Anonyme [1649], MEMOIRES ET PLAINTES Des Rentiers de l’Hostel de Ville de Paris, sur les contrauentions aux Arrests, Reglemens & Declaration du mois d’Octobre 1648. presentez à Nosseigneurs du Parlement. , français, latinRéférence RIM : M0_2447. Cote locale : A_4_1.
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MEMOIRES
ET PLAINTES Des Rentiers de l’Hostel de
Ville de Paris, sur les contrauentions
aux Arrests, Reglemens
& Declaration du mois
d’Octobre 1648. presentez à
Nosseigneurs du Parlement.

A PARIS,
Chez EDME PEPINGVÉ en la Grand’Salle
du Palais, du costé de la Cour des Aydes.

M. DC. XLIX.

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MEMOIRES ET PLAINTES
des Rentiers de l’Hostel de Ville de Paris,
sur les contrauentions aux Arrests, Reglemens,
& Declaration du mois d’Octobre 1648.
Presentés à Nosseigneurs du Parlement.

PREMIEREMENT, il y a vne contrauention
publique à l’Arrest du quatriesme Septembre
mil six cens quarante-huit, en ce
qu’il a esté ordõné que l’on donnera vn certificat
de toutes les quittances, sans payer
aucune chose, & neantmoins il est constant
que le Preuost des Marchands & les Escheuins n’ont point
fait changer l’abus qu’ils auoient laissé introduire ; car
tous les iours l’on porte encore les quittances aux Greffiers
des Fueilles, qui ne vous donnent point de certificat
qu’en leur donnant deux sols de chaque quittance, qui
est vne veritable concussion. Pour en empescher la suite, la
Cour est tres-humblement suppliée d’ordonner que les Receueurs
prendront eux-mesmes les quittances, & en bailleront
certificat sans en prendre aucune chose.

En second lieu, le mesme Arrest n’est point executé dans
l’article, qui ordonne que l’on ne payera point les Rentiers
par parcelles, & à plusieurs fois, le contraire se faisant tous
les iours, comme il peut facilement estre iustifié par le controolle
qui se fait de tous les payemens.

En troisiesme lieu, cét Arrest, qui est vn Reglement general
souffre atteinte dans la pluspart des autres Chefs. Le
Preuost des Marchands & les Escheuins, ne prenans point le
soin de faire apporter tous les iours les sommes qui doiuent
estre payées par chaque Receueur, ne leur faisant point aussi
garder ponctuellement le temps que les payemens doiuent

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estre faits. Et lors qu’il arriue vn iour de Feste, le Receueur
qui deuoit payer ce iour là, au lieu de le faire le lendemain,
il en dispose comme il luy plaist. Il y a bien plus, quoy que
par ledit Arrest du 4. Septembre 1648. il soit dit, que les
Receueurs & Controolleurs feront leurs Charges en personne,
neantmoins ils n’y enuoyent iamais que des Commis,
& ainsi il est impossible aux Rentiers de faire executer
contre eux les condamnations par corps qu’ils ont obtenuës
pour les grands débets du passé, dont ils ont cessé les
payemens depuis vn an tout entier, les nommez Senoq, Ferary,
Neret, Moudin, de Cœurs, d’Od’vn, Boyleau & autres,
affectans d’estre à la campagne pour receuoir les Tailles,
dont ils ont traicté, & s’exemptans par ce moyen des
contraintes & executions sur leurs personnes, qui est aujourd’huy
la seule asseurance des Rentiers, attendu que les Receueurs
ont esté deschargez de donner caution, leurs Offices
ayant esté creez hereditaires, & estant à present hypothequez
pour leurs debets, de beaucoup plus que leur valeur.

 

Les Rentiers supplient donc la Cour qu’en executant ledit
Arrest, tous les Receueurs & Controolleurs seront obligez
de comparoistre à la huitaine à l’Hostel de Ville pour faire
leur charge en persõne, autrement & à faute de ce faire, qu’il
y sera commis, & qu’ils n’y pourront estre restablis que prealablement
ils n’ayent fourny leurs fueilles & controolles, &
rendu compte de tous les deniers des années passées qu’ils
ont entre leurs mains, & qu’ils n’ayent satisfait au public.

Il y a vne autre contrauention assez connuë, sçauoir,
qu’on ne fait point de Fueilles contenant les noms de ceux
qui doiuent estre payés par semaine, & suiuant l’ordre Alphabetique,
& ainsi il arriue que l’on ira vingt fois à l’Hostel
de Ville inutilement.

L’on doit aussi empescher vn desordre tres considerable,
qui procede des Traictans : car au lieu d’apporter leurs sepmaines
en argent comptant, ils payent bien souuent la meilleure
partie en quittances, ce qui est de tres-dangereuse consequence,
parce que ces quittances estant sous seing priué,

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elles peuuent estre supposées, & ainsi c’est vn moyen aux
Traictans & Fermiers de ne payer qu’vne partie de ce qu’ils
doiuent fournir toutes les sepmaines, c’est aussi pour cela que
cette façon de payement a esté condamnée par les Arrests.

 

A l’esgard des Payeurs, ils ne prennent point de iour certain
pour payer les debets des quartiers passez, bien que le
reglement y soit formel.

L’arrest du 4. Septembre 1649. porte aussi, que l’on ne
pourra estre Receueur & Controolleur tout ensemble, &
neantmoins il est de notorieté publique, que plusieurs possedent
l’vne & l’autre qualité : il y a des Receueurs qui
n’ont point de Controolleurs, ou bien ce sont leurs valets,
qu’ils preposent pour cela, qui sont les plus grands abus
qu’on se puisse imaginer, parce que les Receueurs n’ayans
point de Controolleurs, ou en ayans qui dependent d’eux,
ils font les payemens à leur discretion.

