Anonyme [1652], GALIMATIAS BVRLESQVE SVR LA VIE DV CARDINAL MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_1463. Cote locale : B_12_54.
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GALIMATIAS BVRLESQVE
sur la vie du Cardinal Mazarin.

 


IE chante par cette rimaille,
Chose qui n’est chose qui vaille,
Chose qui vaut moins qu’vn sifflet,
Moins qu’vn zeste, moins qu’vn niquet,
Ie chante, ou pleure pour mieux dire,
Car pour tous n’y a pas à rire,
Au moins (sans faire le moqueur)
En enragé-je de bon cœur ;
Et sans doute d’autres encores,
Mais n’vsons point de Metaphores,
Ie chante le retour forin,
Du double bougre Mazarin,
Ie chante le retour funeste
De Iules la maudite peste,
Le retour d’vn Diable incarné
Excrement d’enfer acharné,
Retour de pourpre Mazarine,
Retour qui vaudra bien matine,
Matine ay-je peur dont suiura
Vespres où l’on ne chantera,
Matine où ie crains que suruienne
Vespres à la Sicilienne,
Et qu’aux Vespres succederont
Complies où maints pleureront,
Si iamais l’aueugle fortune
Luy fauorise en sa rancune,
Helas on l’auoit bien predit !
Que ce Sicilien maudit,
Reuiendroit pour vuider sa C...
Et nous mettre encor en bredouïlle,
Qu’il reculoit pour mieux sauter,
Et tant mieux nous tarabuster,
Pour mieux prendre son aduantage,
Et pour mieux exercer sa rage.

 

 


A qui donc se faut-il fier ?
A qui se doit-on confier ?
Si les puissances souueraines
Nous rendent leurs promesses vaines,
Car c’est sans espoir de retour,
(Disoit l’hypocritique Cour,
Aux gens du Roy sur leur demande)
Qu’il faut que le Cardinal bande,
Et tous ses parens & amis,
Puis qu’on les croit nos ennemis.

 

 


O Dieu ! le pourra-t’on bien croire ?
Qu’on doiue vn jour voir dãs l’histoire,
Que la Reyne, non pas le Roy,
Fausse ainsi gayement sa foy,
Et que la Royale parole
Ne serue que d’vne bricolle,
Pour triompher également
Et du peuple, & du Parlement,
O miserable Politique !
Pire que Machiauelique,
Puis qu’elle viole aujourd’huy
Le plus sainct, & plus ferme appuy,
Non enuers le Turc infidele,
Elle seroit moins criminele,
Quoy qu’on sçache combien confus
Nous fusmes de Ladislaüs,
Lors que par le conseil d’Eugene,
Cet inuincible Capitaine,
Vit tous ses soldats enuahis,
Et tous ses beaux desseins trahis,
Non vers la secte Huguenote,
Cela passeroit en riote,
Car on ne doit tenir la foy,
Aux ennemis de nostre loy,
Suiuant le decret de Constance
Où le Pape donna dispense

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De violer le sauf conduit
Par les heretiques produit,
Mais dispense certes bien chere,
Et dont paya la folle enchere,
Le Pape, & tous ses adherans,
L’Empereur, & ses partisans,
Non dis-je enuers les heretiques,
Mais enuers les bons Catholiques,
Enuers ses fidelles sujets
Pleins de zele, & pleins de respects,
Qui se sont espuisez les veines
Voire pour des despenses vaines,
Et qui commençans à blesmir
N’ont fait que prier & gemir ;
Enuers nos Senateurs si sages,
Dont elle a receu tant de gages
De leur sincere affection,
Par cette resignation
Qu’ils luy firent de la Regence,
Sans reserue, & sans repugnance.

 

 


O Parlement à cette fois,
Il faut r’endosser le harnois,
Tes ennemis leuent le masque,
Reprends donc tout de bon le casque,
Ils en veulent à ton mortier,
Non pas d’aujourd’huy ny d’hier,
Ils en veulent à la justice,
Ils en detestent l’exercice,
Pource qu’elle veut refrener
Les Tyrans qui veulent regner,
Il faut fronder à toute outrance,
Fronder sans faire remonstrance,
Fronder, mais fronder en amy,
Mais fronder en Diable & demy,
Ne presente plus de requeste,
Gaston se va mettre à ta teste,
La Noblesse te tend la main,
Le peuple t’en donne moyen,
Les Prouinces toutes vnies
Te suiuront sans ceremonies,
Ainsi tous estans bien vnis
Leur ferez bien voir du pais,
N’vse plus de vaines prieres
Gaston va tailler des croupieres
A cet Italien faquin,
Comme Brutus fit à Tarquin,
Tu sçais qu’il est à tous notoire
Ainsi que nous l’apprend l’histoire,
Comme ce Tyran inhumain
Mal-traittoit le Senat Romain,
Et comme estant deuant Ardée
Auec vne puissante armée,
Les Bourgeois Romains sous Brutus
Firent Monsieur Tarquin Victus,
Prends que Paris soit cette Rome
Gaston soit Brutus ce grand homme
Toy, la justice de l’Estat,
Ce venerable & grand Senat,
L’infame Tyran de Mazare,
Ce Tarquin superbe & barbare,
Et puis que tu n’as moins de cœur
N’en reuiendras-tu pas vainqueur ?
Trouuerois-tu point vn Sceuole,
Pour faire faire capriole,
A cet iniuste Porsenna ?
Sans doute que Themis en a ;
Si cet Hetrusque redoutable,
Eust vn horreur espouuantable,
De telle coniuration,
Iuge vn peu quelle esmotion
Prendroit à ce traistre, à ce lasche,
A cet infame, à ce bardache ;
S’il sçauoit qu’on eust resolu
Sa mort d’vn Decret absolu,
Fronde donc en toute asseurance,
Tant que Iules soit hors de France ;
N’attend point de t’accommoder,
Il ne faut plus superceder,
Tous accords sont incompatibles
Auec ce temps, & trop nuisibles,
Car auec qui faire vn accord ?
Auec gens qui rompront d’abord ?
Auec gens possedez de rage ?
Qui ne cherchent qu’à faire outrage !

