Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.
Section précédent(e)

OBSERVATIONS
VERITABLES
ET DES-INTERESSEES,
Sur vn escrit imprimé au Louure,
INTITVLÉ
LES SENTIMENS
D’VN FIDELLE SVIET DV ROY,
Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651.

Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son
Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë ; &
l’imposteur qui le condamne entierement refuté.

Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy.

PREMIERE PARTIE.

Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum ; abominabilis est
vterque apud Deum ; Prouerb. cap. 17. vers. 15.

A PARIS,

M. DC. LII.

-- 2 --

-- 3 --

ADVIS AV LECTEVR
SANS PASSION.

Ceux qui ne me connoissent point s’estonneront
sans doute que i’aye tant tardé à donner
cette response au public ; & ceux qui
sçauent d’où elle vient, & qui ie suis, trouueront
encore plus estrange de la voir sortir d’vne plume
qui ne deuroit produire que des plaintes, & du loisir
d’vn oppressé qui est contraint de donner tout son
temps à la poursuite & au restablissement de son honneur
& de son innocence. Dauantage, la premiere impression
de l’escrit que nous refutons, ayant esté distribuée
& donnée misterieusement & comme en cachette
aux fidelles Mazarins sans que i’en aye rien descouuert, à
cause que ce Liure flateur n’est destiné qu’aux Confreres
de sa Cabale, & aux idolatres de sa fortune insolente &
desreglée ; si bien que si l’auarice d’vne femme particuliere
ne l’eut portée à le rendre commun par vne seconde
& meschante impression, qui se debita quinze iours
apres Pasques en plein Palais, quoy que deffenduë d’elle-mesme,
ie serois encore à le voir, & tres-asseurément à
luy respondre.

Ie sçay bien qu’il se trouue vne Apologie qui porte
dans son titre, qu’elle destruit toutes les raisons de ce fauteur
de la Tyrannie, que i’ay leuës & considerées ; Mais
l’honneur que ie dois au grand Senat que l’on offense, &
la douleur que i’ay de voir qu’on veut que nous baisions
le Bourreau qui nous estrangle, ont tiré de moy ces Observations

-- 4 --

veritables & desinteressées, pour suppleer à ce
que ie n’ay point remarque dans ce discours vn peu hasté,
& pour inuiter vn troisiesme soustenant plus fort &
plus solide que nous, qui fasse connoistre à tout le monde,
l’imposture de ce Paradoxe, & la malice de celuy qui
s’en dit l’Autheur.

 

Il est vray que la grandeur du Parlement de Paris que
l’on veut abaisser par les iniures & les inuectiues de cette
satire abominable, n’auroit besoin d’autre deffense que
de sa propre authorité, si tous les hommes estoient capables
de connoistre ce qu’il est, & discerner la verité
d’auec le mensonge. Mais puis qu’on veut surprendre
les simples, & tromper ceux qui croyent tout ce qui est
imprimé, il importe pour la satisfaction des gens de
bien, & pour l’instruction des bons François, qu’on
fasse voir l’erreur de tant de calomnies, & qu’on donne
vne connoissance sommaire du pouuoir & de la maiesté
de ce Tribunal des Dieux, qui est l’vnique & veritable
support de cette Monarchie. C’est ce que nous entreprendrons
plus amplement dedans la suite de ces propositions
apres que Dieu nous aura donné les moyens &
le temps de publier cet ouurage, qui ne sera pas moins
vtile & agreable à tous les fidelles sujets du Roy, qu’important
& necessaire à ceux qui ayment la justice, & le
repos de l’Estat.

Et parce que ce premier projet, & cette premiere partie
est vn peu longue, & plus estenduë que les pieces ordinaires
qui occupent tant de plumes, & tant d’esprits
curieux ; ie l’ay diuisée par sections, & donné des titres
aux questions les plus belles & les plus considerables, afin
que l’ordre en soit moins confus, & le Lecteur plus soulagé,
suiuant la Table que voicy.

-- 5 --

TABLE
DES MATIERES
ET DES
QVESTIONS PRINCIPALES
QVI SONT TRAITTEES ET DECIDEES
DANS CES OBSERVATIONS.

I. Arrest criminel du Parlement de Paris du 23. Avril 1545.
contre le Chancelier Poiet. page 8.

II. Si c’est en fraindre les immunités Ecclesiastiques, & les priuileges
des gens d’Eglise, que de iuger & condamner le Mazarin
comme on a fait. page 13.

III. Si le sixiesme des Decretales, & le Concordat allegué en faueur
du Mazarin, font quelque chose pour sa iustification. page 27.

IV. Si le Cardinal Mazarin a esté iugé incompetemment, sans forme
& sans justice. page 33.

V. Iesus-Christ le Prestre des Prestres a reconnu Pilate pour Iuge. 37.

VI. L’Apostre saint Paul reconnoist les Iuges que l’Empereur luy donne. page 38.

VII. Papes à qui les Empereurs & les Rois de France ont fait faire
le procés. page 39.

VIII. Cardinaux & Legats ausquels on a fait le procés. page 44.

IX. Archeuesques ausquels on a fait le procés. page 52.

X. Euesques ausquels on a fait le procés. page 54.

XI. Abbez, Moines, Docteurs & autres Prestres ausquels on a fait le
procés. page 57.

XII. Refutation particuliere des cinq histoires d’Euesques alleguées en
faueur du Mazarin. page 62.

XIII. Si le Parlement a manqué contre les formes dans le procés & le

-- 6 --

iugement du Mazarin. page 74.

 

XIV. Si le Parlement de Paris n’a point de part aux misteres de l’Estat,
ny dans les affaires publiques. page 84.

XV. Si le Roy peut choisir & retenir aupres de soy des Ministre, &
des fauoris odieux à son peuple. page 96.

XVI. Si le Parlement a tort de surseoir la Declaration qui est contre
Monsieur le Prince, & de presser l’execution de celle qui est
contre le Mazarin. page 112.

XVII. Si le Conseil qu’on appelle d’Enhaut peut casser l’Arrest du parlement
donné contre le Mazarin. page 121.

XVIII. Que l’authorité Royale est temperée, & comment. 136

FIN.

-- 7 --

ORIGINAL
DV PORTRAIT
DV CONSEIL D’ENHAVT
D’AVIOVRD’HVY.

Qværitur quæ res malos principes faciat ;
iam primum nimia licentia, deinde
rerum copia, amici præterea improbi,
satellites detestandi, eunuchi
auarissimi, aulici vel stulti vel detestabiles, &
quod negari non potest, rerum publicarum ignorantia.
Sed ego à Patre meo audiui, Diocletianum
Principem, iam priuatum dixisse, nihil esse
difficilius quam bene imperare. Colligunt se quatuor
vel quinque, at que vnum Consilium ad decipiendum
Imperatorem capiunt, dicunt quid probandum
sit. Imperator qui domi clausus est, vera
non nouit ; cogitur hoc tantum scire quod illi loquuntur ;
facit iudices quos fieri non oportet ; amouet
à Republica quos debebat obtinere. Quid multa ?
vt Diocletianus ipse dicebat, Bonus, Cautus, Optimus
venditur Imperator. Vopiscus in Aureliano
sub finem.

-- 8 --

Romani nullum satis dignum supplicij genus
in eos consumi posse opinabantur, qui patriæ
libertatem opprimere statuissent ; nec illos ciues esse iudicauerunt,
quos abiecisse rationem patriæ caritatis
intuerentur. At contra, eos qui tales interemissent,
non modo dici atque appellari Ciues, vt essent, statuebant ;
sed afficiendos fore immortalibus donis,
ac sempiternæ hominum memoriæ consecrandos. Porcius Latro, Declamat. in L. Catilinam.

ADVERTISSEMENT DE L’IMPRIMEVR
AV LECTEVR.

AMY LECTEVR, pour ce qui est des fautes suruenuës en cette
impression, quoy qu’en petit nombre, excusez s’il vous plaist
par vostre equité, la haste qui accompagne ordinairement ces
sortes d’ouurages qui sont tousiours vn peu pressez, & suppleés par vostre
capacité à ce que le temps & le loisir de l’Autheur n’ont pû permettre
de corriger, & particulierement ce mot, Norman, au lieu de normam,
qu’il faut à la fin de la page 125.

-- 9 --

OBSERVATIONS
VERITABLES
ET
DES-INTERESSEES.

Tous les bons esprits de Paris sont partagez à qui
deuinera l’Autheur des Sentimens que nous refutons,
mais ils sont tous d’accord aussi, que quiconque
ait entrepris ce Paradoxe, & composé
cette satire criminelle, a voulu se declarer luy-mesme
l’ennemy de la Iustice, le bourreau des Peuples, & le
fauteur de la tyrannie. L’opinion la plus commune veut que ce
soit Monsieur Martineau Euesque de Bazas, d’autres soustiennent
que c’est Monsieur le Comte de Servien, il y en a qui parient
pour Monsieur Coon, & beaucoup veulent que ce soit le
sieur Silhon. Quoy qu’il en soit, nous auons cette piece imprimée
dans le Louure, & vn Imprimeur du Roy en ayant fait le
premier debit auec ordre de la Cour, ce seul tesmoignage est
suffisant pour prouuer, que si ce n’est l’vn de ces quatre Euangelistes
Mazarins, c’est vne plume plus coupable encore, puis
qu’elle tasche de renuerser le lict de Iustice de nos Rois, &
qu’elle veut persuader que les Iuges les plus entiers & les plus
religieux de la terre, sont plus noirs & plus conuaincus, que
l’infame & l’abominable qui a merité la rigueur de leur condemnation,
& la peine de leurs Arrests souuerains & irreuocables.

Ce n’est pas d’aujourd’huy que les Iuges sont accusez par
ceux-là mesmes qui se voyent sans innocence à leurs pieds, &
sans iustification dans leurs cachots ; & quiconque ait trauaillé

-- 10 --

à cette piece estudiée, il fait voir qu’il est meilleur amy du Mazarin,
que fidelle sujet du Roy, puis qu’il ne peut meriter cette
qualité vsurpée, en s’efforçant de destruire, comme il fait,
les Loix fondamentales de l’Estat, de donner atteinte à l’authorité
souueraine de sa Majesté, d’abolir les priuileges & libertez
de l’Eglise Gallicane, de renuerser les Maximes & les
Arrests des Parlemens, de ruiner les Ordonnances, & de violer
ce qu’il y a de plus saint & de plus sacré dans la conduite de
cette Monarchie glorieuse.

 

Pour ignorer l’histoire & les remedes qui conseruent les
grands Estats, il ne faut point s’écrier en l’exorde de cette satire,
Que ce genre de condemnation de mettre à prix la teste d’vn proscript
est inoüy & sans exemple.Outre que cette negation est
fausse & sans raison, elle se ruine par sa propre imposture, puisque
nos Mercures & tous nos Escriuains font foy, que le Parlement
de Thoulouse mit à cinquante mille escus la teste du
defunt Duc de Rohan, lors qu’il auoit les armes à la main
dans les Seuenes, & qu’il ne voulut pas obeïr aux premiers Arrests
donnez contre luy.

Le Parlement de Paris prononça pendant la ligue vn pareil
Arrest contre Landriano Legat, enuoyé du Pape pour mettre
le Royaume en interdit. Il auoit desia fait la mesme chose contre
l’Admiral Chastillon pendant le regne de Charles IX. ce
que le fidelle sujet du Roy remarque dans la page 35. & 36. de
l’impression seconde de son Apologie Mazarine que nous
auons, la reuoquant en doute neantmoins, & taschant de l’eluder
disant, que cet exemple n’a rien de commun auec le fait
dont il s’agit, parce que cet Admiral estoit heretique & chef
d’vne faction rebelle contre le Roy, comme si vn estranger impie,
vn proscrit & vn perturbateur du repos public, n’estoit
pas plus coupable & plus criminel qu’vn François qui suit vne
Religion tolerée de dans l’Estat, & qui n’est Chef que d’vn petit
party de mescontans.

D’adjouster qu’on n’osa estendre la mesme rigueur contre le
Cardinal de Chastillon son frere qui se fit heretique, pour inferer
de là que le Parlement ne l’auoit pû, c’est mal argumenter,
puisque l’Apostasie n’est point criminelle deuant les hommes
en France, où la liberté de conscience est permise, outre

-- 11 --

qu’il est tousiours plus saint & plus loüable de suiure vne Religion,
quelque corrompuë qu’elle puisse estre, que de n’en point
auoir du tout comme le Mazarin, qui n’est Cardinal que de
nom, Catholique Romain qu’en habit, & Prince de l’Eglise
que pour voler les Ciboires, profaner les Hosties, violer les Religieuses,
& ruiner les Temples & les Autels.

 

Antiochus Roy d’Antioche, proscriuit Apollonius Prince
de Tyr, & mit sa teste à prix par vn Edict public qui portoit
que ; Quicumque Apollonium Tyrum exhibuerit accipiet, quinquaginta
talenta auri ; qui vero caput eius amputauerit, centum talenta accipiet.

In geslis
mortalitatis
Romanor.
cap. 153.

Le Senat Romain qui n’a rien ignoré des choses necessaires à
la tranquillité de l’Empire, ordonna par vn sien Arrest, de poursuiure
publiquement, & de courre sus à Caius Marius, & de le tuer en
quelque part qu’on le peust trouuer. Il en fit autant contre C. Gracchus
& Sertorius, qui troubloient aussi le repos public, comme
tesmoigne le mesme Plutarque Et l’Italie a si bien retenu cette
vieille leçon, & les Papes mesmes, qu’on y met tous les jours
à prix les testes & la vie des coupables & des condamnez qu’on
ne peut faire obeir à justice ; & à moins que de soustenir qu’il
ne faut plus faire mourir personne, ny prononcer aucun Arrest
de mort contre les absens & les contumax, il est faux d’escrire,
& calomnieux de publier que cette procedure est vne cruauté
inoüye qui fait horreur à l’humanité.

Plutarque,
en la vie de
Caius Marius.

Ce fidelle sujet du Roy, ou plustost ce veritable Mazarin,
non content d’accuser la justice & la probité de son Altesse
Royale, en blasmant vn Arrest où il a opiné, le prend à partie ;
& voulant monstrer que le respect qu’il doit à ce grand Prince
luy est moins cher & moins considerable, que les interests de
celuy qui le paye pour iniurier & calomnier les plus iustes & les
plus religieux ; ose escrire en la page 3. de ses Sentimens desreglez,
que l’Ont le vnique de sa Majesté s’est laissé seduire pour consentir
à la condamnation de ce Cardinal, &c. qui est l’accuser de foiblesse
en sa personne, & d’iniustice & de corruption en sa qualité
de juge de ce proscript abominable, dont les crimes & les perfidies
luy sont plus connuës & plus auerées qu’à pas vn de tous
ceux qui ont informe contre ce monstre espouuentable.

Puis redoublant ses inuectiues & ses calomnies, il adjoûte
aux pages 18. 19. & 20 de cette mesme satire, & demande comme

-- 12 --

vn bon Procureur & vn maistre chicaneur ; Où sont les tesmoins
qui chargent ce coupable ? Deuant quels Iuges ont-ils fait serment
de me point blesser la verité ? les a-t’on confrontez selon qu’il s’obserue en
pareilles occasions ? Toute la deposition que l’on a receuẽ est celle de Monseigneur
le Duc d’Orleans, dont la naissance & la condition Royale ne permettoit
pas que l’on prattiquât en sa personne, ce qui s’obserue ordinairement
en celle des tesmoins.

 

Et ç’a esté pour ce sujet, dit-il encore, que dans le procez d’vn
Chancelier de France, le tesmoignage de François I. ne fut d’aucune
consideration dans l’esprit des Iuges, su Maiesté sacrée ne pouuant souffrir
qu’on le traittât à la façon ou des accusateurs on des tesmoins vulgaires
& communs ; l’equité naturelle ne permettant pas que sa parole fust
receuë sans les formes accoustumées, à la rigueur desquelles on ne pouuoit
l’assuiettir, &c. Et vn peu apres, disant que ceux qui accusent &
qui seruent de tesmoins, ne doiuent point assister au iugement
de ces criminels, il escrit auec assez d’insolence & de hardiesse,
que dans vne affaire capitale du Cardinal Mazarin, son Altesse
Royale qui l’accusoit, & qui pensoit auoir depuis peu plusieurs raisons de
ne le point aimer, n’a pas esté seulement present à la deliberation & à la
decision des Iuges ; on a deferé & on s’est arresté au tesmoignage seul d’vne
personne si considerable, quoy que l’on sçache bien que dans le procez
de Monsieur de Thou & Monsieur de Cinq-Mars, lequel fut traitté par
des Commissaires, les gens de bien soustindrent qu’vne declaration de
sa mesme Altesse par escrit n’estoit valable, ny capable de faire foy en
iustice, comme on dit, pour estre desnuée des formes legitimes qui sont
marquées par le Droit, &c.

Vous demandez en premier lieu, où sont les tesmoins qui
chargent ce coupable ? informez vous plustost où est le seul
homme qui habite l’Europe, & qui languit en France, qui ne
demande pas iustice des crimes de cette pourpre teinte du sang
d’vn million d’innocens, & d’autant de miserables qui n’ont
plus que la voix & la douleur pour se plaindre de ses desordres,
de ses cruautez, & de ses tyrannies ? Ne sçauez-vous pas les informations
qui ont esté faites, & qui se font tous les iours deuant
l’incorruptible Monsieur de Broussel, & le genereux
Monsieur le Meusnier Commissaires du Parlement pour cela ?
Ignorez-vous les rapports qu’ils en ont fait en cet Auguste Senat,
& les charges qu’ils y ont produites contre le criminel que

-- 13 --

vous flattez si laschement ? Vous sçauez mieux que personne
par quels artifices on a diuerti les tesmoins, & que si le Cardinal
Mazarin n’estoit point appuyé de toute la puissance de la
Cour, que tous les Officiers du Roy & de la Reine ont souuent
protesté qu’ils estoient prests de rendre leurs depositions contre
luy. Les liures de Cantarini son banquier contiennent des
sommes immenses que ce Corsaire a volez à la France.

 

Vous demandez encore, deuant quel Iuge tant de tesmoins
ont fait serment de ne point blesser la verité ? c’est deuant Dieu
le Iuge des Iuges, & deuant tout autant de Magistrats & d’Officiers
qu’il y en a dans le Royaume, estant impossible de se parjurer
dans vne accusation publique & generale ; puisque pas vn
de tous ceux qui deposent ne peuuent blesser vne verité confessée
de tout le monde, à moins qu’ils ne soient suspects & interessez
comme vous, & qu’ils osent soustenir comme vous faites,
que le Mazarin n’est point coupable, & que les François
luy sont bien obligez de ruiner l’Estat, de violer la Iustice,
d’empescher le commerce, de fomenter la guerre, d’establir le
brigandage, de mettre tout au pillage, de reduire les plus riches
à l’aumosne, & de faire regner la violence & la tyrannie
par tout.

Pour vn troisiesme grief, vous demandez si on les a confrontez
comme il s’obserue ? Apres que vous sçauez mieux que
personne que vostre client ne veut voir ny parler qu’à ceux qui
le flattent comme vous ; qu’il tient pour ennemis & reproche
tous ceux qui se plaignent de luy, qui est toute la France en general ;
Qu’il ne veut & n’oseroit comparoistre dans le Tribunal
où il est assigné pour obseruer cette formalité, & les autres que
vous desirez ; outre que pour trouuer vn tesmoin qui ne luy
soit point suspect, il faudroit en faire venir d’vn pais où il n’est
point connû, qui feroit encore vne autre cause de recusation
fauorable pour luy, puisque ceux qui ne connoissent point l’accusé
ne font pas plus de foy que ceux qui le connoissent trop
& qui sont soupçonnez de haine ou d’amour, pour ou contre
luy : Si bien que si ceux qui le connoissent auec les maux qu’il
fait, se rendent recusables pour se plaindre de luy, & si ceux
qui ne le connoissent point n’en peuuent parler legitimement,
ny de poser iuridiquement, où trouuera-t’on des tesmoins valables

-- 14 --

à vostre fantaisie pour instruire & faire le procez à vn
coupable de notorieté publique, & au plus conuaincu de tous
les hommes ? Et s’il se fait garder par dix ou douze mille hommes
pour empescher les significations qu’vn seul Huissier luy
pourroit faite ; est-ce sa faute ou celle de la justice si on passe
pardessus les formes ordinaires, pour condamner celuy qui en
pratique de si violentes & de si extraordinaires ?

 

Apres toutes ces petites fuites de chicane, vous venez fondre
auec vostre insolence accoustumée sur les plaintes & la deposition
de Monseigneur le Duc d’Orleans, qui est vn tesmoin,
omni exceptione major, lequel porte sa foy & sa creance auec soy,
puisqu’il est le sur-veillant de l’Estat, qu’il est responsable de
l’education du Roy son Nepueu, & des actions de tous ceux
qui entre dans ses Conseils ; outre qu’il ne parle que par la bouche
d’vn million de complaignans & de supplians, auec vn adueu
de tout ce qu’il y a de saint & de vertueux dans ce Royaume
languissant ; c’est pourquoy ce n’est ny luy ny son authorité
Royale qui parlent, c’est la voix publique, & les soûpirs de tous
les bons François ; ce n’est ny sa deposition ny son jugement
seul qui ont condamné le Mazarin, ce sont les crimes atroces
& manifestes de ce proscrit abominable, & s’il n’y auoit que
ceux qui ne l’accusent pas qui fussent capables de le juger, il
ne se trouueroit personne qui puisse l’entreprendre, parce qu’il
n’y a plus qui que ce soit en France qui ne se plaigne de luy, qui
ne depose contre luy, qui ne iuge contre luy, & qui ne demande
iustice de ses crimes & de ses tyrannies insupportables, vox
populi, vox Dei. Les plaintes vniformes d’vn million de bouches,
les pauures qui peuplent les Villes & qui desertent le
plat-paїs, les incendies, les violemens, les sacrileges & les desolations
pitoyables qui se voyent par tout, sont-ce pas des tesmoins
assez puissans, & des preuues assez conuainquantes pour
faire condamner l’Autheur de tant de miseres & de tant de calamitez
publiques ?

Si vn Chancelier de France qui signe tant d’Arrests tout
seul ne peut estre recusé, comme il soustient, quoy que faussement,
en tout rencontre. Vn premier Prince du Sang, vn Oncle
vnique du Roy, vn Lieutenant general du Royaume, &
celuy qui est pardessus le Chancelier par tout, & qui preside en

-- 15 --

tous les Conseils de sa Majesté, sera-t’il plus recusable que luy,
parce qu’vn Huissier ne l’a point assigné comme vn petit Bourgeois
pour venir deposer contre le Mazarin, & qu’on n’a point
ordonné qu’il seroit recolé & confronté comme vn homme du
commun, à vn coupable qui ne veut point comparoistre en
justice.

 

Si vous auiez bien leu nos Practiciens François, ils vous auroient
desabusez en cela, vous apprenant que les recusations
n’auoient point de lieu chés les anciens Romains pendant l’instruction
du procez, mais seulement lors qu’on estoit prest de
donner le jugement definitif, parce disent-ils, que l’instruction
n’est que de fait, & que les admettre plustost se seroit interrompre
le cours & l’instruction du procez ; outre que la pluspart
des Iurisconsultes enseignent, que la recusation n’est pas
vne deffense ; Fide accusandum, ratione defendendum, religion iudicandum,
disoit Ciceron parlant à Hortense, lequel pensoit
sauuer son client Verres ; Confugiens ad remedia & porfugia omnia
causarum, comme vous faites, parce qu’autrement se seroit fauoriser
les fuites, les longueurs, les chicannes, & les illusions
qui s’apportent en iustice pour l’alterer & la retarder ; Quand
le Mazarin sera aux pieds de la Cour pour purger sa contumace
& sa rebellion, elle est trop juste & trop equitable pour ne le
point entendre en toutes ses deffenses, & ses exceptions.

Cicero. oratio.
in Verrem.

Ie ne sçay si vous auez esté assez curieux pour lire dans les
Registres du Parlement ce qui se passa à la condamnation du
Chancelier Poyet, mais ie n’y ay point trouué que François I.
y ait seruy de tesmoin, ny que sa deposition y ait esté en si peu
de consideration que vous l’escriuez, puisque les procez verbaux
des Mercredy 22. & Ieudy 23. Avril 1545. & les Lettres
patentes de sa majesté du 13. Avril de la mesme année, ne font
aucune mention de cela, nos Rois ne plaidans iamais en personne
ny en leur nom, mais en celuy de leurs Procureurs generaux
seulement, tant en ciuil comme en criminel ; outre que
vous vous contredites assez vous mesme, quand vous faites ce
grand Roy accusateur & tesmoin tout ensemble, & que vous
adioustez in continent apres, Que sa maiesté sacrée ne pouuant
souffrir qu’on le traittât à la façon, ou des accusateurs ou des tesmoins
vulgaires & communs, son tesmoignage ne fut d’aucune consideration

-- 16 --

[1 mot ill.] l’esprit des Iuges. qui est declater par vostre propre escrit,
qu’il ne fut ny partie ny tesmoin en cette affaire, comme il est
veritable aussi, si ce n’est que vous vouliez soustenir que nos
Rois le sont de tous ceux que son Procureur general entreprend,
& poursuit en son nom & d’office.

 

Et afin que vous appreniez la verité de ce qui se passa en cette
procedure remarquable, & que vos Lecteurs puissent connoistre
que vous alterez & corrompez tous les exemples &
toutes les authoritez dont vous vous seruez pour flatter vostre
Mazarin : le veux donner au public cet Arrest en son entier,
afin de faire voir à tous les bons François vn rayon de l’authorité
& de la Majesté de ce grand Parlement, qui condamnant
vn Chancelier de France pour quelques peculats mediocres,
& pour auoir abusé de son authorité, & entrepris au delà du
pouuoir de sa Charge, peut bien iuger vn petit Cardinal estranger
qui s’empare de tous les biens de l’Estat, & qui est assez insolent
pour interdire les Parlemens, quand ils s’opposent à ses
iniustices & à ses tyrannies. Le voicy fidellement extrait des
Registres du Conseil ; Registre cotté num. 92. fueillet dernier.

EXTRAIT DES REGISTRES
de Parlement.

VEV par la Cour le procez criminel fait à l’encontre de
Messire Guillaume Poyet Chancelier de France, prisonnier
par Ordonnance du Roy ; Maistres Iean le
Royer Conseiller du Roy au Chastelet de cette ville de Paris,
& Louis Martine Substitut du Procureur general du Roy audit
Chastelet aussi prisonniers, pour les fautes, abus, maluersations,
crimes & delicts mentionnez audit procez, les charges
& informations à l’encontre d’eux faites, interrogatoires, responses,
confessions, denegations, recollement & confrontations
de tesmoins : Les Lettres patentes du Roy en datte du 13.
jour d’Avril, l’an 1545. auant Pasques, pour proceder au jugement
dudit procez ; plusieurs lettres & pieces mises par deuers
ladite Cour, tant par ledit Procureur general, que de la part

-- 17 --

desdits prisonniers, pour leurs iustifications & deffenses. Certaines
Requestes par eux presentées à ladite Cour, les Conclusions
du Procureur general du Roy, & apres que lesdits prisonniers
ont esté amplement ouïs en ladite Cour, & tout consideré :
Il sera dit sans autrement auoir esgard ausdites Requestes,
entant que touche ledit Poyet Chancelier ; Que pour les abus,
fautes, maluersations, entreprises outre & pardessus son pouuoir
de Chancelier, crimes & delicts par luy commis, mentionnez
audit procez, & dont il s’est trouué chargé : Que ledit
Poyet sera priué, & le priue ladite Cour de ses Estats & Offices
de Chancelier, l’a declaré & declare inhabile & incapable de
iamais tenir Office Royal ; & pour plus ample reparation desdits
abus & crimes priuilegiez : Ladite Cour l’a condamné &
condamne en la somme de cent mille liures parisis d’amende
enuers le Roy, & tenir prison iusques à plein & entier payement
d’icelle : Et pour aucunes causes à ce mouuans ladite
Cour, a ordonné & ordonne, Que ledit Poyet sera confiné dedans
le temps & espace de cinq ans, entelle ville & sous telle
garde qu’il plaira au Roy ordonner. Et quant ausdits le Royer
& Martine, pour les fautes & maluersations par eux commises,
& pour les cas priuilegiez ; Ladite Cour les a suspendus & suspens
de leurs Offices, à sçauoir le dit le Royer de son Office de
Conseiller au Chastelet iusques à dix ans, & ledit martine de
son dit Office de Substitut de Procureur general audit Chastelet
iusques à cinq ans, & a condamné & condamne chacun
d’eux respectiuement, en la somme de deux cent liures parisis
d’amende enuers le Roy, & tenir prison iusques à plein & entier
payement d’icelle ; Et au surplus, a ladite Cour ordonné
& ordonne, que les biens de feu Maistre Pierre le Bailly, en
son viuant Vicomte de Neuf-Chastel adiugés audit Poyet, seront
saisis sous la main du Roy, si saisis ne sont, iusques à ce
qu’autrement par ladite Cour en soit ordonné, sur lesquels
biens, par maniere de prouision par les mains des Commissaires,
sera baillé & deliuré à la veufue & enfans dudit Pierre le
Bailly la somme de quatre cent liures pour la poursuite de leurs
droits & procez, tant à l’encontre dudit Poyet qu’autres, &
sauf leur faire plus grande prouision s’il y eschet : Et a ladite
Cour reserué & reserue aux parties interessées mentionnées

-- 18 --

audit procez, leurs droits & actions à l’encontre desdits Poyet,
le Royer & Martine respectiuement, pour iceux poursuiure
en ladite Cour, & à eux leurs deffenses au contraire, lesquelles
parties interessées se pourront aider des pieces & productions
de ce present procez, qui leur seront communiquées par les
mains dudit Procureur general. Prononcé en iugement la
Cour seant en forme de Cour, toutes les Chambres d’icelle assemblées
en la presence dudit Poyet, suiuant les Lettres patentes
du Roy le 23. jour d’Avril l’an 1545. apres Pasques.

 

Arrest criminel
du
Parlement
de Paris, cõtre
le Chancelier
Poyet

Apres auoir imposé au Roy François I. vous venez aux iniures
& aux inuectiues contre son Altesse Royale, disant en la page
20. de vos Sentimens desguisez : Qu’ayant esté iuge & tesmoin
on s’est arresté à sa seule de position, quoy que l’on sçache bien que dans le
procez de Monsieur de Thou & Monsieur de Cinq-Mars, lequel fut
traitté par des Commissaires, les gens de bien soustindrent qu’vne declaration
de sa mesme Altesse par escrit, n’estoit valable ny capable de faire
foy en iustice, comme on dit, pour estre desnuée des formes legitimes qui
sont marquées par le Droit, &c.

Pour faire voir que la consequence que vous voulez tirer de
ce raisonnement est fausse & passionnée, monstrons que vostre
majeure ne l’est pas moins, & que vous establissez de faux principes
pour donner couleur à vne tres-mauuaise cause ; Et si
vous estes sans raison de vouloir inferer que les gens de bien, à
ce que vous dites, ayans rejetté la deposition de son Altesse
Royale en l’affaire de Messieurs de Thou & de Cinq-Mars,
Messieurs du Parlement ne le sont pas de l’auoir admise en celle
de vostre Mazarin ; vous n’en auez pas dauantage d’inuenter
des impostures, pour taxer d’injustice & de perfidie la probité
d’vn grand Prince, dont la vertu est aussi connuë & reuerée
que vos crimes & vos mensonges sont publics & odieux à tout
le monde.

Nous lisons dans le procez verbal de monsieur le Chancelier
Seguier du 29. Aoust 1642. rapporté dans le Iournal du
Cardinal de Richelieu, fol. 174. & ailleurs : Qu’il a receu la deposition
de Monsieur, iudiciairement faite pardeuant luy des faits ensuiuans,
&c. Voila desia comme il a deposé iudiciairement, & suiuant
les formes ordinaires, à moins que vous vous inscriuiez
en faux contre la teneur de cet Acte public.

-- 19 --

Pour n’auoir esté recolé ny confronté au Mazarin, il ne le
fut pas aussi à ces deux Seigneurs qui furent traittez bien plus
rigoureusement, encore qu’ils fussent moins coupables & d’autre
consideration que ce Cardinal tout rouge de nostre sang ;
nous auons des loix expresses qui reçoiuent ainsi les tesmoignages,
mesme par escrit, des Gouuerneurs de Prouince, & des
Capitaines des Frontieres & des Places de guerre ; à plus forte
raison d’vn Lieutenant general de tout le Royaume, outre la
qualité du deposant & celle de l’accusé, qui n’ose & ne veut
comparoir deuant ses Iuges ny deuant ses tesmoins. Les Grecs
aussi bien que les Romains ont obserué cette mesme formalité,
en faueur des tesmoins qui sont au dessus de ces submissions,
qui ne sont que pour les personnes & les causes ordinaires ;
puisque Plutarque remarque en la vie de Simon, que ceux de
Cheronnée estans accusez d’homicide pardeuant le Gouuerneur
de Macedoine, & qu’appellans à tesmoin pour leur iustification
Lucius Lucullus, il leur donna son tesmoignage par
escrit, lequel eut tel poids sans autre confrontation, que les
Cheroneens en furent absous.

Non content d’attaquer la reputation de nos Rois, & l’honneur
des plus grands Princes du Sang Royal, il s’en prend encore
à leurs premiers Magistrats, & à ceux qui ont en depost
leur lict de Iustice, & leur authorité Souueraine ; disant en la
page 3. Que ce puissant Senat a prononcé cet Arrest funeste à l’impourueu
& tumultuairement, en se laissant aller au torrent d’vne cabale née de
l’animosité de peu de personnes interessées, pour n’estre point capable de
soy-mesme & par son propre mouuement, d’vne resolution de cette qualité,
&c.

Cette iniure auec tout son plastre & toute sa dorure, ne laisse
pas de faire passer cette Compagnie venerable pour seditieuse,
passionnée, corrompuë, aueuglée, imprudente, sans vertu &
sans justice, puisqu’elle n’en peut auoir aucune en donnant ses
Arrests de la sorte : ce que personne n’a iamais mis en auant depuis
le moment de son establissement, que ce fidel sujet du
Roy, qui veut que les Iuges qui ont condamné son cher amy
le Mazarin, soient plus coupables & plus criminels que l’Autheur
& la cause de tous les maux & de toutes les desolations,
non seulement du Royaume, mais de toute l’Europe en general,

-- 20 --

où ce Ministre proscrit & inhumain est en horreur & en
abomination, comme le plus meschant & le plus scelerat de
tous les hommes.

 

D’adiouster incontinent apres ce bel Eloge, en la page 4.
Que le Parlement n’a donné cet Arrest contre le Mazarin, que pour satisfaire
la haine & la passion de peu d’auares, d’ambitieux, & de broüillons,
contre vn Ministre qui s’est opposé à leurs factions, & à leurs cabales,
&c.