Le Preuost des Marchands ne fait point pareillement faire
d’Estat des deniers restans à payer par chacun an ; par exemple,
des rentes saisies ; ou de celles qui appartiennent à des
personnes de la campagne, qui sont negligens de les receuoir
& generalement de toutes celles qui ne sont deuës ny demandées.

Le mesme Preuost des Marchands a laissé faire plusieurs
verifications à la Chambre des Comptes & Cour des Aydes,
preiudiciables au public & au bien des rentes, mesmes
examiner & clorre les comptes des Payeurs, & passer en
iceux plusieurs parties sans s’y estre du tout opposés, comme
faisoient leurs predecesseurs. Ils ont mesme laissé verifier en
ladite Chambre la Commission des nommez du Buisson &
de la Garde, pour faire le recouurement des debets de quittances
qu’on a donnez à des particuliers, & qui en ont desia
touché plus de cinquante mil liures au preiudice des Rentiers,
& qu’on ne laisse pas d’executer, bien que tous dons &
commissions de cette qualité ayent esté reuoquées.

Il ne s’est point opposé non plus aux Quadriennaux, dont
les gages ont esté vne surcharge aux Rentiers de l’Hostel de

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ville, & particulierement à ceux des huict millions.

 

Mais il y a encore vne plainte tres-considerable. Il est
notoire à vn chacun que les Receueurs retiennent par leurs
mains vne partie des sommes que l’on porte à l’Hostel de
Ville, en faisant bien souuent de fausses Fueilles, ou employans
des noms de creanciers feints & supposez. Et cét
artifice leur est d’autant plus facile, qu’il est toleré par les
Officiers de Ville, lesquels par ce moyen les obligent de
payer qui bon leur semble, & qui bien souuent sincopent
les sommes pour en fauoriser leurs amis au prejudice
du public. Voila ce qui concerne les contrauentions qui
se font tous les iours dans l’ordre des payemens, ausquels
l’on ne sçauroit pouruoir qu’en establissant de notables
Bourgeois Rentiers, qui seront presens aux payemens,
lesquels seront changez tous les quinze iours, ou confirmez,
si on iuge qu’ils soient plus necessaires que les autres,
& qu’ils ayẽt fort bien satisfait à leur charge & à leur deuoir.

Quand aux contrauentions qui regardent le reculement
des quartiers, & le manquement de fonds, qui a esté accordé
par les Declarations du Roy, les Rentiers peuuent dire
qu’il s’en trouue sur toutes les natures.

Gabelles.

Pour les Gabelles, le procez est assez public. Il a esté fait
vn Factum, qui peut instruire tout le monde du iuste sujet
de leurs plaintes.

Il est vray que depuis quelques iours, l’on a augmenté
les semaines de vingt-quatre mil liures, & cela
a donné sujet à quelques personnes d’intrigues de publier
par tout, que la satisfaction estoit toute entiere, & c’est ce
qui oblige les Rentiers de remonstrer dans le present Memoire,
que cette augmentation ne couure point du tout les
contrauentions, & qu’elle a mesme esté faite par des voyes
de tres perilleuse consequence.

Premierement, les vingt-quatre mil liures d’augmentation,
auec les soixante-quatre que l’on payoit, ne font en

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tout que quatre-vingts mil liures : & neantmoins par l’Arrest
du Conseil du 10. Iuillet dernier, enregistré en la Cour,
toutes les semaines l’on doit payer six vingt huit mil liures,
tant pour le quartier courant, que pour les arrerages du passé.
Tellement que cette augmentation n’empesche pas, qu’il
n’y ait vn retranchement de fonds de quarante mil liures
par semaine, qui est prés du tiers de ce qui deuoit estre
payé.

 

Mais quand les quatre-vingts huit mil liures seroient imputez
sur le quartier courant, outre le prejudice notable &
dangereux que receuroient ceux qui n’ont point esté payez
du passé, il est certain que cette augmentation ne satisfait
point du tout à l’Arrest du 10. Iuillet, ny à la Declaration ;
car depuis le 19. Septembre que l’ouuerture du quartier courant
a esté faite iusques au quinziesme ou seiziesme, que l’on
a fait ladite augmentation, l’on n’a payé que quarante mil
tant de liures sur le quartier courant par semaine, au lieu de
quatre-vingts huit mil liures. Tellement que pendant deux
mois, il y auroit quarante-six ou quarante-sept mil liures à
remplir par sepmaine, qui vont à plus de trois ces mil livres,
outre trente-sept ou trente-huit mil livres, que les
Adiudicataires doiuent encore sur le pied soixante-quatre
mil liures seulement, qui sont des sommes qui deuroient
estre payées presentement, pour satisfaire au quartier courant,
& quand on ne parleroit point du tout du passé.

Mais la voye dont l’on s’est seruy par l’Arrest du Conseil,
pour donner cette augmentation, est de tres-dangereuse
consequence, parce qu’au lieu que ce fonds deuroit estre pris
sur les Gabelles, on le tire, dit-on, de l’Espargne, & ainsi
l’on change l’assignation. Si cela a lieu, & que l’on se contente
de cet establissement, il sera au pouuoir tous les iours
du Conseil de changer les assignations, & le fonds des rentes.
Ils n’auront qu’à le diuertir, & quand les Rentiers en
seront leurs plaintes, on leur donnera vn Arrest du Conseil,
par lequel on ordonnera le remplacement du fonds des deniers
de l’Espargne. Si bien que le fonds des Rentes sera

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tous les iours sous la main du Conseil : & quand on ne voudra
point payer, l’on n’aura qu’à faire dire par le Tresorier
de l’Espargne, qu’on ne luy a point ordonné de fonds pour
cela.