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Qui promettont, mais sans tenir,
Seulement pour circonuenir,
Non non, il faut pousser l’affaire
Faut les enuoyer faire faire,
Tant en fin que Dame Themis,
Ait à ses pieds Iules soumis,
Tant qu’ait le cu sur la sellette
Ce bougre de porte malette,
Pour ouyr la derniere fois
Sa tres-juste & tonante voix,
Iusqu’à ce dis-je que la Reine,
Puisse auoir lumiere ample & pleine
Des desseins de ce factieux
Et traistre si pernicieux.

 

 


On dit, mais la pensée est noire,
Et personne ne le peut croire,
Au moins si ce sont gens de bien,
Qu’elle ne le void que trop bien,
Mais d’vne veuë criminelle,
A la plus simple Damoiselle,
Que c’est pour son esloignement,
Qu’elle en veut tant au Parlement,
Que si elle ne l’a pour s’esbattre
Elle fera le Diable à quatre,
Qu’elle mettra le feu par tout,
A moins qu’elle en voye le bout,
Renuersera, Ciel, Mer & Terre,
Fera perpetuelle guerre,
Ciel & terre renuersera,
Pâtisse qui mets n’en pourra,
Que les femmes soient violées,
Toutes les Eglises pillées,
Les sujets du Roy saccagez
Par des estrangers enragez,
Qu’on ne fasse que sang espandre,
Que l’on reduise tout en cendre,
Et par le fer, & par le feu,
Qu’elle ne perd rien à ce jeu.

 

 


Voila comment le long des ruës
Chacun en conte des plus cruës,
Et sans respect de sa grandeur,
Disent tout ce qu’ils ont au cœur,
Disent à la premiere mouche,
Tout ce qui leur vient à la bouche ;
Sur tout merite chastiment,
Ce qu’ils comptoient dernierement,
Que lors que Vierges esplorées,
Qu’Allemands auoient defflorées
Se ietterent à ses genoux,
Sans s’esmouuoir, que voulez-vous ?
Dit-elle aux pauures jeunes filles,
Vrayment vous estes bien gentilles,
De m’importuner de ce rapt
Vrayment ç’àmon, ô le gros rat !
Comme si c’estoit chose infame,
Qu’vn homme baisast vne femme,
Sont-elle pas faite pour eux ?
Ce seroient des gens maupiteux,
D’auoir fait si belle rencontre,
Sans vous auoir fait faire montre.

 

 


Voila du moins, à ce qu’on dit,
La response que Reyne fit,
Response certes tres-gaillarde,
Mais populace babillarde,
En dit bien d’autres en raillant,
Dont elle ne prend point d’argent,
Tesmoin soit ce que la marmaille,
C’estoiẽt vendeurs d’huistre à l’escaille,
Disoit vn de ces jours tout haut,
La comparant à Brune-haut,
Qu’elle estoit comme elle pieuse,
Prou deuote & religieuse,
Sur tout vers sainct Aliuergo,
Dont ils se rioient à gogo,
Et qu’elle pourroit bien tant faire
Qu’on luy bailleroit son affaire,
Que nostre petit Roy Louis,
Comme vn autre ayeul de Clouis,
(C’est Clothaire qu’ils veulent dire)
Pourroit bien vn matin maudire
Ses honteuses inuentions,
Pour assouuir ses passions,
Et la dompter par vn supplice,
Digne de sa haute malice,

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Qu’elle deuroit se souuenir,
Qu’en fin cela peut aduenir
Et que Brunehaut fut traisnée
Pour vne semblable menée,
Qu’vne espouse du grand Henry
Sur sa fin n’a pas tousiours ry
Dont l’Histoire, soit vraye ou fausse,
En maint endroit d’elle se gausse,
Quoy que gausser on ne deuroit,
Car Princesse tres-bonne estoit,
Bien que rien de bon il ne vienne,
De nation Italienne,
Mais d’où vient ce dit-on son mal ?
Certes d’vn rusé Cardinal,
Qui receut d’elle sa hautesse,
Elle enfin de luy sa bassesse,
Car chacun sçait s’il la voulu,
Qu’il luy donna du pied au cu,
Et que la pauure bonne Dame
Non fille, mais sœur, mere & femme,
Mere, sœur & femme de Roy,
Mourut en tres-piteux arroy.

 

 


Icy Cardinal tout de mesme,
Retient la puissance supreme,
Et se sert du bien & du mal,
Voire fait plus qu’vn animal,
Mais quoy qu’il die, & quoy qu’il fasse
Si faudra-t’il qu’vn jour il passe
Et fasse peut-estre le saut,
Apres auoir monté si haut ;
Dieu garde pourtant nostre Reyne,
Reyne puissante & Souueraine,
D’vn si sanglant encombrier,
Et de tomber en ce bourbier,
Il est bien gardé qui Dieu garde,
Mais pourtant qu’elle prenne garde,
Que Dieu ne garde pas tousiours,
Ceux qui joüent de mauuais tours,
Car Dieu n’est pas Dieu de finesse,
Il est Dieu de toute simplesse,
Et qui veut auoir son appuy,
Doit estre tout simple enuers luy,
Que iamais n’aura paix ni joye,
Tant qu’on la verra mettre en proye,
A la vengeance d’vn faquin,
La France, & tout son bulletin ;
Tant que le Parlement tres-sage,
Verra s’exposer à la rage,
D’vn miserable postillon,
Et d’vn detestable estellon,
Tant dis-je que Dame justice,
Verra Reyne la protectrice,
D’vn vray monstre Sicilien,
Et d’vn bardache Italien,
Tant que la Noblesse & les Princes
Verront Maistre de leurs Prouinces,
Vn chien de joüeur de beslang,
Qui n’a point d’égard à leur rang,
Qu’il leur baille vn pourpoint de pierre
Afin d’auoir licence entiere,
De piller & renuerser tout,
De l’vn iusques à l’autre bout,
Qui cependant qu’il met en cage
Les vrais miracles de nostre aage,
I’entends Longueville & Condé,
Inuente quelque tour de dé,
Fait leuer imposts & subsides,
Par mille sangsuës auides,
Et reduit le peuple au bissac,
Ne laissans ni frique ni frac,
Qui lors que les forces d’Espagne,
Viennent à se mettre en campagne,
Diuertit celle des François
A leuer des pretendus droits,
Et tandis qu’on en fait trophée
Nous amuse à voir son Orphée,
Afin d’enchanter nos esprits,
Par tant de machines de prix,
Qui pendant que le Canon donne
S’employe à caresser Madonne
Et laisse cet homme sans foy,
Prendre Armentiere au nez du Roy ;
Bon ie sens ma verue poëtique,
Ne disons rien que de critique,

