Anonyme [1649], MAXIMES MORALES, ET CHRESTIENNES, POVR LE REPOS DES CONSCIENCES dans les affaires presentes. Pour seruir d’instruction aux Curez, aux Predicateurs & aux Confesseurs. Dressées & enuoyées de S. Germain en Laye, par vn Theologien, fidele Officier du Roy. A MESSIEVRS DV PARLEMENT. , françaisRéférence RIM : M0_2427. Cote locale : C_6_6.
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MAXIMES
MORALES,
ET CHRESTIENNES,
POVR LE REPOS DES CONSCIENCES
dans les affaires presentes.

Pour seruir d’instruction aux Curez, aux Predicateurs
& aux Confesseurs.

Dressées & enuoyées de S. Germain en Laye, par vn
Theologien, fidele Officier du Roy.

A MESSIEVRS DV PARLEMENT.

A PARIS,
Chez CARDIN BESONGNE, ruë d’Escosse,
pres sainct Hilaire.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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A
MESSEIGNEVRS
DV PARLEMENT.

MESSEIGNEVRS.

L’excez de la douleur, que comme Chrestien, & bon
François, ie souffre dans le cœur, à la veuë des miseres,
dont les peuples sont accablez il y a si long temps ; & qui par vn
desordre du tout estrange, augmentent tous les iours, au lieu de prendre
fin, m’oblige de vous dire auec le respect qui est deu à vostre authorité,
que c’est maintenant que vous voyez auec desplaisir les succez funestes &
deplorables des mauuaises maximes que vous auez tolerées, pour ne
les auoir pas punies comme vous pouuiez. Si vous auiez tesmoigné du
courage à destruire ces morales pernicieuses, lors que des corps entiers, &
celebres vous en ont apporté leurs plaintes, vous ne seriez pas peut estre,
auec Paris, dans l’apprehension de la peine où vous estes ; ny toute la France
dans le peril de sa ruine, si Dieu par sa misericorde ne luy tend la main pour
la soustenir. Comme il n’y a point de semence qui ne germe en sa saison,
ny d’arbre qui ne fructifie en son temps, les plus sages preuoyoient bien qu’il
ne falloit point attendre d’autre fruict, que celuy dont nous goutons l’amertume,
de la doctrine damnable de tant de faux Casuistes, qui employent toutes
leurs réveries pour changer les crimes en vertus, canonizer les duels, les
meurtres & les adulteres, & mettre les Rois & leurs Estats en proye à la
conuoitise & à la violence des Estrangers, & des mauuais subiets. Dans
ce grand incendie qui commence sur vous-mesmes, i’apporte vn peu d’eau
pour tascher à l’esteindre, par des maximes Euangeliques, qui mettront le
calme dans l’esprit, & animeront les cœurs de tous les vrais Chrestiens &
veritables François, & que i’aurois fait approuuer par toute la Sorbonne,

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si leur verité estoit moins claire qu’elle n’est pas. Le caractere que ie
porte dans l’Eglise & dans la Theologie, leur seroit vne education suffisante
si ie disois mon nom, dont ie me retiens par la seule consideration du
seruice que ie rends à sa Majesté ; de l’honneur duquel ie serois priué au moment
que ie me serois declaré. Si cét essay vous touche, & fait le fruict dans
le public que ie me promets, qu’il fera auec la grace de nostre Seigneur, ie
dõneray en suitte les maximes qui concernent l’establissement la direction
& le maniement des Finances, matiere peu entenduë & plus mal pratiquée,
& qui n’est pas peu necessaire dans la corruption de ce siecle, pour le
soulagement des miseres publiques.

 

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MAXIMES MORALES
& Chrestiennes pour le repos
des Consciences dans
les affaires presentes

POVR SERVIR D’INSTRVCTION
aux Curez, aux Predicateurs
& aux Confesseurs.

