Anonyme [1650], MEMOIRES presentez à Nosseigneurs de Parlement, pour monstrer que les dix-huict Deputez nõmez pour la conseruation des Rentes de l’Hostel de Ville peuuent s’assembler quand ils le iugeront necessaire; pour se raporter les vns aux autres les desordres qu’ils auront remarquez dans chaque nature de Rente & pour en arrester le cours, & y chercher coniointement le remede. , françaisRéférence RIM : M0_2448. Cote locale : A_9_34.
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MEMOIRES PRESENTEZ A
Nosseigneurs de Parlement, pour monstrer que les
dix-huict Deputez nommez pour la conseruation des
Rentes de l’Hostel de Ville, peuuent s’assembler quand
ils le iugeront necessaire pour se rapporter les vns aux
autres les desordres qu’ils auront remarqués dans chaque
nature de Rente & pour en arrester le cours, & y
chercher conioinctement le remede.

LA facilité que l’on a trouuée à donner atteinte
à quelques articles de l’Arrest du vingt-neufuiesme
Decembre de l’année mil six cens quarante
neuf, a fait naistre la resistance que l’on
fait auiourd’huy à l’assemblée des dix huict
Deputez.

Les Deputez soustiennent que cette assemblée ne peut estre
empeschée, qu’elle a son fondement dans les propres termes
de l’Arrest, & que sans cela la condition des Rentiers seroit
beaucoup plus mal-heureuse qu’elle n’estoit auparauant.

Pour l’Arrest. L’esprit & la pensée de la Cour a tousiours
esté de faire agir conioinctement les dix huict Deputez quand
il s’agiroit de la conseruation des Rentes.

Dans l’article quatriesme, qui est le lieu où l’Arrest
commence à expliquer leurs fonctions l’on ne faict aucune distinction
entre eux, on n’en faict qu’vn seul & mesme corps,
on les ioint tous ensemble, n’ayant tous qu’vn mesme employ,
qu’vne mesme Loy, & que les mesmes reglemens à faire executer.

Dans le cinquiesme article la Cour les vnit aussi tous pour
taire leurs plaintes & leurs remonstrances ; il n’y a point de
diuision du tout.

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Dans le sixieme article qui explique en particulier qu’elle
doit estre leur conduite & leur pouuoir dans les adiudications
des fermes, dans les traittez, dans les procez intentés ou à intenter,
l’on n’en faict qu’vne seule, & mesme compagnie, on
ne dit point qu’il n’y en aura que trois qui feront les pousuittes,
La Cour parle en General des dix huict.

La Cour parle bien encore plus precisement dans l’article
septiesme, car elle dit que tous les Deputez indistinctement assisteront
aux Comptes concernans toutes natures de rentes, &
qu’ils feront toutes diligences & poursuittes necessaires pour la
conseruation du fonds de toutes les natures. Tellement que par
cét article, la Cour exprimãt toutes les natures des rentes & donnant
la direction, generale à tous les Deputez, cela fait veoir
que toute l’œconomie de l’Arrest ne va qu’a composer vn seul
& mesme corps des dix-huict Deputez pour les faire agit conioinctement,
& se rapporter les vns aux autres ce qu’ils iugeront
necessaire pour le bien commun des rentes, ce qui ne se sçauroit
faire sans l’assemblée des dix-huict.

Mais quand la Cour ne se seroit pas expliquée clairement
comme elle a faict, les Deputez soustiennent, sauf sa reuerence,
que l’Arrest deuroit estre interpreté en leur faueur.

Tous les establissemens ne se font iamais que pour l’vtilité
publique & le bien commun. Quand on a rencontré ce poinct,
on a trouué la fin de la loy & sa pensée : In ambigua voce legis ca
potius accipienda est significatio quœ vitio caret, prœsertim cum
etiam voluntas legis ex eo colligi possit,ce sont les termes de la
loy vingt neufuiesme au dig. de legibus.