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Ne disons rien que d’offensif,
Rien qui ne touche iusqu’au vif ;
Muse r’entrons donc en matiere,
Apres la perte d’Armantiere,
Qu’arriua-t’il lors de nouueau ?
Que fit le Cardinal de beau ?
Qu’il fit, Landrecy fut sanglée,
Car l’ordre apporté par l’Anglée,
Empescha de la secourir,
Quoy qu’on l’eust peu sans coup ferir ;
Apres vne bresche si rude
En Octobre, on nous prend Dixmude,
Où l’on couroit semblablement
Pour y donner empeschement,
Ce qu’il estoit aisé de faire,
Car n’y auoit pas grande affaire,
Mais Clanleu l’eust plustost rendu,
Qu’vn seul dehors ne fut perdu.

 

 


En suite le Prince on eslogne,
On l’enuoye en la Catalogne,
Afin de prendre Lerida,
Mais c’estoit pour son nez, oüy da,
Oüy da si le Roy Catholique
N’eust pas sceu toute la pratique,
Si Cardinal Sicilien
Ne luy en eust fait sçauoir rien,
Si l’on n’eust mis dans cette place
Vne armée ferrée à glace,
I’entends vne armée de gens
Qui l’eussent la tenu cent ans,
Plustost qu’en auoir pied ni aisle,
Tant l’Espagnol & sa sequelle,
S’en tenoit pour bien aduerty
Dont iamais ne s’est repenty.
De Naples on sçait tout le grabuge,
Et que nous estions son refuge,
Si Cardinal n’eust sceu calmer,
Les orages de cette mer,
Mais Courtray emporte la paille,
Place qui n’estoit rien qui vaille
Auant que le grand Gassion
Ie dis grand, & sans passion,
Grand ie dis en toute maniere,
D’humeur certe ; vn peu trop fiere,
Mais grand de cœur, & grand d’esprit
Grand en tout ce qu’il entreprit,
Grand en ruses, grand en finesses,
Et qui ne fit iamais bassesses,
Grand aux sieges, grand aux combats,
Mais où grand ne parut-il pas ?
Grand en ce qu’il fut inuincible,
En ce qu’il fut incorruptible,
Mais trop grand pour subir les loix,
D’vn bougre, bougrant Calabrois,
Qui lors qu’on porta la nouuelle
De la mort d’Heros si fidelle,
Dit que c’estoit vn grand bon-heur
Et qu’il auoit par trop de cœur :
Courtray pour r’entrer en matiere
Qui n’estoit rien qu’vne tanniere,
Alors que Gassion la prit
Au lieu de quand il en sortit,
Car il l’auoit fortifiée,
Auant qu’elle fut confiée
Es mains d’vn Mazare hobereau,
(C’est le Seigneur de Palluau)
Courtray qui fut faite aussi forte
Qu’aucune place de sa sorte,
Tellement que chacun croyoit
Que si l’Archiduc l’assiegeoit
Il ruineroit son armée,
Et la reduiroit en fumée,
Et qu’apres s’estre bien peiné
Il n’en auroit qu’vn pied de né :
Courtray dis-je place excellente,
Nostre refuge & nostre attente,
Qui nous auoit cousté beaucoup
Nous fut rauie tout d’vn coup ;
Ainsi souuent l’homme propose
Pendant qu’autrement Dieu dispose,
Comme en effet il disposa,
Autrement qu’on ne proposa,
Car auant qu’Archiduc arriue
Deux mille hommes on en esquiue

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Que Palluau secrettement
Meine à Condé diligemment,
Sans qu’il en eust fait nulle instance,
Et qu’il en eust à suffisance,
Mais Palluau ne s’enquestoit,
Il sçauoit bien ce qu’il faisoit,
Comme il dit au Prince en colere,
D’vn secours si peu necessaire,
Mais c’estoit belle trahison
Pour perdre ville & garnison,
Qui par cette belle esquipée
Fut mise au trenchant de l’espée,
Et tous ces bonnes gens soumis
A la fureur des ennemis,
Bonnes gens, car presque tous Suisses
Gens qui rendent de grands seruices,
Bonnes gens dont ne resta l’vn,
Au moins n’en reuint-il aucun,
Gens qui n’entendans raillerie,
Vendirent cherement leur vie,
Mais la vendissent cher ou non,
Il n’en reuint point tout de bon.

 

 


Ypre ayant fait le saut en suite
Par la genereuse conduite,
Du Prince à qui tout joug faisoit,
Et toute la Flandre emportoit,
Chastillon fut iugé capable
Pour sa valeur recommandable,
D’entrer dans ce Gouuernement,
Mais c’estoit pour son nez vrayment,
Bon s’il eust esté de Mazare,
C’estoit vn bel homme, & bien rare
Au prix du sieur de Palluaut,
Pour pretendre monter si haut,
Bon s’il eust fait voir son courage
Et s’il eust comme luy fait rage,
Eust dis-je comme luy monstré
Son grand courage dans Courtray.

