Anonyme [1651], OBSERVATIONS SVR VN DISCOVRS VENV DE COLOGNE. , françaisRéférence RIM : M0_2573. Cote locale : B_7_23.
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OBSERVATIONS
SVR VN
DISCOVRS
VENV DE
COLOGNE.

A PARIS,

M. DC. LI.

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OBSERVATIONS SVR VN DISCOVRS
venu de Cologne.

CE seroit vn rare bon heur à Monsieur le
Prince apres tant d’illustres & glorieuses
actions qui ont porté si auãt les bornes de la France,
& encore plus loin, sa reputation apres les maux
& la prison qu’il a soufferte pendant treize mois, si
sa vertu trouuoit du repos & de la tranquillité, lors
que la faction du Mazarin se prepare à renuerser
la Monarchie Françoise pour le restablir ; & si cét
Heros ayant suiuy les traces, & surpassé les trauaux
d’Herculle par ceux qu’il a suby auec vne hardiesse
inuincible, & vne constance inébranlable n’esprouuoit
en toutes façons son sort, & ne ressentoit
iusques à l’extremité tous les traits de l’enuie,
& tout le venin de la calomnie.

Mais c’est vne iniure aussi insupportable à tous
les bons François, quelle est intollerable à sa fidelité
que les impostures qu’on debite impunement
contre sa cõduite la plus innocente soient couuertes
du nom du Roy & proposées aux Compagnies
Souueraines, & à tous les Corps de Paris auec tant
de faste & d’ostentation, comme si les soupçons &
les songes malicieux, ou plustost les resueries portées

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icy de Collogne deuoient passer pour des
conuictions manifestes, & des preuues concluantes.
Monsieur le Prince tire au moins cette aduantage
d’vn procedé si extraordinaire en sa forme &
en toutes ses circonstances qu’il n’y a personne de
bon sens qui n’ait iugé d’abord que ses défiances
estoient bien fondées & bien legitimes, & que
s’il s’est retiré à sainct Maur, si depuis son retour
en cette ville, où il s’est reduit dans les termes &
la modestie de simple particulier, il s’est abstenu
d’aller aussi souuẽt que son inclination, & le droit
qu’il a d’entrer au Conseil du Roy l’y inuitent,
apres auoir rendu les deuoirs à Leurs Majestés,
qu’elles exigeoient de luy que son Altesse Royalle
desira, & dont le Parlement le supplia s’il a eu depuis
apprehension de tomber dans les pieges de
cette dangereuse cabale qui a tramé contre sa vie,
& sa liberté tous les plus horribles attentats qu’on
puisse conceuoir, & qui esclatent à present si audacieusemẽt.
Ce ne sont point des pretextes d’vne
broüillerie premeditée, ny des vaines frayeurs ou
des chimeres inuentées pour d’errediter le gouuernement.
Puis que ces nuées que son Altesse
remarqua dans la froideur, & les glaces qui parurent
au Palais Royal pendant sa derniere visite ont
enfin creué & produit ce grand coup de tonnerre
que les partisans du Cardinal pretendent en vain
estre aussi funeste à la reputation de son Altesse

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pour deceuoir sa conduite que leurs desseins contre
sa personne sont cruels & inhumains, il est aisé
à connoistre par les parolles & le stille presque
semblable, & les mesmes reproches que contenoit
la lettre du Roy sur le sujet de son emprisonnement
l’ãnée derniere que c’est vn ouurage de la
mesme main, & que si cette declaration n’est pas
tombée sous vne si bonne plume pour estendre
les conceptions & les premiers traictez auec des
couleurs aussi spacieuses, elle porte tous les caracteres
d’vne mesme inuention, elle inspire vn
mesme venin & vn mesme esprit qui l’a dictée
quand on ne sçauroit pas le dernier voyage
d’Hondedey, qu’vn Mareschal de France a pris
la peine d’escorter à son retour ; on iugeroit facillement
de cét escrit riffu de calomnies grossieres
qu’il ne peut venir que du Cardinal, ny estre publié
& soustenu que par ces ames basses & interessées
qui se sacrifient tous les iours à ce Demon,
& qui pour gagner ses bonnes graces inmoleroient
volontiers auec leurs cœurs remplis d’ordures
& leurs consciences ambicieuses, tout ce qu’il
y a de plus pur sang François & pretendent cõmancer
en respandant celuy d’vn Prince qui a tant merité
de la Couronne pour assouuir la fureur de ce
Sicilien : & par se premier coup d’essay donner le
change pour sauuer le mariage de sa niece auec le
Duc de Merœeur dont tout le monde attendoit

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la punition proportionnée à la faute ; On a beau
pretexter ce discours d’vne declaration contre le
retour du Cardinal qui est promise, mais est differée
si elle n’est plustot entierement eludée par
vne accusation si extraordinaire, comme si le
transport que tous nos esprits ressentent quant la
piqueure de cette tarentule les trauaillent, nous
pouuoient tellement troubler que nous ne sentissions
pas les chaines dont on nous veut accabler,
s’en prenant à nostre liberateur par vne voye si
inusitée en France, qu’il paroit bien que ceux qui
ont sugeré ce conseil sont aussi ignorans des formes
qu’imprudencs & violans.

 

Quand nos Roys ont voulu faire le procès aux
Princes de leur sang, ils ont tousjours tenu les mesmes
procedures dont on poursuit les autres criminels,
estimant qu’ils ne doiuent pas moins de circonspection
pour ces Illustres coupables que leur
iustice en prescript pour tous leurs sujets vniformement,
où ils sont rapellez en leurs deuoir dans
vn temps prefix par des declarations scellées au
grand sceau comme par des actes comminatoires
ausquels s’ils ne satisfont pas, on porte des declarations
pures & simples au Parlement pour en
estre deliberé, & où souuent la precipitation du
conseil des Roys a trouué des obstacles inuincibles
en l’integrité des Iuges, ou quand les Roys
ont voulu proceder plus iuridiquement & plus

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conformement aux loix du Royaume, ils ont remis
les pieces iustificatiues des crimes imposez
aux Princes du sang entre les mains de leur Procureur
general, ont fait informer & introduire
regulierement vn procez criminels qu’il n’intentoient
iamais sans en auoir des preuues euidentes.

 

C’est ainsi que Charles septiéme entreprit de
faire le procez au Duc d’Alenson en representant
les originaux des lettres de ce Prince au Roy
d’Angleterre qu’il appelloit en Normandie pour
l’enuahir lesquels auoient esté remises au Roy
auec le baton creux où elles estoiẽt enfermées par
Letort Filleux son courier : Quand François premier
fist iuger le Connestable de Bourbon qui
estoit hors du Royaume pẽsiõnaire de Charles V.
qui commandoit ses armes contre la France, il
entra au Parlement, & fist proceder par toutes
les voyes ordinaires & jurisdicques, quand le
Cardinal de Loraine mesme fit par surprise arrester
Louis Prince de Condé aux Estats d’Orleans
dont il viola la franchise, il mit entre les mains
de ces Commissaires les pieces fabriquées pour
cette accusation, depuis condamnées en plain
Parlement comme calomnieuses, auec permission
à ce Prince de poursuiure les dénonciateurs ainsi
que Monsieur le Prince son petit fils espere,
qu’il luy sera permis par la mesme compagnie
pour vne injure plus manifeste ; & quand sous le

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regne du feu Roy vn Italien abusant de son credit
voulut enuoyer au Parlement vne declaration
contre feu Monsieur le Prince pour le faire
declarer criminel, quoy qu’il eust pris les armes,
le Parlement y aporta des obstacles qui marquent
la consideration qu’il fait de la qualité des
Princes, & lors qu’on entreprit Monsieur le
Comte de Soissons, bien qu’on eust porté les lettres
en original par lesquelles on pretendoit que
ce Prince infortuné auoit tenté la fidelité de
quelques Gouuerneurs de places frontieres pour
luy estre remises, ayant déja ioint les troupes
d’Espagne & le General Lamboy, il n’interuint
neantmoins aucuns iugemens.