DANS ce mal-heureux temps ou il paroist manifestement
que la cholere de Dieu est allumee
contre les hommes ; Dans ce siecle de fer
de sang & de feu ; où selon l’Euangile, nous auons
toutes les marques qui doiuent preceder le iour
espouuentable du Iugement vniuersel ; Mon esprit de
meure estõné de ce que chacun se met en peine pour
les choses qui regardent la cõseruation du corps qui
doit mourir, & il sẽble qu’on méte en oubli céte principale
partie de l’homme, qui portãt l’image de Dieu
doit viure eternellemẽt, ou biẽ-heureuse ou malheureuse
Depuis 3 semaines en ça nous ne voions que des
escrits fondez sur des maximes de la politique pour la
defense de l’Estat contre les desseins tiranniques d’vn
Estranger mécõnu aussi bien qu’inconnu. Les Presses
des Imprimeurs gemissent iour & nuict pour exprimer
les gemissemẽs des miserables sous l’opression de céte

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sangsuë Sicilienne : & personne n’a encore peusé à traitter
le poinct principal qui est celuy de la cõsciẽce, pour
iustifier la iustice des armes publiques, contre ce perturbateur
du repos public, comme si Paris, qui est l’esprit
& l’elixir de la Religion Chrestienne, estoit deuenu sans
foy ou sans Dieu, depuis que cet Estranger a apporté en
France la Religion & la creance de Machiauel. On en
fera tel iugement que l’on voudra, neantmoins la parole
de Dieu sera tousiours veritable ; Que les edifices en
sont que des ruïnes où Dieu n’a pas posé les fondements :
que les maximes de l’Euangile, non celles de la Politique
sous ce cardon à trois branches qui ne peut estre rompu ;
Et ie connois mille ames timorées qui sont en suspẽs,
& ne sçauẽt à quoy se resoudre pour n’estre point esclaircies
selon les Regles de la Theologie, sur le iuste subiet
qu’a non seulement Paris ; mais toute la France de se souleuer
& de prendre les armes pour chasser cet ennemy
du Roy & de son Estat. C’est en faueur de ces ames pieuses
dans lesquelles vne crainte filiale fait abhorrer comme
la mort les ombres mesme du peché, que ie prens la
plume à la main, afin de calmer leur apprehension, &
mettre leur conscience en repos dans le trouble & l’orage
de ces monuments, ce que ie feray par l’establissement
de quelques maximes Chrestiennes & Euangeliques,
que ie me contenteray d’expliquer briefuement,
sans apporter les authoritez, pour ne faire pas vn liure
au lieu d’vne consultation.

 

I

La premiere Maxime Chrestienne qu’il faut poser
dans cette conioncture, qui est comme la base & le
fondement de toutes les autres, & sans laquelle aucun
ne se peut dire veritable Chrestien, est l’honneür.
la reuerence, & le respect que l’on doit au Roy. Car
l’authorité Royale estant d’institution diuine, quoy
que plusieurs Roys ne soieut que de celle des hommes,
ce caractere de la maiesté de Dieu qu’ils portent

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auec tant d’esclat, exige necessairement de leurs
subiets des respects conformes à cette grandeur ; &
cette Loy d’obligation d’honneur enuers les Souuerains,
passe par proportion dans toute sorte d’inferieurs
à l’endroit de ceux qui leurs sont preposez : & ainsi le-Magistrats
sont venerable par le caractere de la puissance
de Dieu qu’ils exercent sous l’authorité du Roy,
quant d’ailleurs ils ne le seroint pas par le defaut de
leur conduite particuliere.

 

II

De cette premiere maxime vient la seconde qui est
l’obeissance que l’on doit au Roy, non pas aueugle,
comme on le voudroit persuader faussement : mais
comformement aux Loix de Dieu, aux Regles de l’Euangile
& de l’Eglise Catholique Apostolique & Romaine.
Car comme les Roys sont les Lieutenans de
Dieu pour la conduite temporelle des hommes, c’est
dë luy & non pas d’eux mesme qu’ils doiuent prendre
les Loix & les Ordonnances necessaires pour leur
conseruation, & comme l’Ame est plus pretieuse que
le corps & l’interest du salut preferable à celuy de la
fortune, les maximes de nostre Religion doiuent estre
les regles de celle de la Politique. Si bien que tant
que les Roys commandent des choses qui ne choquent
point le salut, les suiets sont tenus d’obeyr,
mais deslors qu’ils passent ces bornes, Sainct Pierre
nous apprend la responce que nous deuons faire,
qu’il n’y a point d’apparence de rendre d’obeyssance,
aux hommes, au preiudice de celle que nous deuons
à Dieu.

III.