 

 


Apres que ces deux belles places
Eurent ainsi changé de faces,
La premiere si laschement,
La seconde Dieu sçait comment,
Du Prince armée se desbande,
Dont il auoit douleur tres-grande,
Et si pour douleur en auoir
Il l’eust peû ranger au deuoir,
Doute ne fais que douleurs fortes,
N’eussent arresté ses Cohortes,
Mais pour Cohortes arrester,
Il falloit michaille apporter,
Autrement quoy qu’il leur peust dire,
Sans argent point moyen de rire,
Ce qui fit que Prince bien né,
De Sagesse & prudence orné :
Prince dis-je prudent & sage,
Vint faire luy mesme vn message,
Vint luy mesme en Cour remonstrer,
Qu’il n’auoit peu rien impetrer,
Et qu’à moins que de la pecune
Il n’auoit plus cohorte aucune,
Et iamais rien n’impetreroit,
Si pecune on ne leur portoit.

 

 


C’estoit-là le nœud de l’affaire,
Mais dur estoit à la desserre,
Cardinal qui n’en auoit pas,
Pour conquerir le Pays-Bas ;
Oüy bien pour faire taupe & masse,
Oüy bien pour dire passe, passe,
Bien en auoit ce Maistre escroc,
Pour se diuertir à son hoc,
Bien en auoit le Seigneur Iule
Pour jouër de la mandibule ;
Oüy bien pour exercer le dé,
Mais non pas pour le grand Condé ;
Oüy bien pour bastir vne estable,
D’vne despense espouuantable,
Mais non pas pour en secourir,
L’armée qu’il voyoit perir ;
Oüy pour des festins magnifiques,
Festins Heliogobaliqués,
Mais non pas pour donner du pain,
Aux soldats qui mouroient de faim ;
Oüy bien pour sa Bibliotheque,
Quoy qu’il ne sçache langue Grecque,

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Latin, Espagnol, ni François,
Ni pas seulement son patois ;
Ouy bien pour ioüer Comedie,
Billet pour cela s’expedie,
Mais billet dont on est content,
Car c’est tousiours argent comptant ;
Ouy bien pour dotter des bougresses,
I’entends Mesdames ses Niepces,
Car estant luy bougre passé,
Sans doute qu’elles ont dansé
Et par deuant, & par derriere,
Et en auant, & en arriere ;
Tu n’en as pas mal dans le cu,
D’estre ainsi doublement cocu,
Pauure Mercœur, on te doit plaindre,
Mais non Muse, il ne faut point feindre,
Mercœur n’a que trop merité,
Ce loyer de sa lascheté.

 

 


Mais reuenons à nostre Prince,
Qui de colere les dents grince,
Qui poste & renasque en son cœur.
Et dés-lors eût bien fait rumeur,
Si sa sagesse, & sa prudence
N’eussent esgalé la balance,
Ainsi s’en va droit à son Ost,
Resolu de mourir plustost
A la teste de son armée,
Que plus long-temps fut affamée,
Et leur dit, ça braues François,
Il faut mourir à cette fois,
Non de faim, car c’est vne rage,
Mais en monstrant vostre courage ;
Mourir, non par faute de pain,
Mais mourir à grands coups de main :
Mourir non pas par deffaillance,
Mais par vn excez de vaillance,
Non mourir dis-je en défaillant,
Mais mourir en braue & vaillant ;
Ie m’en vais vous faire ouuerture,
Tentez auec moy l’aduanture.

 

 


Ces mots à peu pres dit Condé
Quand de son bon heur secondé,
Pres Lens tanta dame Fortune,
Par faute de pain, & pecune,
Faute de pecune, & d’argent,
Dont il estoit fort indigent ;
En ce sens leur parla-t’il presques,
Non pas en ces termes burlesques,
Mais en des termes si pressans,
Qu’il leur en esmeut tous les sens.
Que leur sang en deuint tout rouge ;
Arreste icy, Muse ne bouge,
Car à rouge mal aisement
Peut-on rimer bien richement,
Il leur, parla, dis-ie en tel terme,
Que les plus poltrons firent ferme ?
Et froterent à poids d’escu,
Espagnol qui tourna le cu.
C’estoit dedans ceste bataille,
Qu’il pretendoit faire gogaille,
Et bien chanter Gaudeamus,
De la mort de Ludouicus,
Car c’estoit chose entr’eux raclée,
Qu’il periroit dans la meslée,
Mais de meslée il se tira,
Dont se gaudit & gaudira,
Et contre l’attente Espagnolle,
Ioüa fort bien & beau son roolle,
Voire en dépit du pelerin,
I’entends le traistre Mazarin,
Lequel faisant la bonne beste
En voulut celebrer la feste,
Faisant dis ie le chien couchant
Ce maudit & traistre meschant,
Car il sçait bien ses fievres mule,
Comme il faut que l’on dissimule,
Et qui mieux dissimulera,
Au Diable bien se donnera ;

 

 


Apres au sortir des l’Eglise,
Où d’ordinaire on solemnise,
Tous les aduantages fameux
De nos gens d’armes valeureux,
Selon les coustumes anciennes,
Cardinal fait encor des siennes,

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Au sortir, dis-ie, de ce lieu,
Où chacun rendit grace à Dieu,
De sa fauorable assistance,
Au maintien des armes de France,
Deux Conseillers sont arrestez,
Et separément escartez :
Mais bien tost fallut lascher prise,
Car peuple ayant les armes prise,
Cardinal en chioit de peur,
Tant grande il voyoit la rumeur,
Et tant craignoit que sa furie,
Ne tombast sur sa fripperie,
Comme en effet bien luy seruit,
Car peu s’en falut qu’il ne vit,
Apres sa chienne de carcasse,
Cette mutine populace,
Qui le couroit comme vn chien fou,
Ou comme quelque loup garou.