 

Mais parce qu’il ne s’agist pas seulement dans l’affaire
des Gabelles du passé & du present, mais encore de l’aduenir,
les Rentiers sont obligez de representer icy les moyens
pour conseruer de fonds de leurs rentes, & comme l’adjudication
de la Ferme doit estre faite.

Il se trouuera vne compagnie pour prendre la Ferme, où
il ne s’en trouuera point du tout.

S’il se trouue vne compagnie, les Rentiers ont fait signifier
au Greffier du Conseil les conditions, sous lesquelles
l’adjudication doit estre faite.

Il y a plusieurs articles, mais il y en a deux entr’autres
qui sont les principaux, & absolument necessaires.

Le premier est, que les submissions se fassent par les Adiudicataires,
non seulement à l’Hostel de Ville, mais aussi
dans toutes les compagnies Souueraines.

La seconde condition est, que dans les submissions, ils
ne s’engagent pas comme ils ont cy-deuant fait de payer
les rentes, suiuant les estats qui seront faits au Conseil : mais
de payer deux quartiers & demy des rentes, suiuant &
conformément à la Declaration, c’est à dire, pendant la
guerre seulement, & que de cela, il soit fait mention
comme charge ordinaire dans leur Bail.

Ces conditions sont iustes & legitimes, il n’est pas
raisonnable que le Roy retranchant tous les ans vn quartier
& demy des rentes sur les Gabelles, il soit encore en la
liberté du Conseil de retrancher par des Estats, ou de reculer
des quartiers qui restent, & qui sont accordés par les
Declarations. Elles ne sont point d’ailleurs extraordinaires,
estant l’ancien ordre des payemens, & qui n’a esté changé
que lors qu’on a voulu manquer de foy au public.

Toute la difficulté qui s’y pourroit rencontrer auiourd’huy,
est le pretexte specieux du pretendu faux saunage.

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Mais pour trouuer encore plus facilement des Fermiers, il
faut bailler la ferme pour six ans, ou pour neuf ans, parce
que si les premieres années sont mauuaises, elles seront recompensées
par les dernieres, à cause du temps que l’on aura
pour restablir ladite Ferme.

 

Et defait, le Conseil n’ayant fait publier la Ferme que
pour trois ans, c’est pour marquer qu’on a dessein de maintenir
les Adjudicataires d’aujourd’huy, & de les rembourser
de six à sept millions de prests qu’ils ont faits du fonds &
retranchement des rentes, gages & charges, qui est vn
moyen de n’en point payer du tout.

S’il ne se trouue point de compagnie aux conditions cy-dessus
expliquées, en publiant mesme la Ferme pour six, ou
pour neuf ans, les Rentiers ont des propositions pour faire
subsister les Gabelles, qu’ils expliqueront quand on leur
voudra faire l’honneur de les entendre, & qu’ils croyent
beaucoup plus aduantageuses dans la suite des années tant
pour les Officiers & Rentiers, que pour l’interest du Roy,
que la forme dont on se sert à present, pour soustenir lesdites
Gabelles.

Clergé.

Les Rentes du Clergé, qui ne deuroient iamais souffrir de
retranchement, les Receueurs du Clergé faisant leurs submissions
à l’Hostel de Ville de payer tous les ans & par chacun
quartier vne somme fixe, n’ont pourtant pas laissé d’estre
traittées comme les autres.

L’on sçait que par le Contract fait entre le Roy & Messieurs
du Clergé le quatriéme Iuillet 1646, ils doiuent imposer
sur eux pendant dix ans la somme de douze cens
quatre-vingts douze mil neuf cens six liures treize sols trois
deniers, de laquelle il en doit estre employé pour les rentes
la somme de huict cens dix sept mil trois cens quatre-vingts
quatorze liures douze sols deux deniers.

Mais au lieu de satisfaire au Contract, les Receueurs du

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Clergé ont tousiours retenu des sommes tres considerables
toutes les années.

 

Premierement, pour l’année 1646. Ils n’ont payé que la
somme de sept cens quarante mil six cens quatre-vingts
quatorze liures neuf sols.

Pour l’année 1647. la somme de sept cens trente-cinq
mil huict cens vingt six liures seize sols.

En l’année 1648 la somme de sept cens trente-vn mil sept
cens soixante dix-sept liures douze sols, & depuis le premier
Ianuier 1649. iusques au vingt-cinquiesme Feurier de
la mesme année la somme de trente-quatre mil trois cens
cinquante liures huict sols. Et partant les Receueurs doiuent
la somme de soixante douze mil cinq cens cinq liures trois
sols deux deniers, qu’ils ont retenus par leurs mains pendant
l’année 1646. plus la somme de soixante dix-sept mil
trois cens quatre-vingts deux liures seize sols deux deniers,
qu’ils ont aussi retenuë par leurs mains pendant l’année
1647. & la sõme de quatre-vingt vn mil quatre cens vingt-deux
liures deux deniers qu’ils ont encore retenuë du fonds
de l’année 1648. & la somme de quatre-vingts dix mil sept
cens cinquante sept liures quatre sols huict deniers qu’ils
ont aussi retenuë depuis le premier de Ianuier de la presente
année 1649. iusques au vingt-cinquiesme Feurier, reuenans
toutes lesdites sommes, à la somme de trois cens vingt-deux
mil soixante sept liures quatre sols deux deniers, que
lesdits Receueurs ont moins payé qu’ils ne sont obligez par
le Contract qu’ils ont fait auec le Preuost des Marchands
& Escheuins.