Il faut donc voir si l’assemblée des dix huit Deputez pour se
raporter les vns aux autres tout ce qui est de leur employ, & de
leurs fonctions n’est pas absolüement necessaire pour l’execution
des Arrests & des Reglemens.

La Cour sçait que le Conseil & l’aduis de plusieurs personnes
assemblées pour vne mesme fin, est beaucoup plus
fort & plus solide que celuy de trois personnes. L’ignorance
des vns est releuée par l’intelligence des autres. Il y en a aussi
à qui la foiblesse ou la crainte dans les choses difficiles font abandonner
les bons desseins. Il faut donc qu’ils soient soustenus

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par vn nombre considerable, & non pas seulement par le
nombre de trois personnes, parmy lesquelles il se peut faire
qu’il n’y en aura pas vne, qui soit exempte des deffauts cy-dessus
representés.

 

La corruption d’ailleurs se glisse facilement parmy trois personnes,
il n’en faut gaigner que deux pour estre maistre des
trois, parce que tout se regle par le nombre des suffrages.

En troisiesme lieu, si les dix-huit ne pouuoient point s’assembler
& se raporter les vns aux autres tout ce qui sera necessaire
pour le bien general des rentes, l’on verroit agir tous les iours
les Deputez par des moyens tout à fait differens & contraires.

Les vns souffriroient par exemple la transposition des noms,
que l’on changeast l’ordre des payemens, que l’on distribuast
toutes sortes d’especes, & que l’on donnast atteinte à tous
les Reglemens. Les autres feroient executer ponctuellement,
les Arrests & Declarations du Roy. Ce qui causeroit
des desordres & des murmures dans le public, car les Rentiers
sur toutes les natures estant également fauorables, il se trouueroit
neantmoins qu’il y en auroit qui souffriroient toutes sortes
de desauantages dans le temps mesme que les autres Rentiers
receuroient la satisfaction toute entiere : si bien qu’il faut vn
concert & vnion des dix-huict Deputez qui se raportent les vns
aux autres dans vne assemblée reglée tout ce qu’vn chacun aura
remarqué dans la nature de rente, dont on luy aura donné
la direction particuliere.

Mais outre les reglemens generaux, dont l’execution ne
peut estre concertée qu’auec les dix-huict Deputez, il se presente
bien souuent d’autres affaires, où il faut qu’ils agissent conjoinctement,
& dans lesquelles ils ne peuuent estre partagez.

Il y a mesme presentement vne affaire de cette qualité qui
merite leurs soings en general. Quelques particuliers s’estoient
fait faire don des debetz demeurez entre les mains des payeurs
pour les rentes saisies, ou pour d’autres qui n’estoient point demandées.
M. Iean Busson a esté Commis pour faire ce recouurement,
lequel il continuë nonobstant la Declaration du mois
d’Octobre 1648. qui a reuoqué cette sorte de dons : tellement
que comme tout ces debetz dont il fait ce recouurement s’estendent

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sur toutes les natures des rentes, il est certain que la
conduite de cette affaire ne peut pas estre entreprise que par le
conseil & les aduis des dix-huict Deputez, autrement il arriueroit
que les vns destruiroient ce que les autres auroient commencé,
& il se feroit aussi vne infinité de poursuittes inutiles,
& dix procez pour vn.

 

La Cour voit dõc les inconueniens & les consequences perilleuses
que pourroit produire la diuision & le partage que les
Preuost des Marchands & Escheuins pretendent faire des dix-huict
Deputez, & comme ils viuroient tous dans la confusion
& le desordre, s’ils ne se communiquoient point les vns aux autres
toute leur conduite & la direction, qui leur a esté donnée
par la Cour.

D’Inconuenient, de leur accorder ce qu’ils demandent, il n’y
en a point du tout.

Premierement comme l’establissement a esté fait pour vne
bonne fin, & par la prudence de la Cour, ce seroit vn crime de
croire qu’il pût produire aucun mauuais euenement. Les effets
ont tousiours rapport à leur principe, ils ne s’en separent iamais.