 

 


Qu’il doit vne belle chandelle,
A qui luy porta la nouuelle,
Que le Peuple auoit r’engainé,
Et que Diable estoit r’enchainé,
Car Sicilienne Eminence,
N’estoit pas en petite transe,
Quand mulets viste l’on bastoit,
Pour son despart qu’il meditoit,
Quand cent cheuaux dans l’hipocome,
Vingt heures attendirent l’homme,
L’vn dit moins, & l’autre dit plus,
Different fort vain au surplus,
Mais qui se fut donné la peine,
Lors que l’hipocome estoit pleine,
De courir, en vain, n’eust couru,
S’il eust esté bien secouru.
Non pour voir s’ils estoient tel nombre,
N’y auoit pas si grand encombre,
Mais parce que tous sont d’accor
Qu’il eust trouué le nombre d’or,
Non pas ce nombre Methonique,
Que chaque an l’Almanach indique,
Non le nombre Methonien.
De ce Methon, l’Athenien,
Pour accorder le cours solaire,
Auecque l’Année lunaire,
Et ne passe iamais dix-neuf,
Ce nombre est vn nombre tout neuf,
Ce nombre, est vn nombre tout iuste,
Tout venerable, & tout Auguste,
Nombre qui porte vn Escusson,
De vraye & royale façon,
C’est vn nombre à la Mazarine,
François quand à son origine,
Composé du mien, & du tien,
Mis au Calandrier Iulien,
Vn nombre de grandeur enorme,
Mais voyons vn peu la reforme,
Q i’a porté nostre Cardinal,
Au calcul Chronological,
Peut faire qu’à quelqu’vn souuienne,
De la periode Iulienne
Qu’inuenta Ioseph Sc aliger,
Pour le iugement soulager,
En lisant dans les Chronologues,
Cosmographes, & Astrologues,
Mais l’vsage n’en vaut plus rien,
Quoy qu’vsage tousiours Iulien,
Depuis que nostre nouueau Iule,
Ses nombre sur nombre accumule,
Et fait seruir tout autrement,
Qu’il ne seruoit anciennement,
Car les doctes sçauent en somme,
Comme ce docte & sçauant homme,
Homme en son siecle nompareil,
Ioignant le Cycle du Soleil,
Auec le Cycle de la Lune,
Et puis l’indiction commune,
Ces trois nombres multipliez
Et solidement alliez,
Quiconque sçait l’Arismetique,
En entendra bien la pratique,
Et quiconque ne l’entendra,
En fasse ainsi comme il voudra,
De ces nombres vient vn solide,
I’entends desia quelque stupide,

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Disant qu’il n’entend pas ce mot,
Et qu’au Diable soit sait du sot,
Mais passe, & sois ou sot ou sage,
Ie ne puis changer de langage,
Solide donc ayant tiré,
Vient vn nombre, non pas quarré,
Car quarré n’est pas vn solide.
Comme on peut voir de dans Euclide.
Qu’il soit quarté, solide, ou plan,
Laissons là tous ces termes, bran ;
Tant y a, que tant calculerent,
Qu’vn certain nombre rencontrerent,
Qui tousiours se rencontrera.
Quiconque bien calculera

 

 


Et qui veut sçauoir les années,
Des Chronologies cordonnées,
Doit suiure ce calcul Iulien,
Mais Cardinal Sicilien
N’entendant la Chronologie,
Non plus que si c’estoit magie,
Et qui iamais ne calcula,
Mais toute sa vie cula,
Chose creuë aussi veritable,
Que la rime est icy sortable,
Ce Cardinal dis-ie ignorant,
Mais pour son profit tres sçauant,
Confirma sans dispute aucune,
Cicle de Soleil & de Lune,
Qu’il mit en sa protection,
Mais augmenta l’indiction,
Par laquelle ainsi qu’il luy semble,
Il soustraict, multiplie, assemble,
Et sans iamais rien diuiser,
Trouue vn nombre à nous espuiser ;
C’est la periode Iulienne,
Et pour la distinguer Ruffienne,
Parce qu’on pourroit par hazard
Prendre ainsi Maistre pour Regnard,
Et que le grand vainqueur de gaule,
Pourroit passer pour ce Sot drole,
Vn inuincible & grand Romain,
Pour vn Calabrois inhumain,

 

 


Mais où m’embarrasse ma Muse ?
Que la peste soit la camuse,
Voyez vn peu quelle raison,
En parlant de ce Maistre oyson,
De traitter des Mathematiques,
De nombres quatrez, plans, cubiques,
Periodes indictions,
Cicles, & telles dictions,
Faut parler de par tous les Diables,
De quelques trahysons damnables,
Non pas iaser mal à propos,
De choses hors de ton propos,
Pousse ton cheual sans rien craindre,
Acheue moy de le depeindre,
Reprend le fil de ton discours,
Sans vser de tant de contours.
Nous en estions sur la bourasque,
Qu’excita le peuple fantasque,
Sur nostre maistre Tabarin,
Ie veux dire le Mazarin
Mais en suite que fit les Prince
Dedans la Belgique Prouince
Lors qu’à Lens il eust mis a cu
L’Archiduc, & qu’il l’eust vaincu
Furnes dis-tu fut bien tost prise
Dés que Condé l’eust entreprise,
Et le reste du pays bas,
Ployoit sous l’effort de son bras,
Quand nostre traistre de Mazare,
Voyant vne valleur si rare,
Le r’appella dans peu de iours,
Afin d’en [1 mot ill.] le [1 mot ill.]

 

 


Mais n’oublions pas Orbitelle
Et s’il fut onc trahison telle
Ie veux que l’on me baise au cu
Et passer pour beque fou.
Piombine, & Portolongone,
Scituez en la mesme zone,
C’est à dire au mesme pays,
N’en rendront pas moins d’ébahis,
Quand vn iour faudra rendre compte,
Si ce n’est que ce soit vn conte,

-- 12 --


Que les eschanges, & marchez,
Que l’Espagne a tant recherchez.