Il est aussi à obseruer que lesdits Receueurs n’ont rien
payé pendant les mouuemens derniers, c’est à dire, depuis
le vingt-cinquiesme Feurier, iusques au temps que les Arrests
du Conseil ont esté rendus.

Il est vray que par lesdits Arrests, qui sont du mois de
Iuillet, les Receueurs ont esté condamnez de r’emplacer
les sepmaines, & d’augmenter pour cét effet les sepmaines
courantes de quatre mil tant de liures. Mais au lieu de satisfaire

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à l’Arrest, l’on n’a payé iusques à present, que deux
mil liures pour ladite augmentation, ou remplacement.

 

Mais comme les choses tombent tousiours dans vne plus
grande confusion, lors qu’elles sont negligées par ceux qui
en ont la direction & la conduite, le quartier de Iuillet de mil
six cens trente-six, qui deuoit estre commencé le premier
Nouembre 1649. suiuant la supputation de cent quarante-six
iours, qui doiuent acheuer chaque quartier, il se trouue
neantmoins que le Preuost des Marchands & Escheuins ne
font estat de faire ouurir ledit quartier de Iuillet 1636.
qu’au quatriesme de Ianuier 1650. qui sont deux mois de reculement,
que l’on doit appeller retranchement en matiere
de rentes de l’Hostel de Ville.

Aydes.

Pour les Aydes, l’Arrest du Conseil du mois de Iuillet
a reculé vn quartier tout entier en six cens cinquante & cinquante
vn, bien que quand les derniers mouuemens sont
arriuez, la recolte des Aydes eust esté entierement faite,
estant constant que pendant les mois d’Octobre, Nouembre
& Decembre, l’on fait presque toute la recepte. Tellement
que les derniers mouuemens ne deuoient point seruir
de pretexte à aucun reculement de quartier.

Mais quoy que les Rentiers eussent desia souffert ce preiudice
& plusieurs autres, neantmoins l’Arrest du Conseil
n’a pas seulement esté executé ; Car l’on n’a fait l’ouuerture
du quartier que six ou sept sepmaines apres le temps ordonné
par ledit Arrest.

Il est vray que l’on pretend que depuis l’on a remplacé
vne partie desdites sepmaines reculées : mais toutes ces contrauentions,
& ce changement d’ordre dans les payemens
ne doiuẽt point estre tolerez ; sans ces reculemens il y a telle
famille qui pourroit mettre ordre à ses affaires, & arrester le
cours d’vne poursuite, qui bien souuent est sa ruine toute entiere.

Mais il y a encore vn autre desordre, dont on peut accuser

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ceux qui ont tant de passion pour la direction des affaires
d’autruy, & qui s’en acquittent si mal : car les Fermiers
des Aydes doiuent vn million de liures de l’année 1648.
dont il y a condamnation, & vn executoire de la Chambre
iusques à la somme de huict cens mille liures du 26. May
dernier. Cependant le Preuost des Marchands souffre que
les Fermiers se joüent de ces deniers, pendant que les plus
anciennes familles du Royaume combattent contre la necessité.

 

Tailles.

Quoy que les rentes de cette nature ayent esté la proye
de ceux qui ont voulu bastir leur fortune sur le mespris de
toutes sortes de loix, & qu’il n’y ait point d’artifices qui
n’ayent esté pratiqués pour en diuertir le fonds, neant moins
on n’a pas laissé de découurir les causes du mal, & vne partie
du brigandage qui s’y est fait depuis qu’elles ont esté constituées.

Il y a à examiner le passé, le present, & l’aduenir.

Pour le passé, il faudroit vn volume entier pour marquer
toutes les plaintes que les Rentiers auroient à faire.

Ils se contenteront seulement de demander à la Cour,
qu’il luy plaise d’ordonner, que les Receueurs Generaux
& Particuliers, & Traictans des Generalitez sur lesquelles
le fonds desdites Rentes a esté assigné, compteront par vn
bref & sommaire estat des payemens par eux faits ausdits
Payeurs, comme aussi lesdits Payeurs de leur part des payemens
par eux faits ausdits Rentiers, & de leurs debets de
quittance, par estats separez, qu’ils fourniront par chacune
année de leur exercice & maniement depuis & compris
1637. iusques à present, & qu’à ce faire ils seront contraints
par toutes voyes, mesmes par emprisonnement, & priuation
d’exercice, en commettant à leur place à leurs
fraiz & despens, iusques à ce qu’ils ayent satisfait, ainsi que
dit est ; car par ce moyen les Rentiers feront voir que les vns
& les autres ont entre leurs mains de grandes & notables

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sommes de deniers, lesquelles doiuent estre employées au
payement des rentes, estant certain qu’il y auoit fonds dans
lesdites Generalitez pour payer deux quartiers, toutes charges
& remises déduites. Et neantmoins il n’a esté payé qu’vn
quartier, & vn tiers de quartier dans la meilleure des années.
Ce compte que lesdits Rentiers demandent est si iuste, que la
Cour l’a mesme ordonné à l’esgard des Adjudicataires des
Gabelles, y ayant des Commissaires nommez pour cela.

 

La Cour considerera aussi, s’il luy plaist, qu’encore qu’on
n’ait payé tous les ans qu’vn quartier desdites rentes, l’on ne
paye pourtant que le quartier de Ianuier 1648. tellement que
d’est desia vne année de reculée, outre trois quartiers que l’on
perd chaque année, qui est presque vn aneantissement tout
entier desdites rentes.

