Anonyme [1649], MANIFESTE POVR MR LE DVC DE BOVILLON, ET MESSIEVRS LES autres Generaux. Contre les Libelles que le Cardinal Mazarin a fait publier contre eux. Auec la Declaration qu’a faite Mr le Marquis de Noirmonstier, touchant les troupes de l’Archiduc Leopold qu’il conduit en France. , françaisRéférence RIM : M0_2402. Cote locale : A_6_13.
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MANIFESTE
POVR MR LE DVC DE BOVILLON,
ET MESSIEVRS LES
autres Generaux. Contre les Libelles
que le Cardinal Mazarin a fait
publier contre eux.

Auec la Declaration qu’a faite Mr le Marquis de
Noirmonstier, touchant les troupes de l’Archiduc
Leopold qu’il conduit en France.

A PARIS,
Chez la veufue d’ANTHOINE COVLON, ruë d’Escosse,
aux trois Cramaillieres.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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MANIFESTE
pour Monsieur de Boüillon &
Messieurs les autres Generaux.
Cõtre les libelles que le Cardinal
Mazarin a fait publier contr’eux.

Auec la Declaration qu’a faite Monsieur le
Marquis de Noirmontier touchant les
troupes de l’Archiduc Leopold, qu’il
conduit en France.

BIEN qu’il y aye vne distance infinie entre le
vice & la vertu, & qu’il se treuue plus d’opposition
entre ces deux contraires, qu’il n’y en a entre
la terre & l’air ; si toutefois nous nous attachons
aux apparences, & que nous portions iugement
dessus la seule monstre exterieure ; nous
confondons souuent l’vn auec l’autre, & estimons
digne de loüange ce qui de soy est entierement blâmable
Il n’y a rien qui ressemble mieux aux actions heroïques, que
celles d’vn temeraire : L’hypocrite est celuy qui represente mieux
le personnage d’vn homme deuot ; & difficilement pouuons nous

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discerner la verité d’auec le mensonge. La raison de cecy n’est
autre que le vice estant de soy tout à fait odieux, & n’osant se manifester
& se faire voir auecque sa laideur & ses defauts, il est contraint
de se couurir du manteau de la vertu, afin que sous cette
belle apparence il treuue de l’accez prés de ceux qui le voyant à
découuert, ne pourroient auoir que haine & qu’horreur pour sa
defformité.

 

C’est icy l’artifice dont se sert aujourd’huy celuy par qui la
France (qui fut autrefois le sujet d’admitation de toute l’Europe,
& à laquelle les plus florissantes Monarchies auoient sujet de
porter enuie) se trouue reduite au triste moment de sa ruine, &
sur le poinct d’estre l’objet de la pitié des Prouinces les plus desolées.
Ce perfide Ministre apres l’auoir espuisée d’hommes &
de finances, sous pretexte d’vne guerre qu’il n’a prolongée que
pour assouuir son auarice insatiable & son ambition. Apres
auoir eu l’effronterie & la temerité d’emprisonner nos Princes.
Apres auoir abusé du pouuoir que la minorité du Roy & la bonté
de la Reine luy a communiqué. Apres que par vn attentat (de
la verité duquel les siecles futurs auront sujet de douter) il a rauy
& enleué la personne sacrée du Roy, afin de s’en seruir de pretexte
pour l’execution de ses pernicieuses entreprises. En fin
apres euoir allumé la guerre dans le sein de la France : voyant ses
efforts inutilles, ses projets auortez, & ses esperances vaines, se
couure du beau semblant de fidelité, d’affection pour le bien &
repos de l’Estat ; & du desir d’en découurir & destruire les ennemis,
il s’efforce sous cette specieuse aparence d’acheuer par l’imposture
& la calomnie ce que le bras & les armes de ses Partisans n’ont
pû faire. Cõme il a cy-deuant tres-bien reconnu que la grandeur
& la fidelité de Paris, & la constance de son auguste Senat, estoit
l’obstacle principal de ses ambitieux desseins, il a tenté de ruiner
les vns & les autres à viues forces ; mais les ayant pour son malheur
experimentées trop de biles, veu la bonne intelligence qui
s’est tousiours gardée entre les ennemis de sa tyrannie. Il veut
aujourd’huy les destruire par la diuision qu’il s’efforce de mettre
dans Paris, & tous les autres lieux de la France, faisant publier
certains libelles injurieux contre ces genereux courages qui se
sont vnis pour s’opposer à ses desseins. Tout le monde a veu