 

 


Mais voicy d’autres tricheries,
Pour pretexter ses volleries,
Qu’est ce que l’on sçauroit iuger,
Des leuées chez l’Estranger ?
A quoy bon tant leuer de troupes
Dans le froid Empire des coupes ?
Puis que la France en peut fournir
Qui peuuent à moins reuenir,
Si ce n’est pour sortir de France,
Dessous cette belle apparence,
Tant de millions de Louys,
Qui nous en sont esuanouis,
Et cette paix tant souhaittée,
De tout le monde muguettée,
Qui deuoit finir nos trauaux,
Et que Longueuille & d’Auaux,
Ont tant & si long-temps couruë,
N’a-t’elle pas esté rompuë,
Par les secrets malicieux,
De cet homme pernicieux,
Qui ne voulant que playe & bosse,
Nous fait toujours porter l’endosse,
Et tant que nous le souffrirons,
Tousiours l’endosse porterons,
Car il ne pesche qu’en eau trouble,
Le double traistre, ou traistre double,
C’est-à faire à quelque niais
Dit il, de rechercher à la paix,
La guerre est la voye plus prompte
Pour faire en peu de temps son compte,
Et pour ranger tout ses parens
Aux honneurs les plus apparens :
Témoin soit le frere de Iule,
Frere bien le plus ridicule,
Qui fut sous la cape du Ciel,
Et l’esprit moins artificiel,
Le plus sot mastin de la chasse,
Et de la plus laide grimasse,
C’est le Cardinal Chefaro,
Cardinal à crier Haro,
Et neantmoins quelle vergongne,
Fait Vice-Roy de Catalongne,
Dont bien tost gaigna le taillis,
Pour euiter le chamaillis,
Puis mourut cet homme impudique
Dans vn bordel branslant…
Hé qui donc n’auroit de l’horreur ?
Hé qui n’entreroit en fureur ?
De voir la France gouuernée,
D’vne tant infame lignée,
O France, il ne faut plus souffrir !
Puis que chacun se vient offrir,
A le tirer de l’esclauage,
N’attends, n’attends pas dauantage,
Prends l’occasion aux cheueux,
Il te va respondre à tes vœux
Ta cause est trop iuste & trop sainte
Pour conceuoir aucune crainte,
Tu triompheras des Tyrans,
Et de leurs maudits Partisans,
Tu triompheras de Mazare
Et de cette C… si rare,
Tu triompheras de Martin,
Tu seras bander Mazarin,
Tu triompheras de cét Asne ;
Ah c’est trop, Muse, tu prophane,
Asne n’est pas vn Cardinal
Ce ne seroit qu’vn animal,
Il n’aduiendroit pas au saint Pere
De Cardinalizer vn here,
Et qui croit que sa Saincteté,
Fit Cardinal vn hebeté.
Non, non Cardinaux d’asseurance
Sont tousiours remply de science,
Cardinaux sont asseurément
Pleins d’esprit & de iugement,
Tesmoins en soyent tant de volumes,
Composez par leurs doctes plumes,
Voyez le Cardinal d’Ossat
Ce grand Politique d’Estat,
Dont les lettres monstrent que Iule
Luy garda maintesfois la mule,

-- 13 --


Voy le Cardinal Cajetant
Dont les œuures s’estiment tant,
Voy Saint Charles de Borromée
De Saincteté tant estimée,
Et dont le grand nez paroissoit
Autant que pas vn d’eux qui soit,
Voy de Bellarmin les Annalles,
Grandes certes, mais triuialles,
Au regard des autres escrits
Contre heretiques entrepris ;
Voy de du Peron le grand Liure
Qui les Caluinistes enyure,
En fin voy le grand Richelieu
Qui maintenant est auec Dieu,
Si quand estoit en cette vie
D’aller vers luy cût onc enuie,
Et quelque enuie qu’il en eût
Peut estre bien que pas n’y fut,
En cela le plus iuridique
Pourroit perdre sa rethorique,
Car personne n’est reuenu
Rapporter qu’estoit deuenu,
Quand rendit son ame en personne
Ni s’elle estoit mauuaise ou bonne,

 

 


Mais on sçait que fut grand Prelat,
Le plus grand du Cardinalat,
Voire le plus grand de l’Eglise
Quoy qu’on en iase, & qu’on en dise,
C’est de ce braue Cardinal,
Soit qu’il fit bien, soit qu’il fit mal,
Que reluisent dans ce bas monde
Oeuures de si grande faconde,
Et dont monde se souuiendra
Tant que monde memoire aura,
C’est luy qui fit parler les muses
Les serieuses, & camuses,
Et qui cherissoit Helicon
Autant que Iules fait le...
Tout beau, Muse, tu fais la sotte,
De foüiller ainsi sous la cotte,
Parle en termes respectueux
D’vn Cardinal si vertueux,
On dit, ô la belle rencontre !
Ces gens sont sçauans on le montre
Mais peut-on inferer de là
Que Iules le soit pour cela ?
Ma foy l’on nous la baille belle
Science est chose personnelle,
Qu’on fasse donc maintenant voir
Quelques marques de son sçauoir ;
A cela, ie dis qu’il trauaille
Au liure intitulé Bougraille
Liure auquel il veut auerer
Que l’on peut librement bougrer,
Et que toute la bougrerie
N’est qu’vne pure raillerie,
Fondé sur des authoritez
Et d’impugnables veritez.
La premiere est du Pape Iule,
Qui decreta que Catz incule
N’estoit ni peché ni delict
Pourueu que ce fut dans le lict ;
Mais ie ne sçaurois icy taire,
Son tant illustre commentaire,
Sur les œuures de l’Aretin ;
C’est là qu’on void tout son latin,
C’est là qu’on void maintes postures,
En belles & grandes figures,
Representant à membres nuds
L’esbat d’Adonis, & Venus,
De Dame Venus, & Priape,
Et comme il faut que l’on s’agrape
Soit par derriere ou par deuant,
Car en ce Iule est fort sçauant.

 

 


Item vn beau traitté des plantes,
Dont les vertus sont excellentes,
Pour croistre & remettre en vigueur
La digne & spermatique humeur,
Là verrez comme on tire essences
De si mirifiques puissances,
Qu’vn scrupule fait tricoter
Iusqu’à ce qu’on s’en vueille oster,
Essences du tout nompareil es
Dont Parlement eût les bouteilles

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Ou ces mors se trouuoient escrits,
Summum bonum in braguetis
Bouteilles qu’ayant odorées
Femmes furent si bien bourées
Que dés le beau fin poinct du iour
Elles requirent à la Cour
Qu’ayant égard à leurs demandes
Boutei les petites & grandes
Seroient portées seurement
Dans le Greffe du Parlement.