C’est accuser de nos defauts les miroirs les plus purs qui les
representent, & charger de nos crimes les Confesseurs qui
nous en punissent & qui nous en blasment. Encore si l’Autheur
de ces rares Sentimens auoit nommé quelqu’vn de ces auares,
de ces ambitieux, & de ces broüillons qui ont iugé & condamné
son confident le Mazarin ; Et puisqu’il n’a point craint d’injurier
le Corps en general, où il veut qu’il se trouue quelque
chose d’Auguste & de considerable, parmy tant d’infamies
dont il le charge, il ne deuoit point apprehender d’en descouurir
les parties honteuses, & ce qu’il y trouue de blasmable &
de defectueux, pour monstrer qu’il est sans impostures, & qu’il
a quelque sujet de se plaindre. Toute la France estant fort assurée
que les Senateurs de cet inesbranlable Parlement, que
l’on a tasché de corrompre à force d’argent, de Charges, de
Benefices & de pensions qu’ils n’ont voulu accepter ny receuoir,
sont ceux-là mesme qui ont voulu que la iustice se fist du
Perturbateur du repos public, du Fleau de l’Estat, & du Corrupteur
des bonnes mœurs. Et si cet Arrest a passé du bonnet,
& par la voye du sainct Esprit, Omnium consensu, comme chacun
sçait ; son Altesse Royale & deux cens Officiers qui ont opiné,
sont des auares & des ambitieux, qui n’ont rien fait que pour
de l’argent, sans neantmoins qu’on puisse dire qui l’a receu ny
deliuré, pour estre encore dedans les coffres du Cardinal insatiable.

De dire pour supplément de calomnie, que cette Illustre &
genereuse Compagnie n’a condamné ce rare & precieux Ministre,
qu’à cause qu’il s’est opposé à leurs cabales & à leurs factions ;
c’est prendre le mensonge pour la verité, & chercher
des accusations dedans les iuges, lesquelles ne se trouuent &
ne se rencontrent que dans l’accusé, & celuy qui le deffend ;

-- 21 --

estant inoüy que cet Auguste Senat ait iamais esté capable de
cabales ny de factions, mais tousiours le seul qui les a empeschées
& condamnées, & puny rudement ceux qui en brasoient
& qui en fomentoient comme fait le Mazarin, qui voudroit
rendre la justice à sa mode, & gouuerner l’Estat à sa fantaisie,
pour acheuer de le perdre & le ruiner, comme il a si malheureusement
commencé.

 

Pour rebuter les bons François & les genereux soldats, de
tenir la main à l’execution de cet Arrest iuridique & necessaire,
il ne faut pas dire qu’on veut faire autant de Bourreaux qu’il
y a d’hommes dans le Royaume, puisque celuy qui le fera n’aura
pas moins de gloire ny moins d’innocence que la chaste Iudith,
& sera moins blasmable que les Satrapes que le Mazarin
employe tous les jours pour tuer, piller, violer, & destruire tant
d’innocens qui demandent iustice de ses tyrannies & de ses
abominations ; n’y ayant rien que d’honneste & d’equitable en
proposant cette teste Couronnée, pour rançon de moindres criminels
qui l’auront coupée, puisqu’il n’y a point de particulier
en toute la France qui puisse faire autant de mal en toute
sa vie, qu’il causera de bien & de bon-heur en deschargeant le
Royaume de cette peste funeste ; outre qu’en matiere d’Estat
on souffre de petits maux, pour causer de plus grands biens. Vn
grand Ministre d’Estat ayant dit il y a long-temps, que ; Omne
magnum exemplum habet aliquid ex iniquo, quod contra singulos vtilitate
publica rependitur. N’estant point nouueau en France ny par
tout ailleurs, de donner des graces & des abolitions à des coupables,
qui n’ont point merité & ne sçauroient meriter de la
Republique, comme feroit celuy qui l’exemptera & la deschargera
de son fleau, & de son tyran domestique, sans commettre
aucun parricide, comme portent les Sentimens, mais vn tyrannicide
le plus juste, le plus important, & le plus desirable
qui sera iamais.

Tacit. lib.
14. Annal.

Si c’est enfraindre les immunitez Ecclesiastiques & les priuileges des gens
d’Eglise, que de juger & condamner le Mazarin comme on a fait.

L’autheur des Sentimens que nous refutons, pour fauoriser
la mauuaise cause qu’il deffend, soustient en la page 4.

-- 22 --

& 5. de son escrit, & veut persuader que c’est enfraindre les immunitez
Ecclesiastiques, & les priuileges des gens d’Eglise, que de iuger
& condamner le Mazarin, comme on a fait. Et parce que cet
erreur fait le poinct fondamental de ses griefs, & la baze de ses
plus fortes raisons, il importe de l’enfoncer vn peu au long,
tant pour detromper le Mazarin & ses flatteurs, que pour faire
connoistre à tout le monde que le Parlement n’est point
capable de nouueauté, ny de faire injustice à ceux qui sont responsables
de leurs vies & de leurs actions pardeuant l’equité
de ses Oracles.

 

Les Papes & les Euesques qui ont parlé de la police exterieure
de la France, & qui ont reconnu l’authorité de nos Rois,
tant en l’Eglise vniuerselle, que dans celle de leur Royaume &
païs de leur obeïssance, confessent vnanimement, que ; in hoc
regno coniunctæ fuerunt duæ illæ potestates, Ecclesiastica & ciuilis, sed
sine confusione personarum & munerum, & istud duarum potestatum
consortium, Ecclesiæ Gallicanæ nomine apud nos continetur, ita vt libertates
Ecclesiæ Gallicanæ, munera vtriusque potestatis tam Ecclesiasticæ
quam ciuilis, certis quibusdam hinc inde finibus circumscripta complectantur.
Quare longe à proposito aberrant, qui Ecclesiam Gallicanam
clero coërcent ; latior est illius significatio, quæ laicos, & ipsum Regem
comprehendit.

De Marca,
de Concordia
Sacerd.
& imper.
lib. 2. cap. I.

C’est pourquoy Philippe le Bel eut bonne grace, quand il
respondit à Boniface VIII. auant qu’ils eussent rompu ensemble ;
Sancta mater Ecclesia sponsa Christi, non solum est ex Clericis, sed
etiam ex Laicis ; Adioustant vn peu apres, que ; Clerici quia sunt in
Ecclesia authoritate & munere potiores, non debent, net possunt, nisi
forsitan per abusum, sibi appropriare quasi alios excludendo, Ecclesiasticam
libertatem, loquendo de libertate qua Christus nos sua gratia liberauit.

Acta, inter
Bonifac. &
Philipp.
pulchr.

Le Pape Gelase expliquant plus nettement les fonctions de
ces deux puissances distinctes & separées, dit : Imperatorem præsidere
humano generi dignitate, sed in perceptione Sacramentorum sacerdotibus
subdi ; legibus principis quantum attinet ad ordinem publicæ
disciplinæ parere religionis antistites ; sed in erogandis misteriis, & in
ce lestibus Sacramentis, principes ordine religionis à sacerdotum iudicio
pendere ; En vn mot, dit le Pape Leon IV. Sicut Reges præsunt in
causis sæculi, ita sacerdotes in causis Dei ; Regum est corporalem irrogare

-- 23 --

pœnam, sacerdotum spiritualem inferre vindictam ; & si nos incompetenter
aliquid egimus, & in subditis iustæ legis tramitem non conseruauimus ;
vestro ac Missorum vestrorum (parlant à l’Empereur Louïs
le Ieune) cuncta volumus emendare iudicio, & le reste qui seroit
trop long à rapporter.

 

Gelas. Epis
ad Anastas.
Imper.

Causa 2. qui
7. Cano. nos
si incompetenter.

Gregoire de Tours auoit eu cette mesme pensée long-temps
auparauant, disant au Roy Chilperic ; Si quis de nobis, ô Rex, iustitiæ
tramites transcendere voluerit, à te corripi potest ; si vero tu excesseris,
quis te corripiet ? Loquimur enim tibi, sed si volueris audis ; si autem
nolueris, quis te damnabit, nisi is qui se pronuntiauit esse iustitiam.

Greg. Tur.
lib. 5. cap. 19

Vn des plus grands Prelats que la France ait iamais porté,
n’a point ignoré l’authorité de nos Rois ny le pouuoir de ceux
qui le representent en son lict de Iustice sur les gens d’Eglise,
quand il escrit, que ; Episcopalis authoritas prædicando vita, & verbo ;
& Regia dignitas regendo, & corrigendo. L’authorité des Euesques
ne consiste que dans le bon exemple, & dans les saintes instructions,
le commandement & la punition estant entre les mains
du Roy, lequel il appelle Pasteur & Recteur, dans l’Epistre
qu’il enuoye aux grands du Royaume pour l’instruction du
Roy Caroloman ; Rex in semetipso, nominis sui dignitatem custodire
debet, nomen enim Regis intellectualiter hoc retinet, vt subiectis omnibus,
rectoris officium procuret. Saint Iean Chrysostome ayant dit
long-temps auparauant, que Sacerdos de celestibus negoitiis habet
pronuntiandi authoritatem ; Rex vero administrationem rerum terrenarum
sortitus est : Et si les Euesques se mesloient quelquefois de
iuger quelques causes ciuiles, & des differens temporels, ce
n’estoit qu’en qualité d’arbitres, & par vn consentement volontaire
des parties, à la charge de l’appel pardeuant le Iuge
temporel des lieux, ce qui est declaré en trente endroits du
Code, où l’Empereur Iustinien dit, que ; Si ciuilium rerum controuersia
sit, volentes quæstionem apud Antistites instituere patiemur ; inuitos
tamen non cogemus : Ce qui fait voir comme la jurisdiction
Ecclesiastique n’estoit que volontaire & tolerée, mais non pas
ordinaire ny necessaire ; puisque ; in inuitos iudicium redditur, sed
à suis iudicibus, comme porte la glose marginale de cette Loy.

Hincmar.
de Diuort.
Lothar. &
Teberg.
quæst. 7.

Hincmar.
to. 2. tit. 14.
cap. 6. & tit.
15. cap. 7.
S. Chrysost.
homil. 5, de
verbo Isaiæ.

Auth. Coll.
9. tit. 6. nouell. 123.
cap. 21.

Codic. de
Episcop. audient.
leg.
29. §. 4.

Ce qui est si veritable, que ce grand Prince voyant que les
Ecclesiastiques vouloient s’approprier vn droit qu’ils n’auoient
que par souffrance & par tolerance, pour la consolation des

-- 24 --

Chrestiens qui desiroient vuider leurs differens à l’amiable, &
qu’ils empietoient autant qu’ils pouuoient sur la iurisdiction
des Laïques, dit en deffendant de plus ouurir les testamens deuant
les gens d’Eglise, que ; Absurdum est si promiscuis actibus rerum
turbentur officia, & altis creditum alius subtrahat, & præcipuè Clericis
quibus opprobrium est si peritos se velint disceptationum esse forensium.

 

Codic de testam.
leg. 23.

Il seroit facile de cotter vne infinité de loix semblables, tirées
des Ordonnances des Empereurs Latins & des Grecs qui
leur ont succedé, si ce nombre pouuoit quelque chose sur la
verité qui n’est qu’vne ; mais crainte que les Ecclesiastiques
n’alleguent leur deffaite ordinaire, que les Souuerains abaissent
autant qu’ils peuuent la puissance de l’Eglise, voyons si
leurs propres Escriuains ont des sentimens contraires à ceux
que nous venons de rapporter.

Hincmar Archeuesque de Rheims escriuant à Rodulphe
Archeuesque de Bourges, & à Frotaire Archeuesque de Bourdeaux,
touchant le mariage d’Estienne auec la fille de Raimond
Comte de Thoulouse, dit parlant des difficultez qui s’y
presentoient à iuger ; in his nihil de ciuili iudicio, cuius cognitores
non debemus esse Episcopi, ponere, sed quæ Ecclesiasticæ definitioni noscuntur
competere, quantum occurrit memoriæ, breuiter studui adnotare.

Hincmar.
to. 2. tit. 37.

Saint Bernard aussi jaloux des droits & de l’honneur de l’Eglise
que les Euesques d’aujourd’huy pour le moins, prenant
les choses en leurs sources, & s’addressant au Pape comme le
premier des Euesques, & le Chef de tous les Ecclesiastiques,
dit en haine de cette ambition de vouloir s’embarasser dans les
affaires du monde ; Audi Apostolum, quid de huiusmodi sentiat, sæcularia
iudicia si habueritis, contemptibiles qui sunt in Ecclesia, illos constituite
ad iudicandum, ad verecundiam vestram dico. Vnde & dicebat
Apostolus, Episcopum instruens ; nemo militans Deo implicat se negotiis
sæcularibus, vt ei placeat cui se probauit ; Stetisse lego Apostolos iudicandos,
sedisse iudicantes non lego ; ergo in criminibus, non in possessionibus
porestas vestra ; quæ tibi maior videtur dignitas & potestas dimittendi
peccata, aut prædiæ diuidendi ? habent hæc terrena iudices suos, Reges &
Principes terræ ; quid fines alienos inuaditis ? quid falsem vestram in
alienam messem extenditis ? & le reste dont cet admirable traitté
est rempli sur ce sujet.

S. Bern de
Consid. ad
Eugen. lib. 1.
cap. 5.

1. Ad Tim.
cap. 2. v. 4.

Les Theologiens mesmes des Papes, & ceux qui se sont les

-- 25 --

plus declarez pour agrandir leur authorité temporelle, & faire
valoir la iurisdiction des Ecclesiastiques, enseignent que ; Politica
potestas habet suos principes, leges, iudicia, &c. & similiter Ecclesiastica
suos Episcopos, Canones, Iudicia ; illa habet pro fine temporalem
pacem, ista salutem æternam : Ce qui semble auoir esté tiré de
Cujas, qui dit en ses Paratitles, que ; Iurisdictio Ecclesiastica, curam
habet Religionis & Sacrorum, sine vllo imperio, & iurisdictione ;
dequoy Baronius demeure d’accord parmy le grand nombre
de ses opinions, quand il emprunte le discours que S. Ambroise
fit à l’Empereur Theodose, qu’il rapporte en ces termes ; Ad
Imperatorem palatia pertinent, ad sacerdotem Ecclesiæ, publicorum mænium
ius tibi commissum est, non sacrorum.

 

Bellarm. de
Rom. Pont.
lib. 5. cap. 6.
tom. I. Controu.

Cuiac, Paratit.
Codi[2 lettres ill.]
de Episc. &
Cleric.

Baron. Annal.
tom. 4.
ann. 387.

Pour esclaircir tousiours dauantage ce poinct Politique, &
si fort controuersé entre les Euesques & les Parlemens, adjoûtons
encore quelques decisions d’Autheurs dignes de foy, &
de gens qui ne puissent estre suspects à Messieurs nos Prelats, &
taschons de leur persuader qu’il est certain, qu’au temps que
l’Eglife a esté sans ambition, & pendant sa plus grande pureté,
il n’y auoit rien de si deffendu aux gens d’Eglise que la connoissance
& le maniment des affaires temporelles & ciuiles ;
S. Clement successeur mediat de saint Pierre, ayant ordonné
auec menace, que ; Episcopus, aut Præsbyter, aut Diaconus sæculares
curas non suscipito, alioqui deponitor : Ce qui est confirmé par le i. &
4. Concile de Cartage, par celuy de Calcedoine, Mayence &
autres. Aussi n’auoient-ils en ce temps-là aucune iurisdiction
contentieuse ; Nullum forum legibus, sed audientiam & notionem
duntaxat ; non encore sur toutes sortes de personnes, ny en tous
cas indifferemment, mais sur les Ecclesiastiques seulement.

Can. Apost.
num. 6.

Leg. 25. Cũ
Clericis,
Codic. de
Episcop. &
Cler.

Nouel. Val.
de Episc. iudic.

Nouel. Iust.
79. & 88. vt
clerici apud
proprium
Episcop.

Estant certain que toutes les peines Ecclesiastiques ne tendent
qu’à punir ce qui est fait contre la police de l’Eglise, purger
les ames du peché, & les disposer à la Beatitude eternelle,
qui est la fin de la puissance Ecclesiastique ; Bonum scilicet spirituale
animarum : Et pour ce qui se commet contre la societé ciuile,
contre le repos de l’Estat, & le bien vniuersel de la Republique,
l’Eglise ne le peut punir ; parce que la garde & la conseruation
de l’Estat ne luy est pas commise, & n’est point de sa
charge ; c’est pourquoy il faut de necessité necessitante que la
connoissance des crimes qui se commettent contre la societé

-- 26 --

[illisible] & qui troublent la Republique contre quelque personne
[illisible] appartienne à ceux qui ont en main le gouuer
[illisible] puisque l’Eglise n’a ny parties ny Iuges, ny
[illisible] delicts, & que le soing & l’administration des
[illisible] ne luy est aucunement commise. C’est
[illisible] elle connoistra seulement ; De iuste & iniusto, quatenus
[illisible] & le punira en tous Chrestiens & catholiques ; Et in
[illisible] par application des penitences, comme jeusnes,
[illisible] pelerinages, & autres mortifications ;
[illisible] par le trenchant de l’excommunication
mais auec tout cela le Iuge Royal ne laissera pas d’y
mettre la main, & d’y appliquer la seuerité des Loix, entant
que c’est iniustice combe en crime public, pour lequel les
[illisible] violées, & la societé ciuile troublée, il faut reparer
ce [1 mot ill.] par l’exemple & la correction de celuy qui en est
l’autheur. Et comme les Ecclesiastiques ne sont pas moins peccables
que les autres hommes ; Aussi doiuent-ils, le cas y [illisible],
estre sujets aux peines oiuiles qui vangent & qui repriment
ce qui se commet contre la loy publique ; ad cuius præce[illisible]
qui in republica sunt vitam instituere debent.

 

[illisible]

[1 mot ill.] Pannuinus, autheur Ecclesiastique, descriuant
l’estat des premier Papes, en parle ainsi ; nam etsi ante Romani
Pontistes tanquam religionis Christianæ capita Christique Vicary, &
Petri successeres colerentur ; non tamen eorum authoritas vltra protendebatur
quam in fides degmatibus vel asserendis, vel tuendis ; cæterum Imperata
[1 mot ill.] suberant, ad eorum nutum omnia fiebant, ab eis creabantur.
Le Pape Pelage I. escriuant à Childebert Roy de France, en
l’an 555. aduouë que les Souuerains Pontifes sont sujets aux
Rois dans la police generale de la Republique ; Regibus nos subditos
esse sacræ Scripturæ præcipiunt ; Et l’Eglise & ses successeurs
Papes ont trouué cette declaration si iuste & si legitime, qu’ils
en ont fait vn Canon & vne regle generale pour tous les Ecclesiastiques.

[9 lignes ill.]

Sur ces fondemens inesbranlables, & sur cette possession si
sainte & si reconnuë, la France qui s’est tousiours maintenuë
en l’obseruance & la liberté des anciens Canons, & empesché
que les nouueaux ne prissent pied chés soy, a tousiours soustenu
qu’au Roy seul, & à ses Officiers, appartient de connoistre

-- 27 --

des choses temporelles de son Royaume, soit au ciuil, soit au
criminel, dequoy le Pape Innocent III. demeure d’accord
quand il dit que ; Rex Franciæ superiorem in temporalibus neminem
recognoscit.

 

Pour suiure l’ordre que nostre aduersaire establit, auant que
de venir aux preuues & aux exemples qui feront connoistre
l’vsage & la possession de ces maximes establies ; il importe de
respondre aux menaces qu’il fait au Parlement, disant au commencement
de la page 5. Que le Souuerain Pontife estant blessé de
ce coup fatal par le flanc d’vn Cardinal, oubliast tellement la dignité supréme
de la Chaire des Apostres, que ce dessein monstrueux auroit esbranlée
iusqu’en ses fondemens, qu’il la peust trahir, qu’il demeurast
insensible à ses iniures, & que pour la vanger il n’empoignast pas la foudre
celeste que le Fils de Dieu luy a mise entre les mains pour escraser tous
les contempteurs de son Eglise, & de ceux qui la gouuernent, &c.

Voila de belles paroles & fort Chrestiennes, mais tres-mal
entenduës, & encore plus mal appliquées ; Le Parlement sçait
le respect qu’il doit à l’Eglise & à ses Ministres, mais il sçait bien
aussi la justice qu’il est obligé de faire des coupables, & de ceux
qui la des-honnorent. Vous monstrés que vous estes vn grand
flateur, de mettre vostre Mazarin au nombre de ceux qui gouuernent
l’Eglise, luy qui n’en a aucun caractere, luy qui n’en
fit iamais fonction quelconque, & qui n’en connoist quoy que
ce soit que les grands reuenus qu’il en tire, & qu’il merite si
peu. Si les excommunications dont vous menacez tant de gens
de bien, sont à craindre & à redouter ; C’est à vn Cardinal qui
possede cinquante Benefices considerables, sans en desseruir
pas vn ; qui en vend tous les ans plus de cent argent comptant ;
qui en ruine toutes les campagnes plus de mille ; & qui n’a autre
Breuiaire que Machiauel & l’Aretin, ny autres gens d’Eglise,
ny autres Religieux auprés de soy que des Satrapes, des
Polacres, des Suedois, des Barbares, & des impies qui pillent
les Eglises, & qui font manger le Saint Sacrement (horreur
Chrestien) à leurs chiens & à leurs cheuaux. Et les Iuges qui
condamnent l’autheur de ces sacrileges & de ces execrations
abominables seront excommuniez, & celuy qui les commet
aura des Indulgences ? O Ciel, ô terre, où est la Religion ! le
cœur me fend, & la plume me tombe des mains, n’ayant point

-- 28 --

[illisible] assés puissans, ny de paroles assez tonantes pour faire
[illisible] la haine & l’auersion qu’on doit auoir contre les [1 mot ill.]
qui commettent ces choses, & contre les execrables qui
[illisible] & qui les authorisent.

 

Puisque ceux que nous combattons ne parlent point, & ne
veulent point parler de la Religion qu’ils ne connoissent point,
faisons voir que s’ils sont mal instruits dans les choses de la Foy,
ils le sont moins encore dedans celles de leur païs, puisque c’est
vne maxime fondamentale du Royaume, que les Parlements
non plus que les Rois, ne peuuent estre excommuniez par qui
que ce soit, ny par le Pape mesme, nous en auons mille exemples
dans les Arrests de la Cour, dans les preuues des Libertés
de l’Eglise Gallicane, & ailleurs ; & cette verité fait vn des
principaux priuileges des Libertez de nostre Eglise de France.

Tant s’en faut que le Pape ny les Euesques puissent vser de
ces peines Ecclesiastiques pour contenter leurs propres passions,
& toutes les fois qu’ils se mettent en colere iustement ou
iniustement ; puisqu’ils ne sçauroient s’en seruir, mesme auec
raison, sans que le Iuge temporel en connoisse la cause, & s’il
y a lieu de le faire, tesmoin ce qui se passa en l’an 1250. deuant
le Roy sainct Louis, auquel les Prelats de France ayans representé,
qu’il pleust à sa Majesté faire vne Ordonnance, par laquelle
il fut enjoint à tous les Iuges & Officiers de son Royaume
de contraindre les excommuniez de se faire absoudre dans
l’an & jour ; ce qu’il leur accorda, à la charge que ses Officiers
iugeroient si l’excommunication estoit legitime ; à quoy le
Clergé respondant qu’il ne souffriroit iamais que sa Majesté
entreprit sur la jurisdiction Ecclesiastique ; ce saint Roy leur
respondit, qu’il ne permettroit pas aussi qu’ils entreprissent sur
la sienne, adjoustant qu’il feroit contre la raison & contre sa
conscience, d’ordonner que ses Officiers authorisassent les
abus qui se commettoient si souuent en la iurisdiction Ecclesiastique.

Ioinuille en
la vie de S.
Louis, chap.
14.
Hotman des.
Libertez de
l’Eglise Gallie
tom. 2.
sol. 303.
Dupl hist.
de France,
tom. 2. en la
vie de saint
Louis.

Hotman, cet illustre & celebre Aduocat du Parlement de
Paris, rapportant cette mesme chose dans son traitté des
Droits Ecclesiastiques, franchises, & libertez de l’Eglise Gallicane,
adiouste que quand il s’est trouué que des censures ont
esté faites contre les saints Decrets, la Cour de Parlement les

-- 29 --

a corrigées, & enjoint aux Ecclesiastiques de donner l’absolution,
comme Ioannes Galli raconte qu’il fust fait en l’an 1396.
contre vn Euesque du Mans, qui au preiudice d’vn procez qui
estoit pendant en la iustice Royale, auoit excommunié vn nommé
Poncet ; ce qui fit que la Cour luy enjoignit de le faire deterrer,
& de l’absoudre mesme apres sa mort, pour monstrer
que les Parlemens accordent bien les excommunications comme
valables, mais aussi qu’ils en ordonnent l’absolution quand
la raison le veut pour la conseruation des anciens Decrets.

 

Le 5. Ianuier 1369. Charles V. Roy de France, & surnommé
le Sage, decerna des Lettres patentes par lesquelles fut deffendu
à tous les Prelats du Royaume, & à leurs Officiaux, de mettre
aucune interdiction, ny publier aucune sentence d’excommunication
és villes & lieux de son obeïssance, ce qui fut verifié
au Parlement de Paris.

Antiquæ ordinationes
Parlaments. Capel en ses
memoires,
tom 1. des
Libertez de
l’Eglise Gallic.
fol. 146.
Pithou ibid
fol. 272.

Les terreurs que vous donnez ne faisans peur qu’aux bonnes
femmes, & aux deuots Mazarins, vous auez raison de raconter
des histoires, qui pareillement ne peuuent faire aucune creance
qu’aupres de ceux qui prendront vos mensonges pour des
veritez, & qui seront aussi peu curieux de la sincerité des choses,
que vous estes adroit & impudent pour les corrompre &
les desguiser.

Vous dites en la page 5. de vos Sentimens bourus, Que nous
sçauons à quel point la mort du Cardinal de Guise esmut sa Sainteté contre
vn grand Roy qui n’en fut l’Autheur, que par vne absolue & inéuitable
necessité de sauuer sa Couronne. Et quelle donc pensons nous que seroit
l’indignation de ce tres-heureux Pape, si sous la seule & la simple
authorité d’vne puissance subalterne, l’on auoit entrepris vne violence,
qui à peine fut soufferte ou pardonnée à vne puissance Souueraine, & à
la redoutable Majesté du Prince, de qui les Magistrats tiennent en hommage
tous les droits qu’ils ont de commander aux peuples, & de leur rendre
la justice, &c.

Et en la page 21. vous alleguez Dominique Soto Espagnol
en son traitté, De Iustitia & Iure ; pour enseigner qu’on n’est point
obligé d’obeir au Roy quand il ordonne de tuer quelqu’vn sans y proceder
par les formes legitimes de la justice, &c.

La premiere partie de vostre cajolerie fait voir que vous taschez
de captiuer la bien-veillance du Pape, & de l’attirer à vostre

-- 30 --

party en luy donnant le galimatias que vous faites, mais
comme il est plus fin que vous, & qu’il vous connoist plus qu’il
ne faudroit pour le tromper de la sorte, il se rit de vos paroles,
pendant que la France se void priuée du grand Iubilé qu’il
nous promet il y a deux ans ; tesmoignant hautement par ses
lettres imprimées, la satisfaction qu’il a du Parlement, de chastier
vn Cardinal qui le mesprise, qui porte la guerre dans ses
Estats, qui protege ses ennemis, & qu’il feroit tres-asseurément
mourir s’il tomboit entre les mains de sa justice ; cela est de notorieté
publique.

 

Quand vous qualifiez puis apres le Parlement du nom, de
seule & simple authorité d’vne puissance subalterne, vous faites voir
vostre passion & vostre ignorance tout ensemble, & que vous
estes bien simple de ne sçauoir pas que l’authorité de ce grand
Senat ne va iamais seule comme celle du Mazarin, mais toûjours
auec celle du Roy qui ne paroist que par sa bouche, &
par l’execution de ses Arrests. D’adjouster le mot de simple,
c’est méconnoistre la Grandeur & la Majesté qui la compose,
nos Rois, les Princes de son Sang, les Ducs & Pairs, & Officiers
de la Couronne, n’ayans autre Siege ny autre Tribunal,
que celuy que ces Colomnes de l’Estat, & ces Peres du peuple
leur gardent & leur conseruent tous les iours si sainctement &
si religieusement.

De qualifier leur pouuoir Souuerain du mot, de puissance
subalterne, c’est se rendre ridicule, & quelque chose de plus encore,
puisque toute la France releue d’eux, & eux de personne,
estans seuls Iuges de leurs propres confreres, pendant qu’ils
sont reconnus pour les Iuges vniques & souuerains des procez
& differens qui naissent entre le Roy & ses sujets, de la verification,
rejet, & modification de leurs volontez, Edicts & Ordonnances,
des fils de France, des Princes du Sang, des Ducs
& pairs, des Connestables, des Chanceliers, des Mareschaux
de France, des Cardinaux, des Euesques, & de tout ce qu’il y
a de grand & de releué dedans la Monarchie, sans qu’aucun
s’en puisse deffendre ny exempter ; au contraire il n’y a pas vn
de tous ces Messieurs qui ne tienne à honneur & à priuilege,
de sçauoir que leurs biens & leurs vies sont en la protection
d’vn Senat qui ne se peut corrompre.

-- 31 --

Pour les traitter de subalternes, vous deuiez du moins nommer
leurs reformateurs, & si vous auez oublié de dire que c’est
le Conseil que vous composez auec le Mazarin, nous vous ferons
connoistre auant que d’acheuer cette response, que vous
estes moins en idée mesme, quelque vaine que vous l’ayez, que
n’est cette Compagnie sans égale en la moindre & la plus commune
de ses actions.

D’appeller Dominique Soto pour appuyer vos Sentimens
extrauagans, c’est pour vous condamner par vos tesmoins, puis
qu’il enseigne dans vostre propre allegation, qu’il est permis de
tuer ceux que le Roy ordonne par les formes legitimes de la justice ; Or
sa Majesté ayant enuoyé sa Declaration au Parlement, pour
chasser & bannir le Mazarin de ses Estats, sans espoir de retour,
à peine de se rendre criminel de leze Majesté ; l’ayant verifiée,
& depuis condamné comme vn infracteur des Loix du
Souuerain, vn Contempteur de ses Arrests, & vn Perturbateur
du repos public ; cela s’est-il fait sans formes legitimes, contre
ce qui se pratique tous les iours en Iustice, & contre le sentiment
de vostre Espagnol Soto ?

Ce procedé en toutes ses circonstances, n’est-il pas plus legitime
& plus iuridique que celuy que vous alleguez de Henry
III. & que vous colorez de si mauuaise grace, & auec tant
de foiblesse. Et pour vous apprendre le sentiment veritable &
des-interessé, que le Pape & la Cour de Rome ont eu touchant
cette execution, ie veux vous rapporter le tesmoignage de
deux grands Cardinaux, plus croyables & plus dignes de foy
que vous ; voicy leurs propres termes tirez de deux lettres escrites
de Rome sur ce sujet, en l’an 1589. au Roy Henry III.
par le Cardinal de Ioyeuse, & composées par le Cardinal d’Ossat
auant qu’il fut vestu de rouge.

Ceux qui me disent que vostre Majesté deuoit arrester prisonnier le
Cardinal de Guise, & l’enuoyer au pape pour le chastier, ie leur respond
& fais respondre, que ces formes & procedures de iustice se doiuent garder
quand on le peut faire auec seureté ; mais quand il y a du danger euident,
qu’en voulant garder les formalitez des Loix on ne perde les Loix mesmes
& tout l’Estat, alors on n’y est point tenu, ains seroit follement &
tres-mal fait de s’y amuser. Les Loix mesmes qui ont prescrit telles formes
& procedures, nous aduertissent qu’il ne s’y faut point astraindre, là

-- 32 --

où il y a du danger à differer la peine, & mesme quand il s’agit d’vn fait
de faction, ains les mesmes loix en certains cas, permettent aux hommes
particuliers & priuez, de vanger la voye de fait & par mort, le tort fait
au public, comme quand elles permettent à chacun de tuer les soldats qui
se desbandent, & s’en vont de l’armée sans licence de leurs Capitaines,
& nous trouuons aux anciennes Histoires, que des hommes particuliers en
danger, ou mesme en soupçon de sedition, sont allez tuer de leur authorité
priuée celuy qui estoit prest à esmouuoir le peuple, dont ils ont esté loüez &
recompensez, & leur memoire est encore aujourd’huy celebrée par lesdites
Histoires.

 

Lettres du
Card. d’Ossat,
de l’impression
de
Blageart, in
fol. 1641. és
additions.

S’il est permis à vn homme particulier & priué de tuer sur le champ
tout homme qui voudroit rauir sa femme, sa fille, sa niepce, ou mesme sa
chambriere, à plus forte raison, &c. Nous auons de la nature mesme l’institut
& l’obligation de nous deffendre de la violence des Cardinaux,
aussi bien que des autres. Il n’y a pas long-temps que le Cardinal George
du paїs de Hongrie, fut tué à coups de poignard par le commandement de
l’Empereur Ferdinand dernier, & fut le sieur Sforce Palamin qui fit
cette execution ; au demeurant il ne faut pas tant regarder à la qualité
d’vn Cardinal, qu’on ne regarde encore plus au deuoir d’vn Cardinal ;
& qui veut estre traité en Cardinal, il faut qu’il face & viue en Cardinal.
Il n’y a pas trois iours que le pape mesme disoit, que le Cardinal de
Guise n’auoit rien de Cardinal que le Bonnet, & qu’il ne le tenoit point
pour Cardinal, tant parce qu’il ne viuoit point en Cardinal, que parce
qu’il n’estoit oncques venu à Rome prendre le Chappeau.

Et puis qu’il n’est pas permis à vne personne Ecclesiastique d’assister au
iugement criminel où il y va effusion de sang, c’est bien autre chose quand
il prend les armes, fait sedition, assault les villes Catholiques, respand
le sang humain, & fait d’autres maux qui sont detestez mesmes és gens
de robbe courte ; & partant n’est point merueille, ains possible vn iuste iugement
de Dieu, que celuy qui n’a oncques vescu en Cardinal, ne soit
point mort aussi en Cardinal. S’il vouloit que la dignité de Cardinal fut
respectée en luy, il falloit qu’il la respecta luy mesme le premier, que s’il
ne l’a rien estimée pendant sa vie, pourquoy vostre Maiesté en eut-elle fait
plus de cas à sa mort ?

Et peu plus bas sur la fin de la page 838. il dit, Quant à renuoyer
ledit Cardinal à Rome pour y estre chastié des maux qu’il auoit fait
au Royaume, cela ne se deuoit ny pouuoit faire.

Dans la Lettre suiuante racontant au Roy les demeslez qu’il

-- 33 --

eut auec le Pape sur ce sujet, il dit qu’il ne luy put fermer la
bouche qu’en luy disant, Que sa sainteté se deuoit souuenir que lors
des desordres de paris, elle dit infinies fois, que si vostre Maiesté auoit
quelque soupçon sur le Duc de Guise, elle le deuoit auoir retenu, & le fait
tuer allant au Louure, &c. Et vn peu apres ; Que le Pape estant au
Consistoire, le Cardinal Saincte-Croix luy alla parler à la Chaire, & entre
autres choses luy dit, qu’il auoit regardé ce que les Docteurs luy auoient
escrit touchant ceux qui commettent quelque chose contre vn Cardinal,
& qu’il auoit veu qu’vn Roy qui auroit trouué vn Cardinal faisant où
machinant contre son Estat, le peut faire mourir sans autre forme ny figure
de procez, & que par ce moyen vostre Maiesté n’auoit aucun besoin
d’absolution.