 

Que voit-on de semblable en la matiere ou
en la forme pour condamner si outrageusement
Monsieur le Prince, le Sceau du Roy ne paroist
point & la voix du Chancelier qui est la bouche
de sa Maiesté, quand elle parle à ces Cours
Souueraines n’a point prononcé cét acte qui ne
conclud rien que des menaces aussi indignes de
la Iustice d’vn Roy quelles seroient peu sceantes
à vn homme d’honneur en collere, cét esprit
n’a pas mesme la forme d’vne lettre ordinaire
qui puisse estre inserée dans le registre, & pour
les faits qu’il contient tout le monde les a trouuez
friuols lors qu’ils furent inuentés l’année
derniere, & depuis ont esté retractez par vne declaration

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authentique veriffié si solemnellement
en faueur de Monsieur le Prince ; & les contradictions
en sont si visibles, & les suppositions si
absurdes, qu’il paroist par tout que l’Autheur a
manqué de sincerité, de connoissance, & de raison.

 

Qui n’eust creu voyant cét estrange appareil,
ces pompeux preparatifs d’vne scene tragique,
cette conuoquation inusitée de Ducs & Pairs de
toutes les compagnies & de l’Hostel de Ville,
auec la garde redoublée qu’on auoit pour le
moins intercepté quelque traicté à Monsieur le
Prince, & l’Espagne que sa conspiration estoit
indubitable par des lettres bien verifiées, on
pouuoit mesme iuger sans temerité qu’il falloit
desia que ce grand Prince eust esté veu à la teste
d’vne armée ennemie exerçant toutes les dernieres
hostilités sur la patrie, qu’il a tant de fois
conseruée & augmentée par sa valleur ; mais que
paroist-il dans toute cette grande machine. Vn
Fantosme rediculle des aduis sans Autheur &
sans fondement, mais qu’on espere de la Iustice
du Parlement qu’on fera bien tost expliquer,
il eust esté encore plus croyable & plus specieux
de dire que le Cardinal a eu ce soin d’aduertir
les Parisiens, ses bons amis de Collogne auant
que les Espagnols, auec lesquels il faut croire
pieusement qu’il n’entretient tant d’intrigues
que pour leur nuire, par ce qu’il est leur sujet &
qu’il reçoit de leurs bien-faits : ont gagné Monsieur

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le Prince qui leur enuoye tous les jours des
Couriers, que ces troupes les conduisent à Cambray
qui vont trouuer Fuensandaque & l’Archi-Duc ;
& que ses agens les ont reconnus & descouuerts.
Mais comme il est difficile à croire &
particullierement d’vn Prince qui a les hautes
qualités que chacun admire en son Altesse, soit
de connoissance naturelle ou acquises, soit de
vertu qu’il se porte legerement à ces dernieres resolutions
sans quelques raisons dauantage d’honneur,
de proffit, ou de necessité apparente ; il est
impossible de s’imaginer que Monsieur le Prince
qui n’a aucun sujet de s’appuyer des Estrangers
pour conseruer en France son rang & vne
puissance establie sur sa naissance, ses merites, ses
seruices à l’Estat, & sur l’amour & la recognoissance
des peuples qu’il sous-mette encores auec
tant de modestie à toutes les Loix, & la recherche
de sa vie & de ses actions à nostre grand
Senat que Monsieur le Prince conspire auec l’Archi-Duc,
cui bono, diroit Casseus est-ce point
pour destruire ses trophées & les monumens de
sa gloire en diminuant ses Frontieres du Royaume,
où laissant reprendre les Villes qu’il a forcées,
& dont les creatures du Cardinal sont en
possession, est-il croyable que toute sa grandeur
& tous ses interests consistant en l’exaltation de
cette Couronne & dans le bon ordre, & tranquilité
de l’Estat, il voulut consentir à voir arracher les

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fleurons de l’vne ou contribuer à l’alteration de
l’autre pour se faire le preiudice de perdre les conquestes
qui sont des tesmoins irreprochables de
sa fidelité & de sa valeur, & ruiner les grands domaines
qu’il possede dans le Royaume aux despens
de sa fortune & de son repos.

 

Si Monsieur le Prince n’auoit par ses heroïques
actions qui ont si fort racourcy les Estats
d’Espagne causé autant de jalousie & de haine à
cette nation que d’admiration, si le rang que la
naissance luy donne n’estoit plus aduantageux
que tous ceux qu’il pourroit aquerir dans les troubles,
si sa reputation n’estoit si hautement établie
qu’elle attire la veneration de toute l’Europe. Ou
s’il auoit comme ses ennemis eu besoin de viure
des pensions d’Espagne, s’il auoit fait ce trafic
indigne de la ruine des deux nations, & donné
sujet à cette guerre si longue qui les consume
par des intrigues semblables à celles qui ont rendu
le Roy d’Angleterre odieux à ses sujets, &
sont enfin cõduit sur l’echafault, & qui ont fait dépouiller
le Duc de Loraine de ses Estats, de l’exẽple
du passé, de l’vtilité presente, & de cette habitude
à mal faire & seditieuse qui ne se lasse point
de faire au preiudice du Roy & de son Estat, les
caballes que le feu Roy son Pere vouloit preuenir
par sa derniere declaration, on pouuoit coniecturer
si Monsieur le Prince auoit fait si long temps
ce mestier, & si la necessité l’y reduisoit qu’il le

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pratiqueroit encore, mais au contraire sa conduitte
iusques à present aussi franche que genereuse
n’a eu pour objet que la grandeur de l’Estat,
dont toute la sienne est dependante, s’il a traité
auec les ennemis, ce n’a esté que pour leur signer
des capitulations de tant de Villes qu’il a
conquise au Roy ; & si cette année deux de ses
amis ont esté enuoyez de la part de leurs Majestés
pour leur ouurir ou receuoir des propositions
d’vne paix generalle, il n’y à contribué que ses
soins tousiours ardens pour le bien de la France, &
sa parolle pour faire valloir celle du Roy que les
mauuais Ministres ont decredité parmy les estrangers
par leurs fourbes, comme ils ont ruyné parmy
ses subjets, & la creance qu’ils y deuroiẽt auoir
si elle estoit mieux obseruée.

 

L’effet de cette intelligence est dit on que les
Espagnols sont encore dans Stenay, d’où Monsieur
le Prince auoit promis les faire sortir, il est
constant & la raison naturelle nous l’enseigne que
personne n’est tenu à l’impossible, Monsieur le
Prince a promis de tirer les Espagnols d’vne Ville
où il ne les auoit pas fait entrer, mais son malheur
& sa prison, & où il y seroit plus aduantageux
qu’ils ne fussent pas pour estre entierement
le Maistre des hostes si puissans, obligeans par leur
sejour ceux qui gardent la Citadelle à des soings
plus assidus, & vne vigilance plus exacte, mais
son Altesse attendoit qu’on luy en donneroit les

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moyens, comme il en a tres-humblement supplié la
Reyne diuerses fois, mais sans effet, qu’on fortifiast
la garnison de sa citadelle de deux mil hommes, laquelle
n’estant composée que de deux cens hommes
au plus, ne sçauroient chasser cinq cens Espagnols, qui
sont dans la ville, il a fait instance sur la proposition
que l’Archiduc faisoit de les en tirer, pourueu que la
seule ville de Stenay obseruast la neutralité auec la frontiere
voisine, qui eust esté vne disposition pour la paix
generale, parce que les peuples adoucis par la trefue
reprenne difficilement les armes aprés vne cessation
d’hostilités. Cette tréue acceptée n’eust fait aucun tort
au progrés des armes du Roy, dont on ne sçauroit imputer
qu’iniustemẽt le retardement à Mr le Prince, puis
que personne n’ignore que les Generaux & principaux
Officiers des deux armées sont on l’entiere dépendance
du Cardinal Mazarin, qu’ils ne desaduouënt
point qu’ils boiuent à sa santé à genoux, & qui font
professiõ ouuerte, & publient d’estre à luy ouuertemẽt
& contre tous, & qui en ont fait recẽment vn serment
solemnel aussi iniurieux à la fidelité que les François
doiuent à leur Souuerain, qu’il est suspect à tous ceux
qui ne sont point dévoüez à la Cabale Mazarine.
Monsieur le Prince n’a-t’il pas suiet de ne point permettre
que les Troupes sur lesquelles il a quelque pouuoir
aillent joindre vn corps d’armée si puissant, qu’on
fait monter à trente mil hommes qui demeure immobile,
& sans action contre les ennemis depuis deux