Cette obeyssance & ces respects n’obligent point
les peuples à l’endroit du Conseil, des Ministres & des
Fauoris : Car c’est vne Theologie incognue à l’antiquité
qu’on nous a voulu faire passer depuis quelques
années par les artifices du deffunct Cardinal de

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Richelieu, de declarer crimes de leze-Maiesté les
fautes commises à l’endroit des fauoris & des Ministres
qu’on appelle d’Estat. Nous ne trouuons pas
cette maxime dans l’Euangile, nul des Conciles ne l’a
establie, aucun des Peres ne l’a enseignee, ce n’est
que l’effect d’vn faste par trop orgueilleux ; autrement
il faudroit dire qu’il y auroit plusieurs Roys dans vn
Royaume, si les mesmes deuoirs qu’on rend au Souuerain
estoient rendus à leurs Ministres.

 

IV.

Ces mesmes deuoirs n’obligent point par égale
obligation enuers les personnes preposées à la regẽce
de l’Estat, durant la minorité des Roys. Car encore
que les Regents ou Regentes, soient d’vne condition
plus releuee & dans vn estat plus sublime que
celuy des Ministres, ils sont neantmoins tousiours
dans vn ordre extremement inferieur a celuy de la
dignité Royale, & tout ce qu’on leur doit dans cette
qualité n’est que la deference que deuroit rendre vn
seruiteur a celuy qui seroit le Tuteur de son maistre.
C’est pourquoy ie remarqueray en passant le zele indiscret,
ou pour mieux dire ignorant, de quelques vns,
qui au commencement de ceste regence, auoiẽt
fait adiouster dans l’oraison que l’on fait pour le Roy,
apres ces paroles, pro Rege nostro Ludouico, ces autres,
& pro Anna Regina nostra. Car le Royaume de France
ne tombe point en quenoüille, & sa souueraineté ne
se partage point entre deux auec vn pouuoir egal.

V.

De la vient que les Regents ou Regentes, ny tout
leur Conseil Ministres, & Fauoris, n’estans pas souuerains,
ne peuuent point durant leur regence & la
minorité des Roys faire aucun changement, ny establissement,
qui aye force de Loy. Car la puissance
de faire des Loix est vn effet de l’authorité absoluë,
qui reside dans la seule personne du Prince. & incommunicable

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à qui que ce soit, de maniere que les
Regents n’estant que tuteurs, à proprement parler, ils
n’ont que le droit de conseruer, non pas de destruire
de changer ou d’inoüer. Si bien qu’ils ne peuuent
faire aucunes Loix, ny Ordonnances, ny aucune creation
d’Offices, qui sont toutes fonctions de Roy majeur
& independant. Et il y a lieu de s’estonner comment
les Cours souueraines ont toleré des creations
d’Offices durant la minorité du Roy, lesquels il pourra
casser sans faire iniure à personne estant deuenu
maieur, puis que c’est faire le souuerain & entreprendre
sur l’authorité inseparable de sa personne que de
mettre des nouueaux Officiers dans son Estat. Aussi
la derniere Declaration procurée par le Parlement
pour le soulagement du peuple, & dont l’infraction,
est cause de tous ces mouuements, n’est pas vne forme
de Loy ny d’Ordonnance nouuelle, mais vne correction
des defauts & suppression des abus qui s’estoient
glissez insensiblement contre les Loix & les Ordonnances,
au preiudice des suiets du Roy, par l’auarice & l’irreligion
non seulement des Ministres d’Estat, mais encore
d’vne infinité de petites sangsuës, qui ne se pouuoient
saouler du sang de leurs freres.

 

VI.

Il y a obligation en tous les suiets à prier Dieu pour
le Roy. C’est vn deuoir que nous apprenons du diuin
Apostre, c’est l’vsage de toute l’Eglise qui en fait memoire
dans le plus sublime de ses mysteres, en nommant
la personne des Roys dans l’Auguste Sacrifice du
Corps de IESVS-CHRIST, & cette coustume a esté si
Religieusement & inuiolablement obseruée dans toute
l’Eglise dés sa naissance, que les premiers Chrestiens
ne laissoient pas de faire memoire dans leurs assemblées
& prieres publiques des Empereurs Payens &
qui les persecutoient : sollicitant incessamment la
misericorde de Dieu pour leur conuersion & le repos

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de leur Estat, dans la prosperité duquel ils trouuoient la
leur, & le soulagement de l’Eglise.