La nomination des Deputez se fait par le choix & par l’eslite
des Habitans de Paris, de tous les ordres & de toutes les conditions.

Elle se fait dans l’Hostel de Ville en presence du Preuost des
Marchands & Escheuins, & de tous les Deputez de toutes les
compagnies Souueraines. Tellement qu’il n’y a point d’apparence
que les dix-huict personnes choisies auec tant de circonspection
ayent iamais d’autres pensées que le bien public & que
leur conduite ne soit tousiours bien reglée.

Enfin quand il seroit possible qu’vne si auguste & si celebre
assemblée que celle qui a esté arrestée pour la nomination des
dix huict Deputez, pust quelquefois se tromper dans le choix
des personnes, il n’y auroit non plus rien a craindre de leur
part.

La Cour a pourueu à tout, elle a renfermé tout leur employ
dans la direction des Rentes, qui est la seule affaire dont
ils se peuuent mesler.

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Ils ne sont aussi preposez que pour faire des plaintes & des
remonstrances. Ils n’ont point de iurisdiction. Et portant leur
conduite ne peut estre qu’innocente. On leur a donné les moyens
de faire du bien. De mal ils n’en sçauroient faire.

Enfin la condition des Rentiers seroit pire qu’elle n’a iamais
esté, si on empeschoit que les dix-huict Deputez ne se raportassent
les vns aux autres ce qui est necessaire pour la conseruation
des rentes. Car auparauant ils agissoient tous conioinctement
dans la deffence de leurs interests. Ils conferoient
en tel nombre qu’ils vouloient. Ils signoient les requestes en
nom collectif. Ils estoient mesmes receus parties. Il y en a encores
des procez pendans en la Cour. Il seroit donc bien estrange
qu’ayant fermé la bouche à vingt mille Rentiers, qui ne peuuent
plus auiourd’huy intenter d’action de leur chef, on renfermast
toute la conduite des rentes en la personne des trois
Deputez.

L’on fera peut estre vne obiection, sçauoir que par l’Arrest
du vingt-neuf Decembre dernier l’on a fait la distribution des
dix huict Deputez sur chacune nature de rente, & qu’ainsi la
Cour a entendu qu’ils ne pussent point s’vnir ensemble pour
conferer de toutes les natures & de tous les desordres qui s’y
pourront rencontrer.

Les Deputez respondent à ceste objection que pour estre distribués
sur chasque nature, ils ne sont pas pour cela exclus de
s’vnir & de conferer ensemble pour aduiser aux moyẽs de conseruer
toutes les rentes en general.

Dans toutes les societés l’on y distribuë les employs & les
fonctions. Chacun à son partage. Mais c’est seulement pour la
facilité des assaires, celà n’empesche pas que ce ne soit tousjours
la Societé qui agit dans toutes ces rencontres. Les particuliers
ne sont point les maistres absolus, ils n’ont qu’vne simple direction,
il faut qu’ils raportent au general toute leur conduite, &
que les resolutions se prennent par toute la Compagnie.
Autrement il se trouueroit que chasque particulier feroit la communauté
luy seul, & ce qui se fait pour le bien de la Societé en
seroit la ruine toute entiere.

Et de fait la Cour l’à ainsi entendu par son Arrest. Car apres

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auoir ordonné la distribution des dix huit sur chasque nature
de rente, sçauoir trois pour les Gabelles, trois pour le Clergé,
trois pour les Aydes, trois pour les Receptes generales & pour
les Tailles, trois pour les Rentes des entrées, & trois pour les
Rentes des cinq grosses Fermes. Dans les articles qui suyuent,
sçauoir le 4. le 5. le 6. & le 7. où l’on parle de la conseruation
des rentes en general, l’on parle tousiours des dix huit
conjointement, on ne les separe plus, pour monstrer que la distribution
qui auoit esté faicte des dix huit sur chasque nature
par le premier Article de l’Arrest, n’a esté que pour faciliter son
execution, & non pas pour empescher que les dix-huit ne conferent
tous ensemble, & qu’ils ne se raportent tout ce qu’ils
trouueront necessaire pour le bien commun.