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mois & demy qu’ils estoient entrez en la Flandre auant
que les troupes de Mr le Prince fussent sorties de leur
Quartier d’Hyuer ; & que la pluspart fussent leuées, & en
estat de marcher. Il y auroit plustost de l’appatence que
cette armée qui reçoit tous les iours les ordres du Card.
Mazarin agist par l’intelligence que ce Ministre entretient
auec le Roy d’Espagne son Souuerain, & qu’il la
reserue à d’autres executions, aprés auoit taillé en pieces
ou dissipé les troupes de S. A. qui ne pouuoit exposer
ses amis, qui ont fidelement seruy le Roy sous
les ordres en tant de rencontres, & qui sont à l’épreuue
de toutes les corruptions, à la discretion des creatures
du Cardinal. Son A. R. a trouué les défiances de
Mr. le Prince raisonnables, & declare assez authentiquement
que les ordres qu’elle a donnez pour faire
agir les armes du Roy contre les ennemis ne sont point
executez ; & il ne faut point d’autre iustification plus
claire que l’aueu public fait par cét écrit que l’armée du
Roy n’entreprend rien sur les ennemis pour obseruer
les troupes de Monsieur le Prince qu’elle attend de
pied ferme pour les défaire on ne sçauroit dissimuler la
negligence & conniuence auec laquelle cette armée
laisse renforcer & reconnoistre l’Archiduc, ne pouuant
point estre arrestée par la crainte de ce petit nombre
de bons François, qui n’estoient pas encore assemblez
durant les mois de May, Iuin, & Iuillet, la plus
belle saison à former des sieges ; mais cette nombreuse
& effroyable multitude de Mazarins qui menacent de

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loger cét Hyuer à discretion dans Paris, tremble au
seul nom de Condé tousiours victorieux, au lieu que si
elle eust marché soubs la conduite de cét Heros, elle
n’eust pas perdu si inutilement vne si belle campagne
dans le temps qu’ils disent que la separation d’vn petit
corps leur a commencé à donner de la ialousie, il auroit
desia gagné quelque bataille, ou pris quelque ville
importante, sans attendre, comme on fait les caprices
ou les interests d’vn Sicilien, qui vjuant dans l’estat
d’vn Prince allié & dependant de la Maison d’Austriche,
ne donne que des conseils conformes à leurs desseins,
il ne cesse d’inspirer de là où il est des terribles
executions, & des terribles attentats contre les François
qu’il haït tous, ou pour l’auoir persecuté, ou pour
l’auoir abandonné, comme il se plaint de ses meilleurs
amis, qui par vne seruile & abominable lâcheté pour
regagner les bonnes graces de ce desesperé, exposent
leur propre patrie à sa vengeance. C’est de là, comme
les dents de ce serpent dans la fable firent naistre des
gens armez qui s’entretüoient : Il fait paroistre iusques
dans le Palais des gladiateurs armez pour égorger
ces gens de bien. C’est de là qu’il ordonne aux
meilleurs hommes qu’il aye des Gardes Suisses & Françoises,
des Gens-d’armes & Cheuaux legers, d’assieger
le Temple de la Iustice, & y assassiner Mr le Prince, &
intimider les Iuges par le spectacle d’vne boucherie
semblable à la S. Barthelemy ; les trois cens bayonnettes
acheptées ont esté desia veuës en l’air, & il n’y a

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point d’homme d’honneur qui n’en doiue craindre le
coup aprés des menaces si declarées.

 

Il ne faut point d’autre raison ny éclaircissement
de l’innocence des Regiments de Mr le Prince que la
declaration qu’on fait du dessein de les ruiner & dissiper,
qui occupe toutes les forces de France, la nature
nous oblige à éuiter nostre ruyne, Mr le Prince en est
aduerty, le Mazarin n’a pû le dissimuler.

Cét homme pitoyable qui a donné auant partir la
Champagne en proye aux troupes de Rozes, & toute
la France, aux Gens de guerre, leur ordonnant de leuer
les Tailles à main armée, ne peut passer soubs silence
les desordres commis par le Regiment de S. A. sur
cette frontiere ; luy qui a veu d’vn œil sec, qui a commandé
par toutes les desolations, qui a donné la licence
d’adioûter au pillage & aux violemens les sacrileges
& l’incendie qui a fait faire le dernier effort à l’authorité
du Roy, & a exposé mesme sa personne sacrée pour
exercer plus insolemment vn carnage vniuersel dans
toutes les prouinces : il plaint à present la Champagne,
& les contributions qu’Esteuan de Gamare en tire,
ayant conserué le poste de Dun, repasse la Meuze, &
rauitaille Mouzon. C’est, dit-il, Mr le Prince qui
en est la cause. Quoy, trente mil hommes qui sont
sur cette frontiere, auant que les ennemis se soient
reconnus, n’ont pû s’y opposer, ou ne l’ont pas voulu ;
Mr le Prince pouuoit il seul l’empêcher au temps qu’on
l’eloignoit des Conseils du Roy qu’on meditoit contre

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luy les derniers attentats, qu’il estoit contraint d’implorer
l’assistance des Parlemens pour mettre sa vie
en seureté & à l’abry de cette rude persecution qui ne
cesse point. Veritablement quand le Cardinal confera
parmy les Allemans que l’on debite ces suppositions
à Paris serieusement, qu’on les fait prononcer en
presence du Roy, ils estimeront ce Charlatan bienheureux
qu’il y ait des personnes assez dupes, & assez credules
en France, pour prester la foy à ces grossieres impostures :
Il pouuoit, diront-ils, sans doute imputer
auec autant de raison à Mr le Prince la perte de la Catalogne,
qu’vn de ses amis defend pourtant si genereusement,
& auec si peu de secours ; il falloit dire que par
l’intelligence de Mr le Prince D. Iuan d’Austria attaque
Barcelone auec seize mil homes, & que les vaisseaux du
Roy employez iusques à present à pirater pour l’infame
profit du Card. sont hors d’estat de se mettre en
mer, & porter les munitions necessaires à cette Prouince
que le Card. promet depuis si long-temps déliurer,
comme il a fait Naples aux Espagnols, afin de
prendre sur l’exemple de ses peuples malheureux, de la
confiance desquels on abuse, & sur les supplices que les
Espagnols leur preparent, les leçons des executions
qu’on medite de faire à Paris, & autres villes du
Royaume, sur tous les François qui n’ont pû souffrir
ny adherer à la tyrannie de cét Etranger ; il falloit même
attribuer la peste & la sterilité, & tous les fleaux
de Dieu que les pechez publics attirent sur nos testes,

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il en falloit charger S. A. auec autant d’apparence, que
de dire que sa conduite donne lieu aux entreprises des
ennemis qu’elle leur donne des asseurances des mouuemens
dans le Royaume. On ne doute pas que les
Espagnols ne prennent ces asseurances ; mais ce n’est
pas de S. A. qui a trop de part à la conseruation de la
France, l’authorité que le Card. y conserue est trop
manifeste, pour qu’ils ne puissent pas perdre cette confiance
sur les trames & pratiques qui fomentent nos
diuisions. C’est pour quoy ce perfide Estranger qui ne
se contente pas d’auoir épuisé nos Finances, deserté nos
Campagnes, assiegé & ruiné nos Villes, & mis tout
le Royaume en confusion, enuie si fort à Mr le Prince
le commandement de quelques trouppes du Roy,
n’adherent pas à ses desseins, & à sa faction. Et parce
qu’il n’a pû les faire tomber dans les pieges où il attendoit,
il veut les perdre d’vne autre maniere plus cruelle,
les faisant passer pour coupables, & preceder l’iniuste
traitement dont ils sont tous les iours menacez
par la supposition d’vne rebellion aux ordres du Roy,
& de Monseigneur le Duc d’Orleans, qui ne leur ont
point esté presentez, & que son A. R. desaduouë. Il faut
que les amis & les seruiteurs de Mr le Prince perissent,
& qu’il voye immoler ces braues gens à la fureur du
Card. Maz. qui n’expose cependant pas vne de ses creatures
durant cette campagne, & conserue leurs forces
pour les occuper encores cét Hyuer contre Paris, afin
qu’il ne reste pas vn defenseur aux Peuples, qu’il veut

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non seulement opprimer pour s’enrichir, & éleuer les
siens, mais encore venger inhumainement le iuste
traitement qu’il s’est procuré luy mesme par ses trahisons,
& qu’il a avãcé par sa fuite nocturne & precipitée.