 

VII.

En suite de l’obligation de prier, qui est vne fonction
du cœur, vient celle du corps & des biens de
fortune par laquelle les sujets sont bligez d’employer
l’vn & l’autre pour la conuersation de la personne
du Roy & la manutention de son Estat. De cela outre
les raisons qui seruent d’appuy aux maximes precedentes,
il y en a encore deux particuliers extremement
pressantes. L’vne que comme les enfans sont
obligez par la loy de nature d’employer ce qu’ils ont
& de vie & de biens pour la protection de leur pere
& la conseruation de sa famille ; personne ne peut reuoquer
en doute que cette mesme loy ne passe dans
les peuples, pour leur apprendre ce qu’ils doiuent à
leur Prince & à l’Estat, à moins que de renoncer au
sens commun & dire que les Roys ne sont pas les peres
de leurs suiets. L’autre raison regarde les interests
de chaque particulier, car comme tout vn estat
n’est qu’vn corps dont le souuerain est le chef, vne partie
ne peut souffrir que l’autre ne partipe à sa douleur :
ainsi comme tous les peuples ont vne liaison
auec le Prince dont les interests ne se peuuent separer,
il n’y a personne dans l’Estat qui par la consideration
de ses interests propres ne soit obligé d’employer
corps & biens pour la conseruation de ceux
du public, dans lequel tous les particuliers sont essentiellement
engagez. Il n’y a qu’vne chose à obseruer
en tel rencontre qui est, que l’assistance de corps
& de biens qui se doit faire pour la personne du Roy,
où le bien de l’Estat, doit-estre selon la condition des
personnes & au prorata de leurs facultez au sol la liure,
tous y estans esgalement obligez : De sorte que
c’est vn abus deplorable & dont les Confesseurs rendront
compte à Dieu, ce que nous auons veu en France

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depuis vingt-ans, que les vns au lieu de contribuer
aux frais de la guerre, se sont seruis de ces occasions
funestes pour s’enrichir & se gorger de biens, du sang
de leurs freres ; dequoy nous parlerons lors que nous
traiterons des maximes Chrestiennes touchant la direction
des finances.

 

VIII.

La force & l’obligation de cette Loy ne regarde
pas seulement les ennemis externes & estrangers,
qui a main armée & à guerre declarée s’efforcent d’enuahir
l’Estat ; Mais encore s’estend contre les ennemis
internes & cachez & contre tous ceux, qui par rebellions
trahisons, Monopoles, vols, larcins, vexations,
& par quelque autre voye que ce soit, secrette
ou manifeste, causent du detriment ou au Prince,
ou au bien public ; Et sans doute outre la creance, la
raison naturelle nous enseigne cette verité. Car quelle
loüange donneroit on à vn enfant qui employeroit
tous ses soings, pour guarantir la maison de son petre
de l’incursion des Voleurs, si cependant il souffroit
qu’elle fust pillée deuant ses yeux par la desbauche
d’vn sien frere, ou par la perfidie d’vn seruiteur ? Et
quelle obligation luy auroit son pere d’auoir chassé
les Estrangers, s’il le voyoit les bras croisez considerer
les rauages que luy causeroient des enfans desnaturez,
ou des domestiques ingrats, plus grands
peut estre & pires que tous ceux qui luy pourroient
estre faits par des ennemis declarez ? Et c’est en ce
point où plusieurs se trompent, se persuadant qu’il
n’y a point d’obligation d’assister le Prince de sa personne
& de ses biens que contre les ennemis estrangers
ou rebelles declarez : & cependant voyent tous
les iours les volleries publiques, les rauages &
les ruines de la Iustice & des facultez d’vn Estat,
sans en estre touchez, pour ne dire peut-estre qu’ils
les approuuent, les tolerent & les entretiennent.

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Or qu’ils sçachent qu’ils sont esgalement obligez de
s’opposer aux vns & aux autres, que les mauuais
domestiques ne sont pas moins punissables que les
Estrangers ; Et par la comparaison que nous venons de
rapporter qu’il n’y a pas moins d’obligation de s’opposer
& empescher les larcins & les maladies internes
d’vn Estat, que de resister aux Estrangers qui s’efforcent
d’enuahir ses frontieres.

 

IX.