Aquoi l’on peut adjouster la perte que la pluspart des
Rentiers ont faite, de n’auoir esté payez des quartiers de
Ianuier six cens quarante-vn & 643. par vn faux pretexte de
manquement de fonds, que le Preuost des Marchands &
Escheuins, n’ont iamais voulu verifier, ni en demander le
remplacement, quelque promesse qu’ils en aïent faite plusieurs
fois ausdits Rentiers. Voila pour ce qui est du passé.

Pour le presẽt l’on sçait qu’au lieu de faire ouurir le quartier
de Ianuier 1648. qui est le quartier courant, au 15. du mois de
Iuillet, suiuant l’Arrest du Cõseil, l’on ne l’a fait ouurir qu’au
mois d’Octobre, trois mois apres qu’il deuoit commencer.

Depuis l’ouuerture l’on n’a mesme payé que la moitié de
ce qui deuoit estre payé par sepmaine, pour finir le quartier
au mois d’Avril mil six cens cinquante, comme il a esté
ordonné par ledit Arrest du Conseil : car pour payer quinze
cens vingt mille liures, à quoy reuient le quartier des
rentes, gages, & charges en neuf mois & demy,
il faudroit payer par semaine quarante mille liures, au lieu
de vingt mille liures que l’on paye seulement aujour’huy,
de sorte qu’il est deub depuis ledit 15. Iuillet, que deuoit estre
faite l’ouuerture du quartier courant, plusieurs & notables
sommes de deniers.

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Premierement, pour les trois mois moins huict iours qu’on
a reculé ladite ouuerture, il y a quatre cens quarante mille
liures.

Et depuis le 8. Octobre qu’on a ouuert le quartier iusques
au premier Decembre, qu’on n’a payé que vingt mille liures,
au lieu de quarante par sepmaine, il est deub encore sept
vingt mille liures.

Et parce que l’Empereur, qui est vn des associez de Monnerot,
& qui doit payer pour sa part dix mille liures par semaine,
n’a rien payé pendant trois sepmaines, il faut encore adjouster
trente mille liures de cette part, si bien que toutes ces
sommes accumulées & ramassées, il se trouue six cens dix
mille liures que l’on a moins payé que l’on ne debuoit pour
le quartier courant des Tailles, qui est celuy de Ianuier
1648.

Ce qui est d’autant plus considerable, que pour ladite année
l’on n’a fait fonds ce semble que pour vn quartier, par
l’Arrest du mois de Iuillet dernier, bien que par la Declaration
on eust accordé deux quartiers entiers, & c’est pour cela
que la Cour est tres-humblement suppliée d’y pouruoir, afin
que la Declaration ne reçoiue aucune atteinte.

Comme aussi d’ordonner que Monnerot & l’Empereur
seront contraints par corps à apporter & fournit presentement
és coffres de la Ville les six cens dix mil liures par eux
deuës depuis ledit quinziesme Iuillet qu’ils ont deu faire les
payemens pour l’ouuerture dudit quartier, & que doresnauant
ils payeront quarante-mil liures par sepmaine, ainsi
qu’ils sont tenus & obligez par les Arrests du Conseil. Voila
pour ce qui regarde le present des Tailles.

Pour l’aduenir il est important d’y pouruoir. La Declaration
donne deux quartiers desdites rentes, & neantmoins
l’on sçait bien que ce qui reuient de bon des deux Generalitez
d’Orleans & de Moulins, n’est pas suffisant aujourd’huy
pour payer vn quartier. Il faut donc demander encore l’assignation
sur six Generalitez, sans preiudice de l’hypotheque
generale, sçauoir, Orleans, Moulins, Tours, Limoges,

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Bourges, & Soissons, qui sont celles qui auoient esté affectées
au payement desdites rentes par Edicts & Declarations
du Roy des années 1638. & 1639. verifiées és Cours
souueraines, & que les Receueurs Generaux fassent leurs
sousmissions au Greffe de l’Hostel de Ville de payer, conformément
à la Declaration, les deux quartiers par preference
à la partie de l’Espargne.

 

Car les deux Generalitez de Moulins & d’Orleans, qui
ont esté abandonnées pour le payement desdites rentes, ont
esté vn veritable piege pour ceux qui y sont interessés, pour
plusieurs raisons.

La premiere est, que les peuples ne payent pas si facilement,
quand ils sçauent que la Generalité est entierement
affectée au payement des Rentiers, & que le Roy n’y a plus
aucune part.

La seconde raison est, que par ce moyen l’on a donné à
l’enchere ces deux Generalitez, & l’on sçait bien comme
tout s’est passé dans l’adjudication qui en a este faite, que les
Rentiers bien intentionnez s’y estans trouuez, & en ayans
voulu prendre connoissance, ils n’ont remporté que le déplaisir
d’estre mesprisez par ceux qui s’en sont rendus les maistres
par de tres-mauuais principes.

La troisiesme raison est, que les rentes n’estant assignées
que sur deux Generalitez, qui ne seroient pas mesmes suffisantes,
quand rien n’arriueroit d’extraordinaire, il se trouue
que le fonds en peut estre diminué par vne infinité de rencontres,
comme de la peste, de la guerre, & de la famine,
creations de nouueaux Offices, & surcharges de gages. La
Cour sçait mesmes que l’on crée souuent de nouuelles rentes,
sans en augmenter le fonds, comme il est arriué de celles
constituées à Frarin & autres par luy interposez, iusques à
deux cens mille liures, lesquelles ayant esté rayées par la
Chambre, comme mal constituées, il a obtenu de nouueau
Declaration pour faire restablir lesdites radiations, ausquelles
il y a opposition de la part des Rentiers.