 

Sur la fin de cette mesme lettre page 849. Ie suis aduerty qu’on
veut sommer vostre Maiesté de deliurer Monsieur le Cardinal de Bourbon,
& l’Archeuesque de Lyon, en disant que ce sont choses incompatibles,
de demander l’absolution d’vn excez commis en la personne d’vn Cardinal,
& cependant tenir vn Cardinal & vn Archeuesque prisonniers, &c.

Voila vne belle leçon au Mazarin pour le faire rentrer en
luy-mesme, & songer à sa conscience, & des preuues assez fortes
& assez puissantes pour faire voir que son flatteur luy en fait
accroire, quand il veut que le Pape se fasche de la punition des
meschans Cardinaux, & qu’il ose publier qu’on n’oseroit point
attenter à leurs vies, ny à leurs personnes, quelques crimes
qu’ils puissent auoir commis, qui est prescher l’injustice, adorer
le peché, & mettre le vice en la place de la vertu. Ceux qui
ont assez d’impudence pour censurer le sentiment de tant de
gens de bien, & le procedé de Henry III. contre le Cardinal
de Guise, & l’Arrest du Parlement contre le Cardinal Mazarin,
font imprudemment & temerairement le procez à ce
grand Roy deffunt, Louys le Iuste, qui en fit autant en l’an
1617. en sacrifiant le Mareschal d’Ancre à l’vnion du sang
Royal, au soulagement de ses peuples, & à la tranquillité de
son Royaume qui se trouua dans la mort de cét infame italien.
Et ces escriuains passionnez font bien voir qu’ils sont aupres
d’vn Roy enfant, & d’vn Souuerain de treize ans & demy, puis
qu’ils composent aupres de luy, & font imprimer dedans son
Louure, des inuectiues & des accusations contre son propre
Pere, & ses predecesseurs, contre son Oncle, & ses Cousins,

-- 34 --

contre les Oracles de sa Iustice, & les Gardiens de son Authorité
Royale, pour deffendre les crimes publics de l’homme le
plus abominable qui se voye, & donner des eloges à celuy qui
est notté de honte & d’infamie par les Declararions de sa
Majesté verifiées, & par les Arrests de tous les Parlemens de
France.

 

Le beau Sermon que vous faites és pages 5. 6. 7. 8. de vostre
escrit, pour persuader que l’honneste, doit estre preferé à l’vtile. Fait
paroistre par vostre propre adueu, que la verité est si forte & si
pressante, qu’elle se monstre mesme parmy les brouïllards les
plus espais, & les desguisemens les plus subtils dont on se sert
pour l’alterer & la corrompre. Si le Mazarin tesmoigne en toutes
ses actions, que l’vtil luy est plus cher & plus recommandable
que l’honneste & le iuste ; pour quoy ne voulez vous pas
qu’en pratiquant vos maximes, & suiuant ce qu’il y a de bon
dans vos Conseils, on le haisse à cause de cela, & qu’on le punisse
pour les mauuais moyens dont il se sert pour pratiquer si
constamment cette maxime execrable que vous condamnez si
fort, pour estre entierement contre Dieu, contre la conscience,
contre les Loix diuines & humaines, contre les bonnes
mœurs, contre la Philosophie Chrestienne, & toute sorte
de raison.

Tout le grand passage que vous empruntez de Ciceron, fait
absolument à la condamnation de celuy que vous deffendez ;
puisque nous demeurons d’accord auec celuy qui le dit, & celuy
qui l’allegue ; Que tout ce qui est cruel ne fut iamais vtile à l’Estat,
& qu’il est iuste de ne traitter pas en Citoyen, celuy qui ne l’est point ; Le
Mazarin veut ruiner la capitale du Royaume & tout l’Estat, il
veut abatre le lict de Iustice de nos Rois, & tous les Parlemens,
il deserte tout le plat-païs, & tuë les paisans ; il abat les Eglises,
il souffre qu’on viole les filles, les femmes, & les Religieuses :
Concluons donc auec Ciceron, & celuy qui le cite & qui ne le
croit point ; Que ce qui est cruel ne fut iamais vtile à l’Estat, & qu’il
est iuste de ne traitter pas en Citoyen celuy qui ne l’est point, comme
l’Italien Mazarin que nous condamnons sur la iustice de vos
aduis.

-- 35 --

Si le sixiesme des Decretales ; & le Concordat allegué
en faueur du Mazarin, font quelque
chose pour sa iustification.

L’Apologiste que nous refutons rapporte és pages 8. 9. 10.
11. de ses Sentimens desreglez, deux Constitutions Papales
pour iustifier comme il est deffendu d’attenter à la
vie des Cardinaux, en façon que ce soit ; & dit qu’elles sont inserées
dans le corps du nouueau Droit, qui regle maintenant la police spirituelle
de toute l’Eglise, qui est le 6. des Decretales, lib. 5. tit. 9. cap. 5.
de pœnis.

Et en la page 17. 18. il dit que le Concordat d’entre Leon X.
& François I. porte formellement, Qu’en cas de crime, le pape
enuoyera & commettra des Iuges sur les lieux pour connoistre des crimes
des Euesques ; mais que pour les Cardinaux de l’Eglise Romaine, il en
retient les causes, & s’en reserue à luy seul la connoissance ; en suite dequoy
il est visible que Monsieur le Cardinal peut establir la premiere nullité
de sa condamnation sur l’incompetence, & sur l’entreprise de ses Iuges ;
il est Cardinal, en matiere criminelle il ne doit respondre qu’à l’Eglise.

Premierement le tiltre que l’on allegue parle en general des
peines qui peuuent estre imposées & ordonnées par les Archeuesques,
Euesques, & autres Prelats de l’Eglise, dans lequel
se trouuent les deux Constitutions fulminantes qu’on esleue
si haut pour bastir vn azile au Mazarin, sans considerer qu’elles
ne comprennent & ne font mention que des ennemis particuliers
& des mal-veillans des Cardinaux, & non pas des Iuges
legitimes & naturels qui leur font leurs procés quand ils
sont coupables & criminels ; N’y ayant pas vn petit mot de deffence,
ny d’execration contre les Magistrats qui l’entreprennent
& qui s’en acquittent suiuant le deu de leurs charges, &
le deuoir de leurs consciences, comme a fait le Parlement.

Secondement l’Autheur de ce Paradoxe bigarré, a tres-bonne
grace de dire, que c’est dans le corps du nouueau Droit
que ces Decretales se trouuent, puisque le vieux & celuy que
nous suiuons n’en parle point tres-assurément ; & m’estonne

-- 36 --

qu’vn homme de tant de lecture, & qui semble ne rien ignorer,
ne sçache point encore, que le sixiesme des Decretales
est en effet si nouueau, qu’il n’est point connu ny receu en
France en façon que ce soit, n’y faisant ny loy ny sanction obligatoire,
comme remarque Monsieur Seruin en son plaidoyer
d’entre Madame de Candale, & Monsieur d’Espernon, où il
dit ; Qu’il a esté deffendu par Arrest de le citer pour constitution Canonique,
Parce qu’il est d’vn pape grand ennemy des François, qui est Boniface
VIII. lequel est autheur special des deux Constitutions alleguées.
qui sont plustost voir la chaleur & la vanité de ce Pontife violent,
que la prudence & la moderation qui doit accompagner
cette dignité saincte & sacrée.

 

Monsieur Milletot ce sçauant Conseiller du Parlement de
Bourgogne, & qui entendoit mieux les Constitutions Papales
que ceux qui en protegent le Mazarin, dit en vn sien traitté,
Que l’absurdité de telles Constitutions, & infinies autres semblables,
qu’il seroit ennuyeux de rapporter, a fait que de tout temps l’on a tenu
pour chose resolue & arrestée en France, que la Compilation du 6. Liure
des Decretales n’y est receuë, & que l’on ne peut induire argumens ou tirer
consequences des textes d’iceluy.

Milletot. du
delict commis,
& cas
priuil. page
20. 21.

Ce Panegiriste Mazarin a bien oublié, pour sauuer la teste
de celuy qui le paye si bien pour mentir, d’adiouster à ses Decretales
inutiles, la fulmination que le Pape fait tous les ans le
Iendy Sainct, en publiant la Bulle, in Cœna Domini, laquelle
deffend plus formellement que ce qu’il allegue ; Ne quis se misceat
& participer, cum Episcoporum, & Cardinalium insectatoribus ;
mais comme elle est aussi peu receuë en France, que le 6. des
Decretales, & qu’elle n’entend pas parler des Iuges qui font
le procez à ces bons Messieurs, quand ils sont criminels ; elle
n’auroit seruy que d’vn passage & d’vne couleur pour esblouïr
ceux quine connoissent autres saints que le Mazarin ny autres
Docteurs que ses escriuains.

3. Nostre aduersaire demeurant d’accord que cette nouuelle
compilation des reglemens des Papes, ne regarde que
la police spirituelle de l’Eglise, s’agissant icy d’vne iurisdiction
pure temporelle, & qui regarde entierement l’authorité souueraine
du Roy, & les Ordonnances qui reglent son Estat,
celles qu’il allegue en faueur de son amy accusé & condamné,

-- 37 --

ne peuuent donc estre receuës ny escoutées, puisqu’il y va du
criminel, non plus que retarder l’execution de l’Arrest qu’il
trouue aussi rude & aussi rigoureux, qu’il est juste & équitable
en sa teneur.

 

Et c’est trop flatter vn impie, & vn roturier esleué depuis
trois iours, que de le traitter de Sang Royal, comme on fait és
pages. 11. 16. & ailleurs ; Pour n’estre bastard d’aucun Roy, &
que sa qualité de Cardinal ne le fait pas Roy mystique non
plus, quoy qu’il en fasse tous les deuoirs ; n’y ayant pas vn petit
Prestre de Village qui ne le soit plus que luy, si fon Eminence,
& son Apologiste croyent en la parole de Dieu qui dit, parlant
de ceux qui sont honorés du Sacerdoce ; Vos autem genus electum,
Regale Sacerdotium, gens sancta, populus acquisitionis ; Ce qui n’a iamais
esté dit ny par le Saint Esprit, ny par vn seul Pere de l’Eglise
de pas vn Cardinal, & specialement de la trempe, & de
la taille du Mazarin, son menteur à gage estant le premier qui
les a mis dessus le throsne & dans la place de nos Roys ; L’Histoire
Ancienne nous apprenant que jusques au temps de Boniface
VIII. Gradu de primi videbantur Episcopi, qui fiebant Cardinales ;
Et qu’auparauant Clement V. & Iean XXII. qui succederent
à ce Boniface ; Inferiores erant ordine & dignitate Episcopis ;
Ce qui s’obserue encore aujourd’huy en Pologne, où les Euesques
mesprisent le Cardinalat, & ne leur veulent point ceder.

Petri Epist. 1.
cap. 2. vers. 9.

Ioann. Audreas,
in cap.
cum aliquibus,
de rescript.
in 6
Et in cap. cũ
Apostolus, de
censibus.
Ludouic, Gomez,
in proëmio,
ad reg.
Cancel.

Nos Euesques de France ont quelque fois vsé de cette generosité,
quand ils ont plus consideré l’honneur de leur caractere,
que l’interest de leur bourse, & l’assouuissement de leur
auarice, tesmoin ce qui se passa aux Obseques de Philippe II.
où la Messe fut chantée en mesme temps, & à mesme ton, en
deux Autels proches l’vn de l’autre par Conrard Legat du
Pape, & par l’Archeuesque de Rheims ; Les Prelats de France
estimans que ce leur seroit chose honteuse de permettre qu’vn
Estranger fit l’office aux Obseques de leur Roy, & qu’ils ne
fussent tous qu’assistans en vne action si celebre.

Rigord. &
apres luy
Dupl. hist.
de France,
tom. 2. en la
vie de Philippes
II.

Henry IV. faisant la guerre au Due de Sauoye pour le Marquisat
de Salusses, en l’an 1600. Le Pape luy enuoya pour Legat
le Cardinal Aldobrandin son Neueu, qui en son entrée à
Chambery eut difficulté auec les Euesques d’Evreux & de
Bayonne qui s’y rencontrerent, & se mirent en deuoir de luy

-- 38 --

aller au deuant pour le receuoir auec leurs ornemens Pontificaux
& leurs Chasubles. Le Legat en ayant aduis les enuoya
prier, & mesme leur faire defence d’y venir en cét estat qui
marquoit jurisdiction & authorité Ecclesiastique, pretendant
que là où il estoit, il representoit l’authorité Apostolique, toute
autre cessant & demeurant en suspend ; Ce qui fit que nos
Euesques ne luy furent point au deuant, &c.

 

Dupl. ibid
tom. 4. en la
vie de Henry
IV.

En l’an 1615. Le Cardinal de Sourdis Archeuesque de Bourdeaux
voulut celebret la Messe Pontificalement au Mariage
de la sille de France auec le Roy d’Espagne, les Euesques de
Brieux & de Bazas, priés d’y faire l’office de Diacre & Sousdiacre
le refuserent du commencement, disans qu’ils n’y
estoient obligés que lors que le Pape officie, ou bien au Sacre
du Roy, le Cardinal mesme estant de leur opinion : Mais sa Maiesté
tesmoignant qu’elle desiroit cela pour faire connoistre
que le Clergé de France n’auoit aucune auersion à ces mariages,
ils se conformerent à sa volonté par priere & complaisance.

Dupl. hist.
de France,
tom. 5. en la
vie de Louis
XIII.

Bien dauantage le Pape Gregoire IV. s’estant mis en chemin
en l’an 834. pour venir excommunier Louis le Debonnaire,
qui est le premier de nos Rois sur lequel l’on entreprist de
faite ce coup d’essay, les Annales de saint Denis escrites en ce
mesme temps, & le continuateur d’Aimonius racontent, que
la resolution des Euesques de France fut ; Nullo modo se velle eius
voluntati succumbere, sed si excommunicaturus veniret, excommunicatus
abiret. Voila comme on parle quand on fait son deuoir & sa
charge, & qu’on ne fait pas le lasche ny l’idolatre aupres d’vn
fauory de trois iours.

Franc. [1 mot ill.]
de la
[1 mot ill.] &
[2 lignes ill.] Chroniques
de S. Dehis.
[3 lignes ill.]
[1 mot ill.] lib. 2.
tis. 16. cap. 2.

Ce n’est pas assez d’auoir respondu à ce qu’on nous allegue
du 6. des Decretales, il faut encore monstrer que ce que l’on
emprunte du Concordat, protege aussi peu le Mazarin que le
recours qu’il demande à nos ennemis deffunts. Ceux qui sçauent
l’histoire de France y ont pû remarquer que ce Concordat
n’a iamais esté verifié en Parlement, qu’apres vne infinité
de jussions & de commandemens du Roy, ce qui fit que quelques-vns
par vne derision l’appellerent, Le mary de la Pragmatique
sanction ; Dautant que comme la femme est, ou doit estre
sous la main & sous la loy du mary, aussi toute l’authorité de la
Pragmatique sanction estoit aneantie & soûmise par ce Concordat.

-- 39 --

Le Clergé, le Parlement, & l’Vniuersité ce sont opposez
à son execution fortement, comme nous voyons dans les
procez verbaux qui en ont esté dressez & imprimez ; la Cour
ayant donné Arrest toutes les Chambres assemblées, qu’elle ne
pouuoit & ne deuoit faire publier ny registrer ledit Concordat, mais toûjours
obseruer & garder la Pragmatique sanction, comme on auoit fait
auparauant, & mieux encore si faire se pouuoit ; & protesta en presence
de l’Euesque de Langres Duc & Pair de Prince, tant conjoinctement
que separément, que si aucune lecture ou publication
se faisoit dudit Concordat, ce n’estoit de l’ordonnance,
deliberation, vouloir, & consentement d’icelle, mais par force,
violence, & commandement du Roy ; N’entendoit aucunement
l’approuuer, ny sa publication auoir aucun effet ; n’estant
l’intention de la Cour de iuger ny decider les causes &
procés suiuant iceluy, &c. En suite de quoy vn grand & sçauant
President a prononcé ; Quod illud Concordatum, exitium Regis
Francisci rebus, & eius generi attulit ; & Genebrard qui a tant escrit
en faueur de la Cour de Rome, a laissé cette verité dans sa
Chronologie parlant de ce Concordat & disant ; Hinc Ecclesiæ
Gallicanæ perniciem ortam esse ; hoc seminarium omnis generis herescon,
simoniarum, fiduciarum, exterminationem scientiæ, virtutis, pietatis,
regni pestem fuisse.

 

Paul Ioue
hist. liu. 16

Guichard,
hist. liu. 13
Belleforest,
Aunal. de
Franc. liu. 6.
chap. 27.
Sponde Annal.
tom. 2.
ann 1516.
num. 14.

Decret. Eccl.
Gallic. lib. 8.
tit. 16. cap. 5. Libertez de
l’Egl. Gall.
tom. 2. fol.
314. & suiu.

Thuan. hist.
lib. 1.

Geneb. Chronol.
lib. 4. in
Leon X.

Monsieur Vigor Conseiller du grand Conseil suggerant les
remedes de tant de maux, & de tant de desordres, dit que le
Parlement & l’Vniuersité de Paris s’estans portés pour appellans,
le 27. Mars 1517. de la cassation que le Pape & le Roy vouloient
faire de la Pragmatique Sanction, tant que l’appel demeurera
indecis, on peut débatre ce concordat. Hotman soustient
qu’il n’a esté fait, que pour le temps & pendant la vie de
François I. Mais que le Roy Henry II. son fils en eut la continuation,
confessant neantmoins que ce n’estoit que pour le regard
de la Bretagne & de la Prouence qu’il declara n’estre dans
les libertés de l’Eglise Gallicane par ses Edits de l’an 1549. &
1553. Cause pourquoy ils furent appellés païs d’obeïssance.

Vigor de
l’estat &
gouuernement
de l’Eglise,
liu. 4.
chap. 3.
Decret. Eccl.
Gallie. lib. 8.
tit. 25. cap. 8.
Libertez de
l’Egl. Gall.
to. 1. fol. 337.

Nonobstant toutes ces exceptions & toutes ces nullités, donnons
autant de creance & autant d’authorité que le Mazarin en
desire pour ce Concordat si vtile à Rome, & si prejudiciable à la
France ; & faisons luy connoistre que de quelque façon qu’il

-- 40 --

l’explique & qu’il le tourne, il n’est pas moins jurisdiciable, ny
moins responsable de ses actions & de son gouuernement au
Parlement pour cela.

 

On dit que ce Concordat porte formellement, qu’en cas de crime
le Pape enuoyera, & commettra des Iuges sur les lieux pour connoistre
des crimes des Euesques ; Mais que pour les Cardinaux de l’Eglise
Romaine il en retient les causes, & s’en reserue à luy seul la connoissance,
&c. Le Mazari[illisible.] Cardinal, dont en matiere criminelle il ne doit respondré
qu’à l’Eglise.

Cette proposition est fausse, & trop generale comme on la
rappotte parce que ce Concordat, ny la Pragmatique Sanction
de laquelle il est tiré, ne parlent point que les Euesques indefiniement
en soutes sortes de crimes soient justiciables du Pape,
& que pour faire leur procés il enuoyera & deleguera des Iuges
sur les lieux. Il ne regle que ce qui est des crimes ordinaires, &
des dolicts communs qui sont de la connoissance de l’Eglise,
dans lesquels les capitaux, & ceux de leze-Majesté ne peuuent
[illisible.] Follement que quand les Cardinaux ; Qui pro [illisible]
[illisible.] dit ce texte ; Sont exceptés de la
[illisible.] dans cette rubrique, & que la connoissance de
leurs delicts est reseruée au Pape ; Cela ne se peut, & ne doit
s’entendre que de ceux qui sont compris dans cét article suiuant
qu’il [illisible.] & nullement des cas priuilegiés, & des crimes
d’Estat il ont il n’a pas entendu parler, à cause que l’Eglise n’en
[illisible.] & n’est pas capable d’en connoistre, comme
nous [1 mot ill.] voir en la Section suiuante. Or l’exception ne pouuant
estre de plus grande estenduë que la regle, il ne faut pas que
le Mazarin en pretende dauantage que ses Maistres, ny que ses
[illisible.] autrement on appelleroit comme d’abus de tout
[illisible.] entreprendroit au preiudice de nos Loix & de
nos Arrests, Outre que ne parlant que des Cardinaux qui trauaillent
continuellement au bien & à la gloire de l’Eglise, lesquels,
ne peuuent faire de grands crimes en s’ocupans en cét
employ Saint & Religieux ; lugés si le Mazarin qui la ruine, &
qui la [1 mot ill.] honore peut pretendre la moindre grace de cette [1 mot ill.]
& de cepriuilege ; Apres mesme qu’ayant voulu interesset
le Pape dans son affaire, il l’a abandonné & s’est mocqué
de luy, comme nous apprenons des conclusions publiques de

-- 41 --

Monsieur l’Aduocat general Talon, & des Lettres que sa
Sainteté luy escriuit le 8. Iuillet 1651. comme nous desduirons
tantost plus amplement dans la suite de ce discours.

 

Goncord.
Gall. rubrie.
de causis &
de friuolis
appellat.

Dans l’extrait
des Registres
du
Parlement,
imprimé en
l’an 1652.

Si le Cardinal Mazarin a esté iugé incompetemment,
sans forme & sans justice.

C’est. icy que l’autheur des Sentimens Mazariniques fait
vn effort pour tascher de plastrer l’innocence du plus
coupable de tous les hommes, en descouurant la haine
qu’il a contre l’Auguste Senat qui l’a condamné apres tant de
plaintes, tant de conuictions, & tant de procedures. Rapportons
ses inuectiues & ses raisons, afin que nous y puissions respondre
& satisfaire auec le mesme ordre qu’il nous les debite,
& nous les represente ; ne sçachant auec quel front ny quelle
impudence il peut escrire en la page 12. & 13. de sa satire digne
d’vn feu public, que quelque iugement de mort donné par le parlement
de paris que l’on produise contre vn accusé de cette haute condition,
il n’est point de conscience pour endurcie qu’elle soit, qui se peust assurer
sur vn fondement si foible, pour s’engager sans crainte & sans remors
dans vn dessein si noir & si infernal, pour n’obseruer pas que le diuin
Siege fulminant contre l’audace, ou des persecuteurs ou des homicides
d’vn Cardinal qui a esté iugé par des Iuges incompetans, contre les formes
& contre l’ordre accoustuiné de la iustice, & mesme sans cause iuste
& legitime.

Et pour examiner, dit-il, le premier de ces trois chefs qui prouuent
en ce rencontre l’innocence du Cardinal Mazarin, & le mettent à couuert
également de la puissance des Magistrats, & de la violence des particuliers ;
Y a-t’il homme si ignorant & si peu versé dans les Coustumes &
dans les Loix de ce Royaume, qui ne sçache que les Euesques, & par consequent
ceux à qui la France donne vn rang d’honneur beaucoup plus
esleué, que celuy des Euesques, ne reconnoissent point hors les causes ciuiles,
la iurisdiction des Cours seculieres, & ne respondent point directement
deuant le Tribunal des Iuges Laїques, non pas mesme en crime de
leze-Majesté, dequoy le Parlement demeure d’accord par ses anciens
Arrests.

-- 42 --

Pour preuue de quoy il adiouste, que le grand Roy François I.
[illisible] de faire le procez à deux Euesques qui luy auoient manqué de
[1 mot ill.] en conjurant contre son seruice auec les ennemis, & ayant consulte
le Farlement de Paris sur vne affaire de cette importance. Cette Cour
Augusti respondit à cet Auguste prince, que son pouuoir Royal ne s’estendoit
pas à ces matieres, & que dans l’ordre commun & legitime, elles
deuoient estre terminées, par vn iugement Episcopal & Apostolique.

Que Gilles Archeuesque de Rheims, estani chargé de differens crimes
de lexe-Majesté, &c. Le Roy Childebert quoy qu’irrité contre cet Archenesque,
n’osa le iuger ny ses Officiers, mais vn Concile qu’il fit assembler
pour cela. Gregor. Turon. lib. 10. cap. 19. Concil. Gall. tom. I. ann. 590.
Contil. Metens. 590.

On auoit desia obserué la mesme procedure contre deux Euesques Bourguignons
qui furent citez dans vn Concile d’Euesques de la Prouince, &c.
Concil. Lugaun. ann. 567. & Gregor. Turon. lib. 5. cap. 20.

Elle Archeuesque de Rheims qui auoit si mal & si cruellement traitté
Louis le Debonnaire, iusques à le priuer de ses Estats, fut iugé dans vn
Concile de Thionville, en l’an 835.

Le Roy Charles le Chauue fit faire le procez à Ganelon Archeuesque
de Sens, par vn Concile d’Euesques assemblez à Sauonieres aupres de la
ville de Toul, &c.

Ces cinq histoires sont rapportées dans les pages 13. 14. 15.
des Sentimens corrompus que nous redressons, & dans la 16.
cet autheur voulant iustifier son Mazarin, & le faire plus innocent
que tous les Euesques criminels qui ont esté condamnez
deuant luy, faisant vne recapitulation de tous les crimes
de ces malheureux Prelats, dit ; Le Cardinal Mazarin a-t’il eu
comme eux des intelligences, ou signé des traittez auec les ennemis de
l’Estat ? A-t’il comme eux corrompu la fidelité des sujets du Roy ? L’a-t’il
comme eux exposé à la risée, & à la fureur de ses rebelles ? L’a-t’il comme
eux traitte d’excommunié, esloigné des Autels, & du commerce des
Chrestiens ? Luy a-t’il comme eux rauy la liberté auec la Couronne, ou
attenté comme eux sur sa personne, & coniuré sa mort ? Qu’on consulte
[1 mot ill.] ou la haine la plus implacable qui se soit allumée depuis peu [1 mot ill.]
contre ce Ministre malheureux ; il est sans doute qu’elle n’oseroit, ie
ne dis pas l’en accuser, mais l’en soupçonner.

Et dans la suiuante, qui est la 17. apres auoir laué son Mazarin
du mieux qu’il peut, pour acheuer d’appliquer le fard & le

-- 43 --

poly qu’il luy garde, il estale la grandeur & l’vtilité de ses seruices
auec la mesme impudence qu’il desnie ses crimes & ses
maluersations ; & nous les representant en peu de paroles, il ne
couche pas moins, que l’Espagne domptée, l’Italie protegée, l’Allemagne
pacifiée, nos Frontieres reculées, & les esperances de nos ennemis
estouffées, par les soins & les conseils du plus sot & du plus ignorant
Politique qui ait iamais gouuerné le timon d’vn Estat.

 

Pour respondre par ordre aux raisons, aux exemples, & aux
flatteries dont on pense surprendre les simples, & intimider les
lasches ; voyons premierement si le Mazarin a esté iugé par des
Iuges incompetens, & si les Euesques & les Cardinaux coupables
ne respondent point directement deuant le Tribunal des
Iuges Laiques, non pas mesme en crime de leze-Majesté.

Il est vray, & tous nos Autheurs remarquent, que depuis ces
derniers siecles les Ecclesiastiques soustiennent entre eux, que
de droit Diuin ils sont exempts de toute-puissance temporelle ;
que les Princes seculiers & leurs Magistrats n’ont aucun
pouuoir sur eux ; Qu’ils n’en courent aucun crime de leze-Majeste
se rebellans contre les Princes de la terre, pour n’estre
leurs sujets ; Qu’ils ne reconnoissent la jurisdiction des Iuges
seculiers, encore qu’ils obseruent les Loix Politiques de l’Estat
sous lequel ils viuent ; & leur accordant cela, voila l’authorité
Royale, & la puissance des Souuerains reduite au neant.

Mais on leur respond, que la puissance des Princes temporels
est de droit Diuin, & non positif : & que venant immediatement
de Dieu, elle ne peut estre alterée, changée, ny ostée
par homme quel qu’il soit, ny par le Pape mesme. Que les Ecclesiastiques
entant qu’hommes, Citoyens, & membres de l’Estat,
& faisans partie d’iceluy, sont de droit Diuin sujets du
Prince, & obligés aux Loix du païs dans lequel ils viuent ; Les
exemptions dont ils joüissent ne leur ayant esté octroyées que
par grace & priuilege special des Souuerains, pour n’estre aucunement
establis de Dieu, ny de ses Apostres.

Le Cardinal Bellarmin qui est vn des plus sçauans, & des
plus zelés de l’ordre Ecclesiastique demeure d’accord de cette
doctrine, quand il enseigne, que ; Clerici præterquam quod Clerici
sunt, sunt etiam ciues & partes reipublicæ Politicæ ; Estant certain
qu’encore que quelqu’vn se soit fait Chrestien, ou promû aux

-- 44 --

Ordres Sacrés, il ne laisse pas pourtant d’estre Citoyen & membre
de la Republique sous laquelle il est né, & en cette qualité
astreint aux Loix publiques, en ce qui concerne la droite &
pacifique administration de l’Estat ; Lex enim Christiana neminem
priuat iure suo & Dominio ; dit le mesme Bellarmin.

 

Bellarm. de
Clericis lib.
1. cap. 20.

Bellarm. de
Rom. Pontif.
lib. 2. cap. 29.

Saint Pierre parlant aux nouueaux Chrestiens qu’il appelloit ;
genus electum, regale facerdotium, gentem sanctam, populum acquisitionis,
adioûte incontinent apres, & leur ordonne ; Subiecti
igitur estote omni humanæ creaturæ propter Deum, siue Regi quasi præcellenti,
siue Ducibus tanquam ab eo missis ad vindictam malefactorum,
laudem vero bonorum, quia sic est voluntas Dei. Et sainct Paul escriuant
à Tite ; Admone illos, dit-il, Principibus & potestatibus subditos
esse, dicto obedire. Mais le passage le plus expres, & qui ne reçoit
ny exception ny contradiction, est en son Epistre aux Romains,
où il veut que ; omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit, non
est inim potestas nisi à Deo, quæ autem sunt à Deo ordinata sunt ; itaque
qui resistit potestati Dei ordinationi resistit, qui autem resistunt ipsi sibi
damnationem requirunt.

Saint Pierre,
Epist. 1. cap.
2. vers. 9. 13.
14.

Ad Titum.
cap 3. vers. 1.

Ad Roman.
cap 13. vers.
1. 2.

Tertulien qui estoit du temps de l’Empereur Seuere, & qui
fut fait Prestre enuiron l’an 202. selon Pamelius en sa vie, parlant
de l’authorité des Princes, dit en l’vn de ses traittez ; Quod
attinet ad honores Regum & Imperatorum, satis præscriptum habemus
in omni obsequio esse nos oportere secundum Apostoli præceptum subditos
Magistratibus, & principibus, & potestatibus. Le Deuot & genereux
saint Bernard en vne sienne Epistre à l’Archeuesque de
Sens, luy mande ; Omnis anima potestatibus, &c. Si omnis & vestra ;
Quis vos excepit ab vniuersitate ? Si quis tentat excipere, conatur decipere.

Tert. de Idolol.
cap. 15.

S. Bernard.
Epist. 42.

Or comme les gens d’Eglise ne peuuent en façon quel conque
connoistre du criminel, & bien moins que du ciuil, c’est
pourquoy cette authorité & cette jurisdiction est entierement
reseruée aux Princes temporels, & à leurs Magistrats ; Estant
certain que la fin de la puissance legitime des Souuerains & de
leurs Officiers, est comme dit Saint Pierre ; ad vindictam malefactorum ;
Saint Paul adjoustant que le Prince qui punit les meschans ;
Dei minister est, vindex in trum ei qui malum agit ; En suite
de laquelle doctrine qui ne peut estre contredite ny reuoquée
en doute, les Docteurs les plus anciens de l’Eglise ont tenu &

-- 45 --

enseigné que l’vne des fonctions principales des Princes consiste
au chastiment des meschans ; Rex debet furta cohibere, adulteria
punire, impios de terra perdere, parricidas & peierantes viuere non
sinere ; Dequoy l’Eglise Vniuerselle a fait vn Canon.

 

S. Paul. ad
Rom. cap. 13.
vers. 4.

S. Cyprian.
in Cap. 40.
Rex debet :
23. quæst. 5.

Sur ces principes, & ces fondemens inesbranlables, les Ecclesiastiques
pouuans estre coupables & mal-faicteurs, & ne
pouuans connoistre du criminel en façon quelconque, il faut
necessairement selon la Loy de Dieu, & le sentiment des Peres,
qu’ils soient sujets en ce monde au jugement coactif des
Princes, & de leurs Magistrats ; Autrement il s’ensuiuroit par
vne consequence injuste & dangereuse, qu’ils pourroient impunément
troubler le repos de la Republique, machiner contre
l’Estat, & commettre toutes sortes de grands crimes, sans
en pouuoir estre repris ny chastiez ; Qui seroit ouurir la porte
à tout desordre & confusion, puisque dans les delicts les plus
noirs & les plus atroces, il ne se trouueroit aucunes peines establies
contre les Ecclesiastiques, parce qu’ils ne peuuent condamner
qu’aux suspensions, priuations, dépositions, irregularités,
& prisons perpetuelles ; Quia non habet Ecclesia vltra quid
faciat ; Comme il est porté dans vne Decretale ; qui n’est pas
assés pour les assassins, les voleurs, les incendiaires, les incestueux,
les Sodomistes, les meurtriers, & les criminels de leze-Majesté ;
Qui ne seroit estre priuilegié que pour mal-faire, &
pour laisser le vice impuny.

Cap. At si
Clerici, extra.
de Iudic.

Pour monstrer à nos Mazarins la pratique de cette authorité
temporelle sur les gens d’Eglise, aussi bien que son establissement,
ie veux leur rapporter quelques exemples qui pourront
conuaincre leur opiniastreté, & les rappeller de l’aueuglement
où ils sont, si tant est qu’ils soient encore capables & susceptibles
de raison.

Que Iesus-Christ le Prestre des Prestres a reconnû
Pilate pour Iuge.

Encore qu’Emanuel Sa soustienne dans ses Aphorismes
auec trop de liberté & trop peu de iustice, que la rebellion

-- 46 --

d’vn Clere à l’encontre de son Roy, n’est pas vn crime de leze-Majesté,
[1 mot ill.] dit-il à la Iesuite, qu’il n’est pas suiet du Roy ; Si est-ce neantmoins
que le Fils de Dieu mesme en fut accusé sur trois Chefs
differens deuant vn Iuge seculier & payen, qu’il ne recusa
point, au contraire confirma son authorité par sa parole, en
luy disant ; Non haberes potestatem aduersum me vllam, nisi tibi datum
esset desuper ; & par son action en respondant sur les accusations
qu’on faisoit contre luy, sçauoir ; d’exciter des émotions
populaires, de deffendre de payer le Tribut à Cesar, & d’auoir
vsurpé la qualité de Roy ; Duxerunt illum ad Pilatum, & cæperunt
accusare dicentes ; hunc inuenimus subuertentem gentem nostram, &
prohibentem tributa dare Cæsari, & dicentem se Christum Regem esse.
Puis estant interrogé, au lieu de decliner la jurisdiction de Pilate,
il declare qu’il a pouuoir du Ciel sur sa personne, & qu’estant
né Iuif & suiet de l’Empereur, il faut qu’il le reconnoisse,
& luy obeïsse.

 

S. Iean. c. 19.
vers. 11.

S. Luc, cap.
23. vers. 2.

L’Apostre saint Paul reconnoist les Iuges que
l’Empereur luy donne.