 

 


Plus vn traicté d’Architecture
Autrement nouuelle structure,
D’estables ou Palais Royaux,
Pour loger Messieurs les cheuaux
Où l’on void son Apologie,
Deffendant auec energie
La raison du dessein qu’il prit,
Mais dessein tout brillant d’esprit,
De mettre la neufaine saincte,
Au dessus en la mesme enceinte,
Parce nous dit cet animal,
(Cardinal dis-ie, ie dis mal)
Que cheuaux sont aymez des muses,
Et pour preuue de ses excuses,
Allegue le cheual aislé,
Par d’autres Pegase appellé,
Qui de son pied fit la Fontaine,
Des Poëtes nommée Hipocreine
Où Muses boiuent tout leur saou,
Sans qu’il leur en couste vn seul sou,
Qu’autrement Vierges Pierides,
Eussent eu gosiers bien arides,
Et sans l’ayde au Cheual volant,
Mourroient de la mort de Roollant,
Qu’ainsi Muses sont tres loüables
De s’aduoüer les redeuables
Enuers cheuaux, de leur salut,
Et partant enfin il conclut,
Que puis que cheual ayme Muse,
Cardinal n’est pas vne buse,
D’auoir mis sous mesme couuert,
Muses, & cheuaux à couuert,

 

 


Item sa nouuelle Logique
Par où l’on conclud fans replique
Auec vne paire de glans,
Chose que nous & nos enfans,
Aurions peut estre peine à croire
Si la chose n’estoit notoire,
Mais j’aduertis les curieux,
Qui veulent tout voir de leurs yeux ;
Qu’il faut que les glãds soient de Flãdre,
Et qu’au col on les voye pendre,
Qu’au reste l’on imprime à Gand,
Cette Logique pat le gland.

 

 


Item vne Theologie
Ie veux dire Batologie,
Montrant à se ioüer de Dieu,
Dans le plus sainct & sacré lieu,
Changeant religion Chrestienne,
En religion Comedienne,
Comme firent ses diablotins,
I’entends Messieurs les Theatins
Dont l’Eglise estoit vne foire,
L’Autel vn Theatre notoire,
Et tous nos mysteres plus saincts
Sujets de farce à leurs desseins
Ainsi donc, est-ce à iuste cause ?
Que de son ignorance on cause,
Si ce n’est qu’on mit ce sçauoir
Dans les fins de non receuoir,
Et qu’on tournast en raillerie
Toute cette viedazerie,
En ce cas i’aduoüe Lecteur,
Que c’est vn tres infame autheur,
Mais pourtant Pape venerable,
Luy donna la marque honnorable,
Car les plus grands Clercs en ce temps,
Ne sont pas les Clercs plus sçauans,
Quoy que si bien on s’en informe
On verra qu’il la fait par forme,
Verra que bien qu’il l’ayt creé,
Ce n’est pas qu’il layt agreé,
On sçait qu’il auoit cognoissance
De son eminente ignorance

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Scauoit que chapeau Cardinal
Couuriroit teste d’animal,
Et sans vser de periphrase
Couuriroit teste de viedaze ;
Voire luy viendroit ce chapeau
Comme bague à groin de pourceau :
Tres bien sçauoit nostre Sainct Pere
L’infame vie du Compere ;
Sçauoit bien que ce desloyal
L’auoit fourbé deuant Cazal,
En trahissant le Roy d’Espagne,
Et l’Empereur en Allemagne.

 

 


Mais pas ne voulant Pere sainct
Pere de bonté tout enceint,
Refuser nostre grand Monarque
Iule eust enfin la rouge marque,
Non pas toutesfois in Sacris,
Innocent auoit trop apris,
Que Conciles de saincte Eglise
Ne permettent pas qu’on eslise,
Ou reçoiue aux Ordres sacrez,
Ni des bougres, ni des chastrez,
Non bougre, car ils sont infames
Non chastrez, car on craint que femmes
Qui comme chastrez C… n’ont
Au Sainct Siege fassent affront ;
Ainsi Iules ce bon Apostre,
Estant comme on sçait l’vn ou l’autre,
C’est à dire bougre, ou chastré,
N’en sera iamais emplastré,
Mais aux chastrez n’est pas semblable,
Chastré n’est pas de par le Diable,
On sçait trop que le garnement,
Est bougre, bougré & bougrant,
Et voila quand à la deffence
Du Saint Pere enuers l’Eminence.

 

 


Quelques vns qui sont sans respect
Et qu’on doit tenir pour suspect,
Disent tout plat que le Sainct Pere
Qui peut tout au Ciel, & en terre,
Voire encore bien au delà
Si lieux sont outre ces deux là,
Sçauoir le Limbe, & Purgatoire
Que chacun bon Chrestien doit croire,
Et que quiconque ne croira
L’indignation encourra
De ces deux bien heureux Apostres
Pierre & Paul, & de tous les autres,
D’aucuns disent, dis ie, en secret
Mais sont heretiques tout net :
Que nostre Sainct Pere le Pape,
Saint Pere à mitriffique cape,
Qui lie & deslie à son gré
Et hausse & baisse le degré :
Sainct Pere sous qui monde tremble,
Fait Cardinaux quand bon luy semble
Sans regarder à beaucoup pres
Circonstances deuant n’apres,
S’ils sont de bonne & sainte vie,
Que c’est dont il a moindre enuie,
Et pourueu qu’on crache au bassin
Tout est propre pour son dessein ;
Voila les discours d’heretiques
Qui disent qu’Ecclesiastiques
Sont vrayes pestes en l’Estat
Et qu’on n’en doit faire autre estat,
Adioustans que ces parricides
Ont fait esgorger nos Alcides,
Par leurs enseignemens damnez
Que les Arrests ont condamnez,
Raison, disent ils, si palpable,
Qu’elle seule seroit capable,
De bannir du Conseil des Roys,
Ces cruels infracteurs des loix,
A quoy ie diray pour responce
Bien qu’à leurs erreurs ie renonce,
Qu’il est vray que ceux du Clergé
Ont tousiours l’Estat submergé,
Dont fait foy l’histoire Françoise
Tant la nouuelle que Gauloise,
Et voudroit certainement mieux
Que ces gens tant ambitieux,
Se meslassent de leurs affaires
Et de lire leurs Breuiaires,