La quatriesme raison est, qu’encore que les deux Generalitez

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ayent esté entierement abandonnées aux Rentiers,
neantmoins Monsieur le Duc d’Orleans ne laisse pas de
prendre cent mille liures d’assignation sur celle d’Orleans,
l’on y impose encore bien souuent des droicts extraordinaires,
l’on en diuertit le fonds pour les estapes, & autres charges
de la Prouince, & par ce moyen l’on a veu que les Traictans
ont obtenu des descharges au Conseil, quelques conditions
qui eussent esté apposées dans leurs traictez.

 

Et de fait, l’on trauaille encore presentement sur ce mesme
pretexte, à faire perdre aux Rentiers l’année toute entiere
de 1649. & voicy comment.

Monnerot, qui a traicté d’Orleans, pretend luy estre deub
deux millions six cens mille liures, pour parties fourées,
imaginaires & supposées, procedantes de pretenduës aduances,
d’estappes, reimpositions de non-valleurs, & autres
mauuaises pretentions des années passées à compter depuis
1644.

En l’an mil six cens quarante-huict ayant le sieur d’Emery
fauorable, il obtint vn Arrest, par lequel on luy accorda de
faire imposer cette somme extraordinairement sur la Generalité
d’Orleans, pour le remboursement de ces mauuaises
pretentions. Cela a esté executé, ayãt touché de cette imposition,
qui estoit vne surcharge sur la Prouince prés de douze
cens mille liures.

Au mois d’Octobre de la mesme année 1648. il ne peut
faire l’imposition dans le temps accoustumé, à cause des
derniers troubles.

Quand au mois de Iuin, il a fallu restablir les rentes qu’il
auoit entierement discontinuées, ayant soustenu qu’il n’auoit
point de fonds, pretendant que l’imposition extraordinaire
faite en 1648. deuoit entierement tourner à son profit,
& qu’elle ne deuoit point estre employée aux rentes, Monsieur
d’Haligre, & les autres Directeurs s’esleuerent plusieurs
fois contre luy en plein Conseil, iusques-là que de promettre
aux Rentiers de decerner executoire, dont l’Arrest fut
mesme dressé, attendu que la somme qu’il vouloit retenir

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deuoit estre entierement appliquée au payement des rentes,
& que si le Roy luy debuoit quelque chose, il faudroit
le satisfaire d’ailleurs.

 

Monnerot voyant tout contraire, & sçachant bien que
dans le fonds de son Traicté, & de celuy de Moulins de la
mesme année 1643. il y auoit dequoy payer vn quartier &
demy des Rentes, il a recours à des artifices punissables.
Il fit ouuerture à Messieurs les Directeurs de retrancher
le demy quartier, & d’en prendre partie pour luy, & porter
le surplus à l’Espargne ; de sorte que par le moyen de
ce diuertissement, il fit rendre l’Arrest du mois de Iuillet,
par lequel l’on ne parle que d’vn quartier pour ladite année
1648. qui est vn brigandage public, puisque cela c’est fait
au prejudice du Traicté de 1648. dont la Cour est suppliée
d’ordonner l’execution, & de la Declaration du mois d’Octobre,
qui ordonne fonds de deux quartiers.

Mais ce crime en a produit vn autre qui n’est pas moins
dangereux ; car par ce moyen Monnerot a non seulement
fait confirmer l’impositiõ qu’il auoit faite en vertu de l’Arrest
du Conseil de 1648. & conuerty à son profit les deux millions
six cens mil liures, qu’il a leuées en ladite Generalité : mais il
a encore fait vn Traicté secret auec le Conseil, tant pour la
Generalité de Moulins que d’Orleans, qui est si mysterieux,
& fait de telle sorte, qu’on a trouué moyen de payer
1648. des deniers de l’année 1649. à cause que Monnerot a
fait tourner à son vtilité particuliere, à la reserue de cinq
à six cens mil liures qu’il a portez à l’Espargne tout le fonds
de 1648. & partant il arriuera qu’il n’y aura point de
fonds pour l’année 1649.

Ce qu’il y a donc à faire pour arrester le cours de ce diuertissement,
est d’obtenir du Conseil deux Commissions
pour deux personnes que les Rentiers nommeront, addressantes
aux Thresoriers de France desdites Generalitez d’Orleans
& de Moulins, afin d’empescher que les deniers ne
soient diuertis, & particulierement en la Generalité d’Orleans,
où Monnerot, Bachelier, & Boulart sont Receueurs

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generaux, & qui ont receu cette grande imposition
de l’année 1648. sans auoir payé aucune chose, & qui pour
diuertir les deniers de l’année 1649. & les employer au
payement de l’année 1648. ont fait donner des commissions
aux nommez Cotermont & Cottelet, lesquelles doiuent
estre, s’il plaist à la Cour reuoquées.

 

Rentes generales.

La Cour sçait combien l’on a demeuré sans payer aucune
chose desdites rentes. Mais comme elles sont à present assignées
sur le mesme fonds des Tailles, les Rentiers ne s’y
estendront point du tout, les contrauentions & les desordres
cy-dessus obseruez, y deuans estre entierement appliquez.

Rentes d’Aydes sur les Entrées.

Le cinquiesme Article de la Declaration du mois d’Octobre,
porte qu’il sera payé desdites rentes deux quartiers par
chacun an. Et neantmoins il n’en n’a esté payé aucune chose
de la presente année 1649. l’on a fait sommer plusieurs
fois le nommé Boucot qui est commis pour le payement
desdites rentes, lequel a tousiours fait response qu’il n’auoit
aucun fonds, & que les Fermiers luy auoient declaré qu’il
n’y auoit point encore d’Estat qui en eust esté fait au Conseil,
qui est l’artifice ordinaire pour ne point payer, l’Estat
n’estant communiqué à present que sur la fin de l’année,
c’est à dire, dans le temps que tous les payemens deuroient
estre entierement faits.