Saint Paul, ce grand vase d’election, & ce miroir de tous
les bons Euesques, à l’imitation de Iesus-Christ son cher
Maistre, & l’Inspirateur de toutes ses actions, a reconnu
la puissance legitime, & de Felix & de Portius Festus son successeur,
tous deux Chefs de la Iustice en Iudée, disant à Felix ;
Ex multis annis te esse iudicem genti huic sciens bono animo pro me satisfaciam ;
qui est proprement reconnoistre & subir sa iurisdiction.
Depuis il rendit compte de ses actions deuant Festus, &
respondit aux accusations que Tertullus proposoit contre luy
au nom des Iuifs ; paulo rattonem reddente, quoniam neque in legem
Iudæorum, neque in templum, neque in Cæsarem quicquam peccaui :
Enfin il interiette appel de l’Ordonnance du mesme Festus,
par laquelle il le renuoyoit en Ierusalem ; ad Tribunal Cæsaris
Sto, ibi me oportet iudicari, Cæsarem appello ; tunc Festus cum Concilio
locutus, respondit ; Cæsarem appellasti, ad Cæsarem ibis. Voyez
Prelats de France, si vous estes plus esclairez, plus innocens &

-- 47 --

plus priuilegiez que cette lumiere incomparable de l’Eglise, &
ce modele de ce que vous deuez estre, & de ce que vous deuez
faire.

 

Act. Apost.
cap. 24.
vers. 10.

Ibid. cap. 25.
vers. 8. 11. 12.

Et ne faut pas dire comme quelques delicats, que la iurisdiction
Ecclesiastique n’estoit point encore establie ny separée de
la seculiere, parce qu’en voicy la source & le commencement
pour ce qui est des accusations criminelles & de leze-Maiesté,
estant certain que saint Paul, & Iesus-Christ mesme, qui ne
pouuoient errer en cela, eussent plustost souffert mille & mille
martyres, que de reconnoistre ces Iuges temporels & payens,
s’ils n’eussent voulu tesmoigner par eux-mesmes, que le Tout-puissant
le vouloit ainsi, & que leur deuoir les obligeoit à cela ;
toutes les actions du Fils de Dieu & de ce grand Saint, estans
l’obiet & le fondement des nostres les plus pures, & les plus
regulieres.

PAPES
A qui les Empereurs & les Rois de France,
ont fait faire le procés.

Comme il n’y a rien de si pur que la source, ny rien de
moins altere que ce qui vient de naistre, aussi remarquons
nous, que tant plus l’Eglise approche de son commencement,
& tant plus la voyons nous destachée de toutes
les choses de la terre, & ses Ministres remplis de plus de submission,
d’humilité, de respect, & de modestie. C’est pourquoy
nos premiers Papes, & nos premiers Euesques qui auoient plus
de soin de bien obeïr que de mal commander, & qui sembloient
n’estre parmy les hommes que pour leur prescher la
vertu & les esloigner du peché ; n’auoient autres soins que des
consciences, & faisoient si peu d’estat des interests du monde,
qu’ils ne respiroient que le martyre, ne desiroient que la conuersion
des pecheurs, & ne vouloient autre authorité que l’obeïssance,
ny autres Seigneuries que les biens dont ils auoient
affaire pour soulager les pauures, auec lesquels ils n’auoient rien
que de commun.

-- 48 --

Et pour donner quelques exemples des vertus & des miracles
que [illisible] auant, nos Autheurs les plus croyables,
& les plus religieux nous attestent que les grands Prestres
en la Loy de Moise mesme estoient iusticiables des Rois ; puis
[2 mots ill.] sounerain Pontife, fut priué du Pontificat par Salomon
pour crime de leze-Majesté, & le tira de sa famille pour
le transporter en celle de Sadoc ; eiecit Salomon Abiathar, vt non
esset sacerdos Domini, ce qui a fait dire au Docteur Okam que les
Pontifs des Hebreux estoient sujets de leurs Souuerains ; Constat
Hebræorum Pontifices Regibus fuisse subdites, & à Regibus fuisse
[1 mot ill.] ; Et vt scias Cbristi Vicarium ad spirituale regnum, non ad
[1 mot ill.] Dominium assumptum, accipe ab ipso paulo dicente ; omnis
Pontifex ex hominibus assumptus, pro hominibus constituitur in iis quæ
ad Deum sunt, non ad gubernandum terrenum Dominium, sed vt offerat
dona & sacrificia pro peccatis ; Quia nemo militans Deo, sæcularibus
negotiis se implicet. Patet enim Christum regnum temporale non exercuisse,
nec Petro commisisse, nam & Petrus dicit ; non est æquum nos derelinquere
verbum Dei, & ministrare mensæ, quod est, temporalibus
[1 mot ill.]

Regum lib.
3. cap. 2.
vers. 27.

Ocham de
potestat. Eccles.
& sæculari.

Act. Apost.
cap. 6.

Quant à la Loy de Grace nous auons des exemples infinis,
qui font voir que les Papes ont esté accusez deuant les Princes
seculiers, interrogez par eux & par leurs Magistrats, iugez &
chastiez suiuant la Loy, sans qu’ils ayent fuy ny decliné cette
iurisdiction comme incompetente. Au contraire elle leur sembloit
si logitime & si naturelle, qu’ils appelloient pardeuant les
Empereurs des Sentences & Iugemens qui estoient rendus
contre eux par les Conciles & les Synodes, tesmoin l’Epistre
que les Peres du Concile tenu à Rome, escriuirent aux Empereurs
Gratian & Valentinian, en faueur du Pape Damase I. laquelle
dit-sur la fin ; Quoniam non nouum aliquid petit, sed sequitur
[illisible.] si Concilio, etus causa, non
[illisible.] Concilium Imperiale se defendat ; nam & Siluester Papa
à sacrilegis accusatus, apud parentem vestrum Constantinum causam
propriam prosequetus est. Venons aux Papes qui ont esté iugez &
condamnez.

Sirmond. in
Appendie.
Cod. Theodos
in Ep.
Concil. Epist.
3.

Theod hist.
Eccl. lib. 2.
cap. 16.

Constantius fils de l’Empereur Constantin le Grand, enuoya
en exil le Pape Liberius, pour n’auoir voulu condamner
Athanase Euesque d’Alexandrie, lequel interrogé ne decline

-- 49 --

point cette iurisdiction, ains au contraire, respond sur tous les
chefs dont il est enquis & interrogé, comme tesmoigne Theodoret,
qui rapporte cette histoire tout au long.

 

Platina in
Liberio.

L’Empereur Iustinien I. fit faire le procés au Pape Siluerius,
en l’an 537. qui fut priué du Papat, puis enuoyé en exil, parce
qu’il fauorisoit les Goths ses ennemis.

Procop. lib.
1. de bell.
Gothorum.

Le Pape Leon III. estant accusé de plusieurs crimes par ses
mal-veillans, Charlemagne vint à Rome en l’an 801. pour s’informer
de la verité, & entendre les accusations que l’on faisoit
contre luy ; en suite de quoy Platine dit que ; Octauo die post quam
Carolus vrbem ingressus fuit, in Basilica Petri, astante populo & clero,
Episcoporum omnium qui eo ex tota Italia & Francia conuenerant, sententias
de vita & moribus Pontificis rogat ; qui est tout ce que peut
faire vn Iuge legitime & souuerain.

Platina in
Leo. III.

Baron. annal.
tom. 9.
ann. 800.
Conc. Gall.
t. 2. fol. 228.
Nicol. Gilles,
annal.
ann. 799.
Paul Æmil.
hist. liu. 3. en
la vie de
Charlemagne.
Fauchet, des
Ant. Franc.
liu. 7. ch. 8.

En l’an 823. Le Pape Paschal I. desirant voir à Rome les Empereurs
d’Occident pour jouïr de cet honneur comme ses predecesseurs,
enuoya prier Lothaire, fils de Louïs le Debonnaire
d’y venir passer les Festes de Pasques, où il arriua ce Sainct
jour, auquel il fut couronné Empereur auec les acclamations
du peuple Romain. Les Festes passées, ce Prince reprit le chemin
de France, & ne fut pas plustost sorty de la ville qu’il se fit
vne cruelle execution dans le Palais de Latran, où entr’autres
Theodore Prothonotaire, & Leon Nomenclateur son gendre
eurent les yeux creuez, puis la teste tranchée. Le bruit couroit
que cet assassinat auoit esté fait par l’ordre, ou pour le moins
du consentement de Paschal, pour s’estre monstrez trop ouuertement
partisans de Lothaire. Les Empereurs trouuans
estrange que le S. Pere qui estoit sous la protection de la France,
fut autheur d’vne telle procedure, deputerent Adalong
Abbé de sainct Vaast d’Arras, & Honfroy Comte de Coire qui
est en Rhetie, ou pais des Grisons, pour informer de ce trouble.
Mais auant leur partement arriuerent en Cour de la part
du Pape Iean Euesque de Noua-ville, & Benoist Archidiacre
de Rome, pour supplier l’Empereur d’auoir autre opinion de
fa Sainteté, qui ne pouuoit estre blasmée de cette action sans
infamie, veu les obligations signalées que le sainct Siege auoit
à la France, representans plusieurs autres raisons pour sa iustification ;
nonobstant lesquelles l’Empereur fit partir ses Commissaires

-- 50 --

deputez, qui estans arriuez à Rome ne peurent descouurir
plainement que les Empereurs fussent interessez en
cette procedure, d’autant que le Pape nia constamment le
fait, & mesme s’en purgea en l’Assemblée d’vn grand nombre
de Prelats.

 

Anonimus
sed Coëtardus
in vita
Ludo. Pij, in
ann. Pithei,
part. 2. fol.
221.
Baron. ann.
tom. 9. ann.
823.
Nicol. Gilles,
annal.
ann. 823.
Fauchet, des
Antiquitez
Franc. liu. 8.
chap. 6.

Du Chesne
en la vie de
paschal I.

Baronius qui n’a pas tellement desguisé les imperfections
des Papes, ny le pouuoir que les Empereurs auoient sur eux,
qu’il n’en cotte quelques exemples, dit que Iean XII. estant
accusé de mille crimes atroces & detestables, l’Empereur
Othon I. ne pouuant croire ce qui s’en disoit, enuoya à Rome
pour en informer, où l’on trouua qu’il en estoit encore cent
fois dauantage, & particulierement qu’il estoit esperduëment
amoureux de la veufue d’vn nommé Regnier qui auoit esté à
sa solde, à laquelle il auoit donné le gouuernement de beaucoup
de villes, & qui plus est les Croix & les Calices d’or les
plus precieux de l’Eglise sainct Pierre, qu’il n’y auoit pas vne
femme estrangere qui osast plus venir à Rome pour y visiter les
saincts lieux, parce qu’il y rauissoit les filles, les veufues & les
mariées les plus qualifiées, lesquelles il forçoit & violoit sans
respect ny de peres ny de meres, sans crainte de Dieu, & sans
auoir esgard à la dignité qu’il auoit vsurpée ; laquelle il n’eut
pas plustost possedée, que luy mesme dit en faisant sa premiere
entrée dans le Palais de Latran, que cette maison qui autre fois
souloit estre le logis & le domicile des Saints, estoit maintenant vn
bordel & le giste des putains & des infames, c’est Luitprand qui
rapporte cette circonstance. Ce qui fut cause que l’Empereur
Othon I. sollicité par les Euesques qui auoient le zele de
Dieu, & l’honneur de l’Eglise Chrestienne deuant les yeux, se
resolut de chasser cette peste du sainct Siege.

Baron. annal.
tom. 10.
ann. 963.
Belle forest,
annal. de
France, liu.
2. chap. 8.
Luitprand.
lib. 6. cap. 6.

Sçachant que l’Empereur venoit pour le punir, il abandonna
la ville, & ce Monarque y fut receu auec tant de joye & de
satisfaction, que les Citoyens Romains luy iurerent fidelité,
promettans de plus auec sermens solemnels, que iamais ils n’esliroient
& ne sacreroient de Papes sans son choix & son consentement,
& du Roy Othon son fils, ce que plusieurs Cardinaux
iurerent d’obseruer auec eux.

Othon ne fut pas arriué qu’il fit assembler vn Concile dans
l’Eglise sainct Pierre, où assisterent tous les titulaires de Rome,

-- 51 --

qui maintenant s’appellent Cardinaux, tous les Euesques d’Italie
& tout le Clergé de la ville, deuant lesquels furent recitées
les simonies, les meurtres, les exactions, les incestes, les
adulteres, & les infamies de ce mal-heureux Pontife ; en suite
dequoy il fut cité de comparoistre pour se purger de tant d’abominations
à luy imposées, à faute de quoy l’on procederoit
contre luy suiuans les Decrets & canons de l’Eglise ; mais se
sentant trop coupable & trop conuaincu, il n’osa se presenter,
ce qui fit que les Peres du Concile dirent à l’Empereur ; Petimus
magnitudinem Imperij vestri, monstrum illud nulla virtute redemptum
à vitiis, à sancta Romana Ecclesia pelli, aliumque eius loco constitui,
&c. tunc Imperator, placet inquit, quod dicitis ; En suite de quoy
Leon VIII. fut esleu d’vn commun consentement, & proclamé
Pape ; Annuente Imperatore.

 

L’Empereur Henry III. se transporta à Rome auec vne puissante
armée enuiron l’an 1045. pour faire le procez à Benoist
IX. Siluestre III. & Gregoire VI. lesquels il priua de la Papauté,
pour laquelle enuahir ils causoient tant de troubles dedans
la Religion ; tanquam tria teterrima monstra (dit Platine) abdicare
se magistratu coëgit.

Platin. in
Greg. 6.

En l’an 1408. Le Roy Charles VI. fit faire le procez à l’Anti-pape
Benoist, & aux Nonces par luy enuoyés, pour auoir
osé mettre son Royaume en interdit ; & fit publier vn Edit de
subtraction d’obeissance enuers ce Benoist, deffendant à tous
ses sujets de luy obeïr en façon quelconque, & aux Ecclesiastiques
de plus le reconnoistre pour Pape, ne le nommant plus
que Pierre de Lune sans aucun tiltre d’honneur. L’Vniuersité
de Paris persuada à sa Majesté de se saisir de la personne de cét
Anti-Pape pour luy faire faire son procés, & le punir comme
seducteur, & celuy qui troubloit tous les sujets de son Royaume,
ce qui le fit retirer de Marseille où il estoit, pour s’en aller
en Catalogne.

Eccles. Gallicanæ,
in
schism. Status
fol. 18.
&c. Où tous
les actes &
procez verbaux
de cette
procedure
sont rapportez
tout au
long.

Monstrelet
en sa Chronique,
vol. 1.
ch. 40. ann. 1407.

Au mois d’Aoust, iour de Saint Laurens, le Roy fit assembler
les Princes du Sang, les Prelats de France, la Cour de Parlement,
& le Corps de l’Vniuersité dans la grande Salle du Palais ;
où fut publiée la neutralité des deux Papes, & ordonné
que les sujets du Roy ne rendroient aucune obeïssance, ny à
Gregoire seant à Rome, ny à Benoist soy disant Pape, à cause

-- 52 --

que l’vn & l’autre auoit faussé sa promesse quant à la cession de
leurs pretensions ; Et cependant on fit faire amende honorable
aux Nonces de Benoist qui auoient publié les Bulles de l’interdit
du Royaume, & furent declarés traistres & desloyaux & au
Roy, & à l’Eglise, & les Bulles deschirées & bruslées publiquement ;
& les Armoiries de Pierre de Lune Anti-Pape renuersées,
comme s’il eut esté de gradé de Noblesse à cause de ses parjures
& mauuaises actions.

 

Libertez de
l’Eglise Gall.
tom. 2. fol.
483.

Sponde annal.
tom. 2.
ann. 1408.
num. 1.

Apres tous ces exemples particuliers, il semble que ce soit
bien flatter l’humanité des Papes que de vouloir persuader à
toute sorte d’esprits, qu’ils soient Iuges Souuerains en leurs
propres causes. L’Escriture Sainte n’en dit mot, tous les Theologiens
n’en demeurent pas d’accord, l’vsage semble tesmoigner
le contraire, ie sçais ce que les Canonistes en disent, &
ce que les Moines en preschent ; C’est pourquoy laissant la liberté
des opinions là dessus, disons seulement que le Cordelier
Ocham ne peut estre blasmé que de trop de verité quand il
dit, que ; Imperator est judex Papæ, & Papa est inferior illo quoad jurisdictionem
coactiuam ; Aaron, Moysem pro Domino agnouit ; dit
Optatus Mileuitanus.

Ocham.

Optat. Mileuit.

CARDINAVX ET LEGATS
ausquels on a fait le procés.

SI les Papes ont reconnu la Iurisdiction temporelle des
Souuerains de la terre, les Cardinaux qui ne sont ny
Chefs, ny parties de la veritable Hierarchie de l’Eglise,
mais seulement les obiets de son faste & de son ambition, auroient
bien mauuaise grace & beaucoup de presomption de
vouloir s’en exempter, & ce seulement parce qu’ils sont plus
fragiles, & plus suiets à correction que pas vn autre de la robbe,
comme l’histoire de leurs vies, & de leurs actions nous tesmoigne.
Le droit est contre eux, la raison les condamne, &
la pratique fait voir que les bons Magistrats ne les espargnent
point, quand ils des-honorent leur pourpre, & qu’ils troublent
l’Estat.

-- 53 --

Monsieur Seruin ce veritable homme du Roy, & cét incomparable
Aduocat General, en son plaidoyer contre les
prouisions de Benefices données par les Cardinaux Cayetan, &
de Plaisance, soy disans Legats en France, remarque en soustenant
nostre doctrine, que Charlemagne qui estoit le protecteur
du Saint Siege, & le Fondateur des Eglises, fit emprisonner
Anastase Legat du Pape Adrian, pour luy auoir seulement
porté quelques paroles qui ne luy plaisoient point.

Iean de Baluë, homme de petite naissance, venant à gouuerner
toute la France, fut fait Cardinal sous le tiltre de Sainte
Susanne, & s’oublia tellement de la fidelité qu’il deuoit à
son Prince, & à l’Autheur de sa bonne fortune, qui estoit Louys
Xi. qu’il se laissa gaigner par le Duc de Bourgogne, auquel il
conseilla traistreusement de prendre les armes contre sa Maiesté,
voyant qu’il n’auoit sceu empescher que le Roy donna le
Duché de Guyenne à Charles son frere, au lieu des terres &
Seigneuries de Brie, & de Champagne.

Philippe de
commines,
liu. 2. ch. 15.
Paul Æmile
liu. 10. en
Louis XI. Iacob. card.
Papiensis,
[1 mot ill.]
lib. 7.

Monstrelet
Chron. vol. 3.
és additions,
ann. 1469.

Louys descouurant toutes ces trahisons, & interceptant les
Lettres & les Memoires que ce Cardinal son principal Ministre
escriuoit au Duc de Bourgogne son ennemy capital, il le
fit arrester & conduire prisonnier au Chasteau de Mont-Bason
en Touraine par le Sieur de Torcy, & Iean d’Estoute-Ville
Preuost de paris, & grand Maistre des Arbalestriers de France.
Guillaume de Haraucourt Euesque de Verdun, & chef du
Conseil de Iean de Calabre Duc de Lorraine, fut pris en mesme
temps, & mené dans la Bastille, comme complice & fauteur
de cette trahison, où il demeura plus de quinze ans pour
l’apprendre à viure en repos, & seruir son Roy fidellement.

Belle-forest,
Annalles de
France, liu. 5.
chap. 130. &
147.

Brouius annal.
tom. 17.
anno 1470.
num 4.
Sponde, annal.
tom. 2.
ann. 1469.
num. 2.

Ces deux traistres ainsi logez en lieux d’assurance, le Roy
considerant le danger auquel ces perfides l’auoient mis, & sçachant
que tous leurs desseins ne tendoient qu’à le faire mourir,
pour donner la Couronne à son frere ; il fut arresté dans le
Conseil de sa Majesté, que sans auoir esgard au rang ny au Caractere
de Baluë, il faloit luy faire son procés comme criminel
de leze-Majesté, sauf à voir quelle en feroit l’issuë, le droit de
capture & d’emprisonnement ne pouuant estre differé, puis
que la Royauté estoit la meilleure & principale partie de la
Republique ; & que ce Cardinal estoit arresté, non pas comme

-- 54 --

Ministre d’Eglise, mais comme vn suiet & vn Conseiller du
Roy qui auoit offencé le public, & tasché de ruiner son Prince
& sa patrie ; Cependant qu’il en seroit donné aduis au Pape, &
au Consistoire des Cardinaux.

 

Belle-forest remarque, qu’il y eut des hommes conscientieux
qui mirent en auant, qu’il n’estoit pas permis au Magistrat
tempotel de connoistre de la cause d’vn Ecclesiastique,
encore moins de l’arrester, alleguans plusieurs exemples tant
anciens que modernes, & entre autres le scandale arriué sous
Philippe le Bel, pour l’emprisonnement de l’Euesque de Pamiers,
& qu’en tout cas il faloit en aduertir le Pape, auant que
de passer outre à la procedure.

Mais ceux qui deffendoient les droits du Royaume respondirent,
qu’il n’y auoit aucune loy qui empeschast que le Roy
Souuerain dedans ses Estats, n’ait puissance & authorité sur
toutes sortes de suiets, sans que le Pape y puisse rien pretendre
pour ce qui est de la iurisdiction temporelle. Que Baluë n’estoit
pas prisonnier pour vn fait de Religion, ny pour auoir
deffendu la liberté des Eglises qu’il auoit tasché de ruiner, ny
pour chose quelconque qui regardat son Caractere & sa dignité ;
Mais seulement pour estre atteint & conuaincu de trahison
& de felonie enuers son Prince & son bien-facteur ; Cause
pourquoy il estoit loisible au Roy de luy faire faire son procés,
veu mesme que les anciens Euesques de France, lors que
l’Eglise estoit plus reformée en ses Ministres, ne trouuerent
iamais mauuais que les Rois connussent des vices de leurs confreres,
comme estans Membres de la Republique, & particulierement
quand il s’agissoit d’vn crime de leze-Majesté, &
de la conseruation de l’Estat. Qu’il est bien vray que les Euesques
du temps que Fredegonde poursuiuoit Pretextat Archeuesque
de Roüen, soustindrent sa cause & ses interests ; mais
qu’entendans par sa propre bouche qu’il auoit conspiré contre
sa Majesté, ils n’oserent plus le respecter ny s’opposer à son
emprisonnement, ains au contraire le desaduoüerent & l’abandonnerent
à la iustice seculiere, l’Eglise ne pouuant reconnoistre
vn monstre si perfide, & si remply d’ingratitude.

Toutes choses ainsi debatuës, il fut enfin arresté que le procés
criminel seroit fait à ce Cardinal, & pour y trauailler incessamment,

-- 55 --

le Roy nomma pour Commissaires Tanneguy du
Chastel, Gouuerneur de Roussillon & de Cerdaigne pour sa
Majesté, auec Messire Pierre Doriolle General des Finances,
& qui depuis fut Chancelier de France, Messire Iean d’Estoute-ville
Seigneur de Torcy, & grand maistre des Arbalestriers
de France, & Messire Guillaume Cousinot, lesquels informerent
& trauaillerent à l’interrogatoire de ce criminel, qui nonobstant
ses fuites & ses subtilitez, fut atteint & conuaincu de
toutes les choses dont il estoit accusé, & condamné à vne prison
perpetuelle ; Le Roy se saisissant de tout son or & son argent,
tant monnoyé qu’en lingot ou en vaisselle ; ses tapisseries furent
données au susdit sieur du Chastel, & le Seigneur Doriolle eut
sa Biblioteque ; Messire Louis de Crussol Seneschal de Poictou
eut plusieurs peaux precieuses, & quelques pieces d’escarlatte
& de draps d’or pour sa part, le reste des meubles estant vendu
pour payer les frais de Iustice.

 

Il y auoit desia quatorze ans que ce miserable Cardinal estoit
en prison sans que le Roy le voulut eslargir, quelque instance
que le Pape luy en fit souuent, disant qu’il n’estoit pas arresté en
qualité de Cardinal, ny d’Euesque, mais comme vn sujet & vn
Officier de sa Majesté, contre laquelle ayant attenté, la raison
vouloit qu’il en fit penitence ; Qu’il luy faisoit beaucoup de grace
de ne le pas faire mourir, ne l’ayant que trop merité, le traitant
en cela plus doucement, que n’auoient fait plusieurs Papes
quantité de Cardinaux leurs Confreres, lesquels ils auoient
condamnés à des morts honteuses & cruelles, pour des crimes
beaucoup moindres que ceux qui faisoient tenir Baluë en prison.
Neantmoins le Pape ayant vn Legat en France pour persuader
au Roy de faire la guerre au Turc, il fit en mesme temps
solliciter la liberté de ce Cardinal, laquelle Louis differa tant
qu’il fut guary d’vne maladie qui le tenoit allicté, apres quoy il
le fit sortir de prison sans le vouloir voir ; cause pourquoy il se retira
à Rome, où il fut le bien venu & fort caressé du Pape, dequoy
le Roy fut tres-mal content & satisfait.

Le Iurisconsulte Politique Hotman, racontant cette procedure,
dit, que deux Conseillers du Parlement de Paris furent
enuoyez à Rome, pour faire connoistre au Pape le droit que le
Roy auoit de faire & parfaire ce procez, pour les cas priuilegiez

-- 56 --

concernans le Royaume, sans distinction de personne, fut-elle
du Corps de l’Eglise de Rome.

 

Hotman des
Libertez de
l’Eglise Gallicane.

L’on void par cette procedure qui a beaucoup de rapport
auec celle du Mazarin, que pour estre Cardinal on n’est pas
l’homme du Pape pour cela, mais du Souuerain dans l’Estat duquel
on demeure, sans que personne puisse reuoquer cette doctrine
en doute ; autrement le S. Pere faisant Cardinaux tous les
Ministres des Estats, seroit Maistre & Souuerain Seigneur de
tout le monde, sçauroit les secrets de toutes les Monarchies, &
disposeroit de toutes choses comme il luy plairoit, qui seroit la
ruine totale des puissances temporelles.

Ie ne puis obmettre en cet endroit que ce mesme Baluë, non
content d’auoir esté eschaudé vne fois en France, y retourna
encore en qualité de Legat, en l’an 1484. & entrant à Paris sans
congé & permission du Roy Charles VIII. faisant acte de legat,
portant la Croix deuant luy, & se qualifiant tel ; Monsieur
le Procureur general remonstra à la Cour que c’estoit contre
l’authorité du Roy, contre les droits & priuileges de son Royaume,
requerant Commission pour informer contre ledit Baluë,
soy disant Legat, & cependant inhibitions & deffenses luy estre
faites sur peine d’estre declaré rebelle, d’vser de la puissance &
authorité de Legat ; sur quoy la Cour ordonna Commission au
Procureur general pour en estre informé par deux Conseillers
d’icelle, auec inhibitions & deffenses aux sujets du Roy, de
n’imprimer ny faire imprimer aucunes Collations de Benefices
dudit Legat, comme il appert par les Registres du Parlement.

Capel & du
Hamel dans
les libertez
de l’Eglise
Gallic. tom.
1. fol. 720.

Il se trouue dans les Registres de la Cour vne Lettre de ce
mesme Roy Louis XI. donnée à Muret en Comminges, le 24.
May, signée Louis, & plus bas, Le Preuost, addressée à son
Parlement, auquel il mande, qu’apres auoir oüy Messire Iean Boulenger
President, Iean Henry Conseiller, Guillaume de Gannay Aduocat
general, & Iean de Sainct-Romain Procureur general, son plaisir &
volonté est, que ses Droits tant de Regale, de la connoissance des causes
Beneficiales en matiere de nouuellete, & autres, &c. que son authorité
Sonueraine, & celle de son Parlement soient entretenuës, obseruées &
gardées, & que les infracteurs qui ont fait & feront doresnauant au
contraire, sous ombre ou couleur de Bulles Apostoliques ou autrement,
soient par luy contrains, &c. & que le procés commencé en ladite Cour à

-- 57 --

la requesté de son procureur general, alencontre du Cardinal de Constance
pour raison des choses dessusdites, soit par elle iugé & determiné
à telle fin qu’elle verra estre à faire par raison, & pour obuier aux censures
émanées de Cour de Rome par Bulles, &c.

 

Au registre
des Ordonnances,
commençant
en
l’an 1462. &
finissant en 1474.

Messire Helie de Bour deille Archeuesque de Tours, & cardinal,
qui viuoit encore sous ce Louys XI. fut assigné plusieurs
fois au Parlement, & son temporel confisqué pour auoir esté
rebelle aux Arrests rendus contre luy ; Comme tesmoigne le
Manuscrit de sa vie qui est dans la Bibliotheque de Monsieur
de Thou, allegué par l’Auteur excellent des Maximes veritables
du gouuernement de la France.

Nous lisons au thresor des Chartres de France, cotté 129.
que le Roy Louys XI. ayant aduis que le Pape Pie II. auoit enuoyé
Iean Cesarini son Legat en Bretagne pour juger vn different
qui estoit entre le Duc & l’Euesque de Nantes, fit arrester
ce Legat & prendre tous ses papiers, parce qu’il estoit venu
pour juger vne contention de fief entre ses sujets, la connoissance
de cette affaire luy appartenant & non pas au Pape ;
Et parce que le Cardinal d’Auignon auoit conseillé cette entre
prise à sa Saincteté, le Roy luy fit saisir tous les fruits de ses
Benefices, & les mettre sous sa main. Si bien que voila cinq
Cardinaux Iugés, ou emprisonnés par les Iuges Royaux dans
vn mesme Regne.

Libertez de
l’Eglise Gallic.
tom. 2.
fol. 122.

François I. fit emprisonner le Cardinal du Prat accusé d’auoir
intelligence auec les ennemis de l’Estat ; Qui pour faciliter
sa liberté beuuoit tous les iours son vrine afin de persuader
à ce Prince, & aux Medecins qui le traitoient, qu’il estoit malade
à l’extremité, & puissamment affligé d’vne retention d’vrine,
qui tres-assurément le feroit mourir, si on le tenoit dauantage
enfermé ; Ce qui toucha tellement la pieté de ce bon
Roy, qu’il luy fit donner la liberté.

Meisnerus
institutio.
aulicarum,
cap. 25. n. 3.

Henry III. apres auoir fait tuer le Cardinal de Guise, qui
auec son frere troubloit son Estat, fit aussi arrester entre plusieurs
autres Princes & grands Seigneurs, le Cardinal de Bourbon,
& l’Archeuesque de Lyon ; Le Pape Sixte V. homme violent
& seuere au possible, estant aduerty de cette capture, lascha
vn Monitoire en l’an 1589. pour l’exhorter de mettre en
liberté ces deux Prelats sans connoissance de cause, & de luy

-- 58 --

enuoyer pour les juger ; A quoy le Conseil s’opposa, faisant
bien quelquefois en sa vie, soustenant qu’en crime de leze-Majesté,
les Ecclesiastiques en quelques dignités qu’ils soient,
perdent leurs immunités & priuileges.

 

Les Lettres
du Cardinal
de Ioyeuse,
cy-deuant
alleguées.
Duplex hist.
de France,
tom. 4. en la
vie de Henry
III.

Le Parlement de Paris ordonna prise de corps, contre le
Cardinal Cayetan Legat du Pape en l’an 1590.

Duplex ibidem,
en Henry
IV.

L’Arrest que le Parlement de Dijon donna contre Landriano
Nonce du Pape le 29. Iuillet 1591. commence par ces termes ;
Veuës les lettres patentes données à Mentes le 4. Iuillet, par lesquelles
le Roy enjoint à ses Cours de Parlement de proceder contre le Nonce
enuoyé par le Pape, & ce qui a esté par luy executé en ce Royaume,
suiuant les Loix d’iceluy, priuileges de l’Eglise Gallicane, & ce que de
tout temps a esté obserué en pareil cas ; Conclusions du Procureur general
du Roy, &c. La Cour a ordonné & ordonne, &c. que ledit Landriano
Nonce, quelque part qu’il puisse estre apprehendé, sera pris au corps
& amené sous bonne & seure garde en la Conciergerie du Palais, pour
respondre aux Conclusions dudit Procureur general, &c.

Milletot du
delict comm.
& cas priuil.
page 31. &
32. le rapporte
tout entier.

Le Pape Clement VIII. fauorisant le party des Espagnols
contre cet Estat, enuoya en France le Cardinal Sega Euesque
de Plaisance, pour assister comme Legat du Saint Siege aux
Estats generaux de la Ligue, assignez à Paris pour eslire vn Roy
Catholique, contre les maximes de cette Couronne qui n’est
point electiue, & contre les pretensions de Henry IV. qui n’estoit
plus heretique, Ses facultez qui estoient du 15. Avril 1592.
portoient ; vt suffragiis eum eligant Regem, qui Catholica fide, pié &
inuiolaté custodita, & publica tranquillitate constituta, pertinacium hereticorum
Conatibus resistat, &c. Le Parlement qui estoit transferé
à Chaalons prononçant contre cette Bulle, & le porteur d’icelle,
ordonna par son Arrest du 18. Nouembre 1592. Que ce
Cardinal Legat seroit assigné en iceluy pour deffendre sur l’appel du Procureur
general du Roy, &c. auec deffenses à toutes personnes d’auoir chez
luy ladite Bulle, sur peine aux Nobles d’estre degradez de Noblesse, &
declarez infames & roturiers eux & leur posterité ; & aux Ecclesiastiques
d’estre descheus du possessoire de leurs Benefices, & punis comme criminels
de leze-Majeste, & perturbateurs du repas public, deserteurs &
traistres à leur païs, sans esperance de pouuoir à l’aduenir obtenir pardon,
remission, ou absolution, & à toutes villes de receuoir lesdits rebelles
& seditieux pour faire ladite Assemblée, les loger, retirer ou heberger ;

-- 59 --

Ordonnant ladite Cour que ledit lieu où ladite deliberation aura esté prise,
ensemble la ville où ladite assemblée se fera, seront rasez de fond en
comble sans esperance d’estre reedifiez, pour perpetuelle memoire à la pesterité
de la trahison perfidie, & infidelité, &c. Qui voudra voir
cette Bulle & ces Arrests, ils sont rapportez dans les Decrets
de l’Eglise Gallicane, au lieu cotté en marge.

 

Belle forest,
Annalles de
France, ann.
1598.
Duplex hist.
de France,
tom. 4. en la
vie de Henry
IV. Decreta Eccles.
Gallic.
lib. 5. tit. 3.
cap. 3. & 4.

L’Autheur des Maximes veritables dit en la page 17. de son
escrit judicieux, que l’Arrest contre le Cardinal de Chastillon
est assez connû, & les Sentimens que nous refutons en font
mention en la page 35. & 36.

Par Arrest du Parlement de Paris du 16. Fevrier 1595. Le
Cardinal de Pelué Archeuesque de Sens, fut declaré rebelle
au Roy, & ses Benefices impetrables & vacans.

Du Peyrat,
antiq. de la
Chappelle du
Roy, liu. 2.
chap. 63.
De Serre, ou
son Continuateur,
hist.
de France en
Louis XIII.