Ce n’est assez de s’opposer par les voyes communes
à toute sorte de personnes, qui troublent, molestent,
ou causent du detriment au Souuerain ou à
son Estat ; Mais il y a en outre obligation dans les
vrays & les fidelles sujets, d’auoir recours aux extraordinaires,
de prendre les armes, & les employer
courageusement, lors que les autres moyens ne
sont pas suffisants pour la conseruation du bien & du
repos public. Cette maxime en suppose beaucoup
d’autres, comme, que la guerre pourueu qu’elle soit
legitime n’est point contraire au Loix du Christianisme ;
Que les Roys qui n’ont point de Iuge souuerain
qu’ils soient obligez de recognoistre pour terminer
les difficultez qui concernent leurs Couronnes,
peuuent les decider par la voye des armes : & que
leurs sujets non seulement les peuuent, mais les doiuent
assister, si ce n’est que l’iniustice de leur cause
leur fust manifestement cogneuë : Ainsi quand on
voit vn Estat en desordre, & principalement durant
la Minorité d’vn Roy ; Que l’on voit non seulement
les ennemis Estrangers trauailler à sa ruine ; Mais
encore les propres suiets par les vols, les brigandages,
les concussions, & les rapines, piller ce qui reste
de la violence des ennemis, & se seruir mesme de
ces occasions deplorables, comme de pretexte & de
couuerture à leurs iniustices, où il faut renoncer à
toutes les maximes de la Politique Chrestienne, où

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il faut dire qu’il y a obligation de recourir aux armes,
& resister par la force à ces rauages, lors que
les autres voyes sont inutiles, ou ne sont pas suffisantes
pour y remedier.

 

X.

Et comme la personne des Roys est la chose la plus
pretieuse & la plus Sacrée que les peuples puissent
auoir, apres celles de la Religion, aussi n’y a-il rien
qu’ils ne soient obligez de faire & d’entreprendre
pour le maintenir dans la seureté de leur vie, dans
la liberté souueraine de leur independance, pour empescher
qu’ils ne soient enleuez, ou traduits en captiuité,
ou pour les en tirer si par quelque occasion ils
y sont tombez. Cette maxime ne demande point de
preuue, elle est notoire par elle mesme : Ce n’est
que l’extraict & l’esprit de toutes les autres ; ou pour
parler plus conformement à la raison, elle en est le
premier mobile & le fondement ; Car s’il n’y auoit
point d’obligation pour ce qui regarde la personne
du Prince il y en auroit encore moins, pour ce qui
touche les choses particulieres de son Estat ; & si celles-là
exigent par iustice & les personnes & les biens
pour leur defence, ce n’est que comme par vne dependance
& suite necessaire de ce qu’ils sont tenus de
faire pour empescher ou destruire tout ce qui altere
ou dimiuë les prerogatiues essentiellement annexées
à la personne du Souuerain ; Il y adonc plus
d’obligation & de deuoir de s’vnir & de prendre les
armes pour s’opposer à l’enleuement d’vne personne
si sacrée, ou pour la retirer de cette violence, qui
est vne pure captiuité, qu’il n’y en à pas pour la defence
de tout ce qu’on pourroit s’imaginer au dessous
d’elle.

XI.

De toute ces maximes generales, Chrestiennes &
Euangeliques, Sensuit cette particuliere comme vne

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consequence de plusieurs antecedents ; que non seulement
Paris, mais toute la France est obligée en conscience
de prendre les armes contre le Cardinal Mazarin,
pour la conseruation de la personne du Roy,
le repos & la tranquilité de son Estat. Vn seul raisonnement
le fera comprendre aux plus simples.
Tous les peuples sont tenus de s’armer pour deffendre
leur Prince & son Estat, contre les perturbateurs
de son Royaume, qui vsurpent son authorité, qui ruinent
ses suiets, qui volent ses finances, qui oppressent
les grands & les petits, qui aneantissent la Iustice,
qui enleuent le Roy & donnent toutes les Marques
d’vn vsurpateur & d’vn Tyran ; Or le Cardinal
Mazarin est coupable de tous ces crimes : Il faut donc
renoncer au Christianisme si l’on veut se departir de
l’obligation que l’on a d’empescher la violence de
tant de maux & de si execrables proiets. Qu’il ne
soit tel que ie viens de le dire, qui est le seul poinct
qui pour estre de fait pourroit faire de la difficulté ?
Trois raisons le font voir trop manifestemẽt. La premiere,
sont les yeux de toute la France, qui sçachant
ce qu’il estoit il n’y a que dix-ans, voit maintenant
l’excez prodigieux de sa grandeur où n’estant pas
monté par ses propres facultez, estant certain qu’en
ce temps-là il n’auoit pas dequoy s’ẽtretenir & viuoit
en partie de trafic, il n’a fait ce grand amas que par ses
brigandages sur l’Estat, volant impunement les Finances
sous le pretexte de la guerre, laissant perir la
milice faute d’argent, cependant que le sang du peuple
estoit employé, à ses vanitez, à ses voluptez, &
à l’establissement d’vne maison Royale, si Dieu ne
s’estoit opposé à ses pernicieux desseins.