 

Mais déployez toutes vos fourbes, Siciliens insolents ?
Et vous, ses desesperez complices & fauteurs de
sa tyrannie, Poussez aussi auant que vostre seruile passion
vous l’inspire, cette rage qui vous transporte ? elle
ne sçauroit vaincre la resistance vniuerselle ? Vos artifices
sont reconnus, vos malices trop frequentes ont
perdu leur credit : On n’ignore pas que vous estes tres-sçauants
en l’art infernal des suppositions, & des mensonges,
mais on est preparé à s’en defendre ; toutes vos
menaces ne seruent qu’à reünir tous les bons Frãçois
à y resister. Ce dernier coup de fureur pour faire reuenir
vostre maistre, en attaquant le protecteur de nostre
liberté, qui s’y oppose inuinciblement, ne reüssira
pas mieux que les actes precedens de la tragedie que ce
maistre Pantaloniouë depuis dix ans à nos dépens. La
pureté & la blancheur des Lys, dont Mr le Prince participe
par sa naissance & sa fidelité, ne peut estre ternie
par vos Souffle-malins : Et toute cette pompe de Theatre,
cette Scene fulminante que vous auiez disposée au
Palais Royal, où vous abusez de la facilité des Personnes
Royales, retõbera auec confusion sur vostre teste ?
Ne pretendez plus en chanter les peuples de cette fausse
exclusion du Mazarin. Le regret que vous en auez paroist
au commencement de vostre Discours, par vne

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protestation expresse de vostre extrême déplaisir, qui
dément la solemnité de cette Declaration, si souuent
prosnée, & qui n’est pas pourtant expediée. Quelle
seureté voulez vous qu’on y prenne, puis qu’on voit
depuis si long-temps toutes les promesses, tant publiques
que particulieres, violées, sans distinction & sans
pudeur ? N’en est-ce pas vne preuue formelle dans la
Préface de cét écrit, quand vous confirmez la défiance
que Mr le Prince a de retomber en vos mains, l’aduertissant
que sa liberté est deuë aux prieres de S. A. R. &
aux instances du Parlement ; & que toutes les restitutions
de ses Gouuernements & Places que vous comptez
pour autant de bien-faits, ont esté accordées plûtost
par importunité, que par Iustice, & plustost par
crainte que par amitié. Nous auons veu pourtant il y a
quatre mois vne Declaration en bonne forme toute
contraire en faueur de S. A. par laquelle son innocence
est representée, qui contient vn desadueu solemnel de
toutes les impostures que vous repetez, ce qui conuainc
le peu de fondement qu’on auoit pris pour l’emprisonner,
& dépoüiller des biens que feu Mr son Pere luy a
laissez, & des Places que le feu Roy luy auoit confiées.
Les seruices que Mr le Prince a rendus à l’Estat
depuis la Minorité, ont pour le moins merité de les
conseruer, s’ils n’ont peu obtenir la concession de la
charge & des gouuernemens que la mort de Mr le Duc
de Brezé, son beau-pere, tué dans le seruice, luy faisoit
iustement esperer au même temps qu’il prenoit Dun-Kerque.

 

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Ces aduantages que Mr le Prince tire de sa naissance,
ou de la succession de Mr son pere, ne luy deuroient
pas estre si souuent obiectée par ceux qui n’y
ont rien contribué, & à qui S. A. n’en a aucune obligation ;
au lieu que le Cardinal luy est redeuable de
la vie qu’il possede, & qui, s’il eût esté capable de se seruir
de ses bontez, il auroit encore garenti l’hõneur qu’il
a perdu. Les Reproches de cét Ingrat sont autant de
loüanges pour S. A. quand il parle des recõpences qu’il
pense luy auoir dõnées ; Il confesse qu’elle les a meritées
au dernier poinct. Ce Ministre vsant de telles sortes des
graces du Roy, dont il est encores le distributeur, qu’il
ne les accorde que lors qu’il ne les peut refuser aux personnes
de merite, cõme il les prostituë à ses ennemis, &
à des fripons, auec infamie. Mais quand il accuse Mr le
Prince de semer des bruits dans Paris contre les Conseils
du Roy, c’est à dire, de ceux qu’il enuoye du lieu de
son exil, & que S. A. en donne de mauuaises impressiõs,
parce qu’elle se plaint hautement dans le Parlement de
la continuatiõ de cette intelligence euidente, qu’on ne
cache plus, dõt les Courriers sont tous les iours surpris,
auec les dépêches adressées à des personnes dont cét indiscret
ménage mal la confidence. Qui est l’aueugle ? le
sourd ? & l’étranger ? qui n’entend parler depuis si longtemps
contre la conduite du Card. & ses pernicieux cõseils ;
le Palais, les Halles, toutes les ruës, les grands, les
petits, en vn mot toute la France, s’en plaint & en gemit.
S. A. s’est opposée, autant qu’elle a pû, au commencement

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à ces iustes declamations, dont il a voulu
moderer l’excez, & a encouru luy-même l’indignation
des tribuns du peuple, quand il a voulu couurir & dissimuler
pour l’honneur du gouuernement l’impertinence
du Ministre, à qui on le confioit ; il y a voulu apporter
le remede, en ostant le suiet & le pretexte, qui
estoit la personne de ce Faquin ; il en a souffert treize
mois de prison, pour auoir voulu rectifier ses conseils.
Faut-il à present luy imputer vn mal que le Card. s’est
attiré luy-même ? le rendre coupable des plaintes, dont
si c’est vn crime, toute la France est complice ? Que cét
Italien s’en prenne plustost à sa malice, à sa sottise, &
à son extrauagance, qui desespere tout le monde, &
qu’on ne peut ny souffrir sans lâcheté, ny taire sans
perfidie & preuarication.

 

Qu’on iuge des reproches qu’on fait des mauuaises
impressions & sentimens sur les conseils du Roy en faueur
de qui parle cét écrit, qui aura assez de foiblesse de
croire qu’on ait plus de sincerité pour tenir la derniere
Declaration contre le Cardinal que les precedentes.
A-t’on neantmoins veu cesser ce cõmerce, aussi infame
que public, auec Cologne, les Berthets, les Brachets, les
Fouchets, les Sirons, & recemment encore Metayer, &
le Duc de Mercœur luy-mesme, ont-ils intermis cette
exacte correspondance ? Les benefices vacquans, sont-ils
donnez auant qu’on ait reçeu sa responce ? Le ministere
mesme, & les places dans le Conseil du Roy les
plus importantes, ne dependent-elles pas encores de

-- 23 --

son élection ? Le mariage de sa niepce ne s’est-il pas fait
au préjudice des Defences & Arrests, quelque antidate
qu’on allegue à present ? Ne publie-t’il pas desia hautement
que le Roy reuoquera dans sa Majorité toutes les
condamnatiõs prononcées contre luy, cõme des effets
de la force & de la violence ? c’est à dire, des iustes supplications
des Magistrats & des Peuples. Ne mettent-ils
pas en auãt desia l’authorité de Mr le Duc d’Orleans,
la garde de Paris, la fermeté du Parlement, & le zele des
Parisiens. Enfin tout ce qui s’est passé cette année, quelque
respectueux qu’ait esté le procedé, il sera censuré
comme entreprise, & cassé comme attentat. Le grand
Ministre sorti de nuit reuiẽdra en plain iour auec trente
mil voleurs sous le manteau du Roy qu’il tient obsedé
par ses esclaues, pour saccager tous les Parisiens, &
dompter, comme il dit, les François auec plus de rage
qu’il n’a iamais euë, puis qu’il armera à son insensibilité
ordinaire de la vengeãce des iniures receuës, qui sont à
present accreuës des dernieres marques d’infamie, &
de proscription.