Le Cardinal du Perron Archeuesque de Sens, l’Euesque
de paris, & six autres Euesques assemblés à Sens, ayans censuré
le 13. Mars 1612. le liure ; De Ecclesiastica, & Politica potestate ;
Composé par Edmond Richer grand Maistre du College du
Cardinal le Moine, & Scindic de la Faculté du Theologie de
Paris ; Et fait publier cette Censure dedans Paris vn iour de Dimanche
aux Prosnes des Messes Parrochiales, le 10. Mars ensuiuant ;
Ledit Richer s’en porta pour appellant comme d’abus
au Parlement, & son relief ayant esté refusé au sceau, il le presenta
au Parlement, qui ordonna qu’il seroit monstré au Procureur
general du Roy, qui consentit par ses conclusions qu’il
fut receu quoy que non seellé, ce que la Cour ordonna, & que
le refus vaudroit sceau, faisant deliurer vne Commission audit
Richer pour faire assigner en ladite Cour Iacques Dauy
Cardinal du Perron, Archeuesque de Sens, Henry de Gondy
Euesque de Paris, & autres Prelats suffragans dudit Archeuesque,
desquels y en auoit cinq qui auoient souscrit ladite censure,
sans auoir veu ny assisté à l’examen du liure par eux condamné,
iugeans ainsi sans connoissance de cause ; pour soustenir
& deffendre ladite censure si bon leur sembloit, la publication qui en
estoit en suiuie, voir declarer le tout nul, abusif, iniurieux & scandaleux,
comme il fut, & proceder en outre comme de raison, auec inhibitions &
deffenses sur grandes peines, de rien attenter ou innouer au preiudice dudit
appel, &c.

En l’an 1615. Le Roy Louis XIII. estant à Bourdeaux pour

-- 60 --

son mariage, receut vn desplaisir extrême de ce que la justice
souueraine du Parlement de cette Ville y fut sensiblement offensée
en sa presence par l’Archeuesque du lieu, qui estoit le
Cardinal de Sourdis, en la rupture & fraction de la grand’porte
du Palais de Lombriere, & des portes des prisons de la Conciergerie,
d’où on auoit enleué vn nommé Hault-Castel insigne
meurtrier, & tué le Concierge Castels. Le Parlement se
plaignant au Roy de cette violence, il luy commanda de proceder
par les voyes ordinaires contre les coupables & les autheurs
d’icelle ; ce qui fit qu’il decreta contre ledit Cardinal
de Sourdis, & les autres à luy associez, & donna deux Arrests
notables sur ce sujet, qui sont imprimez & rapportez dans le
Mercure François de ce temps-là.

 

Mercure
François, en
l’an 1615.

Voila pourquoy le Parlement a grand raison de representer
au Roy, comme il a fait dans ses Remonstrances vigoureuses,
& remplies de Iustice, pour l’esloignement du Cardinal Mazarin,
que cette dignité qu’il n’a iamais meritée ne le peut exempter de
le Iurisdiction Souueraine qu’il administre par la puissance qu’il tient
de sa Majesté ; Laquelle il doit faire sentir à celuy qui s’est voulu mesler
des affaires de l’Estat, & qui s’est engagé par vne consequence necessaire
à rendre compte de sa conduite aux Iuges establis pour ordonner la punition
à tous ceux qui abuseront de l’authorité du Roy, troubleront le repos
du Royaume, & violeront les Loix ausquelles ils se sont sousmis.

Remonstrance
des Parlement,
faites
à Sully en
l’an 1652.

ARCHEVESQVES
ausquels on a fait le procés.

Charibert, ou Aribert Roy de France, en l’an 559. fit faire
le procés à Leonce Archeuesque de Bourdeaux, &
aux Euesques ses Suffragans & complices, pour auoir de
leur authorité priuée depossedé Emery, ou Emelie, de l Euesché
de Xainctes, dont il auoit esté pourueu parle Roy Clotaire
I. son Pere.

Gregor. Turon.
hist. lib.
4. cap. 6.

Baron. annal.
tom. 7.
ann. 566.
Conc. Gall.
tom. 1. fol.
319. ann. 563.
Gold. Constit.
Imper.
tom. 1. fol 11.
Greg. Turon.
hist. lib.
5. cap. 20.
27. 28.

Le Roy Gontran en l’an 575. ordonna qu’on fit le procés criminel
à Salonie Archeuesque d’Embrun, & Sagittaire Euesque
de Gap, accusés de crime de leze-Majesté, & d’auoir battu

-- 61 --

Victor Euesque de Troyes, & commis plusieurs autres insolences,
articulées & specifiées par Gregoire de Tours.

 

Clotaire II. en l’an 594. fit informer criminellement contre
Gilles Archeuesque de Rheims, lequel estant atteint & conuaincu
de trahison & de felonie fut abandonné par les autres
Euesques à la justice seculiere, qui le bannit à perpetuité, ses
biens acquis & confisquez, & son Archeuesché donné à Romulfe
Prestre fils du Duc Loup, se retirant à Strasbourg où il
finit le reste de ses jours, comme il se void plus amplement dans
Gregoire de Tours.

Baron. annal.
tom. 7.
ann. 582.
Fauchet, des
Antiquitez
Franc. liu. 3.
chap. 15. 19.
Concil. Gener.
tom. 4.
ann. 582.
Conc. Gall.
tom. 1. ann.
579. fol. 367
Gregor. Turon.
lib. 10.
cap. 19. 20.
Belle forest,
Annal. de
France, liu.
1. chap. 26.
Fauchet, des
Ant. Franc.
liu. 4. ch. 22.
Concil. Gener.
tom. 4.
fol. 528.
Conc. Gall.
tom. 1. fol.
407.

Libertez de
l’Eglise Gall.
tom. 2. fol.
173.

De Luce rapporte vn Arrest du Parlement de l’an 1373. contre
vn Archeuesque de Roüen. Lib. 2. tit. 2

Genebrard Archeuesque d’Aix en Prouence, estant accusé
d’auoir empesché la Noblesse & le Clergé de reconnoistre le
Roy Henry IV. pour leur vray & Souuerain Seigneur ; & d’auoir
composé vn Liure intitulé ; De Sacrarum Electionum iure, &
necessitate, ad Ecclesiæ Gallicanæ reintegrationem ; Contre sa Majesté
& les Rois ses predecesseurs ; Le Roy commanda au parlement
de Prouence de luy faire & parfaire son procés, sans s’arrester
a aucuns empeschemens ; De sorte que par Arrest du 26.
Ianuier 1596. il fut declaré atteint & conuaincu du cas de crime de leze-Majesté
à luy imposé, pour reparation duquel il fut banny à perpetuité
du Royaume de France, auec inhibition & deffence d’y venir, hanter,
ny frequenter à peine de la hari, ses biens acquis & confisqués au
Roy ; ordonne que le Liure intitulé ; De Secrarum Electionum iure ; fourny
& produit au procez, sera bruslé par l’executeur de haute Iustice, &c.
Cét Arrest est rapporté tout au long dans les Preuues des libertés
de l’Eglise Gallicane au lieu allegué en marge.

L’histoire de nostre Temps fait mention, que le Cardinal de
Rets Archeuesque de Corinthe, & coadjuteur de celuy de
Paris, se sousmit & reconnut le parlement dans l’accusation
criminelle qu’on fit contre luy touchant vn pretendu assassinat
en la personne de Monsieur le Prince, sans decliner cette jurisdiction
ordinaire & legitime.

Dans la Remonstrance que Monsieur Godeau Euesque de
Grasse fit au Roy & à la Reine Regente, le 7. Aoust 1651. au
nom du Clergé de France, il se plaint à sa Maiesté comme d’vne
chose inoüie, & d’vn attentat sacrilege, sans songer à ces preiugez,

-- 62 --

que le parlement de Thoulouse a donné Arrest de prise
de corps contre l’Archeuesque de Narbonne, & vn adiournement
personnel à l’Euesque d’Alby ; Ordonnant que ledit
Archeuesque seroit conduit dans les prisons Royales, & s’il ne
pouuoit estre saisi qu’il seroit crié à trois briefs iours.

 

EVESQVES
ausquels on a fait le procés.

IL y a onze siecles qu’Auitus Archeuesque de Vienne, escriuant
par ordre des Euesques de France, aux Senateurs de la
Ville de Rome, touchant l’Assemblée des Euesques qui s’y
faisoit pour faire le procez au Pape Simmachus, en l’an 503.
leur mande & leur fait cette confession volontaire & modeste ;
Subditos nos esse terrenis potestatibus iubet arbiter cœli, staturos nos ante
Reges & Principes in quacunque accusatione prædicens.

Conc. Gall.
tom. 1. fol.
158.

Le Pape Pelage escriuant à Narses Lieutenant general de
l’Empereur Iustinien en Italie, le blasme & le reprend de ce
qu’il faisoit difficulté de courre sus, & de punir quelques Euesques
qui s’oublioient de leur deuoir ; & condamnant son respect
& sa timidité, il l’assure qu’il a droit pouuoir de les poursuiure
& chastier ; Nolite dubitare, dit-il, eiusmodi homines principali
vel judiciali authoritate comprimere, cum mille alia exempla & constitutiones
sint, quibus euidenter agnoscitur vt facientes scissuras in sancta
ecclesia non solum exiliis, sed etiam proscriptione rerum, & dura
custodia per publicas potestates debeant coërceri. Il n’y auoit que quatre
ou cinq centans que les Euesques estoient connus, bien moindres
en nombre, & bien plus releuez en vertu, & neantmoins
voicy vn grand Pape qui assure qu’il y a mille exemples & mille
Constitutions qui les sousmettent & qui les assuietissent à la
Iustice temporelle des rois & des souuerains, qui ne les iugent
pas parce qu’ils sont Euesques, mais seulement parce
qu’ils sont criminels, & indignes d’estre Euesques.

Can. 43. de
Liguribus.
Can. 45. relegentes
23.
quæst. 5.

Le pape Felix pria l’empereur Zenon par vne Epistre expresse
de chasser de son siege, pierre Euesque d’Antioche, &
le declarer degradé par son ordonnance ; les empereurs

-- 63 --

Theodose & valentinien condamnerent Irenée Euesque de
Tyr à estre depossedé, parce qu’estant bigame il ne pouuoit
estre Euesque suiuant les canons. estant à remarquer que l’execution
de ce iugement est addressée au magistrat seculier,
non pas pour faire les ceremonies necessaires en semblables
actes, mais pour les faire faire suiuant les termes de cette ordonnance.
Dans les commandemens que l’Empereur Constantin
faisoit aux Euesques de se trouuer au concile de Tyr,
il menaçoit ceux qui ne luy obeïroient pas de deputer vn des
siens, pour d’authorité royale les chasser de leurs sieges.

 

Cod. leg. 3.
de sanct.
Trinit.

Theod. hist.
lib. 1. cap. 29.

Pour ne rapporter pas mille & mille autres preiugez de cette
nature, venons aux domestiques.

Chilperic I. du nom fit faire le procez criminel à Chartier
Euesque de Perigueux, pour auoir escrit contre luy, comme
tesmoigne fauchet en ses Antiquitez Françoises.

Fauchet, liu.
4. chap. 2.

Paul Emile,
liu. 1. en Clotaire
II.
Fauchet, Antiq.
Franc.
liu. 5. chap. 5.
Nicol. Gilles,
Annalles de
France, ann.
830.

Clotaire II. voulut qu’on proceda criminellement en l’an
619. contre Leudemon Euesque de Sion, accuse d’auoir conspiré
contre sa Majesté.

Enuiron l’an 830. louis le Debonnaire fit mettre prisonnier
à Angers Theodulphe Euesque d’Orleans, l’vn des fauteurs
de la conspiration de Bernard Roy d’Italie son nepueu, contre
luy, lequel louis estant à la procession le jour de Pasques Fleuries,
passant deuant la prison où estoit cet Euesque, & l’entendant
chanter, Gloria laus, & honor tibi, &c. il s’arresta deuant la
porte, & le fit mettre en liberté, ordonnant que cette prose ou
ces Versets seroient chantez chacun an le jour des rameaux à
la procession, ce qui se prattique encore aujourd’huy dans le
royaume.

Innocent Euesque du Mans fut priué par Charles le Chauue
de la jurisdiction qu’il auoit sur le chapitre de l’Eglise du
Mans, pour auoir fait creuer les yeux à deux chanoines conuaincus
d’adultere.

Bouchel, instice
criminelle
de Frãce,
tit. 33.
chap. 8.

Ce mesme Roy fils de louis le Debonnaire, ordonna qu’on
fit le procés criminel à Hincmar Euesque de Laon, accusé d’auoir
conspiré contre sa Majesté, & de s’estre soustrait de l’obeïssance
de l’Archeuesque de Rheims son Metropolitain ;
cette procedure qui fit grand bruit entre le pape & le Roy, se
peut voir auec toutes ses circonstances dans les œuures d’Hincmar

-- 64 --

Archeuesque de Rheims, tom. 2. Opuscul. & Epistol. titul. 42.
Flodoard. hist. Remens. ann. 870. lib. 3. cap. 1. & les autres citez en
marge.

 

Baron. ann.
tom. 10. ann.
870.
Concil. Gener.
tom. 6.
fol. 1060.
Conc. Gall.
to. 3. fol. 374.
Fauchet des
Ant. Franc.
liu. 10. chap.
2. & 12.
Belle forest,
Annalles de
france, liu.
2. chap. 60.

Du Chesne
en la vie
d’Adrian II.
Duplex hist.
de France,
tom. 2. en la
vie de Louis
VI. dit le
Gros.

Louis le gros faisant faire le procés à Estienne Euesque de
paris, pour le peu de fidelité qu’il tesmoignoit à son seruice ;
l’Archeuesque de sens voulant le proteger en qualité de son
Metropolitain, fut également chastié de sa temerité, & de fon
peu de prudence. ces deux Prelats irritez & mal contens, se
roidissans contre leur Souuerain, & cherchans les moyens de
se vanger de la justice de ses poursuites l’excommunierent, dequoy
sa Majesté s’estant plaint au Pape Honoré II. il cassa &
annula leur censure, comme donnée par des Iuges passionnez
& sans pouuoir contre leur Roy.

En l’an 1217. Philippe Auguste rendit Arrest contre Manasses
Euesque d’Orleans, comme remarque la Saussaye en sa vie.

Pierre de la Breche grand Chambellan de France, sur-Intendant
des finances, & depuis Euesque de Bayeux, estant
conuaincu de trahison, & de descouurir les secrets de l’estat
au Roy d’Espagne, & mesme d’auoir contribué à la mort du
prince louis fils aisné de Philippe III. laquelle il voulut rejetter
sur la reine marie, fut condamné par Arrest d’estre pendu
& estranglé au gibet de paris.

Brouius annal.
tom. 13.
ann. 1278.
num. 11.
Aubert hist.
des Rois de
France, en
Philippe III.

Sous le Roy louis xi. Iean Hebert Euesque de constance,
fut assigné pour respondre deuant le parlement des crimes
dont il estoit accusé ; il y comparut, & apres auoir esté interrogé
il fut arresté & mene prisonnier dans les prisons de la conciergerie,
& tous ses biens, & le temporel mesme de ses benefices
confisquez.

Chroniq. de
louis XI. à
la fin de
Monstrelet.
preuues des
libertez de
l’Eglise Gallic.
fol. 159.

Nous auons remarqué cy-dessus en parlant du Cardinal Baluë,
comme ce mesme Roy fit arrester guillaume de Haraucourt
Euesque de Verdun, & le mener dans la bastille.

En l’an 1486. le Roy Charles VIII. fit faire le procez criminel
aux Euesques de Perigueux, & de Montauban, accusez de
crime de leze-Majesté, & ce par des Commissaires du Parlement
de Paris.

Sponde annal.
tom. 2.
ann. 1489.
num. 6.
Duplex hist.
de France, en
Charl. VIII.
Lucius Arrest.
lib. 2.
tit. 2.

Vn de nos plus anciens & plus considerables compilateurs
d’arrests, en rapporte deux de l’an 1549. contre les Euesques
d’Agen & de Beziers.

-- 65 --

En l’an 1591. Henry IV. ayant pris Louuiers en Normandie,
claude de Xainctes Euesque d’Eureux se rencontrant parmy
les prisonniers fut mené & conduit à Caën, où le parlement
de Roüen estoit transferé, lequel luy fit son procés criminel à
cause qu’on trouua parmy ses papiers vn escrit par lequel il
deffendoit comme juste & Chrestien le parricide commis en la
personne de Henry III. soustenant de plus qu’il estoit permis
d’en faire autant à Henry IV. qui eut cette bonté neantmoins
de porter ses Iuges à ne point le condamner à la mort comme
il le meritoit, mais à vne prison perpetuelle seulement, & ce
à la priere du cardinal de bourbon, & d’autres Euesques qui
s’employerent pour luy, quoy qu’indigne d’aucune grace.
Monsieur le President de Thou qui rapporte cette Histoire,
prononçant sur le doute de nos Mazarins, & sur l’erreur de
nos Euesques, dit en ce mesme endroit, & au sujet de ce malheureux
Prelat, que ; Non Sacri Ordinis prærogatiuæ in crimine læsæ
Majestatis apud nos ratio habetur, sed in conuictos, siue sacerdotes,
siue episcopi sint, tanquam solutos ac profanos legum seueritas exercetur.

Thuan. histor.
lib. 101.

Guillaume rose Euesque de Senlis, qui auoit esté vne des
plus esclatantes trompettes de la ligue, ne pouuant moderer
sa passion, quoy que Henry IV. luy eut pardonné tout le passé,
fut condamné par Arrest du parlement de paris, du 5. Septembre
1590. A faire amende honnorable dedans la grand’Chambre, où
s’estant presenté auec le rochet & le camail, il fut admonesté
par les gens du Roy, qui auoient du respect à ces ornemens
Pontificaux, de les laisser & les despouїller, mais s’estant opiniastré
au contraire, il executa l’Arrest en cet habit, & pontificalement
contre son dessein.

Duplex hist,
de France,
en Henry 4.

Abbés, Moines, Docteurs, & autres Prestres
ausquels on a fait le procés.

Chilperic I. du nom, fit faire le procés criminel à des Abbez,
& autres Prestres du Limosin, accusez de sedition.
Sous Charles IV. dit le bel, en l’an 1323. le Parlement de

-- 66 --

Paris fit le procez criminel à l’abbé de Sercelles accusé de
magie, auec quelques siens religieux, comme il se void plus
amplement dans les grandes annales de Belle-forest.

 

Fauchet des
Ant. Franc.
liu. 3. ch. 19.
Belle-forest,
annal liu. 4.
chap. 56.

En l’an 1648. Le parlement de paris fit le procés criminel
à l’Abbé de Croisilles Prestre, accusé d’estre marié ; Son Apologie
contient toute cette Histoire funeste & tragique.

Iuuenal des Vrsins raconte, que comme l’on cherchoit de
toutes parts quelque Medecin expert pour guerir le Roy
Charles VI. qui estoit malade en l’an 1397. deux Moines Augustins
se presenterent pour l’entreprendre en qualité d’excellens
Medecins ; Mais au lieu de le soulager, ayans pensé le faire
mourir, le Duc de Bourgogne les fit prendre comme deux
charlatans, & les enuoya aux Iuges royaux qui le condamnerent
à estre pendus & estranglés, apres que l’Euesque de Paris
les eut degradé publiquement.

Iuuenal des
Vrsins, en la
vie de Charles
VIII.
ann. 1398.
Belle-forest,
Annalles de
France, liu.
5. chap. 67.

Sponde annal.
tom. 2.
ann. 1397.
num. 1.

Iuuenal des
Vrfins, hist.
de Charles
VIII.

Pasquier, recher
de Frãce,
liu. 5. ch.
6.

Maistre Nicole d’Orgement, dit le boiteux, chanoine de
Paris, President en la Chambre des comptes, conseiller au
grand Conseil, frere du feu Euesque de paris, & fils du chancelier
de France, estant chef d’vne sedition qui se deuoit faire
en l’an 1416. pour tuër le Roy de Sicile, le duc de Berry, &
tous ceux que l’on soupçonnoit estre du party du duc d’Orleans,
fut pris & arresté prisonnier ; & aprés que le chapitre
luy eut fait son procés pour le delict commun ; fut par Arrest
du dernier avril 1416. condamné d’estre conduit dans vn tombereau
aux halles, priué de tous ses offices & benefices, jetté dans vne prison
perpetuelle, à cent mille liures d’amende pour le cas priuilegié, & tous
ses biens acquis & confisqués au Roy, sans que le chapitre en eut
chose aucune, estant le plus riche Ecclesiastique du Royaume
sans Prelature, ayant des meubles pour quatre vingt mille
escus, outre seize mille vieux escus qu’on trouua dans vn tas
d’aueine sur ses greniers.

Le Roy Charles IX. en l’an 1561. fit faire le procés à Iean
Tanquerel Bachelier formé en Theologie, lequel fut condamné
par contumace, pour auoir soustenu & disputé dans ses
Theses, que le pape a puissance temporelle sur les rois, qu’il
peut les priuer de leurs royaumes & les mettre en interdit ;
L’Arrest & le procés verbal de son execution sont rapportez
au long dans les Decrets de l’Eglise gallicane, & ailleurs.

Decreta Eccles.
Gallic.
lib. 5. tit. 4.
cap. 6.

-- 67 --

La Reine Louyse, veufue du feu Roy Henry III. demandant
justice à Henry IV. en l’an 1590. du parricide commis en
la personne du Roy son mary ; sa majesté inclinant tres-volontiers
à ses prieres, renuoya la commandement de ce crime à
son parlement seant à tours, auec commandement tres-exprés
de vacquer à cette affaire incessamment, toutes autres
occupations cessantes. La procedure commença par la punition
d’Edmond Bourgoin prieur des Iacobins de paris, lequel
auoit esté fait prisonnier à l’assaut des faux-bourgs de paris, où
il estoit armé comme vn soldat. Il fut de plus conuaincu d’auoir
publiquement loüé en pleine chaire Iacques Clement
moine de son Conuent executeur de ce parricide, & de l’auoir
comparé à Iudith qui mit à mort Holofernes deuant la
ville de Bethulie ; Il fut condamné, comme son frere Iacques
a estre tiré à quatre cheuaux, par Arrest qui fut executé le 26.
Ianuier 1590.

Duplex hist
de France,
tom. 4. en la
vie de Henry
IV.

En l’an 1595. pendant que Messieurs du perron & d’Ossat,
trauailloient à Rome pour empescher qu’au formulaire de
l’absolution de sa Maiesté, ne fut inseré vn seul mot par lequel
le Pape pût pretendre aucune authorité sur le temporel de la
couronne de France, vn nommé Florent Iacob bachelier en
Theologie, fut si impudent que de soustenir positiuement dans
Paris, en vne de ses Theses, que le pape auoit puissance temporelle
& spirituelle sur tous les Chrestiens de quelque condition
& qualité qu’ils puissent estre ; cause pourquoy il fut condamné
par Arrest du parlement de paris, à declarer dans la grande
salle de Sorbonne à genoux & teste nuë, qu’il auoit temerairement &
inconsiderément proposé cette question, qu’il s’en repentoit, & en demandoit
pardon à Dieu, au Roy & à la iustice ; Et les theses furent publiquement
lacerées, ce qui fut executé en la presence des
commissaires de la cour en l’assemblée des docteurs à ce appellez
par le son de la cloche ; thomas Blanzy Cathedrant
du Bachelier, y assista aussi teste nuë.

Libertez de
l’Eglise Gallic.
tom. 1.
fol. 447. Decret. Eccles.
Gallic.
lib. 5. tit. 4.
cap. 8.

En l’an 1599. deux moines Iacobins du Conuent de Gand en
Flandres, l’vn nommé Charles Ridicoui, & l’autre Pierre Arger,
ayans esté subornez pour assassiner Henry IV. vindrent
tous deux en France à diuerses fois pour executer cet execrable
& mal-heureux dessein, mais estans descouuerts ils furent
roüez tout vifs.

Duplex hisi
de France,
tom. 4. en la
vie de Henry
IV.

-- 68 --

Le cardinal d’Ossat escriuant de Rome du 25. Ianuier 1595.
à Monsieur de Villeroy, touchant l’aduis qu’il luy auoit donné
de la blessure du Roy Henry IV. par Iean Chastel escholier
des Iesuites, & disciple du p. Guignard son regent, qu’on accusoit
de l’auoir instigué & suborné pour faire ce detestable
coup ; & qu’en ayant parlé au pape, & de la procedure que le
parlement faisoit contre ledit p. Guignard, sa Saincteté luy
respondit, Que si ce Iesuite se trouuoit coupable, il estoit raisonnable
de le punir.

d’Ossat en
ses Lettres.

Le feu Roy louis XIII. fit faire le procés criminel au p. Antoine
Sanctarelle Iesuite, en l’an 1626. pour auoit publié des
propositions contre l’authorité des princes souuerains, dans
vn liure qu’il escriuit en latin touchant la puissance du pape ;
dans lequel il soustenoit qu’il auoit pouuoir de deposseder
l’Empereur, & de punir les autres princes de peines temporelles,
d’absoudre leurs sujets du serment de fidelité, mesme en
cas d’heresie. Ce liure estant mis entre les mains du Parlement
de Paris, il donna Arrest le 13. Mars 1626. par lequel la Cour declare
les propositions & maximes y contenuës, fausses, scandaleuses, &
seditieuses, tendantes à la subuersion des puissances souueraines ordonnées
& establies de dieu, sousleuement des sujets contre leurs Princes, &
substraction de leur obeissance. Ordonne qu’il sera laceré & bruslé en la
cour du palais par l’executeur de haute iustice, & que le Prouincial des
Iesuites, les recteurs des trois maisons qu’ils ont à paris, & trois anciens
peres de leur ordre seront mandez pour venir le lendemain matin
à la cour pour y estre ouys. Auquel jour le p. Coton Prouincial
s’estant presenté auec les six autres peres, fut interrogé sur le
sujet desdites propositions, & par ses responses declara vn sentiment
tout contraire à icelles, & mesme en donna sa declaration
par escrit souscripte de sa main, & de quinze autres des
principaux de la compagnie, laquelle est rapportée toute entiere
dans les autheurs sus-alleguez en marge.

Mercure Iesuite,
ann.
1626. fol.
835. & 860.
Duplex hist.
de France,
tom. 5. en la
vie de Louis
XIII.

Le premier iour d’avril ensuiuant, la Sorbonne censurant
ce mesme liure, declara que sa doctrine estoit nouuelle, fausse,
& erronée, & contraire à la parole de dieu, rendant la dignité du souuerain
pontife odieuse, ouurant le chemin aux schismes, desrogeant à
l’authorité souueraine des rois, qui ne dependent que de dieu seul, empeschant
la conuersion des princes infidelles & beretiques, troublant la

-- 69 --

paix vniuerselle, & renuersant les royaumes, les estats, & les Republiques ;
destournant les suiets de l’obeissance qu’ils doiuent à leurs souuerains,
& les induisant à des factions, rebellions, & seditions, & qui
pis est d’attenter à la vie de leurs princes.

 

Les registres du parlement, & tous les compilateurs d’Arrests
rapportent vne infinité d’exemples pareils dont on feroit
de tres-gros volumes ; et apres ces preuues & ces maximes indubitables,
iugez lecteur, auec quelle iustice & quelle raison
l’apologiste du Mazarin ose mettre en auant, que le Parlement
n’est pas iuge competent pour connoistre des crimes de
son maistre ; qui est soustenir qu’il y a des sujets & des Citoyens
particuliers qui ne releuent point du Roy, & qui ne re connoissent
point son pouuoir ny son authorité. Si bien qu’il faut conclure
apres cela, qu’autant de Cardinaux, autant d’Euesques,
& autant de Prelats que le Roy fera, se seront autant de sujets
qu’il perdra ; et qu’aussi-tost qu’ils feront Euesques, ils cesseront
en mesme temps d’estre François, viuront au milieu du
royaume sans en reconnoistre les loix ; & s’ils s’y soubmettent
ce ne sera que par bien-seance & volontairement, sans reconnoistre
en façon quelconque les magistrats qui en ont l’execution
en main. Et par ainsi ne releuans point du Roy ny de
fes officiers, qui sera leur prince & leur souuerain ? ils auront
pouuoir d’offenser le prince & l’estat, sans que sa majesté ait
droit de les punir ? non, non, il n’en va pas ainsi, le Roy & les
Parlemens ne font qu’vn Corps & qu’vne authorité ; sa majesté
en est le tronc, & les Parlemens en sont les branches ; c’est
vne maxime fondamentale de ce royaume que le Roy en est le
premier Magistrat, & que les conseillers qui gardent son lict
de iustice ne font qu’vne partie de luy mesme, à l’exemple de
ce grand Senat Romain qui n’estoit qu’vn auec son empereur,
comme deux des plus celebres d’entre aux l’ont declaré par
cette constitution glorieuse qui les rend aussi sacrez que leur
propre majesté, puis qu’ils n’en sont pas seulement l’image,
mais l’autre moitié, & la partie la plus agissante ; Nam & ipsi
pars corporis nostri sunt.

Leg. quisquis
5. cod.
ad legẽ Iul.
Maiest.

-- 70 --

Refutation particuliere des cinq histoires d’Euesques
alleguées en faueur du Mazarin.

Pour ne rien oublier de ce que nous auons entrepris, &
respondre aux cinq exemples qu’on nous represente
pour prouuer que les Euesques ne peuuent pas estre iugés
par les Parlemens ; on dit en la page 13. que François i. voulant
faire le proces à deux Euesques qui luy auoient manqué de fidelité, en
fut dissuadé par le parlement, comme nous auons rapporté cy-deuant.

Premierement on ne cite aucun autheur de cette allegation,
on ne dit point quels estoient ces Euesques, & encore moins ce
qu’ils auoient fait, qui estoit peut-estre si peu de chose, que le
Parlement iugea qu’il n’y auoit pas lieu de leur faire leur procés ;
comme en effet celuy qui compose cette histoire ne dit
point s’ils furent punis, ou par vn Sinode ou autrement, ce qui
fait bien voir qu’il y a de la hablerie, & du desguisement en ce
conte fait à plaisir, puis qu’on n’en void aucune preuue ny aucune
consequence concluante.

Pour ce qui est de gilles Archeuesque de Rheims qu’on
dit que childebert n’osa iuger ny ses officiers, mais vn concile qu’il fit
assembler pour cela, &c.

Pour descouurir l’imposture de l’Aduocat du Mazarin, &
la verité de cette procedure, voicy comme les autheurs par
luy citez en parlent à son desaduantage, & d’autres encore que
nous rapportons fidellement en marge.

En l’an 590. Sunnigile Connestable de France, estant complice
de l’emprisonnement que l’on vouloit faire de Childebert
Roy d’Austrasie, fut arresté & fait prisonnier, accusant
gilles Archeuesque de Rheims d’estre principal autheur de
cette coniuration, qui pareillement fut enleué & mené en prison
pour luy faire son procés. Les Euesques de France aduertis
de cela, prierent sa majesté de leur remettre entre les
mains, afin qu’il fut iugé suiuant les canons, dans vn concile
qui fut assemblé à ce sujet dans la ville de mets, où cet Archeuesque

-- 71 --

comparant, fut atteint & conuaincu de trahison & de
felonie, & comme tel abandonné & delaissé par les Euesques à
la iustice seculiere (notate verba) apres l’auoir degradé. Le Roy
luy ayant sauué la vie à la priere des Euesques qui en supplierent
sa majesté, il fut banny à perpetuité, ses biens acquis &
confisquez, & son Archeuesché donné à Romulfe Prestre fils
du Duc Loup, ce qui fit qu’il se retira à Strasbourg où il finit le
reste de ses iours. Voyez, lecteur, si le Roy ny ses officiers n’oserent
iuger cet Archeuesque criminel.

 

Gregor. Turon.
hist. lib.
10. cap. 19.
20.

Concil. Gener.
tom. 4.
sol. 528.

Conc. Gall.
tom. 1. fol.
407.

Fauchet des
Ant. Franc.
liu. 4. ch. 22.

Belle-forest,
Annalles de
France, liu. I.
chap. 26.
Duplex hist.
de France,
tom. 1. en la
vie de Clotaire
II.

Quand il adjoûte incontinent apres page 14. Qu’on auoit obserué
desia la mesme procedure à l’endroit de deux Euesques bourguignons,
qui estans accusez entr’-autres chefs, d’auoir trahy leur Roy &
leur patrie, ne furent point citez deuant la justice seculiere, mais deuant
vn concile des Euesques de la prouince, en partie conuoqué pour ce
suiet par le commandement du Roy, &c.

Ie ne sçais pourquoy il ne les nomme pas, ny pourquoy il
les fait Bourguignons, puis que les autheurs qu’il cite disent
qu’ils estoient de Prouence, l’vn appellé Salonie Archeuesque
d’embrun, & l’autre sagittaire Euesque de Gap. l’vn des Suffragans
de l’Archeuesque d’Aix ; estant vray qu’ils furent priuez
de leurs dignitez & benefices par vn concile qui se tient
à Lyon, en l’an 582. Mais par ordre & commandement de Gontran
Roy d’Orleans qui n’auoit point encore de parlement, ny
de Iuges ordinaires & reglez, non plus que ses associez à la
Royauté qui estoit encore dans son enfance, & presque sans
aucune marque de la majesté où elle est aujourd’huy. Ne se
trouuant pas dans toute nostre histoire, que depuis que le parlement
de paris est sedentaire, & que nos rois leur ont mis
leur authorité souueraine entre les mains, ils ayent fait juger
les Euesques, ny les Cardinaux criminels de leze-Majesté par
des synodes, ny des gens d’Eglise pour ce qui est du cas priuilegié,
mais pour le delict commun quelquefois, & tres-rarement,
le principal emportant l’accessoire, & la qualité du crime
estouffant la qualité de la personne & du delin quant. Suiuant
le canon qui dit, que ; Non omnes Episcopi, sunt Episcopi ; attendis
petrum, sed & Iudam considera ; Stephanum suspicis, sed & Nicolaum
respice ; non facit ecclesiastica dignitas Christianum.

Greg. Turon
hist. lib.
5. cap. 20.
27. 28.

Concil. Gener.
tom. 4.
ann. 582.
fol. 483.

Conc. Gall.
tom. 1. ann.
576. fol. 367.

Baron. annal.
tom. 7.
ann. 582.

Fauchet des
Antiquitez
Franc. liu. 3.
chap. 15. 19.

Canon. 29.
non omnes,
2. quæst. 7.

Venant à son quatriesme exemple, il raconte (pag. 14.) auec

-- 72 --

des desguisemens ordinaires, que Louys le Debonnaire ayant esté
calomnié, excommunié, chassé de l’entrée de l’Eglise, mis au rang des
penitens publics par Ebbon Archeuesque de Rheims, & enfin despoüillé
de sa couronne par la felonie & les intrigues de ce Prelat factieux &
turbulent ; Quand il eut depuis recouuré la liberté auec l’Empire, entretreprit-il
de se rendre juge des excez de ce rebelle ? & le renuoya-il au
tribunal exterieur & seculier ? nullement. suiuant les traces de ses predecesseurs,
il implore la pieté des Euesques de son royaume, il leur ordonne
d’assembler vn concile general pour entendre Ebbon, & le juger
selon les loix Sainctes de l’Eglise. Et alors ce coupable se sentant pressé
par les remors de sa conscience, & ayant luy-mesme publiquement confessé
son crime, ses propres Confreres d’vne commune voix, le condamnerent
& le declarent deschu de sa dignité Archiepiscopale, luy imposant
vne penitence conuenable au merite de ses fautes.