Il est vray, que depuis quelques iours seulement, l’on a
fait voir aux Interessez vn pretendu Estat, dans lequel lesdites
rentes sont employées pour deux quartiers pour l’année
1649. à commencer du premier Auril, & finir au mesme
iour de l’année 1650. Mais outre que quand ledit Estat

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seroit executé, ce seroit encore trois mois de perdus & de
retranchez, c’est qu’on n’a encore, comme dit est, rien payé
de l’année 1649. bien que suiuant lesdits Estats, le quartier
deust estre commencé au mois d’Auril, depuis lequel temps
neuf mois entiers sont escoulez. Cependant l’on sçait que
les particuliers ont esté forcez de prendre cette nature de
rentes, & que la Ralliere qui en est le Fermier, & qui en doit
donner le fonds, en a esté le traittant.

 

Cinq Grosses Fermes.

L’on diuertit tous les iours par des assignations particulieres,
soit pour les Garnisons, soit pour les Officiers de la
Marine tout le fonds destiné pour le payement des rentes
des cinq grosses Fermes, & ainsi les Rentiers supplient la
Cour, que les deux quartiers qui leur ont seulement esté accordez
par la declaration ne leur soient point diminuez par
des moyens & des entreprises, dont on se pourroit encore
seruir pour toutes les autres rentes.

APRES toutes ces Contrauentions, ces retranchemens
ces reculemens de quartier, ce desordre épouuentable qui
se rencõtre dans toutes les rentes de l’Hostel de Ville, & qui
les va mettre dans vn aneantissement tout entier. Peut-on
se plaindre de ce que les Rentiers ont voulu pouruoir à leur
seureté, s’ils ont cherché les moyens de trouuer quelque
remede à leurs maux, & à leur misere. S’ils se sont enfin assemblez,
& s’ils ont nommé des Syndicqs qui peussent veiller
continuellement à la conseruation de leurs rentes, puisque
le Preuost des Marchands les abandonne, & qu’il change
mesme les deliberations de l’Hostel de Ville, quand elles
ne sont pas conformes à ses intentions. Comme il est
arriué aux affaires de Monnerot & de l’Empereur, lesquels
auoient esté condamnés, tout le Corps de Ville assemblé, le
7. Iuin dernier, de payer plusieurs sommes notables qu’ils
doiuẽt de reste de leurs Traitez de six cens quarante-quatre,

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quarante-cinq, quarante-six, & 647. Ce qui est demeure,
non seulement sans execution, mais parce qu’il auoit esté
aussi ordonné qu’ils satisferoient à leurs Traictez de six cens
quarante-huict, le Preuost des Marchands a fait changer
la deliberation, & fait mettre seulement qu’on deputerois
vers Messieurs du Conseil.

 

Ce n’est pas d’aujourd’huy que le Preuost des Marchands
en vse ainsi, les Conseillers de Ville ont vn procez contre
luy pendant en la Cour, pour vouloir s’attribuer toute
l’authorité, & mespriser tous leurs aduis & leurs deliberations.

Il faut donc qu’il y ait des Rentiers choisis & nommez par
les autres, qui arrestent le cours de tant de desordres & de
tant d’abus.

Mais comme les raisons pour deffendre le Syndicat, &
tout ce qui s’est passé pour confirmer vn establissement si
necessaire, sont tres-amplement deduites par le Factum,
depuis la page 30. iusques à la 35. l’on a creu qu’il seroit inutile
de charger encore le papier des mesmes deffenses, &
qu’on pourroit auoir recours au lieu où elles estoient pleinement
traitées.

L’on adjoustera seulement que s’il n’y eust point eu d’Assemblées,
ny de Syndicqs, l’on n’eust point augmenté les
sepmaines comme l’on a fait de vingt-quatre mil liures : Car
encore que l’Arrest de la Chambre des Vacations ne puisse
pas subsister, neantmoins iusques à ce qu’il eust esté renuersé,
l’on ne pouuoit demander que soixante & quatre mil liures.
Tellement que si l’on a donné volontairement cette
augmentation, c’est qu’on a pensé que les Syndicqs, & les
proprietaires des rentes abandonneroient leurs poursuittes,
& qu’ils ne feroient point connoistre au publicq les friponneries
& tous les artifices dont l’on se sert pour les accabler
de malheurs & de miseres.

La Cour peut mesme iuger par le present memoire, si
sans cette conduite, & l’ordre qui a esté tenu par lesdits Rentiers,
& par les Syndicqs qu’ils ont nommez, elle pouuoit

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estre comme elle est en si peu de temps instruite de toutes
les contrauentions aux Arrests & Reglemens, & des desseins
que l’on auoit preparés pour leur ruine.

 

Les Syndicqs ne se donnent pas à la verité tout l’honneur
de ces connoissances particulieres, mais comme ce sont personnes
agreables & sans interest, il est facile à tout le monde
de les approcher, & de leur expliquer tous les moyens que
l’on iuge necessaires pour l’vtilité publicque.

Au lieu que le Preuost des Marchands, & les Escheuins ne
sont iamais excitez par la consideration de leurs rentes. Car
s’ils n’en ont point, c’est vne affaire qui ne les touche point du
tout. S’ils en ont ils ont assez de complaisance pour ceux,
qui ont le fonds entre les mains pour estre payez par preference,
& tousiours des quatre quartiers.