 

Pendant qu’on prepare cette entrée, aussi honteuse
qu’elle doit estre tragique & sanglante, que ses Sectateurs,
& sa Cabale, témoignent d’autant plus auancée,
qu’ils la nient & déguisent grossieremẽt, trouuera-t’on
étrange que Mr le Prince ait retiré du peril où les interests
du peuple l’ont ietté, Mesdames sa femme, & sa
sœur, en vne Maison que Henry IV. permist à Mr de
Sully de fortifier, & que le feu Roy ne trouua pas mauuais

-- 24 --

que feu Mr le Prince acheuât de mettre en l’état où
elle est. Vn Château au milieu du Royaume, qui ne
tient aucun passage de riuiere, ny de montagne, doit-il
donner de l’ombrage de la fidelité de S. A. s’il sert de retraitte
à deux personnes qui luy sont si cheres, & si proches,
qui furent si cruellement persecutée l’année derniere
pendant la prison de cét Heros, sans respect de
leur qualité & de leur naissance ? que sans la charité
d’vne Ville genereuse, qui a merité par son zele pour le
sang Royal vne gloire immortelle tout ce qui reste de
ce beau Rejetton de Bourbon, eust esté contraint d’errer
vagabond chez les Estrangers, & à leur mercy, comme
Madame de Longueuille fut forcée de s’y refugier.

 

Qui peut se scandaliser que S. A. remonstre à tous les
Parlements qui se sont courageusemẽt interessez pour
sa liberté, les sujets de ses defiances pour préuenir les sinistres
interpretations qu’on pretendoit donner à sa
sortie de Paris. Les Arrests que ces illustres Compagnies
ont rendu, la deference qu’elles ont secondées par
leurs Remonstrances, fait voir que ses demandes n’étoient
point iniques, ny trop hardies, puis qu’il ne faut
que les expliquer aux Magistrats, aussi bien qu’aux
Peuples, pour les engager à s’y ioindre.

Les actiõs de Mr le Prince sont toutes hautes & publiques,
il n’a pas besoin de se seruir de machines soubsterraines
de ces Cabales noires & sourdes, & de ces rendez-vous
nocturnes, où l’on complote la diuision
de l’Estat, il n’a point besoin d’aduertir ses amis dans

-- 25 --

les Prouinces de se tenir prestes la foulle de Noblesse
qui se vient rendre prés de son Altesse de
toutes parts & qu’il renuoye dans leurs maisons
pour ne donner pas les dernieres alarmes à ceux
mesmes qui le poursuiuent si outrageusement.
Marque bien éuidẽte qu’il ne recherche pas cette
bonne volonté que la justice de sa cause exige de
tous les gens de bien. Mais où entend-on batre
la Quaisse ? Où voit on des gens armez, pour
composer ces leuées imaginaires ? Pendant
qu’on débauche des regimens tous entiers de
Roze & de Fleestin pour les mener vers Collogne
& les y engager au seruice du Cardinal pres
de sa personne.

 

Peut-on blasmer son Altesse dauoir muny les
Places qui luy sont confiées & qu’il a trouuées
touttes dégarnies quand on les luy a remises en
vn temps où l’on a tant de sujet de craindre les Inuasions
du dehors à cause des menées qui empeschent
la Paix Generalle, & des émotions que
le Cardinal Mazarin suscite au dedans par ses
Emissaires & la violence de ses conseils extrauagants ?
Qui a iamais ouy dire qu’il faille vn ordre
particulier au Gouuerneurs des places pour les
mettre en estat de deffence ?

Ne leur fait-on pas leur Procez s’ils y manquent,
y estant obligez par leur deuoir & par
leur serment ? Son Altesse seule sera coupable

-- 26 --

de s’en acquitter plus regulierement que les autres.
Mais c’est vne supposition calomnieuse
que pas vn des subjets du Roy soit contraint d’y
trauailler par force, & qu’on tire d’eux aucunes
couruées inuolontaires ainsi qu’on publie pour
le rendre odieux. Cette pratique si ordinaire à
tous les autres Gouuerneurs fait croire aux Autheurs
de cet Escrit, qu’il est impossible d’en
vser autrement. Monsieur le Prince qui hayt la
tyrannie parce qu’il en a souffert la dureté pendant
tréize mois, est instruit à vser de plus d’humanité,
Il regarde les moindres Villageois comme
François & sujets du Souuerain auquel il a
l’honneur d’appartenir : il employe son authorité
pour les conseruer non pas pour les vexer, il
ne se laisse pas aller aux exemples des Gouuerneurs
dont quelques vns traittent des Souuerains &
refusent mesmes souuent de rendre les preuues
essentielles, de l’obeissance deuë au Roy : mais
pourueu qu’ils rendent de temps en temps l’hommage
que desire Mazin, & qu’ils luy flechissent
le genouil, leurs attentats passent pour de bons
seruices qui meritent des recompences, & leurs
exactions ne sont que des fonctions ordinaires
& regulieres de leurs charges.

 

On ne se contente pas de chercher Monsieur
le Prince dans ses Gouuernemens ; & ses places,
où il n’est pas, & où quand ses Lieutenans auroient

-- 27 --

commis quelque faute, il n’en peut estre
responsable s’il n’en est auerty comme on deuroit
luy en marquer le détail. On blasme sa
conduite dans Paris, où elle est plus modeste &
plus innocente.

 

S’il sort pour se retirer à vne de ses Maisons à la
Campagne, on dit qu’il veut commencer la guerre
ciuille & pour pretexte de fausses alarmes,
s’il reuient à Paris suiuant les veux de tous
les bons François : on dit qu’il veult exciter des
seditions.

S’il va se promener & qu’il rencontre le Roy
par hazard, dont il ne pouuoit euiter ny ne deuoit
fuyr la presence n’estant point criminel,
on trouue qu’il est trop hardy, son train leur semble
trop esclatant, il offense mesme quand il se
met en estat de criminel & demande qu’on luy
fasse son Procez si on le trouue coupable : mais
s’il est inocent qu’on luy permette de viure en seureté
dans sa maison : on trouue de la temerité, s’il
reclame le secours des loix qui sont faites pour
le dernier du peuple & ne doiuent point destituer
de leur secours les enfans de la Maison.

Il s’est absenté depuis deux mois des Conseils,
& n’a esté qu’vne fois au Palais Royal : qu’elle
seureté, beau Declamateur, voulez-vous que Son
Altesse y trouue, pour sa personne menacée
par ses ennemis qui y sont les tous puissans ? On

-- 28 --

sçait bien que ce lieu deuroit estre vn Temple,
vn Sanctuaire & vn azile de l’innocence, & où la
Majesté du Prince present ne deuroit souffrir
aucune Image mesme de rigueur & attirer au
contraire la veneration par sa clemence dont la
rencontre mesme inopinée fait ressentir des salutaires
effects aux Criminels condamnez : mais
ce sainct lieu a esté si fort prophané & pollu
par le Cardinal & ses satellites qu’il faudroit
que Monsieur le Prince fust sans connoissance
apres vne si longue & si rude experience s’il
ne craignoit des poignards & des stiletes de ces
mesmes mains qui trampent dans le fiel, & le
poison leurs plumes sanguinaires pour deschirer
indignement sa reputation & attaquer par tant
d’endroits son hõneur plus cher mille fois que la
vie aux gens de bien cõme luy & sur lequel il n’y
a point de puissance qui aye droit bien qu’en ce
lieu là mesme, on tienne pour maxime fondamentalle
que sans connoissance de cause, nos
vies & nos biens sont indispensablement assuieties,
non seulement à la iuste disposition du
Roy : mais encore au caprice de leurs Ministres
qui ont licence de tout entreprendre, en vne
Cour que Henry le Grand appelloit auant
qu’estre Roy, la cage & la prison des Princes.