 

C’est icy ou la presomption est bien grande pour faire croire
que monsieur de Bazas à bonne part à cét ouurage, puis qu’il
esleue si fort les Euesques, & qu’il abaisse si honteusement les
rois, faisant ceux-là arbitres de leurs couronnes, & ceux-cy
supplians pour y estre conseruez par leur propre authorité.
Cette histoire est trop importante, & d’vne consequence tres-dangereuse
pour ne la desduire qu’à demy comme fait cét escriuain,
& parce qu’il ne raconte qu’vne partie de ce que les
Euesques firent en ce rencontre, sans dire vn petit mot de ce
que la iustice seculiere ordonna en vn crime si atroce & si detestable ;
en voicy le sommaire auec le plus de briefueté que
nous pourrons dedans vn fait qui nous a remply des liures
tous entiers.

Il est vray que iamais pere ne fut plus indignement traitté
par ses enfans, iamais souuerain si fort abbatu par ses suiets, ny
vertu si mesprisée & si oppressée que celle de l’empereur Louys
le Debonnaire, qui nous a laissé autant de marques de ses malheurs
& de ses persecutions, que de tesmoignages de sa bonté
& de sa Religion. Ce grand prince s’estant laissé gaigner par
les mignardises legitimes, mais perilleuses de Iudith sa seconde
femme, pour esleuer au preiudice des enfans de son premier
lict, celuy qu’il auoit de cette Marastre cruelle ; ces princes
indignez de tant d’iniustices, & l’ambition de regner preualant
à l’obeïssance paternelle, pour donner quelque couleur à

-- 73 --

la rebellion qu’ils minutoient, accuserent Bernard comte de
Barcelone grand maistre de la chambre, d’entretenir l’imperatrice,
ce qu’ils firent sçauoir à l’empereur, qui pour leur
oster tout suiet de mescontentement, relegua Bernard, & fit
enfermer Iudith dans le Monastere de sainct Medard pour tascher
d’estoufer tous ces mauuais soupçons. Ces remedes n’estans
pas ceux qui pouuoient guerir leur maladie, ces trois freres
se liguerent ensemble en l’an 833. & resolurent par vn serment
solemnel de se saisir de la personne & de l’estat de leur
pere. Lothaire venant auec des forces d’Italie pour se joindre
à Pepin & à Louis ses deux freres, fit tant qu’il amena auec soy
le pape Gregoire IV. pour couurir par la presence du saint pere
vne entreprise qui ne pouuoit estre que blasmable. Les choses
en vindrent à telle extremité, que Lothaire prist son pere
prisonnier, le mena au chasteau de Compiegne, où il le traitta
auec tant de mespris & tant de rigueur, qu’il le fit condamner
par les Euesques qui estoient conjurez auec luy d’entrer dans
vn Monastere pour y finir ses iours, Ebbo Archeuesque de
Rheims luy prononça cette cruelle sentence, laquelle fut
trouuée si iniuste & si violente qu’elle a tousiours esté blasmée
& condamnée par tous ceux qui en ont pris connoissance.

 

Thegan. de
gestis Ludo.
Pij.
Nitard. hist.
lib. 1.

Anonimus
sed Coëtan.
in vita Lud.
Pij.

Concil. Gener.
tom. 6.
fol. 360. &
363.
Pithou. annal.
part. 2.
Baron. annal.
tom. 9.
anno 835.

Crantzius,
lib. 2. Saxo.
cap. 25.
Aimon. lib.
5. hist. cap.
12. 13.
Nicol. Gilles
Annalles de
France, ann.
829.
Paul Æmile
li. 3. en louis
le Debonn.
Belle-forest,
Annalles de
france, liu.
2. ch. 36. 37.
Fauchet des
Ant. Franc.
liu. 8. ch. 11.
14.

Baronius rapportant toute cette procedure, & les crimes
que l’on supposa à ce vertueux prince, les reduit en huict
chefs, & dit ; Sanè quidem rem per vim & metum actam, coloratamque
falso religionis pigmento, nemo non dixerit ac improbauerit ; vnde
merito boni omnes detestati sant factum, & iure visus est Theganus, in
Ebbonem Rhemensem Episcopum, horum omnium architectum, exprobrans
facinus, declamasse. Pithou qui rapporte tous les actes de ce
pretendu concile de Compiegne, dit qu’il leur donne place
dans nostre histoire ; Non vt salubris Concilij Decreta amplectenda,
sed vt exitialis commenti molimina respuenda ; fauchet en dit de
mesme dans ses Antiquitez Françoises.

Pasquier, recher.
de Frãce,
liu. 5. ch.
3.
Aubert, hist.
de France, en
Louis le Debonn.

Baron. annal.
tom. 9.
ann. 835.
Pithou, annal.
part 2.
fol. 136.
Fauchet liu.
8. chap. 12.

Ces desordres ayant duré plus de deux ans, enfin ; episcopalis
vnanimitas (comme dit Hincmar) saniore conselio, cum populi consensu,
& ecclesiæ & regno restituit ætate nostra pium Augustum Ludouicum
à regno deiectum ; Lequel estant ainsi remis dans ses estats, &
dans sa premiere authorité fit tenir son parlement au palais
d’Attigny, où il deputa des commissaires pour informer par

-- 74 --

tout contre les autheurs & les complices de cette rebellion
criminelle. Apres quoy il s’en alla passer vne partie de l’hyuer
à Aix la Chappelle, & de là vient à Thionville où se trouuerent
plusieurs Euesques de ceux qui l’auoient excommunié & degradé,
ausquels reprochant leur malice & leur perfidie, la pluspart
s’excuserent sur ce qu’ils auoient esté forcez, & que les
autheurs principaux de ce crime detestable n’osans paroistre
deuant sa Maiesté s’en estoient fuis en Italie. L’empereur qui
estoit bon de son naturel, se contentant de leur confession
leur pardonna vne faute qui neantmoins ne deuoit pas se dissimuler ;
Et de Thionville s’en alla à mets où il voulut estre solemnellement
restably par tous les Euesques qui se trouuerent
auprés de luy, lesquels annulerent sa degradation, la declarant
iniuste, temeraire, & violente ; ce qu’il voulut estre fait de la
sorte, tant pour desabuser le peuple scrupuleux & superstitieux
qui le tenoit pour excommunié, que pour faire voir la
malice & la perfidie des Prelats fauteurs & complices du crime
de ses enfans.

 

Hincmar,
tom. 1. de diuort.
Lotha.
& Terberg.
quæst. 6.

L’Empereur ainsi restably, les Euesques qui estoient auprés
de luy voulans punir les autres qui auoient esté de la conspiration,
s’assemblerent dans vn Concile tenu à Thionville en l’an
835. où Ebbo Archeuesque de Rheims, & Agobard Archeuesque
de Lyon furent cités comme autheurs principaux de ce
trouble. Agobard non comparant y fut iugé par contumace,
excommunié & priué de sa Prelature, auec tous les autres fugitifs
qui s’estoient retirez en Italie, lesquels furent declarez
traistres, homicides, perturbateurs du repos public, le scandale
& vitupere de l’Eglise, incapables de tenir iamais benefices,
de pouuoir consacrer, conferer les ordres, ny autres Sacremens,
comme inhabiles à toutes sortes de fonctions Ecclesiastiques.

Conc. Gall.
tom. 2. fol.
567.

Ebbo Archeuesque de Rheims qui estoit le plus criminel de
tous, montant en chaire dans l’Eglise Cathedrale de saint
Estienne de mets, declara hautement en presence de l’Empereur,
des Euesques, du clergé, & de tout le peuple, que meschamment,
iniustement, & malicieusement il auoit deposé
Louys le Debonnaire, auquel il presenta sa condamnation signée
de sa main, & puis apres aux Euesques qui l’auoient iugé ;

-- 75 --

Cette confession volontaire & publique estant faite en plein
Synode, tous les Iuges l’vn apres l’autre luy prononçant sa sentence,
disent ; secundum tuam confessionem cessa à ministerio ; Apres
quoy il fut degradé, & mis entre les mains des Iuges royaux
(Notate Verba) & puis par Arrest de l’empereur enuoyé en exil
dans le païs de Saxe.

 

Thegan qui estoit Archeuesque de Treues & du sang royal,
parlant de l’enormité de ce crime, & de l’insolẽce & de l’ingratitude
d’Ebbo, qui osa iuger son souuerain, & deposer celuy
qui l’auoit si auantageusement esleué, donne des aduis & des
conseils trop importans à nos rois & aux Euesques, touchãt le
choix qu’ils doiuent faire de ces Prelats, & de ce qui est de leur
deuoir, pour n’en raporter pas icy quelques-vns des principaux
& des plus necessaires. Omnes Episcopi, dit-il, molesti fuerunt regi,
& maximé illi quocex seruili conditione honoratos habebat, cum his qui
ex barbaris nationibus ad hoc fastigium perducti sunt ; elegerunt tunc
vnum impudicum & crudelissimum qui dicebatur Ebbo Rhemensis Episcopus,
qui erat ex originalium seruorum stirpe, vt eum immaniter afflixisset,
cum confrictionibus cæterorum. Inaudita locuti sunt, inaudita
fecerunt, quotidié improperantes ei ; vnde impletum est elogium Ieremiæ
prophetæ, dicentis ; serui dominaei sunt nostri. Crudelis, cur non intellexisti
præcepta Domini ? Non est seruus supra Dominum suum ? quamobrem
contempsisti præcepta Apostolica, illius qui ad tertium cœlum raptus
erat, vt inter angelos disceret quod hominibus ille sic præciperet ;
omnibus potestatibus sublimioribus subiecti estote ; non est potestas nisi à
deo ; & iterum, alius dicit ; deum timete, Regem honorificate ; serui
subditi estote in omni timore, non tantum bonis & modesties, sed etiam
discolis, hoc est enim gratia. Tu vero deum non timuisti, nec regem honorasti ;
si vnusquisque gratiam dei adipisci poterit, talia faciendo, profecto
iram dei habebit talia contemnendo. Ce grand Electeur de
l’empire acheuant son discours, mais non pas les ressentimens
qu’il auoit d’vne action, si noire & si atroce, conseille à tous les
souuerains de la terre, & les prie tres-instamment ; Ne amplius
fiat vt serui sint Consiliarij sui, quia si possunt, boc maximè construunt,
vt nobiles opprimant, & eos cum vilissima propinquitate eorum exaltare
studeant. Meditez sur ces choses, princes oppressez, & vous
François si affligez.

Thegan. de
gestis Ludo.
Imper. cap
43, 44. &c.

Ie me suis vn peu estendu sur cette histoire considerable que

-- 76 --

l’on nous oppose comme vne marque & vn priuilege redoutable
des Euesques, afin qu’on voye premierement que ce n’estoient
que quelques factieux qui presterent leur ministere à la
violence des enfans de cet empereur, sans aucune marque de
leur authorité particuliere & speciale en cela, puis qu’ils ne
depossederent point ce grand prince faisans leurs charges,
mais auec les armes tiranniques des princes rebelles qui l’attaquoient,
comme ils l’aduouënt eux-mesmes, declarans qu’ils
furent forcez à ce faire ; & pour faire connoistre l’imposture de
l’apologiste Mazarin, qui ose escrire impudemment & faussement
contre le tesmoignage irreprochable des autheurs que
nous alleguons, que cet empereur n’entreprist point de se rendre
iuge des excez de ce rebelle, & ne le renuoya point au tribunal
exterieur & seculier ; contre ce que nous venons de remarquer
apres tant d’hommes dignes de foy, & tant d’actes publics
qui asseurent, qu’il fit tenir son parlement à Attigny pour
cela, où il deputa des commissaires pour informer contre tous
les complices de cette rebellion ; & qu’apres que les Euesques
eurent degradé & priué cet Ebbo de sa dignité Ecclesiastique,
il fut mis entre les mains des Iuges royaux, & puis par vn Arrest
de l’empereur enuoyé en exil dans le païs de saxe.

 

Le cinquiesme & dernier exemple dont le Panegiriste Mazarin
se sert pour fomenter les crimes des Euesques & des Cardinaux,
est de Ganelon Archeuesque de sens qui estant chargé
de plusieurs reuoltes & infidelités contre le Roy Charles
son seigneur, & le reste ; Le Roy bien loing de s’attribuer la connoissance
d’vne affaire si capitale ; en remet la decision selon la coustume, à
vn synode presque general des Prelats de son Royaume, comparoit luy-mesme
en leur assemblée, accompagné des rois Lothaire & Charles ses
Neueux, leur demande justice auec humilité contre leur Confrere, &c.
voila comme l’autheur des sentimens que nous refutons,
abaisse la grandeur & la Maiesté de nos rois, pour esleuer l’orgueil
& l’insolence des Euesques, en la page 15. de sa satire
criminelle, & de son libelle diffamatoire digne du feu qui le
menace.

De dire que le Roy remet la decision de cette affaire à vn
synode, selon la coustume, c’est vne imposture, puis qu’on
n’en rapporte aucune qui ne prouue le contraire, comme nous

-- 77 --

venons de iustifier assez amplement ; & d’adjouster que le Roy
comparoist luy mesme au synode pour y demander iustice auec
humilité contre leur confrere, c’est trop abaisser vn souuerain
deuant ses sujets, contre la verité de l’histoire qui tesmoigne
bien en effet que sa majesté fit assembler vn synode à Sauonieres
aupres de Toul, en l’an 859. pour y faire connoistre les crimes,
les perfidies, & les infidelitez de ce traistre Ganelon, mais
qui asseure aussi, qu’on ne trouue point la sentence du synode,
ny quelle fut la fin de ce detestable Prelat, qui estant iugé
par les Euesques pour ce qui est du delict commun, auroit puis
apres esté condamné par les Iuges royaux pour le cas priuilegié
comme les autres que nous auons rapporté cy-deuant, &
suiuant ce qui se practique.

 

Concil. Gener.
tom. 6.
fol. 643.
Conc. Gall.
tom. 3. fol.
137.

Baron. annal.
tom. 10.
Pithou, ann.
part. 2. fol.
379.
Fauchet, des
ant. Franc.
liu. 9. ch. 16.

Cela estoit assez ordinaire à nos rois dedans les premieres
races où les Parlemens n’estoient pas encore connus en l’ordre
où nous les voyons, de se plaindre par vn zele de religion, &
par vn respect filial, des Euesques qui les offençoient, aux autres
qui estoient plus sages & plus retenus ; mais s’estoit sans
desroger à leur authorité souueraine pour cela, & sans renoncer
au droit & au pouuoir qu’ils ont de les chastier, comme
nous voyons au procedé de Chilperic i. contre Pretextat Archeuesque
de Roüen, lequel ayant fait assembler vn synode à
paris en l’an 583. en l’Eglise sainct pierre, maintenant saincte
Geneuiefue, pour y porter les accusations qu’il auoit à faire
contre ce mauuais pasteur, auquel il dit en presence des peres
assemblez ; Quid tibi visum est, ô episcope, vt cum filio meo Meroueo
ageres, datis muneribus, vt ego interficerer ? hostem autem filium patri
fecisti, seduxisti pecunia plebem, vt nullus mecum fidem habitam custodiret ;
hoc eo dicente, dit Gregoire de tours, infremuit multitudo
francorum, voluitque ostia basilicæ rumpere, quasi vt extractum sacerdotem
lapidibus vrgeret, sed rex prohibuit fieri.

Gregor. Turon.
hist. lib.
5. cap. 19.
Concil. Gener.
tom. 4.
fol. 481.
conc. Gall.
tom. 1. fol.
357.
Paul Emile,
liure 1. en
Chilperic.
Belle-forest,
Annal. de
France, liu.
1. chap. 22.
Fauchet, liu.
3. chap. 18. &
liu. 4. ch. 8.
& 13.

Apres plusieurs autres circonstances qui regardent cette
histoire, Pretextat estant deuant le Roy & les Euesques, aduoüant
son crime & son forfait, s’escria ; prostratus solo, peccaui
in cœlum & coram te, ô rex misericordissime ; Ego sum homicida nefandus,
ego te interficere volui, & filium tuum in solio tuo erigere. Sur
cette confession volontaire le Roy demande iustice aux Euesques
en ces termes ; audite, ô piissimi sacerdotes, reum crimen execrabile

-- 78 --

confirentem ; auec cette protestation neantmoins, dit Aimoinus,
qu’il veut voir ce qu’ils en ordonneront ; Licet regia
potestas Maiestatis reum condimnare possit ; ce qui est conforme au
Decrer des Euesques du concile de Tolete, qui declarent ;
eos episcopos esse in potestate Regu, qui peccasse illi noscuntur.

 

Aimoinus,
hist. lib. 3.
cap. 16.
Concil. Tolet.
12. Canon.
3.

Dauantage quand cela seroit, que non, que les Euesques
sont exempts de la iustice temporelle des rois, on ne void aucune
loy ny aucun exemple qui en dispense les cardinaux,
qui est la These qui se presente à iuger ; & si nos rois ont renuoyez
quelques Euesques criminels à des synodes pour y estre
iugez, c’estoit les traitter auec plus de defference qu’ils ne deuoient,
& plus de douceur qu’ils ne meritoient ; c’estoit leur
accorder vne grace, & non pas establir vne loy ; donner des
exemples de religion, & non pas de iustice ; & relascher quelque
chose de son droit, sans le perdre ny l’abandonner pour
cela. Ce sont les choses ordinaires, & non les singulieres qui
font les loix & les Coustumes ; pour accorder la grace à vn
coupable, on ne s’oblige point de pardonner à tous les criminels
qui la demandent.

Apres ces cinq histoires debitées à vostre mode, illustre Mazarin,
& refutées suiuant la verité qui les compose, faisant vn
destail de tous les crimes de ces Euesques, vous demandez en
la page 16. de vostre satyre odieuse, comme nous auons rapporté
au commencement de la section precedente, si vostre
cardinal est aussi noir & aussi conuaincu que ces Prelats condamnez,
comme si vous ne sçauiez pas mieux que personne,
qu’il est mille fois plus coupable & plus criminel d’auoir empesché
la paix generale, comme il en est accusé dans la declaration
du Roy donnée contre luy au mois de septembre 1651.
& verifiée en parlement ; & dans le traitté de son altesse
royale, fait auec monsieur le prince de condé le 24. Ianuier
1652. art. 5. Que tous ces Euesques enterrez ne l’ont esté d’auoir
signé des traittez particuliers auec des petits princes qui
n’ont pas fait la milliesme partie des maux que vostre cardinal
a causé, & si traistreusement fomenté.

Vous demandez s’il a corrompu la fidelité des sujets du Roy ?
comme si vous ignoriez à quel poinct l’a esté monsieur de Seruion,
pour empescher la conclusion de la paix generale à munster ;

-- 79 --

& que sans estre infidelles au Roy & à son estat, monsieur
le Tellier, monsieur de lionne, le P. Polin Iesuite mesme
confesseur de sa Majesté, & d’autres que ie ne veux pas nommer
pour estre assez connus, seroient esloignés de la cour &
sans employ il y a long-temps. Que ne fait pas encore tous les
jours ce cardinal pour gagner & corrompre les officiers de la
couronne, les gouuerneurs des places & des prouinces, &
tous nos Generaux d’armée pour obeïr à ses ordres, & à ses
volontez, plustost qu’à celles du Roy, & des princes de son
sang ?

 

Vous demandez encore, s’il a exposé le Roy à la risée, & à la
fureur de ses rebelles ? & vous sçauez mieux que personne, que
luy faisant entreprendre mille choses tous les iours contre les
loix de son estat, & la police ordinaire de son royaume, il se
trouue mal obey, lors qu’il est fidellement seruy ; & que pour
laisser abuser de son nom, & de son pouuoir au Mazarin, il
prostituë son authorité royale, se rend contemptible à ses propres
sujets, & la risée de tous les estrangers qui connoissent l’innocence
& le mal-heur de ce ieune Roy, qui est plus à plaindre
qu’à blasmer. De plus le cardinal le menant comme il fait
à la teste de ses troupes, comme son lieutenant general, & le
capitaine de ses gardes, il ne l’expose pas seulement à la fureur
de ceux qui ont sujet de se rebeller contre cette Eminence
insolente, mais aux iniures & aux incommoditez ordinaires
de tant de voyages penibles & inutiles qu’on fait entreprendre
à sa majesté pour mettre à couuert vn proscrit, deffendre vn
criminel contre la iustice, & fauoriser dans son propre royaume
le demon qui le met en proye, & qui l’accable de misere ;
n’y ayant point de seureté pour cette pesté publique qu’entre
les bras de ce ieune monarque, que l’on veut rendre la haine
de ses peuples, en luy faisant idolatrer & proteger de viue force,
l’ennemy & le tyran qui les ruine & qui les tourmente.

Vous mettez en question aussi, si le Mazarin a esloigné nostre
ieune prince des autels, & du commerce des Chrestiens,
comme firent les Euesques rebelles à louis le Debonnaire ?
apres que vous les voyez piller, abbattre, & polluer tous les
iours par des troupes heretiques & inhumaines qui portent le
nom de sa Maiesté, & non pas ses ordres ny son adueu, mais la

-- 80 --

rage & la fureur d’vn cardinal qui se dit prince de l’Eglise
pendant qu’il les demolit, sans en auoir iamais protegé ny visité
pas vne.

 

Et pour conclusion de vos belles admirations, & de vos
ignorances affectées, vous reuoquez en doute en cette mesme
page 16. de vostre escrit, si vostre Mazarin a rauy comme les
autres Euesques que vous accusez, la liberté & la Couronne à
nostre Roy, ou attenté comme eux sur sa personne, & coniuré
sa mort ? apres que toute l’Europe sçait que ce Monarque aussi
digne d’amour que de compassion, ne respire autre chose que
de retourner dedans sa capitale, & qu’il n’y a que le Mazarin
seul qui l’en empesche, à cause qu’il en est banny, comme du
reste du royaume, qu’on luy attend pour le punir de ses crimes,
& executer les arrests qui y sont donnez contre luy.

Que ce cardinal ne rauisse la couronne à sa Maiesté, c’est
dequoy les princes de son sang, les Parlemens, & tous les bons
François se plaignent, puis que tous ces clair-voyans connoissent
que ce jeune prince abusé n’a que le nom de Roy, & le
Mazarin le sceptre & l’authorité toute entiere.

Qu’il n’attente à sa personne sacrée, & ne conjure sa mort, il
ne le fait que trop & trop insolemment en l’exposant temerairement
dans la tendresse & la delicatesse de son aage, aux fatigues
de tant de voyages importuns, dans le changement de
tant d’airs & de tant de sejours differens, dans l’incommodité
des armées qu’il est contraint de traisner apres soy pour garder
son ennemy, dans l’injure des temps & des saisons, des froids
& des chaleurs, des pluyes & des vents, & faisant vne vie qui
ressent plus son Suedois & son conquerant, que non pas vn
grand Roy qui n’a qu’à conseruer l’empire qu’on luy fait perdre
& diminuer tous les iours, auec l’amour & le nombre de
ses sujets.

Et puis que vous aduoüez que tous ces Prelats estoient tres-coupables,
& tres-criminels encore qu’ils n’ayent commis que
l’vn ou l’autre de ces crimes ; Que sera vostre illustre Mazarin,
qui seul est chargé de tous ensemble, & de mille autres encore
dont le moindre merite la mort ? Ouurez les yeux flatteur
des tyrans, & calomniateur des gens de bien, aimez l’innocence
de vostre Roy, cessez d’abuser de son bas aage & de son

-- 81 --

peu d’experience, rendez le respect que vous deuez aux princes
de son sang, reconnoissez la justice & la fidelité du parlement,
prenez compassion de vos concitoyens, rendez-vous à
la raison, confessez la verité, songez à vostre conscience, mettez
fin à vostre aueuglement, & ne croyez pas que vos flatteries
& vos impostures soient plus fortes & plus puissantes pour
absoudre le plus abominable de tous les hommes, que les arrests
de tous les Parlemens de France pour le conuaincre & le
condamner.

 

Vous vous rendez ridicule de vouloir persuader dans la page 17.
de vostre Panegyrique Mazarin, que les soins & les conseils
de ce Ministre aussi fortuné qu’ignorant, ont dompté l’Espagne, protegé
l’Italie, pacifié l’Allemagne, & reculé nos frontieres, apres que
le Roy a declaré à toute la terre par ses lettres patentes du mois
de septembre 1651. verifiées dans tous ses Parlemens ; qu’ayant
reconnu le peu de suffisance du cardinal Mazarin estranger,
dans les affaires de l’estat, & sa mauuaise conduite, voulant remedier
à tous ces desordres, il l’auroit esloigné de sa personne
& de ses conseils, & fait retirer du royaume, auec tres-expresses
inhibitions & deffences d’y rentrer sous quelque pretexte
que ce soit, à peine d’estre declaré criminel de leze-Majesté,
& perturbateur du repos public, &c. C’est estre trop effronté
& trop impudent que de dementir son souuerain si
hautement, & de faire imprimer ce qui condamne sa parole, &
qui choque son authorité, dans son Louure & dans son imprimerie
royale. Si toute la terre ne descouuroit vostre flatterie
en cet endroit, & si tous les hommes qui ont la moindre lumiere
ne connoissoient vos impostures insupportables, ie donnerois
facilement vn liure à tous les bons François pour marquer
en destail les ruines, les desolations, les pertes, les fautes,
les crimes, & les maluersations que vostre cardinal a commises
pour reduire ce royaume fleurissant en l’estat déplorable
où nous le voyons, pendant qu’on luy en a confié le gouuernement.

-- 82 --

Si le Parlement a manqué contre les formes, dans
le procés, & le jugement du Mazarin.

Cette exception & cette nullité pretenduë qui fait l’autre
grief principal de l’Aduocat du Mazarin, merite bien
vn examen particulier, & vne section separée, pour
monstrer l’erreur de cette accusation, & la iustice qui suit &
qui accompagne les arrests & les procedures qui condamnent
le Mazarin ; voicy comme nostre plaignant en parle en la page
18. de ses sentimens peu sensez : supposons,dit-il, que ceux
qui ont iugé ce cardinal ne soient blasmables d’aucune vsurpation, &
qu’ils soient demeurez dans les limites de leur puissance legitime ; ont-ils
suiuy l’ordre de la iustice ? ont-ils gardé scrupuleusement, comme le requeroit
vne si grande affaire, les formes iuridiques & accoustumées en
pareilles occasions ? dans vne rencontre si importante ne falloit-il pas
[1 mot ill.] auec la derniere exactitude les formes ordinaires qui accompagnent
les [1 mot ill.] publics & solemnels, & qui peuuent estre appellées
auec raison le fondement des loix, la lumiere de la Iustice, le rempart
de l’innocence, l’ame des conseils, & vn frein qui arreste la licence &
la temerité des Iuges passionnez & corrompus.

Ie pourrois respondre à ce discours pompeux, par vne seule
raison qui en feroit connoistre l’erreur, aussi bien que l’artifice,
qui seroit de luy opposer & le renuoyer à l’extrait des registres
du parlement, contenant ce qui s’est passé pour l’esloignement
du cardinal Mazarin, que la cour a voulu donner
au public sur la fin du mois d’avril 1652. pour faire connoistre à
toute la terre habitable, auec combien de iustice, de prudence,
de circonspection, & de formalité elle a vacqué au procés
du Cardinal le plus noir & le plus detestable qui ait iamais deshonoré
le sainct siege, & obscurcy la pourpre romaine, sans
auoir recours aux informations que messieurs de Broussel &
le Meusnier conseillers de la grand’Chambre, commissaires
à ce deputez, ont faites & rapportées à la cour auec leur integrité
ordinaire, auant qu’elle ait prononcé l’Arrest duquel on
se plaint si iniustement.

-- 83 --

Mais parce que cette affaire n’est point commune, & qu’on
cherche de l’iniustice dedans le temple de l’equité ; qu’on veut
regler vn crime sans pareil, & vne rebellion sans exemple, par
des formalitez qui ne sont faites que pour les causes à l’ordinaire,
& les cliens qui y defferent ; Voyons si celuy qui viole & qui
mesprise toute sorte de loix, a sujet de se plaindre si on neglige
les plus petites, & si on n’obserue pas les formes qu’il estouffe,
& qu’il ne veut point reconnoistre.

Tous les Politiques & Iurisconsultes demeurent d’accord,
que le criminel estant si puissant, si fascheux, & si redoutable
qu’il est entierement impossible d’en auoir raison parles solemnitez
d’vne iustice lente & ordinaire, il est permis de les punir &
condamner, sans toutes ces petites formalitez qui ne sont que
Pour les personnes priuées, les affaires du commun, & les particuliers
qui deferent aux ordonnances, & qui reconnoissent la
justice : n’y ayant aucun pretexte d’vser de force & de violence
quand les loix ont assez de puissance & d’authorité pour se faire
executer & reuerer.

Seneque qui ne pouuoit ignorer ny l’ordre de la iustice, ny
Le bon gouuernement d’vn estat, ne blasme en façon quelconque
Alexandre le grand, d’auoir fait tuer Parmenion sans l’entendre
en ses deffenses ; mais bien d’en auoir autant fait à Calisthenes
qui n’estoit qu’vn philosophe sans aucun pouuoir, ny
aucun credit que parmy vn petit nombre d’escholiers.

Senec. natural.
quæst.
lib. 6. cap. 23

Plutarque qui n’est pas moins instruit dans les bonnes mœurs,
& dans la politique, vse ouuertement de cette distinction en la
vie de galba, que cét Empereur ne fit point de mal de faire mourir
sans procés Macer & Fonteius, parce qu’ils auoient les armes
en main, & commandoient à des gens de guerre ; mais bien
d’en auoir autant fait à Cingonius Varro, & à Petronius Turpillianus
qui n’estoit qu’vn bon vieillard caduc, & sans employ.

Plutarq, en
la vie de
Galba.

Mecenas disoit à auguste, renuoye au Senat les particuliers
que tu crois auoir failly ; mais quant à ceux qui ont la force en
main, il est permis de s’en deffaire en quelque façon que ce soit ;
& quand la chose ne se fait pas sans conseil, il est certain que la
deliberation qui en a esté prise tient lieu de sentence, & de iugement
donné entre les parties.

Ciceron, sur lequel l’apologiste Mazarin s’appuye si fort ;

-- 84 --

dit estant retourné de son exil ; Quid est quod contra vim, sine vi
fieri possit ? Sceleratus ciuis, aut domesticus potius hostis, si legibus vti
licet, iudicio certé frangendus est ; sin ipsa iudicia vi impediuntur ac
tolluntur ; manus, manu ; vis, vi superanda est.

 

Le Senat de Rome ayant esté d’aduis que le consul Mutius
Sceuola prist les armes pour deffendre la Republique contre les
se ditions de Tiberius Gracchus ; le consul representant qu’il
ne pouuoit pas y proceder de la sorte, Scipion se leua, & dit ;
Quoniam consul, dum iuris ordinem sequitur, id agit, vt cum omnebus
legibus romanum imperium corruat ; egomet priuatus, voluntati
vestræ me offero Ducem.

Valer. Maximus
lib. 3.
cap. 2.

Les loix & les formalitez ordinaires ne sont que pour les citoyens,
& non pour vn ennemy estranger & rebelle qui veut
les abbatre & destruire ; & la iustice seroit mal proportionnée
de garder autant d’ordre & autant de priuilege à vn homme qui
ruine tout vn estat, & en veut au magistrat ; qu’à celuy lequel
estant accusé se sousmet aux regles & à la police du royaume
où il est. Si les anciens n’ont pas estimé chose sainte de communiquer
les franchises & les libertez des lieux sacrez, aux impies
& aux excommuniez ; il semble que ceux-là sont encore
moins dignes du benefice des loix qui n’en reconnoissent que
celles qu’ils veulent innouer & forger à leur fantaisie. Les romains
auoient des officiers qui n’estoient point sujets à ces petites
formalitez de iustice ; & la France a ses Parlemens pour
cela contre les criminels de leze-Majesté, & les perturbateurs
du repos public quand le cas y eschet. Ciceron mesme que l’on
fait plaider pour le Mazarin en declamant contre Marc-Antoine,
dit que ; Hoc ius ipse Iupiter sanxit, vt omnia quæ reipublicæ salutaria
sunt, legitima & iusta habeantur ; Et la loy principale des
douze tables estoit que ; salus populi suprema lex esto.

Le mal se guerit par le mal ; vn poison en chasse vn autre ; pour
guerir vne playe on la fait souuent plus grande ; la gangrene ne
fe peut oster, sans donner dans la chair viue ; aux maladies violentes
il faut des remedes violens : si le parlement n’auoit vsé
de tout son pouuoir contre cet ennemy public, il perdoit tres-asseurément
toute sa majesté, & pour éuiter vn extreme mespris,
il a esté contraint de se seruir d’vne seuerité extreme. Les
plus sages & les plus religieux nous enseignent que l’iniustice

-- 85 --

mesme qui se fait pour en punir vne autre, n’est plus iniustice,
mais deuient equité & iustice, comme vn breuuage amer se
tourne en douceur & en santé. Vne des parties de la iustice ; in
pari consistit ; c’est pourquoy il ne faut pas trouuer estrange, si
par vn petit mal on en chasse & on en guerit vn plus grand ; il
y a des maladies où la rhubarbe est plus vtile & plus necessaire
que la casse & le scené.

 

Tous les politiques disent, que quand la loy n’a plus de force
ny plus d’authorité, il en faut venir aux voyes de fait, & Platon
soustient dans ses loix, que le magistrat souuerain qui ne
prend pas garde aux entreprises qui se brassent contre l’estat,
& qui les ayant descouuertes, se montre timide & lent pour y
remedier, est autant coupable de la conspiration, que l’autheur
mesme. L’histoire des plus grands hommes qui ayent iamais
esté, nous apprend que le Dictateur Lucius Quintius Cincinnatus,
montant dans la tribune pour iustifier Caius Seruilius
Hala, de ce qu’il auoit tranché la teste luy mesme à melius qui
s’estoit rebellé contre la iustice, & eschappé des mains de
l’huissier qui le conduisoit prisonnier, dit ; si melius eut comparu
en iustice, il ne pouuoit éuiter la peine qu’il vient de receuoir,
parce que les preuues d’auoir conspiré contre la Republique
estoient si claires & si certaines qu’il n’eut pû les desaduouër ;
quant à la forme, puis qu’au lieu de venir en iugement
où ie l’attendois, il a mieux aimé en venir aux mains ; il a
esté loisible par mesme moyen d’en auoir raison par la violence,
si force neantmoins & resistence se peut appeller violence,
puis qu’il est permis de proceder hostilement, & non par les
formes ciuiles, contre celuy qui n’est plus citoyen, mais ennemy
de la Republique. Ce qui fit que l’on declara non seulement
que hala estoit innocent, mais on ordonna de plus, que
la maison de Melius seroit rasée de fond en comble, & ses
biens acquis & confisquez. Vn an apres vn tribun du peuple
parent de Melius, accusant Seruilius hala de ce qu’il l’auoit
tué sans condamnation, [1 mot ill.] sans iugement rendu contre luy,
tous les romains reietterent cette poursuite, & ne voulurent
entendre en façon que ce soit cette accusation nouuelle ny
tous ceux qui la fauorisoient.

Tite. Liue,
Decad. I. lib.
4. cap. 15.