 

Presupose que les dix huit Deputez se doiuent assembler &
conferer ensemble, ne faisant qu’vne seule & mesme Compagnie,
& n’agissant tous que pour vne mesme fin, ils supplient
la Cour de leur ordonner vn lieu pour celà, soit public ou particulier.

Mais en quelque lieu qu’ils s’assemblent, ils n’estiment pas
que le Preuost des Marchands & Escheuins y puissent assister.
Les termes des Arrests du vingt neuf-iesme Decembre & 9.
Fevrier dernier y resistent formellement.

Dans l’article cinqiesme du premier Arrest, il est dit, que les
Deputez pour les rentes, pourront faire leurs plaintes & leurs
remonstrances pardeuant le Preuost des Marchands, partant
il ne peut pas assister au lieu & dans l’assemblée ou ces remonstrances
doiuent estre resoluës. Il ne sçauroit pas estre Iuge &
partie.

Dans le second Arrest qui est du neufiesme Fevrier il est dit
qu’en interpretant le sixiesme article du premier Arrest que les
Deputez ne pourront intenter aucun procez qu’ils n’en ayent
donné aduis au Preuost des Marchands & Escheuins qui pourront
par préuention intenter leur action.

Si les Preuost des Marchands & Escheuins ont la preuention,
ils ne peuuent pas agir concurremment auec les Deputez & se
trouuer dans leur assemblée & dans leur conference.

Mais quand mesme les termes des Arrests ne seroient pas

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contraires comme ils sont à la pretention des Preuost des Marchands
& Escheuins, Il y a vne raison politique qui les doit tousjours
separer de la compagnie des Deputez.

 

Comme ils agiront tous dans vne mesme nature d’affaires,
chacun trauaillera pour reüssir auec plus de succez. Toutes les
compagnies ne s’entretiennent que par l’émulation & par vne
genereuse ialousie qui ne peur estre qu’vtile au public.

Enfin les Deputez supplient la Cour de considerer qu’ils n’agissent
point dans cette occasion pour leur interest particulier
leur employ ne sera pas de longue durée il doit finir dans quatre
mois.

Mais ils seroient bien faschez que le public leur ayant faict
l’honneur de les choisir pour ce nouuel establissement, on leur
fist ce reproche de n’auoir pas fait connoistre les moyens necessaires
pour le rendre vtile,

Les Deputez esperent donc que la Cour ne frustre point le
public de son attente : Cum euidens est vtilitas, res [1 lettre ill.]ouœ possunt
constitui, vs recedatur ab eo jurè quod diu œquum visum est.

L. 9. dig. de
constitut.
princip[illisible].

Ce nouuel establissement est vtile pour les Rentes de l’Hostel
de Ville. La Cour l’a ainsi reconnu, elle l’a ordonné par les
Arrests du 29. Decembré & 9. Février dernier. Et ainsi toutes
les raisons que pourroient alleguer les Preuost des Marchands
& Escheuins, ne doiuent point estre considerées. Leur interest
particulier doit ceder a l’interest public. Quand l’ancien ordre
est changé, tout ce qui se faisoit pour le faire executer, se destruit
& se ruine de soy-mesme.

Les Arrests mesme & Reglemens sur lesquels les Preuost
des Marchands & Escheuins fondent leur resistance & leur opposition,
n’ont iamais esté faits pour l’affaire dont il s’agist. La
Cour n’auoit garde de preuoir vn establissement qui ne s’est
faict que pour arrester les desordres qui ne sont arriuez que dãs
les derniers temps. Elle est libre dans cette occasion, il n’y a
point de Loy qui la puisse empescher de faire le biẽ que la France
luy demande aujourd’huy, en permettant aux dix-huit Deputez
de s’assembler, & de conferer de toutes les rentes en general.

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