste de sa Couronne. Ie
commenderay donc sans plus attendre.

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Premiere Raison.

La Sainct Escriture m’apprend en plusieurs
endroits que nous ne sçaurions partager nostre
obeyssance sars deuenir à mesme temps infidelle,
& que nous ne pouuons estre adonné au seruice
de deux maistres. Elle me fait paroistre cette
chose tellement impossible, qu’elle m’asseure
qu’il faut necessairement en trahir si vn, l’on veut
estre fidele à l’autre, Nemoseruus potest duobus Dominis
seruire, & plus bas elle adiouste, aut vnum
[1 mot ill.] & alterum diliget, aut vni adherebit alterum
contemnet. Ces paroles se font assez entendre, &
parlent assez d’elles-mesmes, sans que ie m’amuse
à les interpreter. Tout le monde comprend assez
qu’elles ne nous preschent que le seruice de
nostre Roy, & qu’elle nous enseignent hautement
que nous ne sçaurions estre blasmé d’auoir
banny toute sorte d’interest pour nous attacher
à ceux de nostre Prince, que les siens doiuent
estre les nostres, & que nous ne sommes nais que
pour luy obeir & le proteger. C’est vne image
de c’est Estre incrée, qui nous fait subsister : Enfin
pour le dire en vn mot, c’est vn Maistre qui
demande toute nostre obeïssance, il ne veut
point qu’elle soit partagée, il veut en estre le
Maistre tout seul comme en estant le vray deffenseur.

Mais qu’ay-ie auancé (MESSIEVRS)

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combien de Partisans de Sicile, & combien
d’ennemis de la France se vont opposer à
ce que ie viens de dire. On ne se contentera
pas de m’accuser de temerité, mais mesme ou
me publiera comme vn insensé : Toutes ces calomnies
ne m’espouuenteront point, puis qu’elles
n’ont pas esbranlez les Illustres Patriciens, qui
hazardent incessamment leurs vies pour tesmoigner
à tout le monde qu’ils n’ont point d’autre
but dans leurs legitimes entreprises que le seruice
& l’aduancement de leur Roy. Leur constance
n’a point esté esbranlée par la crainte des tourmens :
C’est vne pierre qui ne peut point estre
sapée que par leur sang. N’auoüerez vous donc
point, MESSIEVRS, que nous ne deuons pas
seulement employer nos forces, nostre credit &
nos biens pour le seruice de cet Auguste Senat :
mais que s’il est de besoin, nous ne deuons pas
espargner nostre vie, puis que c’est pour remettre
nostre Prince dans l’authorité qui luy a esté
rauie.

 

Seconde Raison.

Le troisiesme commandement que Dieu nous
propose & l’amour de nostre prochain, il nous a
exclud de la perte que nous pouuons pretendre
en Paradis si nous ne l’obseruons exactement ;
Car il ne nous enioint pas seulement de le cherir
comme nos biens, nos enfans nos parens : mais

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comme nous mesme il ne veut point de milieu
quand il dit ces paroles, Diliges proximum suum
sicut te ipsum. Tu aymeras ton prochain comme
toy mesme, mais cependant il se trouue des personnes
dans le siecle ou nous viuons qui n’estant
pas seulement contentes de n’obseruer pas eux
mesme ce qui nous est enioint par cette loy, sont
marris quand il se rencontre du monde dans ses
bonne conscience pour tascher d’obseruer ce qui
luy est commandé, c’este illustre Compagnie
qui se fait auiourd’huy tant cognoistre par l’administration
de la iustice qu’elle dit, pense auec
tant d’equité à tout le monde, n’a pas manqué de
se faire quantité d’ennemis quand elle a voulu
tirer son prochain du danger où l’exposoit l’abominable
concupiscence d’vn particulier, elle a
trouué autant presque de censeurs comme d’admirateurs,
quand elle a entrepris de venger la
mort de tant de Chrestiens qui ont esté immolez
à la furie d’vn esprit brutal, qui s’est payée du
sang de cinq mille François, quand il a veu qu’il
ne pouuoit pas tirer l’argent auquel sa conuoitise
les auoit taxez : apres cela, MESSIEVRS, feindrez-vous
dauantage, & ne deschargerez-vous
pas toute la haine que vous auiez conceu contre
ces Heros, ignorant la iustice de leur cause, pour
la tourner contre cet esprit malin, ennemis du
Repos public & de cet Estat. Apres cela pourrez-vous

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encore voir ce Monstre de la nature ; ce destructeur
du commerce & cette sangsuë du peuple.

 

Troisiesme raison.

Ce n’est pas vne chose bien difficille à prouuet
que le desir que nous auons tretous de nous exempter
de la tirannie est legitime, il n’y a point de
si petit animal qui ne tasche de ce deffendre quãd
on luy fait du mal, vn vers de terre fait ce qu’il
peut pour laisser le pied qui le veut escraser, & la
Fourmy picque celuy qui la veut tuer tant c’est
vne chose naturelle à toute sorte d’animaux de
deffendre sa vie, mais toutes ces considerations
laissés apart cherchant seulement les exemples
que nous en peuuent fournir les Histoires, nous
trouuerons que brutus & ses compagnons ne feignirent
point de donner la mort à Tarquirius superbus
quide Roy de Rome commençoit a en deuenir
le tiran si nous cherchons dans les vies des
Empereurs nous serons sans doute satisfait quãd
nous nous remettrons en memoire que tout le
Senat dans Rome pour se deffaire du pouuoir tirannique
ne sçauoit vsurpé dans le pairs latin le
mit en pieres afin que sa tirannie perit auec luy.

Quelle d’essein don Messieurs, blasmer ceux
qui n’ont pas voulu entreprendre à l’imitation de
ces Senateurs les Prince l’egitime, puis qu’on ne
demande qu’à luy obeyr, mais ceux qui pour

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inuahir la tyrannie ne buttoient à autre chose
que chasser nostre ieune Monarque du Trosne
qui luy est si legitimement acquis, l’on ne sçauroit
sans aller contre la raison, les blasmer d’auoir
si bien combatu puis que pour vn sujet si legitime
puisque c’est pour le seruice de leur Roy
comme estant vne des principales raisons qui les
peut obliger à persister dans leurs genereux dessein,
il ne sçauroient estre accusez d’auoir exposé
si genereusement leurs vies pour le bien du public
& de leurs patrie, puis qu’il n’a rien qui les
rendent si recommandables à la posterité, Pulchrum
est pro patria mori, & enfin pour finir il ne
sçautoient qu’estre loüées d’auoir par des voyes
si asseurées, euité la tirannie qui les m’enacoient
auectout lestat, puisque ce faisant ils ont rẽdu seruice
notable au Roy à eux mesmes, & à toute la
France pour la conseruation de laquelle nous deuons
incessamment prier Dieu le suppliant de la
deliurer tousiours des maux qui la menassen
Ainsi soit-il.

 

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Anonyme [1649], MANIFESTE POVR MESSIEVRS DE PARLEMENT Contre Iules Mazarin Perturbateur durepos public, ennemy du Roy & de son Estat. Exortant tous les bons François de suyure & proteger Ceux qui n’ont point d’autre dessein, de remettre le Roy dans son authorité accoustumée par la descision de trois Poincts qui sont le seruice du Roy le bien Public & l’exemption de la Tirranie. , françaisRéférence RIM : M0_2401. Cote locale : A_6_24.