D’ailleurs, leur dignité, quoy que toute populaire, est auiourd’huy
recherchée auec tant de soin dans la faueur & dãs
le credit, qu’ils ont peine à descendre de cette haute esleuation
iusques aux interests du peuple, & par ces considerations,
& plusieurs autres que le respect empesche de representer,
il se trouue que le Preuost des Marchands & les Escheuins
ne sont, & ne veulent iamais estre informez des
rentes de l’Hostel de Ville, & ainsi il est bien necessaire que
d’autres en puissent informer le public.

Mais ce qu’il y a d’estrange est, de ce que quelques-vns
mal intentionnez ont semblé condemner cét establissement,
bien qu’il ait esté fait plusieurs fois, y ayant eu douze
Scindics nommez en l’année 1643. dans vn temps
que l’on commençoit à estouffer les plaintes auec violence,
& que l’on dressoit des pieges à la Iustice.

Au reste, ce ne sont pas les exemples qui font les Loix,
c’est la raison seule qui en est l’ame & le principe. Cum euidens
est vtilitas, dit la Loy 2. de Constitutionibus principum a[1 lettre ill.]
Dig. res nouæ possunt constitui, & recedi potest ab eo Iure, quod
diù æquum visum est.

L’vtilité & la necessité des Syndicqs, peut-elle estre plus
grande qu’aujourd’huy, que l’on void toutes les rentes perduës

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& aneanties par la negligence du Preuost des Marchands,
& qui est dautant plus extraordinaire & plus perilleuse
que sa Magistrature a esté de longue durée, qui
est vn defaut dans la politique remarqué par Tacite, pour
les Gouuernemens & les emplois populaires. Car il est certain,
que les hommes taschent de couronner ordinairement
les premieres années de leurs Magistratures, ils gaignent
les peuples par leurs premiers emplois, au lieu que
dans la suite, ils abusent de l’authorité pour leur estre trop
familiere.

 

C’est pour cela que les Romains pour tenir tousiours leurs
Magistrats dans le deuoir, les obligeoient de paroistre en
public, & d’estre exposes au peuple pendant vn certain tẽps
lors qu’ils acheuoient la fonction de leurs Charges, & qu’ils
finissoient leurs emplois, afin de receuoir des Eloges & des
applaudissemens s’ils auoient bien seruy, ou de souffrir des
reproches, & de soustenir toutes sortes d’accusations, s’ils
auoient manqué à leur deuoir vt coram positi, dit la Nouelle
des Empereurs Theodoze & Valentinien,benè actæ rei fruantur
laudibus, aut certè si desidiæ, aut doli alicuius conscij docebuntur,
discessus celeritate se non substrahant.

Le Preuost des Marchands ne doit donc pas s’estonner si
les Rentiers ont accusé sa conduite & son administration. Si
les clameurs qu’il a entenduës depuis quelques iours, ne sont
pas celles auec lesquelles on a accoustumé d’accompagner
les triomphes. Le iugement du peuple est libre, c’est la
voix de Dieu, qui n’est iamais interessée, & qu’on ne sçauroit
estouffer. Neantmoins les Rentiers quelques sujets
qu’ils eussent de se plaindre, il y a desia sort long-temps,
auoient garde tousiours beaucoup de respect pour sa Magistrature :
Mais apres auoir tenté toutes sortes de moyens
inutilement, il ne faut pas trouuer estrange s’ils ont
cherche leur seureté dans la protection des Loix, & dans
leur propre conduite, qui est vne voye qui n’a esté condamnée
que par ceux qui ne veulent point qu’on penetre
dans leurs brigandages, & que l’on songe à la conseruation

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de son bien, & de sa fortune particuliere.

 

Mais auparauant que de finir, les Rentiers sont encore obligez
de representer à la Cour, que le Preuost des Marchands
& les Escheuins trauaillent encore tant qu’ils peuuent pour
attirer sur eux la haine publique ; car sous pretexte qu’ils ont
leurs assignations sur les Gabelles, sur les Aydes, & sur les autres
natures, ils authorisent toutes les impositions nouuelles
qui s’y font par leurs interuentions & leurs poursuittes.

Ce qu’ils ont encore fait depuis quelques iours en faueur
des Fermiers du Pied Fourché, lesquels veulent leuer vne
augmentation de quatre sols pour liure, & qui pour faciliter
cette nouueauté qui n’est point verifiée, ont esté solliciter le
Preuost des Marchands de s’y interesser, ce qu’il a fait.

Et neantmoins les Rentiers n’y pretendent aucune chose,
quoy que le Pied Fourché fasse partie des Aydes, les anciens
droicts qui leur sont allienez, ne sont que trop suffisans pour
les satisfaire, ils doiuent mesme estre payez par preference
à la partie de l’Espargne : & ils ne pretendent pas que l’on
puisse faire seruir la faueur de leur debte à l’oppression publique,
& principalement ayant comme ils ont dequoy se satisfaire
sur les droicts qui ont esté verifiez dans les Compagnies
Souueraines. Ils remercient donc le Preuost des Marchands
& les Escheuins de cette assistance & de ce secours :
il abandonne les veritables soins pour en prendre qui sont
condamnez par toutes sortes de Loix, & contraires au bien
public.

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Anonyme [1649], MEMOIRES ET PLAINTES Des Rentiers de l’Hostel de Ville de Paris, sur les contrauentions aux Arrests, Reglemens & Declaration du mois d’Octobre 1648. presentez à Nosseigneurs du Parlement. , français, latinRéférence RIM : M0_2447. Cote locale : A_4_1.