 

Si le bon accueil de la Reyne inuitoit Son
Altesse à y retourner, si elle eust respondu par

-- 29 --

vn bon visage aux sinceres demonstrations de
respect & de submission que son Altesse a tousiours
euë pour leurs Maiestés s’il pouuoit esperer
cette reunion & reconciliation parfaite que ses
seruices passez ont peu meriter & qu’il est tres-disposé
à continuer si on les agrée : Mais au contraire
il n’a trouué que des rebuts & des froideurs :
se peut-il presenter deuant le Roy auant
la iustification ? est-il obligé de se liurer à ceux qui
l’accusent si furieusement, & qui obsedent leurs
Maiestés ? Que doit-il attendre si apres des tésmoignages
les plus expres de tendresse & cordialité,
& des protestations de sa Majesté qu’elle le
regarderoit comme son troisiesme fils, le lendemain
le Cardinal détournant les bontez de sa
Maiesté par des fausses impressions & changeant
en vn moment ses affections en aigreurs, l’a fait
emprisonner & reserrer si estroittement ? que ne
doit-il pas presager non plus d’vn mauuais visage :
mais d’vn escrit si enuenimé, d’vne piece estudieé
depuis longtemps & qui en écrit autant sur
lettre de l’année derniere, que celle la excedoit
la verité & l’apparence ? n’a il pas suiet de connoistre
qu’on le veult traiter encore pis que n’a
fait Bar, puis qu’on le charge de crimes plus atroces,
si en vertu d’vn discours remply de bagatelles
& de soubçons iugez impertinens par
toutes les Compagnies Souueraines de France, &

-- 30 --

par la Declaration du Roy mesme il a esté neanmoins
enferme & traduit de prison en prisõ pour
rendre sa captiuité plus publique & montrer
ses fers à toute la France ? si lors d’vne reconciliation
recente auec le Cardinal qui auoit embrassé
vne heure durant ses genoux, & luy auoit
signé vn serment de fidelite, & les seruices dont
la memoire deuoit estre encore fraiche à la Reyne,
ne purẽt neantmoins empescher la resolution
de cet ingrat, qui contre les interests de sa fortune,
& pour plaire à ses propres ennemis reduisit
S. A. aux termes d’émouuoir la commiseration de
toute l’Europe ? que ne doit Monsieur le Prince
pas craindre, & legitimément soupçonner apres
s’estre declaré & auoir découuert auec tant de
tendresse pour le protecteur du peuple de Paris,
que cet Estranger hayt si mortellement ? apres
qu’il a esté le principal promoteur de l’exclusion
de ce Faquin, qu’il a fait diuulguer ses friponneries,
fait informer de ses brigandages, poursuiuy
ses pipperies ? apres qu’il a chassé ses creatures
apparemment les plus confidentes ; apres qu’il
a fait arrester ses Courriers, & qu’il a poussé aussi
genereusement que justement le chastiment du
honteux subornement de l’alliance indecente du
Duc de Mercœur, puis que la seule raison veritable
que le Cardinal sçait jamais alleguer de la detention
de Monsieur le Prince a esté la contradiction

-- 31 --

à ce mariage, sur lequel il fondoit l’establissement
de sa famille, A quelles extrémitez ne se
portera pas cette Eminence qui a esté poussée si
auant, puis qu’elle a payé si cherement les premiers
rebuts qu’elle ressentit : Cet escrit informe
estoit sans doute destiné pour estre publié
apres quelque coup aussi perfide, & le voyant
manqué pour ne pas perdre le plaisir de la publication
d’vne de ses productions, il l’a voulu
mettre au jour en bonne compagnie, & essayer
s’il ne reüssiroit pas comme la premiere fois :
Mais il ne tiennent plus le Lyon renfermé, le
peuple de Paris est desabuzé, & Monsieur le
Duc d’Orleans a aussi prudemment que courageusement
pris à cœur ses veritables interests en
soustenant ceux de son sang. Que Mazarin represente
à qui il voudra ses grands bien-faits,
dont l’enumeration est facille. S. A. n’ayant veu
la realité d’aucunes liberalitez si on luy fait justice
par vne restitution qu’on aduouë inuolontaire
& de mauuaise grace : Elle n’est pas pour
cela coupable d’auoit rentré en la possession de
son bien mal-gré ses ennemis. Il en a le gré
& le respect qu’il doit au Roy, sans s’estimer redeuable
aux Ministres qui n’ont pû l’empescher.

 

N’est-ce pas chose ridiculle de luy tenir en cõpte
l’échange du gouuernement de Bourgogne auec
ceuly de Guyenne, qui n’a este fait que par vne

-- 32 --

raison politique de la Reyne, à qui Mons. le Prince
a voulu complaire par la diminution de soixante
mil liures de reuenu, que celuy qu’il prend
vaut moins que celuy qu’il a laissé. La Reyne s’estoit
engagée par vn Traitté & vne Declaration
du Roy enuers les Bordelois de leur donner vn
autre Gouuerneur que Monsieur d’Espernon :
C’estoit vne condition pour laquelle on les auoit
fait renoncer à poursuiure jusques au bout la liberté
de S. A. La Reyne vouloit aussi recompenser
Monsieur d’Espernon, elle s’y estimoit obligée,
l’vne & l’autre des parties demandoit l’effet
de ses promesses : Mons. le Prince pour descharger
Sa Majesté de cette double obligation, s’est
despoüillé du Gouuernement, où est vne partie
de son bien, & où il a toutes ses meilleures places :
Quelle offence de s’estre offert à donner la paix à
la Guyenne ? Quelle gratification de se seruir de
sa bonne volonte ! Mais il y auroit eu de l’inconsideration
à Son A. de quiter, & vne injustice
d’exiger d’elle sans recompence ses places qui luy
tiennent lieu de Domaine, & ont esté tres-bien
payées, non seulement par ses seruices, mais encores
de la bource de feu Monsieur le Prince, qui
les auoit acquises de feu Monsieur de Bellegarde.

 

Ces sommes immenses & ces desinteressements
qu’on déguise sous quatre ou cinq sinonymes
affin de les faire passer pour exhorbitans
ne sont en effet que de mauuaises assignations

-- 33 --

& si reculées que Monsieur le Prince n’est pas
en estat de se faire payer des aduances qu’il auoit
faites, & des sommes notables qu’il presta au Roy
dans ses necessitez auant sa prison, ou qu’il luy
fut pris pour faire la guerre à Madame sa femme,
& à ses amis. Tant s’en faut que les payemens
qui ne sont pas encores receus de ses appointemens
& pensions ordinaires ait esté cause du diuertissement
des deniers destinez à l’entretien de
la Maison du Roy, que tout le monde a veu &
sceu les poursuites si vehementes que son Altesse
a faites pour auoir vn fond asseuré, & n’en
trouuant point pour la table du Roy, elle mesme
a fait long-temps toutes les aduances pour sa subsistance,
pendant que les plus clairs deniers de
l’Espargne ont esté enuoyez à Cologne, où l’on a
transporté iusques à trois millions cinq cens mille
liures, qui en coustent pour le moins autant
en remises, interests d’aduance, & pour le change.
Ce seroit pourtant estre criminel de dire
que c’est ce diuertissement de deniers qui cause
la necessité de l’Estat, le deffaut d’entretien de
la Maison Royale, & que tant de pauures Officiers
perdent leurs gages ; Ce peu qu’on donne
aux Enfans de la Maison sur des fonds esgarez,
& tres longs à venir fait la disette ; mais ce
qui va à Cologne est bien employé ; c’est le plus
pressant besoin de l’Estat ; c’est sa subsistance ;