-- 16 --


C’est pourquoy, sage Parlement,
A decreté tres prudemment,
Pour leur faire l’affaire courte
Qu’ils bauderoient & feroient fourte,
Et suiuant leur premier arrest
Qu’estranger n’y feroit Arrest :
Neantmoins voicy l’Eminence
Qui reuient broüiller nostre France,
Voicy Mazarin reuenu
Y puisse-t’il estre pendu,
Ce qui soit dit par parenthese
Bien que la rime soit mauuaise,
Mais qu’elle soit mauuaise ou non
A cela pres le Compagnon
Entre les mains de Iean Guillaume,
Fut-il prest à dire vn sept pseaume,
Son In manus & son Salue,
Sur ma foy s’il n’estoit sauué,
Que quand bruyante populace,
S’en viendroit crier, grace, grace,
Ie croy, & le dis sans mentir,
Qu’il seroit taillé de partir,
Non pour aller en Italie
Ce seroit sans doute folie,
Seulement de l’imaginer :
Où se pourroit donc confiner
Cét esprit à rouge calote,
Respond moy donc, Muse faiote.
Premierement au Paradis,
I’entends desia que tu me dis
Qu’en ce pays ou paix habite
Il n’iroit pas rendre visite,
Puis que la paix, & la douceur
Sont si contraire à son humeur.

 

 


Que pour les Champs dits Elizées,
Il n’en prendroit pas les busées,
Sçachant que le Nocher Charon
Ne le passeroit l’Acheron,
De crainte que son bastelage
Fut chargé de quelque naulage,
Et qu’il vint troubler leur repos
Par ses subsides & imposts.

 

 


Que non pas les noires cohortes
Ne luy voudroient ouurir leurs portes,
Craignant trop que ce Cardinal
Natif du manoir infernal,
Dont il sçait toutes les rubriques
Et les infernales pratiques
Ne fit joüer martin baston
Sur le dos de monsieur Pluton,
Et baisant Dame Proserpine,
N’engendrast quelque Mazarine,
Qui les fit vn jour enrager
Et de leur manoir desloger :
Peut-estre au Limbe ou Purgatoire,
Ha n’en parlons pas vrayment voire
Le Saint Pere qu’il a beslé
N’a garde d’en donner la clé :
Yroit-il au trou Sainct Patrice ?
Mais l’on y cognoist sa malice :
Yroit il à celuy d’Hecla ?
Non plus certes icy que là :
Où donc iroit ce miserable
De par Dieu, ou de par le Diable,
Parle Muse, ah non ie vois bien
Qu’à vray dire tu n’en sçais rien :
Mais en effet que nous importe
En quel lieu le Diable l’emporte
Pourueu que vienne l’heureux iour
Que par vn Arrest de la Cour
Ou qu’on le pende, ou qu’on le roüe,
Ou qu’on le traisne par la boüe,
Qu’on le tire à quatre cheuaux,
Qu’on le hache en mille morceaux,
Que sa Mazarine carcasse
N’ait pas vn os que l’on ne casse,
Et pour témoigner nostre horreur
Que l’on en deuore le cœur :
Que sa chienne de peau s’apreste
Pour la monstrer comme la beste,
Et que l’on deteste à iamais
L’ennemy iuré de la paix.

 

-- 17 --

 


Fait & passé l’an remarquable
Que le Roy n’auoit sur sa table,
Le plus souuent dequoy friper,
Ne sçachant pas où en friper,
L’an que les linceuls de sa couche,
Mesmes ceux où la Reyne couche,
Se trouuerent dit-on percez,
Voire en maints endroits rapiecez,
L’an qu’on les mit au linge sale
A l’arriuée Cardinale,
Et qu’alors de certains galans
Crioient tout haut des linceuls blancs :
L’an que le monstre de Calabre,
Bougre à garçons, & bougre à cabre
Vit venir auec grand arroy
Au deuant de luy nostre Roy,
Et qui quelque mine qu’il tienne
Est au bout du jardin d’Estienne,
Ne sçachant plus auec quel bois
Il fera flesche à son Carquois,
Enfin l’an que la Cour enrage
D’vn si beau bougre de mesnage,
Et qu’elle en donne de bon-cœur
Au Diable, & l’Authrice & l’Autheur.
Amen.

 

-- 18 --

EPIGRAMME.

 


Pvisque l’on a proscrit la teste
De la Sicilienne beste,
Nous l’aurons bien-tost aydant Dieu,
C’est pourquoy son Demonographe
A creu deuoir mettre en ce lieu
Par aduance son Epitaphe.

 

Epitaphe pour mettre sur le Tombeau du Cardinal
Mazarin.

SONNET.

 


Passant sous ce tombeau ne gist homme ni femme,
C’est vn monstre chassé de l’abysme infernal,
Et qui vint informer le corps d’vn Cardinal
Pour tant mieux exercer sa bougrerie infame.

 

 


Des cendres de Sodome on distilla son ame,
Pour des bougres parfaits estre l’original,
Et qu’en luy se trouuast le Chef-d’œuure final
De toutes les horreurs de l’impudique flâme.

 

 


Amy sçache pourtant que cet Archi… teur,
Archisodomisant de si belle hauteur,
Ne tenoit rien du tout de l’humeur courtisanne :

 

 


Car encore qu’il eust le train des Cardinaux,
Et ce grand & pompeux appareil de cheuaux,
Chacun sçait toutesfois qu’il cheuauchoit en Asne.

 

FIN.

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Anonyme [1652], GALIMATIAS BVRLESQVE SVR LA VIE DV CARDINAL MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_1463. Cote locale : B_12_54.