Bien dauantage, quand les crimes sont publics & que le coupable

-- 86 --

est reconnu, particulierement en fait de leze-Majesté,
l’ordre iudiciaire n’y est requis en façon quelconque ; et c’est
vne regle vulgaire que les plus nouueaux dans la politique &
dans le palais ne peuuent ignorer, qu’aux choses notoires de
toute notorieté de fait & de droit, il n’y faut ny lettres ny tesmoins ;
c’est pourquoy Quintilien escrit tres-prudemment ;
Quœdam esse crimina lœsœ reipublicœ, ad quorum pronunciationem soli
oculi sufficiunt ; Et Senecque decidant cette mesme question,
dit que ; An læsa sit respublica, non solum argumentis probari, manifesta
statim reipublicæ damma sunt, si exercitus amissus, si vectigalia
diminuta, &c. s’il estoit tellement necessaire d’oüir vn accusé,
qu’il n’y put ny deut iamais auoir d’exception, comment feroit-on
le procés à vn mort, à des os, à des cendres, à vn sourd
& muet de nature, à vn enfant, à vne beste, à du fer, à du marbre ?
& neantmoins cela se fait & se practique, & qui plus est,
on ne iugeroit iamais aucun procés par contumace. Porcius
latro declamant contre Catilina, dit ; Is rumor sparsus est de moribus
Catilinæ, eaque gentium opinio peruagata, quatenus existiment
voces ipsas publicas non hominum esse, sed orandi potius nuncupandas ;
famam vero popularem à maioribus nostris sæpenumero accepimus, neque
temerè vnquam nascituram esse, neque temere occasuram.

 

Senec. Controu.
lib. 12

Porc. Latro,
declam. in
catil. ex lib.
hist. Salust.

Qui eut pû saisir iules Cesar & l’arrester prisonnier à la teste
d’vne armée, apres les preuues que l’on auoit qu’il auoit passé
le Rubicon, entré en armes dans l’Italie, pris les thresors de la
Republique, vsurpé la dictature perpetuelle, emporté les villes
par force, & tels autres actes qu’il commit contre les loix ?
Dion remarque sur ce sujet, que le peuple romain estant esmeu
de la mort de cet empereur, mit le feu en plusieurs lieux
de la ville, & que les consuls faisans prendre le premier venu
de ces incendiaires, ordonnerent que sur l’heure sans autre
forme ny figure de procés, il fut ietté & precipité du Tarpeien,
apres quoy le tumulte cessa sur le champ.

Dion. hist.
lib. 44.

Voicy vn perturbateur du repos public, vn cardinal qui met
le feu aux quatre coins & au milieu du Royaume ; les Princes
du sang, & tous les Parlemens s’en plaignent ; on luy fait son
procés ; ses crimes sont aussi connus que les accusations sont
vni formes & generales ; il ne veut obeïr ny au Roy ny à iustice,
ny mettre fin à ses crimes ; on le juge, on le condamne, on cherche

-- 87 --

les moyens d’executer l’Arrest ; il se fait garder par vne armée
qui le rend tousiours plus coupable par ses desordres & ses
cruautez ; on demande le repos du peuple, on trauaille à la
tranquillité de l’estat, on met sa teste à prix pour vn dernier &
veritable remede à tant de maux, qui certainement ne cesseront
iamais qu’auec la vie ou l’esloignement de ce proscrit qui
en est la source, la cause, & l’origine.

 

Si pour priuer Tarquin le superbe d’vne couronne si puissante,
on ne fit qu’apporter le corps de Lucresse en iugement,
sans autres preuues ny autres informations, que dira ce banny
si on produit mille & mille filles de condition, & autant de
religieuses voüées à dieu, qui ont esté violées par ses ordres,
& par les satellites qui retardent la punition de ses tyrannies ?
sera-il plus excusable d’auoir causé tant de sortes de crimes
pour assouuir sa rage & sa cruauté, que le fils d’vn grand Monarque
qui n’en fit qu’vn par vn excez d’amour, & poussé d’vne
passion dont il n’estoit pas le maistre ? ce qui toucha si sensiblement
son pere, qu’il fit tous ses efforts pour se restablir, à quoy
le Senat s’opposant, & preuoyant la guerre dangereuse que
cette conspiration alloit causer, ordonna & donna toute puissance
à Seruilius d’informer, prendre au corps, & punir sur le
champ les principaux autheurs de la conspiration, ainsi qu’il
aduiseroit bon estre pour le bien & le repos de la Republique,
ce qu’il fit sans interrogatoire, sans audition ny confrontation
de tesmoins, & sans appel, apres quoy le Senat arresta qu’on
feroit des sacrifices & des processions trois iours consecutifs
pour purger & lauer les deffauts de formalitez qui auroient pû
se rencontrer dans cette procedure, sans laquelle tout l’estat
estoit perdu, comme remarque bien au long denis d’Halicarnasse
en son histoire.

Dion. Halicarnass.
hist.

Tout au commencement de la conjuration de Catilina, le
Senat sans attendre que l’accusation fut approfondie dauantage,
enjoignit à Catilina de vuider, & voyant qu’au lieu d’obeïr
il se retiroit auec Manlius, & faisoit vne armée puissante, sans
les adiourner ny leur faire leur procés par contumace, les condamna
& declara rebelles & ennemis de la Republique. N’y
ayant personne qui ne demeure d’accord que ces procedures
sont licites & permises contre les tyrans, c’est à dire contre

-- 88 --

ceux qui vsurpent vne domination contraire à l’ancien estat &
gouuernement du Royaume.

 

Salustius in
Catilinaria.

Theodore & Origene long-temps aprés leur mort, furent
excommuniés & condamnez auec leurs liures & leurs escrits,
sans autres formes que la lecture de leurs ouurages, comme
tesmoigne le cinquiesme Concile de Latran.

Arius Euesque de Constantinople fut jugé & condamné par
le Pape Felix sans estre oüy, parce que chacun le voyoit communiquer
auec Pierre Euesque d’Alexandrie, que le Saint Pere
auoit excommunié.

Toutes nos Histoires racontent que le Pape Nicolas I. sans
accusation, & sans forme judiciaire, excommunia Lothaire
Roy de Lorraine pour auoir repudié sa femme Theodeberge,
pour en espouser vne autre ; Dequoy Charles le Chauue se
formalisant, ce Pape luy escriuit qu’en fautes manifestes, &
qui estoient veuës & connuës de tout le monde, l’ordre judiciaire
n’y estoit pas requis, ny necessaire.

Dans l’Arrest du Parlement de Paris donné à la Requeste
du Procureur General du Roy, contre Charles II. Duc de
Lorraine, & autres complices accusez de crime de leze-Majesté
le I. Aoust 1412. il est formellement porté, que ; Combien
qu’en termes communs peut estre encas criminel, il faudroit auoir & obtenir
quatre deffauts auant qu’on put auoir sentence ou Arrest ; toutefois
où il y a cas notoires de crime de leze-Maiesté notoirement & publiquement
commis & perpetré, & publiques rebellions commises par quelqu’vn,
dont il y a science certaine, publique & notoire à tous ceux du
Royaume, & que les adiournez sont vrais contumax, & iceux se disent
& tiennent en disant qu’ils ne viendront point auiour, en eux rebellant,
& constituant de fait & de paroles rebelles & conuenus du Roy & du
royaume notoirement, & y perseuerent encore en s’armans & enforcissant
leurs Chasteaux, & les propres villes & Chasteaux du Roy, il ne faut
qu’vn deffaut pour obtenir Arrest ; in talibus notoriis ; & encore ne faudroit
adiournement ny autre procez verbal en telles matieres, mais en telles
choses notoires à la cour comme à la cour & à iustice, peut la cour
donner Arrest tel qu’il appartient.

Arrest contre
Charles 11.
Duc de Lorraine,
fol. 165. 166. 167.

Idem, & autrefois a esté fait au temps passe semblablement, & n’y a
pas long-temps contre des autres princes qu’il ne faut pas nommer, &
telles choses si notoires ne faut mie procez Iudicial long, mais suffit d’vn

-- 89 --

mal fait notoire, prononcer l’Arrest ou Sentence, ou tenir l’Arrest pour
prononcé, & aller promptement à l’execution, & à la voye de fait bien
entreprise, & bien sagement & promptement executée, &c.

 

Ierosme le Noir escriuant de Rome le 8. Decembre 1523. au
Seigneur Marc-Antoine Micheli luy mande, qu’vn Gentilhomme
Florentin de la Case Orlandine, ayant fait gageure
auec vn autre Citoyen, que le Cardinal de Medicis ne seroit
point Pape, aduenant l’election ; L’autre luy demanda ce que
portoit la gageure, & luy respondit que premierement il vouloit
sçauoir si on l’auoit esleu Canoniquement. Il est accusé de
cette parole deuant les huict Seigneurs de la Iustice, lesquels
indignez que cét homme reuoquast en doute la felicité de
leur Ville en ce second Pape sorty d’entre-eux, le firent empoigner
& soudain luy firent trancher la teste.

Epistres des
Princes, recueillies,
par
Hieros. Ruscelli,
fol. 195.

Quelle forme garda le Mazarin pour faire deux Princes du
Sang, & vn Duc & Pair leur allié, prisonniers en mesme temps ?
& pour faire mourir par poison Monsieur le President Barillon
en vn paїs estranger ?

Le Parlement l’a-t’il traité de la sorte ? qui peut l’accuser justement
en sa procedure contre ce coupable conuaincu, &
contre ce criminel public, sinon de trop de douceur & de trop
de circonspection pour purger l’Estat d’vne peste qui le corrompt,
& pour abbatre vn monstre qui deuore tous les peuples,
& qui deschire toute la France. Les raisons par nous alleguees,
& les exemples que nous venons de rapporter, doiuent
conuaincre les plus opiniastres, & ramener les plus aueuglez
dans ces sentimens ; C’est pourquoy examinons si son Panegiriste
a sujet de reformer & de condamner comme il fait, l’Arrest
qui met la teste a pris de ce rebelle insuportable.

Ayant fait des nullitez à sa mode, il prend l’authorité de reformer
tout seul & souuerainement l’Arrest d’vn grand Senat
qui le jugera bien-tost tres-assurément s’il ny prend garde ; Disant
en la page 20. & 21. de sa Satire, qu’il paroist à son aduis, &
par les raisons qu’il vient d’alleguer, que l’Arrest nouuellement rendu
en la Cour des Pairs contre la vie de Monsieur le Cardinal, est vn Arrest
sans force aussi bien que sans forme, & vne condamnation auortée & tumultuaire,
nulle & inualide, pour auoir esté manifestement portée contre
l’ordre Juridique, qui donne vigueur aux Loix des Magistrats & des

-- 90 --

Souuerains mesmes ; & ce deffaut de forme fait descendre & passer les Iuges
au rang des criminels, & recueillir tout le demerite des coupables sur
ceux qui les condamnent.

 

C’est vne chose estrange, Apologiste Mazarin, que vous aimiez
mieux offenser vos Iuges naturels, & le plus grand Senat
de la terre, auec les Princes du Sang les Ducs & Pairs, & les
Officiers de la Couronne qui le composent, pour plaire à vn
coupable qui vous paye pour escrire en sa faueur, que de donner
les eloges & l’approbation que vous deuez à l’Arrest le plus
iuste, le plus vtile, & le plus iuridique qui se donna iamais. C’est
trop mespriser le lict de Iustice de nos Rois, de dire que les
Oracles qui s’y rendent en connoissance de cause, & au nom
& sous l’authorité de sa Majesté, sont des condamnations
auortées, tumultuaires, nulles, & inualides. Quel droit &
quel pouuoir auez vous de casser & de reformer vn Arrest si
souuerain ? Quel caractere, & quelle qualité vous a-t’on donné
pour oser l’entreprendre ? tres-assurément vous taschez
d’offenser tous ces vertueux Senateurs, pour auoir sujet de les
recuser l’vn de ces iours, quand ils vous feront vostre procez
criminel sur les sujets que vous en fournissez.

Si vostre passion desreglée vous laisse encore quelque peu de
raison, si vous reconnoissez vos propres maximes, & si vous deferez
aux regles que vous prescriuez, souuenez-vous ie vous
prie, qu’en blasmant le Parlement comme vous faites, vous
confessez neantmoins que les formes de la Iustice donnent vigueur
aux Loix des Magistrats & des Souuerains mesmes ; ce
qui fait que vous condamnez le retour de vostre cher amy le
Mazarin, qui au preiudice d’vne Declaration du Roy verifiée
en parlement, & des Arrests donnez contre luy, rentre à la
teste d’vne armée dedans la France, d’où il est banny, ruine
toutes les Prouinces où il passe, prend ses Iuges & ses Commissaires
prisonniers de guerre, au lieu de presenter sa requeste à
la Cour pour estre admis à ses faits iustificatifs, & se mettre en
estat, qui sont les formes ordinaires sur lesquelles vous fondez
tous vos griefs, & toutes vos raisons. Il faut que vous soyez ou
bien mauuais practicien, ou bien rempli d’impudence, quand
apres cela vous accusez le Parlement de n’en garder aucune,
apres qu’il a fait paroistre de trente Arrests donnez à l’ordinaire,

-- 91 --

pour faire executer la Declaration du Roy qu’il a verifiée,
qu’il fait informer des contrauentions contre icelle, qu’il establit
des Commissaires sans reproche pour entendre les tesmoins
qui deposent contre le Mazarin, qu’ils font leur rapport
des charges qui se trouuent contre luy, qu’on demande
les conclusions des Gens du Roy qui requierent son esloignement,
& qu’il prononce ses Arrests toutes les Chambres assemblées
à la pluralité des voix.

 

Que si la forme que vous dites donne la force & la vigueur
aux Loix des Magistrats & des Souuerains mesmes, voyez ie
vous prie auquel on doit auoir plus d’esgard aux Lettres de
Cachet sans ordre & sans forme, que vous enuoyez de vostre
authorité priuée au Mazarin pour le rappeller, ou aux Declarations
verifiées, & aux Arrests iuridiquement prononcés pour
l’obliger à garder son Ban, & quitter nostre Estat tout languissant
qu’il est, auant qu’il luy donne & luy apporte le coup funeste
de la mort.

Et si vous n’auez point de meilleur ny de plus puissant motif
pour retarder l’execution de tant d’Arrests, que d’alleguer
que si cela estoit, la personne sacrée des Cardinaux seroit trop raualée,
& reduite à la condition des plus infames criminels ; vos moyens de
nullité sont bien foibles, & vos oppositions bien peu considerables,
puisque les crimes égalent tous les hommes pour ce qui
est de la peine, & qu’vn Cardinal coupable ne meurt point autrement
qu’vn petit Moine, ny vn grand Prince d’autre façon
qu’vn simple paїsant dans vn mesme genre de mort. S’il ne faloit
estre que Cardinal pour ne point mourir par Iustice, tous
les Illustres voleurs, tous les grands Partisans, tous les Officiers
de la Couronne, & tous les Ministres d’Estat voudroient
le deuenir pour estre à couuert de leurs Peculats, de leurs brigandages,
de leurs concussions, & de leurs iniustices trop frequentes
& trop impunies.

-- 92 --

Si le Parlement de Paris n’a point de part aux Misteres
de l’Estat, ny dans les affaires publiques.

Nostre Apologiste Mazarin redoublant ses impostures,
& descouurant de plus en plus son erreur & son aueuglement,
n’a point de honte d’escrire sur la fin de la page
21. de ses Sentimens extrauagans, que le Parlement de Paris
n’a point de part aux Misteres de l’Estat, & que son Authorité & sa jurisdiction
doiuent tousiours estre renfermées dans les bornes qu’il plaist
au Roy de luy donner.

Les Mazarins & ceux qui sont payez pour escrire en sa faueur
sont trop suspects & trop interessez pour decider cette
question, & donner des bornes à vne authorité qui n’en a point
que celles de la Royauté, puis qu’elle fait le throsne de nos
Rois, qu’elle conserue son lict de Iustice, & qu’elle est la source
& le principe de toutes les autres authoritez Souueraines &
subalternes du Royaume, qui ne peuuent rien, & n’executent
rien qui ne vienne de ses ordres, de ses mandemens, & de ses
verifications indispensables & necessaires.

Et puis que les Ministres & les fauoris ignorans se veulent
flatter de ce doute pour donner quelque couleur à leurs injustices
& à leurs tyrannies, ie vous assure qu’auant qu’il soit six
mois d’icy, ie donneray au public vn traité tout entier, & quatre
fois plus gros que ce discours, pour faire connoistre à tous
les bons & fidelles sujets du Roy, l’authorité legitime & Politique
du Parlement de Paris, dans la connoissance & l’administration
des affaires d’Estat & publiques, & qu’à luy seul se
communique l’authorité Royale en tous ses chefs, &c. Ce
qui fera la seconde partie de ces obseruations veritables &
desinteressées ; Afin de faire connoistre à Messieurs du Conseil
d’Enhaut, & aux fauoris qui les abaissent & les esleuent comme
ils veulent, ce qui est de leur deuoir & de leur fortune inconstante
& passagere ; Et comme le Conseil d’Enhaut ny le
Conseil d’Embas n’a aucun pouuoir reglé, aucun caractere,
aucune Magistrature, ny aucune qualité pour rien establir ny

-- 93 --

ordonner dans la police generale & fondamentale de l’Estat, &
que l’employ & les Charges de ceux qui le composent sont si
fragiles & si caduques, qu’vne petite gelée blanche & vn peu
de froidure extraordinaire peut ruiner & renuerser toute cette
authorité pompeuse qui n’a pour fondement qu’vn amour desreglé,
& pour stabilité que l’inconstance de la Cour, comme
nous l’experimentons tous les jours ; ce qui ne se fait point dedans
le Corps ny dans les parties de ce grand Parlement qui est
né auec la Royauté, & qui ne peut finir ny estre supprimé qu’auec
elle, & toute la Monarchie Françoise.

 

Neantmoins pour ne point laisser sans response cet endroit
le plus delicat de l’escrit dangereux & seditieux que nous refutons,
ie diray par auance, & par abbregé du traitté necessaire
que nous preparons sur ce suiet, non iamais assez amplement ny
assez nettement esclaircy ; que puisque le Parlement de Paris
fait le Corps le plus important & le plus considerable de l’Estat,
il est bien iuste & bien raisonnable qu’il se mesle & qu’il prenne
connoissance des affaires du Royaume qu’il gouuerne, & duquel
il est responsable par la qualité de ses fonctions, & par l’origine
de son establissement, puisque ; Senatus immortalis est, Princeps
vero mortalis, comme disoit vn grand & puissant Empereur.

Cette façon de gouuerner n’est point nouuelle aupres des
Souuerains, ny contraire à la Royauté legitime, Theodose &
Valentinian confessans dans leurs Ordonnances, qu’ils auoient
obserué qu’ils ne pouuoient faillir ny se tromper, en communiquant
leurs affaires les plus importantes au Senat, & prenans
son aduis & conseil pour ce qui regardoit le gouuernement de
l’Estat ; Benè cognoscimus, quod cum vestro Consilio fuerit ordinatum,
id ad beatitudinem nostri Imperii, & ad nostram gloriam redundare.

Cod. de legib.
leg. 8.

Le plus prudent, & le plus sçauant Magistrat qui ait iamais
esté, parlantdes qualitez & des connoissances que doit auoir vn
bon & veritable Senateur, dit que ; Senatori necessarium est nosce
rempublicam, quid habeat militum, quid valeat ærario, quos Socios
Respublica habeat, quos amicos, quos stipendiarios, qua quisque sit lege,
conditione, fædere, tenere consuetudinem decernendi, nosce exempla
maiorum ; Ce que Pline appelle dans ses Epistres ; Ius Senatorium ;
Comme s’il vouloit dire qu’il n’appartient qu’aux Senateurs, &
aux Compagnies Souueraines de l’Estat de prendre le soin & le

-- 94 --

gouuernement de ses affaires, puis qu’ils ont les interests de la
Couronne, & les biens, & la vie des Sujets entre leurs mains ; &
non pas des gens empruntez qui ne sont officiers que de la fortune,
sans merite & sans vertu, lesquels ne pouuans rien iuger
d’ordinaire & de contentieux, ne doiuent prendre connoissance
aussi des choses qui sont reseruées au Parlement, & qui font
la baze de son establissement.

 

Cicero de
legibus.

Vn sçauant Politique de nos iours, rendant le Conseiller
Souuerain, également responsable du gouuernement de l’Estat,
auec le Prince qui en est le Chef & le premier, dit ; quod flagitium
est in principe, imperandi imperitum esse ; sic in quouis Senatore ; C’est
pourquoy Suetone parlant de l’Empereur Tibere, assure que ;
neque tam paruum quiddam, neque tam magnum publici priuatique negotij
fuit, de quo non ad patres conscriptos referetur ; Ce que Tacite
confirme en ces termes ; Tiberius vim principatus sibi firmans postulata
Prouinciarum ad disquisitionem patrum mittebat.

Clapmar. de
arcanis rerum
public.
lib. 5. cap. 14

Sueton. in
Tiberio.

Tacit. ann.
lib. 3.

François I. nous a laissé vn exemple singulier & remarquable
de l’approbation qu’il faisoit de cette politique, & de l’estime
qu’il auoit du Senat le plus consideré de la terre, prenant son
Parlement de Paris pour Arbitre de sa fortune, lors que s’agissant
de sa propre liberté, il ne fit autre response à Charles-Quint
sinon ; que les loix fondamentales de son Royaume estoient de ne rien entreprendre
sans le consentement de ses Cours Souueraines, entre les mains
desquelles residoit toute son autorité.

Bodin qui estoit aussi intelligent dans les Droits de la Couronne
que les Aduocats suspects du Mazarin, rapportant plusieurs
exemples pour faire voir le droit & le pouuoir qu’a le
Parlement de Paris de se mesler & de prendre connoissance des
affaires d’Estat & publiques, dit que ; Charles V. Surnommé le Sage,
aiant receu les plaintes & les appellations de ceux de Guyenne, sujets
du Roy d’Angleterre, contreuenant directement au Traitté de Bretigny,
assembla tous les Princes en Parlement en l’an 1370. Disant qu’il les
auoit fait venir pour auoir leurs aduis, & se corriger s’il auoit fait chose
qu’il ne deust faire. Adjoustant vn peu apres.

Bodin, de la
Republ. liu.
3. chap. I.

Nous voyons la Cour de Parlement de Paris auoir esté l’ancien Senat
du Royaume de France, & s’appelle encore auiour d’huy la Cour des Pairs
qui fut erigée par Louys le Ieune, selon la plus vraye opinion, & ce pour
donner Conseil au Roy ; Comme on peut voir en l’erection du Comté de

-- 95 --

Mascon en Pairie, par le Roy Charles V. en l’an 1359. Où il est dit, que les
Roys de France ont institué les douze Pairs pour leur donner ayde & conseil,
& s’appelloit, comme encore à present par prerogatiue d’honneur, la
Cour de Parlement sans queuë, comme on peut voir és lettres qu’elle escrit
au Roy ; au lieu que les autres nouuellement establis y adjoustent Parlement
de Rouen, de Bourdeaux, de Dijon, &c. Cette Compagnie illustre
& glorieuse estant encore reconnuë auiourd’huy, pour le
Throsne & le lict de Iustice du Souuerain, la Cour des Pairs qui
sont les Conseillers d’Estat, lesquels ne peuuent rien deliberer
ailleurs qu’auec toutes les Chambres assemblées, estant là le
Conseil où la guerre se declare, où les Traittés de Paix se confirment,
où les Regences sont autorisées, où les Majorités des Roys
sont declarées, où les Loix & les Ordonnances du Royaume
reçoiuent leur force & leur vigueur, & où l’authorité Royale
repose comme en sa source auec tant d’esclat & tant de splendeur,
qu’il n’y a personne qui ne la reçoiue, & ne la reconnoisse
quand elle a passé par là, & pas autrement.

 

Dans les Remonstrances que le Parlement de Paris fit au Roy
Louys XIII. en l’an 1615. faisant voir à sa Majesté le droit & la
raison qu’il a de prendre connoissance des affaires d’Estat, il represente
que Charles V. joignant la Iustice à la puissance Royale, ne
declaroit iamais la guerre, & ne traittoit d’aucune affaire importante que
par l’aduis de son Parlement, & luy qui s’estoit acquis dans toutes les
nations le haut tiltre de Sage, faisoit gloire d’auoir retiré l’vne de ses Prouinces
d’vne main estrangere par vn Arrest de son Parlement.

Louys XI. Prince plus jaloux de son authorité qu’aucun de
ses predecesseurs, se voyant menacé d’vne mort prochaine, fit
venir le Dauphin son fils, qui depuis a regné sous le nom de
Charles VIII. aupres de sa personne pour luy declarer ses dernieres
volontez, & apres luy auoir fait entendre qu’il desiroit
l’instruire & le preparer au gouuernement de son Estat, la derniere
parole fut, de ne rien entreprendre sans l’aduis de ses
Pairs & de son Parlement ; & voulut que la remonstrance qu’il
luy faisoit y fut enregistrée.

Monsieur le premier President du Parlement de Paris, representant
au Roy vne partie du pouuoir de la Compagnie dont il
est le chef, dit à sa Maiesté seant en son lict de Iustice le 31. Iuillet
1648. Qu’elle ne pouuoit trouuer mauuais que son Parlement qui a

-- 96 --

tousiours esté le principal Conseil des Roys, luy face entendre les maux que
souffrent ses suiets, &c. Et les Deputez de ce mesme Senat s’estans
trouuez à Saint Germain en Laye le 25. Septembre 1648.
pour conferer auec les Princes du Sang touchant les affaires
publiques & les desordres de l’Estat, ils tindrent Conseil dans
le Cabinet de son Altesse Royale, sans que le Cardinal Mazarin
ny le Chancelier Seguier y fussent appellez quoy que presens,
ains au contraire en furent exclus, le Parlement l’ayant ainsi ordonné
du consentement mesme de tous ces Princes.

 

Histoire du
Temps, page
243. & 364.

Non seulement ce grand Parlement peut & doit prendre connoissance
des affaires d’Estat, mais il est encore obligé & necessité
de ce faire, puis qu’il apprend par ses propres registres, qu’vn
de nos Roys interdit quantité de ses principaux Officiers pour
auoir souffert la dissipation de ses Finances, & ne s’estre pas opposez
aux desordres de l’Estat, comme leur deuoir & leurs consciences
les y oblige.

Et apres cela dittes encore qu’il n’a ny droit, ny pouuoir de
se mesler, ny de prendre connoissance des affaires d’Estat, &
qu’il n’a aucune part à ses mysteres, puis que son institution l’oblige
à ce deuoir, & que par ses Arrests il en peut exclurre &
priuer les premiers Ministres, le Chancelier & les principaux
Officiers de la Couronne.

Philippe de Commines, qui deuroit seruir de regle & de modelle
à tous ceux qui se donnent le nom de Ministres, dit que ;
C’est vne chose iuste & saincte de ne pas entreprendre la guerre sans l’aduis
des Parlemens, parce que les Roys en sont plus forts & mieux seruis :
car l’issuë volontiers n’en est pas brief. Adioustant au liure suiuant,
qu’à commencer la guerre & à l’entreprendre, ne se faut point tant haster,
& a-t’on assez de temps ; & si vous dis que les Roys & princes en sont
trop plus forts quand ils l’entreprennent du consentement de leurs Suiets
& en sont plus crains de leurs ennemis. Ayant dit auparauant que
Louys XI. Voulant recommencer la guerre contre le Duc de Bourgongne,
fit tenir les trois Estats à Tours és mois de Mars & d’Avril 1470. où il y
auoit plusieurs gens de Iustice tant du Parlement que d’ailleurs, & fut
conclu que ledit Duc seroit adiourné à comparoir en Parlement à Paris, ce
qui fut fait par vn Huissier du Parlement en la ville de Gand comme il
alloit ouir Messe ; il en fut fort esbahy & mal content, fit prendre l’Huissier
& le garder, à la fin on le laissa courre.

Philippe de
Commines,
lin. 4. ch. 1.

Ibid. liu. 5.
chap. 18.

Ibid. liu. 3.
chap. 1.

-- 97 --

Monsieur Talon Aduocat general, dans la Harangue qu’il
fit au Roy seant en son lict de Iustice au Parlement le 15. Ianuier
1648. dit que le Roy Charles V. vint au Parlement pour denoncer
la guerre à Edouard Prince de Galles, & pour confisquer son Duché d’Aquitaine
dont il n’auoit pas voulu luy rendre hommage.

Histoire du
Temps, page
40.

Nous auons veu de nos iours le Cardinal de Richelieu qui
ne se sousmettoit que le moins qu’il pouuoit, accompagner le
feu Roy dedans son Parlement pour y declarer & verifier la
guerre contre l’Espagne, le 6. Iuin 1635. ce qui est conforme à
l’ancien vsage du Royaume, & à la Politique de ces sages Romains ;
Apud quos bellum decernere non licuit, nisi Comitiis populi centuriatis,
id est, Maximis ; parce que dit Platon ; Si quis pacem, vel
bellum fecerit priuatim sine publico scito, capital esto.

Plato. lib. 2.
de legib.

Si ce grand Senat juge de l’vtilité de la guerre, & decide la
necessité que nous auons de l’entreprendre, il est bien iuste &
bien raisonnable qu’il assiste & qu’il se trouue aux traittez de
Paix qui se font ensuite, suiuant le sentiment de nostre Tacite
François, qui dit que Charles VII. Roy de France faisant la paix
auec Philippe Duc de Bourgogne, assisterent au Traité qui se fit à Arras de
la part du Roy, quatre ou cinq Ducs ou Comtes ; cinq ou six Prelats, &
dix ou douze Conseillers du Parlement.

Philippe de
Commines,
liu. I. chap. 7.

Dans la Declaration du mois de Mars 1649. verfiée au Parlement
de Paris le I. Avril ensuiuant, il est conuenu & porté en
termes exprés, art. I. que l’on trauaillera sans feintise & sans desguisement
en diligence au Traité de paix generale ; Ayant resolu dés à
present sa Majesté, de nommer entre les Deputés qui seront enuoyez pour
la traiter & la conclure de nostre part, l’vn de nos officiers de nostre Cour
de Parlement de Paris ; Ce que le Mazarin seul a empesché & retardé
jusques à maintenant, comme le Roy mesme le declare
par ses lettres patentes du mois de Septembre 1651.

Non seulement ces grands hommes, & ces colomnes inesbranlables
de l’Estat assistent & se trouuent aux traittez de
Paix pour veiller aux droits & à la conseruation de la Couronne,
mais encore les verifient, les confirment, & les ratifient
quand ils sont arrestez & conclus, & leur donnent la force &
la vigueur qui les fait obseruer & subsister entre les Souuerains
qui les ont passez & moyennez. Philippe de Commines assure
comme tesmoin oculaire, que Louys XI. ayant traité à Peronne

-- 98 --

auec le Duc de Bourgogne, il desira retourner à Paris pour faire publier
leurs appointemens en la Cour de Parlement, pour ce que c’est la coustume
de France, d’y publier tous accords, ou autrement ne seroient de nulle valeur.
Les Romains en vsoient ainsi, & ceux qui se sont faits Empereurs
de tout le monde n’entreprenoient rien sans l’aduis du
Senat, & ne commençoient & ne finissoient iamais la guerre
sans son aduis & son consentement ; Ratio pacis faciendæ apud
Romanos iniri non potuit, nisi consensu Senatus, ac populi, & postea Imperatorum ;
C’est pourquoy Posthumius dit dedans Tite-Liue ;
Sponsione, quæ iniussu populi Romani facta est, non teneri populum
Romanum.

 

Philippe de
Commines,
liu. 2. ch. 14.

Tite-Liue.

On void par le preambule du traitté de Madrid, fait en l’an
1526. entre Charles-Quint Empereur, & François I. Roy de
France son prisonnier, comme Messire Iean de Selue premier
President du Parlement de Paris, fut deputé pour traitter &
de la paix, & de la liberté du Roy. Et en l’article 5. de ce mesme
traitté il est porté, que les ostages qu’on laissa en Espagne, qui
estoient les deux fils aisnez-de François I. auec quantité des
plus grands Seigneurs du Royaume, demeureroient aupres de l’Empereur
tant & si longuement que le Roy auroit fait approuuer & ratifier ce
traitté de paix, & tout le contenu en iceluy, par les Estats generaux de
son Royaume, & le fait interiner, verifier & enregistrer en la Cour de
Parlement de Paris, & autres Parlemens du Royaume de France.

Traitté de
Madrid du
14. Ianuier
1526. art. 5.
& 36.

Et dans l’article 36. parlant de l’Arrest que la Reine Germaine
de Foix Doüairiere d’Arragon auoit obtenu au Parlement
de Paris, contre Henry Seigneur d’Albret qui en empeschoit
l’execution à force d’armes, il est porté en termes expres que ;
Parce qu’il conuient à l’authorité des Rois & Princes que tels Arrests
prononcez en leurs noms soient mis à entiere & deuë execution, & ne
soient rendus frustratoires & illusoires ; ledit Roy Tres-Chrestien fera par
effet executer ledit Arrest selon sa forme & teneur, & ainsi qu’il appartiendra
par raison, & s’il est mestier baillera à l’executeur la main forte
pour le faire. Cet exemple fait voir comme les Souuerains
Estrangers mesmes s’interessent pour faire executer les Arrests
de ce grand Parlement, tant pour l’honneur de la Iustice, que
pour la gloire du Roy qui en est le Chef, & la conseruation de
son authorité suprême qui deuiendroit sans force & contemptible,
si vne fois on s’en estoit joüé, & si on la mesprisoit pour

-- 99 --

fauoriser vn tyran estranger, qui seroit ouurir la porte à l’iniustice,
à l’impunité, & aux rebellions.

 

Dans le traitté de Paix fait à Cambray en l’an 1529. entre
l’Empereur Charles-Quint, & le Roy François I. il est expressément
porté, que François I. fera ratifier & approuuer le present
traitté de paix, & celuy de Madrid, en ce qu’il n’est changé, mué ou innoué
par celuy-cy, par Monseigneur le Dauphin, &c. & les fera interiner,
verifier & enregistrer en la Cour de Parlement de Paris, & en tous
les autres Parlemens du Royaume de France, en presence de ses Procureurs
generaux desdites Cours de Parlement, ausquels ledit Seigneur
Roy passera pouuoir special & irreuocable pour comparoir en son nom en
icelles Cours de Parlement, & illec consentir aux interinemens susdits,
& eux soubmettre volontairement à l’obseruance de toutes les choses contenues
esdits traittez, & en chacun d’iceux respectiuement ; & qu’en
vertu d’icelle volontaire submission, il soit à ce condamné par Arrest &
Sentence definitiue desdits Parlemens en bonne & conuenable forme, &c.

Traitté de
Cambray
art. 4.

Le commencement du traitté de Tréves fait à Bommy lez-Teroüane
le 30. Iuillet 1537. entre l’Empereur Charles-Quint
& François I. Roy de France, certifie comme Messire Guillaume
Poiet President au Parlement de Paris, & premier President
de Bretagne, fut deputé pour traitter, &c.

Dans le traitté de paix fait à Crespy en Laonnois le 18. Septembre
1544 entre l’Empereur Charles-Quint & François I.
il est formellement porté, que ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien,
fera ratifier & approuuer ce present traitté de paix par Monseigneur le
Dauphin, &c. & le fera interiner, enregistrer, & verifier en la Cour de
Parlement de Paris, & en tous autres Parlemens dudit Royaume de
France, en presence de ses Procureurs generaux desdites Cours de Parlement,
ausquels ledit Seigneur Roy baillera pouuoir special & irreuocable
pour comparoir en son nom en icelles Cours de Parlement, & illec consentir
ausdits enterinemens, & eux soubmettre volontairement à l’obseruance
de toutes les choses contenuës esdits traittez, & chacun d’iceux respectiuement,
& qu’en vertu d’icelle volontaire submission ils soient à ce
condamnez par Arrest & Sentence definitiue desdits Parlemens en bonne
& conuenable forme, &c.