-- 34 --

que les armées se dissipent ; que les Prouinces
frontieres se perdent, pourueu que l’Emin. trouue
tousjours dequoy piller & enrichir ses niepces,
& son petit Manzini, n’en murmurons plus,
la France est trop bien gouuernée ; Mais si tout
le monde se plaint, si le fond des rentes tarit, si
les Charges locales ne sont point acquitées, si
les gens de guerre se mutinent, si les Suisses
veulent quitter il faut s’en prendre à Monsieur
le Prince, il demande tout, il absorbe tout.
Et cependant il n’obtient rien & se trouue en
estat que cet impertinent Escriuain, est contraint
de remarquer, comme vn des plus violens soupçons
des mauuais desseins de son Altesse, qu’elle
ramasse de tous costez de grandes sommes,
Dieu permet que la calomnie se confond de la
sorte elle-mesme. Si Monsieur le Prince prend
de l’argent à constitution, s’il en cherche pour
soustenir sa despence ordinaire, ou liquider ses
affaires ; C’est plustost vne preuue concluante que
n’en ayant point au dela du necessaire, il n’est
ny en volonté, ny en puissance, d’exciter des
mouuemens & entreprendre la guerre Ciuile où
ses Ennemis voudroient bien le contraindre,
c’est où tendent tous leurs efforts ; mais sa vertu
& sa fidelité qui l’ont empesché iusques à icy
de tomber dans cet inconuenient : le soing de
ce grand Senat où il iustifiera sa conduitte ; l’amour

-- 35 --

des peuples ; & enfin l’esclaircissement
qu’il espere que leurs Majestez prendront de sa
conduite, en estant mieux informez, le deffendront,
& des occasions d’y estre forcé pour sa
legitime deffence, & des autres embusches
plus secrettes & malicieuses qu’on luy dresse ;
Tous les iours on pretend bien le porter malgré
luy à cette extremité, ou par l’espouuente
des trahisons, ou par la colere du Roy, pour
lequel il a plus de respect que tous ceux qui
luy imposent si insolemment ; c’est ce que ses
ennemis souhaittent, qu’il leur quitte la place &
la partie pour remettre leur Idole sur l’Autel,
& faire adorer le Mazarin dans la Cour. Ce
ne seroient plus des parfums qu’ils luy offriroient,
& qu’il est tres sçauant à se composer
luy-mesme ; mais des victimes du plus pur &
du plus precieux & plus innocent Sang de
France. Ce seroit lors qu’on publieroit ce conseil
nommé de Lziuel dont cet Oracle, comme
vn petit Dieu de la fable enuoye l’agréement ou
l’exclusion, & la bonne ou mauuaise fortune
à ses pauures esclaues impatiens de son retour
Ce seroit lors qu’on ne craindroit plus les changemens
qu’on reproche à Monsieur le Prince
d’auoir poursuiuy auec ardeur, mais que ceux
qui sçauent tant soit peu l’Histoire du Temps,
n’ignorent pas estre procedé du pur & absolu

-- 36 --

mouuement de la Reine qui ne pouuoit souffrir
des Ministres qui n’adherassent pas à tous
ses sentimens & qui auoient conspiré eux-mesme
à dupper le Cardinal de maniere qui ne luy
plaisoit pas. Vn de leurs amis a fait vne exacte
Relation de cette intrigue, dont il rend
Autheur Monsieur Seruient. Son Altesse qui a
depuis esté celuy qui a le plus insisté à l’exclusion
dudit sieur Seruient, a bien fait voir par
tout son procedé qu’elle n’auoit aucune participation
à ces mysteres de Cour, qu’on prend
bien garde de luy reueler ; Elle s’est tenuë seulement
attachée inseparablement à la personne
& aux interests de S. A. Royale.

 

Et si depuis elle a poursuiuy l’esloignement
de ces trois Ministres, ce n’a esté que pour seconder
les vœux des peuples & plus particulierement
pour ne laisser pas sans effet la proposition
que Son Altesse Royale auoit portée en
plein Parlement ; & pour sa seureté. La Reyne a
trouué cette exclusion des Conseils si juste & si
necessaire, que par son acquiescement & par le
Congé donné aux trois Ministres, elle a tesmoigné
suffisamment qu’on auoit raison de le
demander. Ce qu’on n’a fait que tres respectueusement
par des remonstrances & des voyes
ordinaires dont les Parlements ont accoustumé
d’interceder enuers leurs Majestez, lesquelles ont

-- 37 --

declaré du depuis assez hautement auoir eu
plus de sujet de le faire, que Monsieur le
Prince de le desirer. En effet, y a-t’il de l’apparence
pour luy complaire apparemment,
qu’on chassast des personnes confidens ? s’ils
eussent esté agreables, ou qu’on les eust voulu
faire estimer innocens, puis qu’on cherche
à present tous les moyens imaginables
pour faire passer son Altesse mesme pour coupable ;
l’on eust conserué des personnes qui
estoient habilles, & qu’ils tenoient si ouuertement
pour ennemis, si on eust eu le dessein de
luy en substituer d’autres, qu’on sçait luy estre
encores plus suspects. Il faut bien manquer
de couleur & de pretexte pour s’en seruir de
si materiels, & se reduire à descrier le gouuernement,
le taxant d’vne telle foiblesse & timidité ;
puis qu’enfin on confesse d’auoir abandonné
ce qui est de plus cher aux Souuerains,
qui est l’authorité & la reputation, pour accabler
sous les ruines du trosne, vn Prince
qui en a soustenu tous les interests auec autant
de soumission que de merueille contre
tous ses ennemis, & estrangers & domestiques.

 

Disons plustost auec verité & ingenuité
que tous les troubles qui agissent l’Estat, sont

-- 38 --

les derniers efforts de cette puissante caballe,
qui dispose si long-temps insolemment de la
France sous le nom & l’authorité du Cardinal
Mazarin. Ce sont les mesmes sansuës
qui ont succé le plus pur sang du peuple
qui l’ont accablé de maltostes, de tailles, de
taxes, d’imposts, de creations d’Offices extraordinaires,
& sous tant de noms aussi barbares,
que l’effet en estoit insupportable,
de vexations & de Brigandages, qui apres
auoir rauy tout l’or du Royaume pour l’enuoyer
en Italie, ou le dissiper dans la dorure
des planchers. & iusques au toict des
maisons, ont pretendu acheuer par le fer &
le feu, ce dont ils ont peu venir à bout par
leurs exactions intolerables, qui est d’exterminer
tout ce qu’il y a de libre & de genereux
dans le Royaume, pour apres destruire
& abolir entierement l’authorité Royale,
& esleuer ce premier Ministre, qui est le veritable
Autel contre Autel, sur le debris du
trosne & des tribunaux du Parlement, qui se
sont si vigoureusement opposez à ce Monstre
naissant aussi fier qu’insatiable, ont
commencé désja à compter la succession des
Cardinaux qui s’estoient erigez en grand Visirs ;
Comme on faisoit soubs le declin de la
premiere race, les Maires du Palais, à la honte

-- 39 --

de l’Estat, à l’oppression des subjets, &
la depression du Roy mesme que ces imperieurs,
vsurpateurs esperoient supplanter.