 

La seconde, est la violence inouye qu’il a exercée
sur la personne du Roy, par son enleuement en pleine
nuict, ne donnant que trop manifestement à cognoistre
quel est le but de cette entreprise tyrãnique

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par les sacrileges, les viols, les ruines & les rauages
que depuis trois semaines il fait exercer autour de
Paris, par des Monstres d’hommes qui n’ont ny Foy,
ny Loy, n’y Dieu, n’y Religion : Par le sac dont il menace
la ville de Paris, & apres elle le reste de la France,
si elle ne plie le Col sous le ioug de sa tyrannie,
estant certain que s’il demeure victorieux en cette
rencontre de la Capitale de l’Estat, la condition des
François sera desormais plus mal-heureuse que celle
des esclaues qui viuent sous l’Empire du Turq.

 

La troisiesme, est l’Arrest prononcé contre luy par
nos Seigneurs du Parlement, car il ne faut pas se
persuader que cet Auguste Senat, composé de si illustres,
si sçauants, si pieux, & si zelez personnages,
qui tous les iours tesmoignent par leur conduite admirable,
l’affection qu’ils ont pour le bien public,
au preiudice de leur interest propre & de celuy de
leurs familles, se soit porté en cette occasion, auec
precipitation & a l’aueugle ; Ils y ont procedé auec
iugement & maturité ; ils n’ont esté que trop instruits
de la mauuaise conduite & des pretensions funestes
de cet homme, ils ont souffert ces violẽces tant quelles
n’ont eu pour but que leurs personnes particulieres,
ils n’ont ormé la seuerité des loix que lors qu’ils
ont veu l’Estat dans la crise de sa ruine ; & s’ils sont à
blasmer en quelque chose, c’est d’auoir trop patienté
& attendu à donner l’Arrest qu’ils ont enfin esté
contraints de prononcer auec tant de Iustice & d’equité,
qu’ils n’ont point aprehendé d’en donner auis
à tous les autres Parlements & à toutes les Prouinces
de France.

XII.

De là sensuit que tous ceux & celles qui luy donnent
assistance & appuy, qui luy seruent de Conseil & de
soustien, soit de leur personne ou de leurs biens, qui
lui prestent ayde ou faueur, & sont cause qu’il n’obeit

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point à l’Arrest prononcé contre lui au grand preiudice
de l’authorité du Roy, de la liberté & conseruation
de sa personne, du bien, du repos, & de la tranquilité
publique, pechent mortellement & sont en
continuel estat de peché mortel, dont aucune puissance
n’est capable de les absoudre, qu’ils ne l’ayent
actuellement abandonné, & fait restitution des vols,
des ruines, des rauages, & de touts les excez commis
en suite de leur conseil pernicieux, & de la faueur
protection & appuy illicite, iniuste & tyrannique
qu’ils luy prestent.

 

LA Cour à permis à CARDIN BESONGNE,
d’imprimer vendre & debiter ce present Liure de Maximes
Morales & Chrestiennes.

Section précédent(e)


Anonyme [1649], MAXIMES MORALES, ET CHRESTIENNES, POVR LE REPOS DES CONSCIENCES dans les affaires presentes. Pour seruir d’instruction aux Curez, aux Predicateurs & aux Confesseurs. Dressées & enuoyées de S. Germain en Laye, par vn Theologien, fidele Officier du Roy. A MESSIEVRS DV PARLEMENT. , françaisRéférence RIM : M0_2427. Cote locale : C_6_6.