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ceux qu’il a fait semer il y a quelques temps contre Monseigneur
le Prince de Conty, de Beaufort, d’Elbeuf, & tous nos Generaux,
dont l’ineptie, & la fausseté pour estre trop manifeste n’a
besoin d’estre refutée. Quand à ceux qu’il fait voir aujourd’huy,
ils ne s’adressent qu’à Monsieur de Boüillon seulement, ce
pernicieux esprit esperant que les pretentions particulieres que
peut auoir ce braue Duc, seruiront d’approbation à leur calomnie.
Et que ne s’attaquans qu’à vn seul, ils pourront plus faire que
ceux qui choquoient tous nos Generaux ensemble. Entre autres
faussetez qu’il luy impose, il l’accuse de trahison, pour auoir esté
celuy qui a fait condescendre Messieurs les Princes & Generaux
à accepter les offres de l’Archiduc Leopold ; que lesdites offres
n’ont esté faites qu’en consequence de l’intelligence secrette
qu’il auoit auec l’Espagne & ledit Archiduc, & de la promesse
qu’il auoit que les troupes ennemies n’entreroient en France que
pour executer le traitté qu’il auoit fait auec l’Espagnol, par lequel
traitté ledit Archiduc le deuoit restablir à Sedan moyennant
certaine recompense. Voila ce que portent ces libelles, que
l’on peut facilement refuter. Premierement parce qu’il est certain
que Monsieur le Duc de Boüillon n’ayant esté aucunement
informé du dessein qu’auoit le Cardinal Mazarin d’enleuer le
Roy, & d’assieger Paris auant la Feste des Rois, il ne peut auoir
fait ce traitté pretendu auec l’Espagne, qu’ils veulent toutefois
estre du mois de Decembre dernier. Car de dire qu’il pourroit
auoir conclu ledit traitté, quoy qu’il n’ait point preueu les troubles
presens : C’est ce qui paroist hors de raison, puis que les troupes
Espagnoles luy deuoient estre données pour l’execution de
son dessein : Ce que l’Espagne n’eust iamais fait si la France eust
esté en paix, n’ayant cy-deuant pû garder ses frontieres, loin de
faire aucune entreprise en faueur d’vn Estranger.

 

Secondement estant certain que l’Archiduc Leopold ne nous
a fait offre de ses troupes qu’apres auoir esté sollicité par le Cardinal
Mazarin de les luy amener pour la ruine de Paris : Il faut necessairement
conclure, que ledit Archiduc n’a autre dessein de
sa marche que de faire vne Paix stable & de durée, & non pas
de restablir Monsieur de Boüillon à Sedan. Car quand ce Prince
donneroit à l’Espagne ladite ville de Sedan (qui est le plus

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grand auantage qu’elle en pourroit esperer) il est tres-constant
que les offres que luy faisoit le Cardinal Mazarin auec la paix,
luy estoient infiniment plus auantageuses que non pas la conqueste
de Sedan : Que si l’Espagnol a refusé lesdites offres, c’est
qu’estant las de la guerre, & prejugeant que ces conditions & cette
paix, pour luy estre trop auantageuses, ne pouuoient estre de
durée : Il a mieux aimé se seruir de l’occasion presente, pour nous
contraindre en quelque façon de la luy vendre au prix qu’elle
auoit esté ci deuant arrestée par Monsieur de Longueuille, s’asseurant
que les conditions de cette paix estans auantageuses &
glorieuses pour la France, il n’auroit aucun sujet d’en apprehender
l’interruption.

 

En troisiéme lieu la Declaration que Monsieur de Boüillon a
faite en Parlement conjointement auec Messieurs les autres Generaux,
montre assez la sincerité de ses intentions, & la fausseté
de ces libelles : Car quand il auroit preuueu les troubles presens,
quand il auroit traitté auec l’Espagnol, & appellé l’Archiduc
pour l’execution dudit traitté, deposans par ladite Declaration
tous ses interests particuliers entre les mains du Parlement, &
demandant la paix generale, il s’opposeroit luy mesme à ses desseins,
qui ne se pourroient executer qu’en temps de guerre.

Enfin s’il faut vne preuue euidente que ces troupes de l’Archiduc
ne viennent en France que pour y chercher la paix, il ne
faut que s’enquerir de leurs deportemens dans tous les lieux où
elles ont passé, si elles ont fait dans toute leur marche aucun acte
d’hostilité. Et pour conuaincre d’imposture, de fausseté, & calomnie
lesdits libelles, qui qualifient de trahison & d’attentat
la Declaration qu’a fait publier Monsieur le Marquis de Noirmonstier
touchant lesdites troupes : Ie finiray ce discours par
l’extraict de ladite Declaration, qui est conceuë en ces termes :

LE MARQVIS DE NOIRMONSTIER
General des Armées du Roy à Paris.

NOVS declarons à tous qu’il appartiendra, que
les Armées de Sa Majesté Catholique entrées

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en France pour le secours de Paris, & pour conclure la
paix generale, ne pretend exercer aucun acte d’hostilité
contre les Villes, Bourgs & Villages, où elles passent :
au contraire elles desirent y viure comme amies
de l’Estat & du bien public, en payant par tout ce qui
sera necessaire pour leur subsistance : C’est pourquoy
NOVS ORDONNONS à tous Sujets de Sa Majesté
de leur fournir viures, & toutes choses necessaires
pour leur passage, & pour fauoriser vn si loüable & si
puissant dessein ; les asseurant en auoir pouuoir entier
de Monseigneur le Prince de Conty & du Parlement.
En foy dequoy Nous auons signé cette presente Declaration.
FAIT au Camp de Vandancour le seiziesme
Mars mil six cens quarante-neuf. Signé,
NOIRMONSTIER. Et plus bas, Par Monseigneur,
ARMAND.

 

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