 

Le Cardinal s’en est allé en apparence,
mais ce n’est pas comme cét esprit immonde
qui s’enfuit dans les deserts & en des lieux
arides & inaccessibles. Il n’a pas perdu l’esprit
du retour quærens requiem, & non inueniens
dicit reuertar in domum ex qua exiui, & reliquit septem
Spiritus ne quiores se, Comme disoit bien à
propos le Pape, quand il apprist la fuite du
Mazarin. Ce mesme Demon tourmente encore
la France, apres auoir esbranlé tous
tous les membres & les organes de ce pauure
corps languissant ; apres auoir consommé
tout le sang & les esprits qui l’anime, &
espuisé toutes ses forces. Il laisse encore en
sortant vne fumée noire, il iette vne vapeur
infecte, dont il pretend fasciner les yeux, &
corrompre la pureté de leurs objets par les
sinistres impressions qu’il renouuelle tous les
jours dans les esprits de leurs Majestez contre
leurs plus proches & plus fideles, & plus habiles
Subjets, les Princes & les Compagnies Souueraines ;
la Noblesse & les bourgeois, & vniuersellement
contre tous ceux qui ne demandent
qu’vn peu de repos pour leur obeïssance ;
il se sert de fantosmes & errans dans les tenebres ;

-- 40 --

& s’imagine dans sa ruine enuelopper
tout l’Estat, ou dans sa confusion, s’il ne peut
faire regner sa tyrannie sous vn successeur de
sa profession ; il se figure desja que leur char
de triomphe passera sur les testes escrasées de
tous les Heros de la robe, & fouller la pourpre
des Magistrats aux pieds de leurs cheuaux,
s’il ne la prostituënt par des laches soûmissions
à cette pourpre Romaine qu’on veut
eriger en tiltre de Souueraineté, & l’esleuer au
dessus du diademe & du manteau Royal.

 

Sacrée Majesté, Ieune Monarque, qui allez
bien-tost prendre en vos mains le timon de
cét Empire ; souffrez que le zele de vos subjets
vous aduertisse du peril qui vous menasse par
ces dangereux Ministres, qui se pretendent insinuer
prés de Vous, sous cet habit éclattant
& cette brillante couleur, dont les
monstres sont souuent reuestus, & qui est le
symbole de la cruauté & de la colere ; Vous
allez prendre vn Sceptre en main qui vous
oblige à soustenir de l’autre vne main de Iustice
pour balancer son poids, & vous allez porter
vn manteau, où la blancheur de l’homme
& la couleur du Ciel doiuent faire esperer à
tous vos Subjets vne clemence celeste &
vne candeur qui ne peut estre soüillée d’aucune
tache interieure Vostre Ame Royalle,

-- 41 --

qui n’est capable que de hautes vertus, doit seulement
prendre garde aux crimes de ceux qui vous veulent
aprocher soubs le nom de Ministre, vous dõne non pas
des Fauoris que vous protestés ne pouuoir souffrir ;
mais des Maistres absolus : Vostre Majesté a peu desia
connoistre & fera sans doute reflection quand elle se
laissera entretenir de l’histoire de sa Minorité, & du regne
de ses predecesseurs, que c’est cette espece de Conseillers
qui ont failly à faire tomber le Sceptre des
mains de vos ayeuls, & que vos peuples ont tousiours
regardé ces personnes que leur profession esloignent
des affaires seculieres, & que leur serment attaché à vn
Prince estranger comme les Tirans de ses Souuerains,
que dans le Celibat ignorent toutes les tendresses legitimes
que les autres hommes prennent dans leur famille
pour le public, pour considerer ceux qu’il gouuernent
auec cét amour paternel ; & il semble que c’est
vne malediction que Dieu donne à ceux qui quittent
son seruice où ils sont déuouez pour vaquer à la politique
qui est la sciance du monde que plus que toutes
les nations, autant par exemple que par raison les ont
exclus de l’administration publique de l’Estat, si vostre
Maiesté n’esloigne ces serpens en pourprez, il est à
craindre que leur venin qui corompera vostre Cour ne
fasse souleuer le cœur à toutes vos Prouinces, que leurs
menaces ont desia mises en confusion, & cõme vostre
personne Auguste est l’vnique obiet de toutes nos adorations,
& nostre tendresse, ce qui vlcere le plus nos esprits,

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c’est qu’on aprehende que vostre Maiesté ne soit
assiegée de leurs satelistes, & reduites à soufrir l’effet de
la proposition insolente de receuoir iusques en vostre
chambre les gardes d’vn Ministre les armes hautes,
comme on les a fait porter sous d’aucunes liurées que
les vostres dans vostre Palais : Comparez, Sire, le gouuernement
odieux des Ministres passez auec ceux où
les Princes de vostre sang ont eu la part dans les conseils
que la naissance leur donne, & parce qu’ils sont
plus versez dans les affaires dont ils sont instruits des
le berseau, vous verrés qu’il a fallu soutenir auec des
rigueurs qui ont causé des massacres, des tumultes, des
reuoltes, des guerres ciuilles, & estrãger des baricades ;
enfin la ligue dans les derniers temps vne puissance
que ces Cardinaux ont taché de rendre indespendante
de la royalle, au lieu que quand toute la Maison de
France a esté bien vnie, cette belle armonie a inspiré
dans tout l’Estat vne paix & vne prosperité tranquille
qui a donné de l’enuie aux Estrangers, & a conserué
iusques à present : céte amour anraciné dans le
cœur des François pour toute la race Royalle, parce
qu’en effet ils sont interessez aux bons gouuernemens
de l’Estat, & au salut des peuples des hommages volontaires
desquels ils tirent plus d’aduantages dans la
paix que les Tirans n’en arrachent par force dans la
confusion & licence de la guerre, quelque ieune
que vous soyez ce iour qui vous fait Majeur vous rend
Pere de vos sujets, ils vous doiuent submission &

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vous leur deuez tendresse & cordiallité, ils vous doiuent
crainte & respecter : Mais vous leur deuez aussi
donner vne sincere confiance & leuer tous les ombrages
par vn veritable banissement de tous ceux qui
veullent par surprise vous porter dans leurs passions,
& qu’ils se seruent à present de quelque depit de la
Reyne pour vaincre ses aduersions & ses iustes ressentimens
afin de la perdre & supplanter elle mesme, ils
sont suspects à vos Princes, parce qu’ils les menacent,
qu’ils les calomnient, qu’ils augmentent, & iustifient
mesme leurs deffiance vous aigrissant par leurs declamations
enuenimées, ne souffrez plus qu’on prophane
vostre nom sacré pour couurir des noires inpostures
dont on a eu honte de soüiller vostre Image qui est dans
le Sceau ; les Peuples aussi bien que les Magistrats iugeront
des sentimens de Iustice & de bonté qu’ils esperent
de vostre Maiesté en cette occasion, pour la
seureté inuiolable de vos Princes leurs protecteurs, &
de la punition exemplaire de ces calomniateurs aussi
impudens qu’ingenieurs pour broüiller vostre Maison,
qu’il ne faut plus se iouër de la Maiesté du Souuerain
contre les Loix du Royaume, & la foy de vos declarations ;
Que vostre Trosne comme l’arche d’Allience
confond & renuerse par vn soudain suplice tous
ces impies temeraires qui se vantent & ingerent de
l’apuyer & soustenir sa sainteté qui le deffend d’elle-mesme,
& que par consequent vous n’estes accessibles
à aucune impression calomnieuses contre vos

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sujets qu’on vous voudroit tout rendre esgallement
odieux, peut estre pour vous faire hayr vous mesme ;
Enfin, Sire, d’vnique moyen pour retenir les Prouinces
effarouchées par tant de vexations & perfidies
dans le deuoir qu’on ne rend qu’à regret quand le
Souuerain partage son secret auec ses vallets : Enfin
l’art de regner aussi hautement que paisiblement est
de regner par vostre famille, par vostre sang, & de
fonder vostre autorité dans le cœur de vos sujets, où
elle doit prendre ses racines, pour que le Ciel verse
sur vostre Maiesté toutes les benedictions qui peuuent
rendre son regne florissant, & aussi aymable aux
François que redoutable à vos Ennemis.

 

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Anonyme [1651], OBSERVATIONS SVR VN DISCOVRS VENV DE COLOGNE. , françaisRéférence RIM : M0_2573. Cote locale : B_7_23.