Traitté de
Crespy, art.
27.

Dans le traitté de paix fait à Chasteau en Cambresis le 3.
Avril 1559. entre Henry II. Roy de France, & Philippe II.
Roy d’Espagne, il est nommément specifié, que pour plus grande

-- 100 --

seureté de ce traitté de paix, & de tous les poincts y contenus, ledit
Seigneur Roy Tres-Chrestien le fera iuger, approuuer & ratifier par Monseigneur
le Dauphin son fils, & le fera verifier & interiner en la Cour de
Parlement de Paris, & en tous autres Parlemens du Royaume de France,
auec l’interuention & en presence des Procureurs generaux esdites Cours
de Parlement, & illec consentir aux interinemens, & eux soubmettre
volontairement à l’obseruance de toutes les choses contenuës audit traitté,
& chacun d’iceux respectiuement, & qu’en vertu d’icelle volontaire submission,
ils soient en ce condamnez par Arrest & Sentence definitiue desdits
Parlemens, en bonne & conuenable forme, &c.

 

Traitté de
Chasteau en
Cambresis,
art. 48. &
dernier.

Nous lisons au commencement du traitté de Veruin du 2.
May 1598. entre Henry IV. Roy de France & Philippe II,
Roy d’Espagne, comme Messire Nicolas Brulart President au
Parlement de Paris, fut deputé pour conclure ce traitté. Et
dans l’article 34. il est specialement porté, que pour plus grande
seureté de ce traitté de paix, & de tous les poincts & articles y contenus,
sera iceluy traitté verifié, publié, & enregistré en la Cour de Parlement
de Paris, & en tous autres Parlemens du Royaume de France, &c. le
tout suiuant & en la forme qui est contenuë au traitté de l’an 1559.

Traitté de
Veruin, art.
34.

Dans la Commission que Henry IV. fit expedier à Paris le
27. Ianuier 1598. pour enuoyer des Deputez à Veruin y conclure
la paix : Monsieur de Sillery President au Parlement de
paris y est choisi & nommé.

Messire Hugues Fournier sieur de Griuats premier President
du Parlement de Dijon, fut vn des cinq Deputez que le Roy
François I. enuoya pour traitter de la neutralité entre le Duché
& le Comté de Bourgogne en l’an 1522.

Le traitté de neutralité entre le Duché & le Comté de
Bourgogne, Terres & Seigneuries y enclauées, fait en l’an 1611.
fut publié en l’Audience du Parlement de Dijon le 21. Avril
1611.

Le Traité de Louys XIII. auec Charles III. Duc de Lorraine
fait à Vic le 31. Decembre 1631. & l’article separé qui y fut
adiouté à Nancy, le 6. Ianuier 1632. sont verifiés & Registrez
au Parlement de Paris, oüy, & ce requerant le Procureur general
du Roy le 20. Decembre 1633. Signé du Tillet. Nous en
rapporterons cinquante autres de cette nature & plus importans,
en traitant cette mesme question dans nostre seconde

-- 101 --

partie, comme nous l’auons promis au commencement de cette
Section.

 

Pour faire paroistre vn eschantillon de la grandeur & de la
Majesté de cét Auguste Parlement, c’est que non seulement il
se mesle des affaires d’Estat de son Roy & de son Souuerain,
mais encore de celles des autres Potentats de la terre, qui reconnoissans
la sagesse & la probité de cette Compagnie incorruptible,
en ont fait le juge & l’arbitre des differens qu’ils
auoient entre-eux, qui est le plus haut poinct d’honneur, & la
gloire la plus sublime qui se rencontre parmy les hommes. Les
Papes mesmes qui se sont reserué cét ouurage quand ils ne sont
ny parties, ny interessez dans l’affaire, ont voulu passer par le
Iugement de ce grand Senat, tesmoin Innocent IV. contre
l’Empereur Frederic II. touchant son Empire, & son Royaume
de Sicile. En l’an 1403. des Seigneurs d’Espagne luy apporterent
vn Traité de paix entre les deux Rois de Castille & de
Portugal pour y estre homologué toutes les Chambres assemblées.
C’est luy qui termina la querelle d’entre Philippe Prince
de Tarente, & le Duc de Bourgogne pour le recouurement de
l’Empire de Constantinople. Le Duc de Lorraine, & Guy de
Chastillon se rapporterent à luy pour regler la separation de
leurs terres & de leurs Seigneuries. Le Dauphin de Viennois,
& le comte de Sauoye en firent autant pour l’hommage du
Marquisat de Saluces.

Bodin, de la
repub. liu. 5.
chap. 6.

Du-Chesne,
Antiquit. de
France, liu. I.

Monsieur de Villeroy remarque dans ses Memoires, que pendant
la Ligue, lors que l’Espagne vouloit rauir la Couronne de
France à la Maison de Bourbon, les Espagnols qui estoient à
Paris declarerent que le Roy d’Espagne marieroit plustost &
sacrifieroit sa fille auec Monsieur de Guise pour le bien de la
Religion, que de manquer à vn seul point de son deuoir pour
ce regard, pourueu que dés à present elle fut esleuë Reine, &
luy auec elle Roy de France ; Ce qu’estant escouté de plusieurs,
& fomenté par les Cardinaux de Plaisance & de Pelué ; Le
Parlement donna vn Arrest contre cette proposition dangereuse,
qui fut tres-magnanime & de grande efficace enuers
vn chacun, ayant tout diuisé & troublé l’Assemblée qui se faisoit
pour faire reüssir cette vsurpation injuste. Vn Magistrat de
tres-haute probité, & des plus considerables de l’Estat, m’a fait

-- 102 --

l’honneur de m’assurer que le Roy Henry IV. a porté fort longtemps
cét Arrest notable sur soy, & que le baisant de temps
en temps, il disoit en le monstrant, voila ce qui m’a mis la Couronne
sur la teste.

 

Villeroy en
ses Memoires
tom. I. pag. 117. 118.

Que le Conseil d’Enhaut, & que tous les Ministres d’Estat
ensemble cherchent dedans l’Histoire des tesmoignages de
cette sorte de leur authorité, qu’ils produisent leurs actes &
leurs Arrests pour voir si on y trouuera, qu’ils declarent les
Majoritez des Rois, qu’ils confirment les Regences, qu’ils
permettent la guerre, qu’ils ratifient les traittez de Paix, qu’ils
verifient les Ordonnances, qu’ils en authorisent l’execution,
qu’ils jugent des droits de la Couronne, qu’ils connoissent du
Domaine, qu’ils sont arbitres des Souuerains, qu’ils condamnent
les Rois, les Dauphins, les Princes, les Cardinaux, les
Chanceliers, les Euesques, les Ducs & Pairs, les Officiers de
la Couronne, & tout ce qu’il y a de plus releué dedans l’Estat ;
Et apres cela ils pourront persuader qu’ils sont quelque chose
de plus, ou du moins esgaux, à ces grands Senateurs qui les
ont veu venir, & qui les verront retourner en leur premier
neant, quand vne fortune aueugle se lassera de fauoriser les
ennemis du peuple, & la honte du Royaume, sans qu’ils sortent
du Throsne de nos Rois, ny qu’ils abandonnent son lict
de Iustice.

Poursuiuons nostre poincte, & continuons de respondre à
ces Sentimens temeraires & calomnieux, qui donnent autant
de blasme au coupable qu’ils deffendent, que d’eloges & de
loüanges à vn proscrit qui n’en merite, & qui n’en merita iamais
aucune ; Estant certain qu’on l’accuse au lieu de le deffendre
quand on escrités pages 22. 23. & 24. de cette Satire abominable,
qu’il a procuré entre autres auantages, la charge de grand
Maistre de la Maison du Roy à Monsieur le Prince, auec vn commandement
perpetuel de ses armées, des Souuerainetez considerables sur la
frontiere de l’Estat, l’illustre Comté de Dammartin, &c. Puis que c’est
descouurir son insolence & sa vanité, estant insuportable d’entendre
vn homme de cette naissance & de ce calibre, qui dit
auoir fait de grands biens au premier Prince du Sang, & de
luy auoir procuré ce que son rang, ses seruices & ses merites
deuoient esperer de la reconnoissance & de la gratification de

-- 103 --

sa Maiesté, qui par ainsi ne l’a pas fait pour recompenser ce bras
droit de l’Estat ; mais seulement pour contenter vn faquin & vn
estranger qui le desiroit ainsi, afin qu’il luy en eut l’obligation
& non pas au Roy, qui est offencer directement sa conduite, &
plus encore les enfans de la maison Royale qu’on veut rendre
creatures, & leur persuader qu’ils tiennent leur auancement &
leur fortune d’vn miserable potiron & d’vn homme de neant,
qui ne seroit que trop esleué & trop honoré d’estre l’vn de leurs
Aumosniers. Et si j’osois accuser la bonté de nos Princes, ie leur
reprocherois volontiers qu’il y va de leur honneur & de leur reputation
de se laisser faire la part de la sorte, par celuy qui ne
deuroit rien tenir que d’eux & de leurs recommandations, sans
flechir iamais deuant vne idole qui ne s’esleue qu’en les abaissant,
& qui n’est reueré qu’à cause qu’ils souffrent qu’il les mesprise,
& qu’il triomphe insolemment de leur nonchalance &
de leur aueuglement.

 

Pour les accusations qu’il fait contre mondit sieur le Prince,
ce n’est point icy le lieu d’y respondre, outre qu’il y a assez d’escriuains
& de bons esprits qui l’ont des-ja fait, & le feront encore ;
n’entreprenant dans cét escrit que de monstrer & soustenir
la iustice & l’equité de l’Arrest prononcé contre le Mazarin.

Si ce Cardinal a fait voir de la vanité en se faisant autheur de
la bonne fortune de Monsieur le Prince, il descouure sa sottise
& sa presomption, en souffrant qu’on escriue en la page 23. de
ses deffences, que pour secourir le Roy & la France, Il employe ses soins,
ses forces, celles de ses amis, & enfin sa vie pour vne entreprise si glorieuse ;
qu’il met en peu de temps sur pied vne armée considerable, que le
Roy luy demande auec esperance certaine d’en tirer vn seruice tres-notable
dans la conioncture presente des affaires.

Où est la gloire de la France ? où sont les vertus & la modestie
Cardinale ? en pensant rendre considerable vn banny que l’on
r’appelle, on le charge de haine & d’abomination, puis qu’on
fait paroistre euidemment & hautement les larcins & les peculats
dont on le charge, puis qu’vn homme de cette qualité qui
n’a pas cinq sols de patrimoine, leue promptement vne armée
considerable pour venir secourir la France ; Et auec quoy ?
auec l’argent qu’il a pillé & desrobé dedans les coffres du Roy,
ou plustost auec celuy qui luy a esté enuoyé par le Marquis de la

-- 104 --

Vieuuille, qui n’a esté eleué qu’à cette condition à la Surintendance,
des Finances. Apres auoir descouuert ses voleries, ses rapines,
ses pirateries & ses symonies, vous monstrez trop à descouuert
son insolence & sa vanité, d’employer les forces d’vn
homme de neant & sans alliance, les amis d’vn petit Bourgeois
qui est hay de toute la terre, & les soins du plus ignorant & du
plus ridicule de tous les Politiques, pour secourir vn Roy de
France, aupres duquel nous l’auons veu arriuer en qualité de
postillon sans vn miserable lacquais seulement. O aueuglement !
ô presomption ! ô sottise insupportable. Comme si nous
ne sçauions pas que toutes ces leuées ne se sont faites que de
l’argent du Roy, & que se faisant escorter par les trouppes qui
estoient sur la frontiere par laquelle il est entré, ceux qui les
conduisoient sous le nom de sa Majesté, ont souffert par vne
complaisance criminelle qu’il s’en fit le maistre, & qu’il les appellast
siennes ; encore veritablement que l’experience nous face
voir auec des yeux chargez de larmes, qu’elles sont bien siennes
& bien dignes de luy, puis qu’elles sont si cruelles & si mal
policées ; & que pour vn bien peu d’estrangers qu’il a fait venir
auec luy, il oste vn nombre infiny de bons & de fidelles sujets
au Roy.

 

Si le Roy peut choisir & retenir aupres de soy, des
Ministres & des fauoris odieux à son peuple.

Qvand vous adjoustez en la page 23. & 24. de vostre escrit
fardé, que le Roy veut que le Cardinal reuienne, & que
le Parlement ne le veut pas ; & qu’il faut plustost obeїr au Roy
qu’a ses Officiers qui ne peuuent auoir de iuste volonté que celle de leur
Souuerain, &c.

Et dans la page 47. que si le Roy ne pouuoit choisir qu’au gré des
Princes les Ministres de son Estat, ces Ministres seroient aux Princes
& non pas au Roy, & ne le conseilleroient iamais selon le bien de son seruice ;
mais selon l’interest de ceux qui pourroient quand bon leur sembleroit
les maintenir ou les chasser, &c.

Pour respondre à vostre premiere proposition, n’asseurez

-- 105 --

point ie vous prie comme vous faites, que le Roy veut le retour
du Mazarin ; mais que vous & ceux de vostre cabale luy faites
vouloir comme par force, preferans vostre propre conseruation
à celle de tout vn grand Royaume. Et ne croyez pas persuader
par la beauté de vos paroles, qu’vn Souuerain de treize ans &
demy ait des raisons assez fortes, pour faire voir aux Princes de
son Sang & à tous ses Parlemens, qu’il est necessaire que celuy
qu’il a proscrit & banny il n’y a pas six mois, vienne acheuer de
ruїner son Estat contre l’adueu & le consentement de ceux qui
ont part à la Couronne, & les prieres & les remonstrances de
tant d’Officiers incorruptibles qui trauaillent iour & nuict à sa
conseruation, sa Majesté n’en ayant que l’vsufruict.

 

Quand nostre Roy que Dieu conserue sera en aage de pouuoir
agir de luy-mesme, & que l’experience le sera parler par
vne bouche plus fidelle & plus desinteressée que la vostre, c’est
pour lors qu’on luy fera connoistre vos tromperies, & l’amour
& l’obeїssance que ceux que vous calomniez si temerairement
ont pour luy. Mais puis qu’il est obsedé par les ennemis de son
Estat, qu’il est le prisonnier du Mazarin, qu’il est esloigné de
ses Conseils & de tant de gens de bien qui pourroient luy faire
toucher au doigt les ruines & les desordres de son Royaume ;
puis qu’il montre son enfance & son peu de connoissance dans
le mestier de regner, esloignant ses plus proches pour se sousmettre
à vn valet esleué, & mesprisant les aduis & les Conseils
de ce sage Parlement qui est le depositaire de sa Iustice, & le
conseruateur de son authorité ; c’est l’aymer cherement & tendrement
que de se roidir fortement contre les Tirans qui abusent
de son nom & de son pouuoir, pour tascher de le mettre en
liberté & de le guerir de la maladie où il est, laquelle tombe si
cruellement sur ses sujets.

Le Parlement n’empesche point que le Mazarin reuienne ;
mais il ne peut, & ne doit souffrir que celuy que le Roy a declaré
criminel & qu’il a condamné par tant d’Arrests irreuocables,
s’empare du Throsne de sa Maiesté, & se mette en deuoir de
faire porter la peine qu’il merite aux Senateurs qui l’ont iugé,
& banny du Royaume auec tant de iustice. Si le commandement
à ses bornes, l’obeïssance à ses limites ; il y en a qui pechent
plus en se sousmettant, qu’ils ne feroient en desobeïssant ; Si ce

-- 106 --

qu’on nous demande est iniuste, nous pouuons le refuser auec
iustice ; l’obeïssance aueugle n’est que pour les cloistres, où les
Iesuites, & iamais pour les Compagnies politiques & Souueraines,
autrement les remonstrances, les modifications & les
refus qu’ils font de verifier tant d’Edits & tant de Declarations,
seroient autant de crimes & de rebellions.

 

Il n’y a point de nation qui ne demeure d’accord que si nostre
Roy estoit aussi fidellement seruy que sa puissance est grande,
& ses suiets genereux & sçauans ; il pourroit entreprendre
de releuer les ruines de l’Empire Vniuersel, & sousmettre tous
les Souuerains de la terre sous son pouuoir & sa Domination.
Mais comme il s’abandonne à des fauoris, & qu’il prend trop
peu de connoissance des affaires qui releuent ou qui destruisent
ses Estats, aussi est-t’il tousiours trompé de ceux qui en
prennent le soin, parce qu’il veulent s’enrichir auant toutes
choses, & qu’ils preferent leurs interests particuliers à ceux du
general, aymans mieux aggrandir leur fortune & leurs maisons,
que les bornes de la Couronne & la gloire de leur Roy. Nos Histoires
sont remplies de ces veritez, & l’experience fait connoistre
que nos Ministres d’Estat sont si auares & si peu fidelles,
qu’on void tout l’or & tout l’argent du Royaume dans leurs
coffres, & que les Princes & les plus grands Seigneurs sont contrains
d’espouser non pas leurs filles ; mais leurs richesses, pour
rauoir ce qui est à eux, & donner de la noblesse à des roturiers
qui n’en meritent point.

Si la France est accablée de ce mal-heur d’vn costé, elle est
aussi soustenuë & soulagée de l’autre par ce grand Senat, & ces
Magistrats Souuerains, qui veillent continuellement à sa police
& à sa conseruation ; S’opposans genereusement comme ils
font aux Tyrannies & violences de ces hommes empruntez qui
ayment mieux la perte de l’Estat, que celle de leur fortune. Et
ne faut point trouuer estrange si ces Dieux Tutelaires de la
France mettent la main dans le Gouuernement & sur les maux
qui nous accablent, puis qu’ils sont l’image du Prince & les
seuls qui sont responsables de la iustice & du bon traittement
qu’on doit à ses sujets. Le mot de Magistrat qui leur appartient,
vint de Magistratus & Magister ; qui est celuy ; qui magis potest, &
cui præcipua cura incumbit ; Et selon Festus ; Magistratus à Magistrando

-- 107 --

dicti sunt, qui per imperia potentiores sunt. Le commandement
qui s’appelle dans le droit ; Imperium ; Leur appartient & à nul
autre qu’a ces anciens & naturels Conseillers du Souuerain.
C’est pourquoy ils sont obligez, & par le deu de leurs charges,
& par le deuoir de leurs consciences, de resister hautement &
fortement à ceux qui vsurpant leur pouuoir & leur authorité,
abusent insolemment & mal-heureusement du nom & de la
puissance de sa Majesté, crainte qu’vn iour il ne leur arriuast
autant qu’aux amis de Perseus Roy de, Macedoine, lequel
ayant esté deffait par Paul Æmile, & estant en fuite auec quelques-vns
de ses plus affidez, l’vn deux parlant des choses passées
representa au Roy plusieurs fautes par luy commises, &
qui auoient esté cause de sa ruine ; auquel Perseus respondit se
tournant vers luy, ha traistre, me l’as-tu gardé à dire jusques à
maintenant qu’il n’y a plus de remede, & en mesme temps le
tua de sa propre main ; Luy faisant porter la peine de n’auoir
dit mot lors qu’il deuoit parler, & de l’auoir aduerty quand il
n’estoit plus temps.

 

Leg. 57. de
verbor. signif.

Plutarque
vies des hõmes
illust.
hist.

Pour l’autre erreur que vous establissez, que le Roy peut choisir
& retenir auprés de soy les Ministres que bon luy semble, quelque
meschans & odieux qu’ils puissent estre à Dieu & aux hommes ;
Ce discours est receuable dans la bouche d’vn Tyran & d’vn
Aduocat du Mazarin, qui veut tromper vn Roy qui sort de
Minorité, & dupper vne Reine qui ne fait que quitter la Regence ;
puis que c’est contre l’aduis, la prudence, & l’experience
de son Altesse Royale Oncle de sa Majesté, des Princes de
son Sang, des Officiers de sa Couronne, & du Parlement de
Paris qui tous ensemble sont chargez de sa tutelle, & responsables
du gouuernement de son Royaume. La Reine mere deffunte
Marie de Medicis pendant le bas aage du Roy Louis
XIII. son fils, le conduisit elle-mesme au Parlement le 15.
May 1610. pour le prier comme elle fit de l’assister pendant son
bas aage, de ses bons conseils, & de ses bons aduis ; les actes publiques
attestent cette verité.

Nostre histoire, & les Registres du Parlement font foy, que
les jeunes Rois, comme est le nostre que Dieu conserue, ont
accoustumé de venir au Parlement, auec les Princes du sang,
pour y choisir & demander des Ministres & des Conseillers fideles

-- 108 --

pour gouuerner l’Estat ; & les Princes du Sang estans
Ministres nez & Gouuerneurs naturels du Royaume pour
auoir droit à la Couronne, on ne peut pas les exclure du conseil,
pour y faire presider vn estranger ignorant, contre les
Loix de la France.

 

On void bien que vous mesurez à vostre aulne les gens de
bien que les Princes pourroient nommer au Roy, quand vous
dites que s’ils auoient le choix des Ministres, les Ministres ne conseilleroient
iamais le Roy selon le bien de son seruice, mais selon l’interest de
ceux qui les auroient auancez ; parce qu’on connoist assez par vos
propres escrits que vous estes plus fidelle au Mazarin qu’au
Roy, & que vous joüez & trompez sa Majesté autant de fois, &
aussi souuent que ce traistre Italien vous l’ordonne, & vous le
commande ; estant honteux que de petites gens comme vous
qui n’ont autres merites que la flatterie & la seruitude, ayent
plus de voix & plus de pouuoir dans les conseils secrets du
Souuerain, que les gardiens de son lict de Iustice, & tous les
Princes du Sang ensemble, ce qui tesmoigne bien leur trop de
bonté & trop de patience, pour souffrir & dissimuler si longtemps,
tant d’vsurpations & tant de violences par vn tas de
tiranneaux qu’ils deuroient auoir chassé il y a plus de dix ans.

Vostre opinion n’est pas plus saine, ny plus solide que celle
de deux cent Senateurs desinteressez, pour persuader au Roy
contre leur aduis, que sa Majesté peut choisir & retenir auprés
de soy les Ministres que bon luy semble, quelques meschans &
odieux qu’ils puissent estre à son peuple & à ses sujets. Leurs
Remonstrances faites à Sully condamnent vos maximes tyranniques,
puis qu’elles enseignent formellement, qu’il ne suffit
pas que les Rois s’arrestent dans la consideration des choses qui les touchent
en particulier, estans enuoyez Dieu pour estre les Gouuerneurs &
les Peres des peuples qui leur sont commis ; mais sont obligez d’esloigner
tout ce qui peut corrompre les mœurs de leurs sujets, principalement de
ceux qui ont l’honneur de les approcher, sans considerer les Conseils ordinaires
des fauoris qui ont accoustumé de persuader aux puissances qui
les esleuent, que les desplaisirs qui leur sont faits, sont autant a’entreprises
sur l’authorité Souueraine, mesmes des tesmoignages d’auersion contre
la personne du Prince, & que les plaintes que l’on fait contre l’insolence
de leur fortune, sont autant de conspirations contre l’Estat. Voila

-- 109 --

les propres termes de ces remonstrances incomparables que
l’on a celées à sa Majesté, afin qu’elle n’y descouure point la
misere de ses peuples, la fidelité de son Parlement, & la perfidie
du Mazarin.

 

Tacite, l’vn des plus grands & plus qualifiez Ministres qui
ayent iamais esté, appuyant ces saintes remonstrances, & blasmant
les Sentimens du fidelle sujet du Roy, dit, qu’il sçait par
experience, que la meilleure piece d’vn Royaume, & la chose
la plus importante d’vn Estat, est vn bon Ministre, & vn officier
entier & sans reproche ; Nouimus, nullum maius boni Imperij instrumentum,
quam bonos Ministros ; voulant conclure par là que les
meschans & les coupables en estoient la honte, la ruine, & l’infamie,
& que le Prince qui aimera ses sujets, & le soulagement
de son peuple, ne l’abandonnera iamais à l’auarice, aux iniustices,
aux exactions ny aux tyrannies de ces pestes publiques, &
de ces monstres qui n’ont rien de l’homme que le nom & le visage.
Il est vray que les Princes aussi bien que les particuliers
disposent souuerainement de leurs cœurs, & qu’ils y forment
l’amour & la haine pour qui, & comme ils veulent ; il faut
neantmoins nonobstant cela, que leurs affections enuers les
particuliers soient iustes & bien reglées, parce que s’il y a du
desordre, cela cause la ruine de la Republique, & les rend
odieux, & leurs fauoris miserables.

Tacit. hist.
lib. 4.

Ces veritez posées, qui peut reuoquer en doute que nous
n’ayons autant de droit que de sujet de nous plaindre de ces
ennemis de l’Estat, quelques reuerez & releuez qu’ils puissent
estre par l’esclat de leur fortune. L’Empereur Constantin connoissant
la malice des Ministres, & la necessité qu’il y a de les
accuser, & de s’opposer à leurs desreglemens, fit cette belle &
celebre constitution ; Si quis est cuiusque loci, ordinis, dignitatis, qui
se in quemcunque Iudicum, Comitum, amicorum, vel Palatinorum
meorum (qui sont les Ministres d’Estat, les fauoris & autres principaux
Officiers) aliquid veraciter & manifesté probare posse confidit,
quod non integrè atque iustè gessisse videatur, intrepidus ac securus accedat,
interpellet me, ipse audiam omnia, ipse cognoscam ; & si fuerit
comprobatum, ipse me vindicabo ; dicat securus & bene sibi conscius dicat ;
si probauerit vt dixi, ipse me vindicabo de eo qui me vsque ad hoc
tempus simulata integritate deceperit ; illum autem qui boc prodiderit &

-- 110 --

comprobauerit, & dignitatibus, & rebus augebo.

 

Cod. Theodos.
de accusatio.
leg.
4.

Saint Bernard se plaignant au Pape Eugene des crimes &
des maluersations de ses Officiers, luy mande & luy escrit ;
Sunt quæ te ignorare nolim, mores tuorum & studia ; nec oportet vt vitia
domus tuæ vltimus scias, quod quamplurimis nouimus contigisse ; tu
vlciscere iniuriam tuam, impunitas ausum parit, ausus excessum.

S. Bernard.
de consid.
ad Eugeniũ,
lib. 4.

Philippes de Commines qui a esté le plus fidele & le plus vertueux
Ministre d’Estat que la France ait iamais produit, parlant
de la Iustice & de l’importance de ces accusations dit ; I’ay
demandé en vn article precedent, qui fera information contre les grands,
qui l’àpportera au Iuge, & qui sera le Iuge qui punira les mauuais ? L’information
sera la plainte & clameur du peuple, qu’ils foulent & oppressent
en tant de manieres, sans en auoir compassion ny pitié ; Les douloureuses
lamentations des veufues & orphelins, dont ils auront fait mourir
les maris & les peres ; & generalement tous ceux qu’ils auront persecutez
tant en leurs personnes, qu’en leurs biens. Et vn peu aprés monstrant
comme les Princes sont punis pour leurs propres fautes, & celles
qu’ils souffrent en leurs Ministres ; Quand Dieu, dit-il, est
tant offensé qu’il ne veut plus endurer, mais veut monstrer sa force &
sa diuine Iustice ; alors premierement il diminuë le sens des Princes, qui
est grande playe pour ceux à qui ils touchent ; il trouble leurs maisons, &
& la permet tomber en diuision, & en murmure ; il fuit les conseils & compagnies
des sages, & en esleue de tous neufs mal sages, malraisonnables,
violens, flatteurs, & qui luy complaisent à ce qu’il dit ; s’il faut imposer
vn denier, ils disent deux ; s’il menace vn homme, ils disent qui le faut
pendre, & de toutes autres choses le semblable.

Philippe de
Commines,
liu, 5. ch. 18.

Comme les Souuerains sont les Chefs & les protecteurs de
leurs peuples, aussi sont-ils responsables des crimes & des maluersations
des Ministres & des Officiers dont ils se seruent,
puis qu’ils commettent tous les maux qu’ils n’empeschent pas ;
& que ces desordres publiques qui ruinent & qui consomment
tout l’Estat, deuiennent des pechez essentiels & particuliers
pour les Princes qui les souffrent & qui les tolerent impunément ;
Quia nihil est, dit vn Autheur celebre, quod ab Imperatoribus
emendari non queat, nec vllum peccatum quod vires eorum
superet, & quidquid permittunt, facere videntur. C’est dequoy le
Mazarin demeure d’accord luy mesme dans vne de ses Lettres
à Monsieur le Comte de Brienne, en la page 13. du recueil imprimé.

-- 111 --

N’estant pas assez que le Roy soit innocent & sans reproche,
mais il importe à sa gloire & à sa conscience, que le
throsne d’où sorte sa Iustice, ne soit point soüillé ny corrompu,
par ceux qu’il y fait reposer pour la rendre sous son nom, &
sous son authorité aux sujets qui luy demandent, & ausquels il
la doit sans tache & sans corruption, cette obligation est de
droit diuin ; Rex autem, & thronus eius sit innocens.

 

Nicetas,
hist.

Lib. 2. Reg.
cap. 14. vers.
9.

Il n’y a personne dans le Royaume qui ne die de l’insolence
& de la tyrannie du Mazarin, ce que le peuple Romain publioit
du trop de credit de Sejan, qu’il accusoit & chargeoit
iustement de tous les desordres de l’Estat, à cause que Tibere
se reposoit sur luy de toutes choses, & qu’il faisoit mille iniustices
qui ne luy estoient pas commandées : Sejanus facinorum
omnium repertor habebatur, ex nimia caritate in eum Cæsaris, dit l’incomparable
Tacite.

Tacit, annal.

N’estant pas assez de dire comme Richard Roy d’Angleterre,
que le Roy ne fait rien qui n’ait passé par son Conseil, parce
qu’il le doit prendre bon, & qu’il est obligé d’y remedier
quand on luy descouure les malices & les iniustices qui s’y font,
dautant que ; Salutem Reipublicæ tueri nulli magis conuenit, quam
principi, dit le Droit escrit ; ce qui a fait dire à Isocrate lors qu’il
instruit vn jeune Prince, que ; Principatum adeptus, nullius improbi
ministerio vtitor ; nam quidquid ille deliquerit, tibi velut authori imputabitur,
ce que Tibere sceut fort bien prattiquer, pour éuiter
la haine & le mespris de ses sujets ; Tiberius aulæ vitia oderat, vt
qui à pessimis dedecus publicum metuebat.

ff. de Offic.
præsid, vigil.
leg. nam
salutem.
Isocrate.

Tacit. ann.
lib. 1

Le plus sage, & le plus pieux Chancelier qui nous ait laissé
des escrits, parlant de la gloire & de la satisfaction que les Princes
reçoiuent de la vertu & de la probité de ceux qu’ils employent,
dit ; Adornatum palatij credimus pertinere aptas dignitatibus
personas eligere ; quia de charitare seruientium crescit fama dominorum ;
tales enim prouehere principem decet, vt quoties procerem suum fuerit
dignatus aspicere, toties se cognoscat recta iudicia habuisse, moribus
enim debet esse conspicuus, qui datur imitandus ; facile est qualemcunque
sibi deligere, multis ante electum videre decet ; ce que Machiauelle
semble auoir imité quand il dit, que la premiere coniecture que
l’on fait d’vn Prince & de son esprit, se fonde communément sur les hommes
qu’il a auprés de luy, parce qu’estans suffisans & fidels, on le peut

-- 112 --

tousiours reputer sage, pour auoir sceu connoistre leur suffisance, & les
maintenir en telle fidelité, mais s’ils sont autres, on ne fera iamais bon
iugement de luy, dautant que la premiere & plus grande faute qu’il sçauroit
faire, est en cette mauuaise election. Monsieur le premier President
de la Cour des Aydes haranguant dans sa Compagnie deuant
vn Prince du Sang qui y estoit enuoyé du Roy, au mois
d’Aoust 1648. ne manqua point de luy representer, en luy despeignant
les desolations de l’Estat, que les Princes estoient comptables
à Dieu & au public, de tous les maux dont ils pouuoient arrester le
cours & les progrez.

 

Cassiod. variar.
lib. 4.
Epist. 3.

Machiauel.
en son Prince,
chap. 22.

Histoire du
Temps, page
270.

Si vn pere de famille auoit vn domestique qui fut si malheureux
que de ne pouuoir compatir auec les autres, & qu’il causast
vne guerre continuelle dans sa maison ; quelque fidelle &
quelque necessaire qu’il fut, il seroit raisonnablement obligé
de l’enuoyer & de le congedier. Que si c’estoit vn voleur, vn
perfide, & vn seditieux, non seulement il deuroit le chasser,
mais le mettre & le liurer entre les mains de la Iustice pour en
faire vne punition exemplaire. Les Rois sont les Peres du peuple,
& non pas les tyrans ; Leurs Estats ne sont que plusieurs
familles dont ils ont le soing & le gouuernement ; ils doiuent
l’amour & la justice à ceux qui les reuerent & qui les reconnoissent
pour ce qu’ils sont ; ils ne sont qu’vsufructiers de leur
Empire, & n’ont aucun droit ny aucun pouuoir d’y mettre le
feu, ny de le renuerser pour contenter leur passion ; Le nom
de Roy ne leur en permet point, & s’ils en veulent auoir il faut
que ce soit comme hommes priuez, & non pas comme administrateurs
& gouuerneurs de la chose publique.

C’est pourquoy Ammian Marcellin definissant la Royauté
dit ; Imperium nihil aliud esse, quam curam salutes alienæ ; Ce qui l’oblige
dit Seneque ; Vt omnium domos illius vigilia, omnium otium,
illius labor ; omnium delicias, illius industria ; omnium vocationem, illius
occupatio defendat ; Ce qui fit dire à l’Empereur Diocletian,
que l’Empire estoit vne honorable seruitude pleine de soins &
d’espines ; au lieu que les Tyrans ne songent qu’à leur seureté,
& ne trauaillent qu’à leur profit & vtilité ; Tyrannus suam, Rex
eorum quibus Imperat vtilitatem spectat. Surquoy Seneque donne
cét aduertissement Chrestien aux Souuerains ; Ciuium non seruitutem
illis traditam, sed tutelam, parce dit-il, que la Republique

-- 113 --

n’est point à eux, mais eux à la Republique entierement ; nec
Rempublicam tuam esse, sed te Reipublicæ ; Et ne faut point, dit Philon
le Iuif, appeller Rois ceux qui desployent leurs grandes
puissances à la ruine & dommage de leurs sujets, mais bien des
persecuteurs qui font des actes d’ennemis mortels & capitaux.
Le nom de Roy repugne à cela, puis que, Rex, vient à regendo,
& non pas, ab opprimendo, vastando, & peruertendo ; qui dit Royauté,
dit puissance temperée, & qui la veut sans frein & sans borne,
veut la tyrannie, qui n’est que soufferte & iamais reconnuë.
Dans la Harangue qu’vn de nos Chanceliers fit aux Estats tenus
à Tours en l’an 1483. sous le Roy Charles VIII. pendant
sa minorité, il commence par ces termes ; Le bien du Roy est
le bien & profit du Royaume : Le bien du Royaume est le bien du
Roy : Le dommage du Roy est le dommage du Royaume, & le dommage
du Royaume, est le dommage du Roy. Il faudroit que ceux
qui enuironnent & qui obsedent nostre jeune Prince qui ne
fait que sortir de Minorité, luy fassent entendre ces veritez,
& luy enseignent ces Saintes maximes, au lieu de
luy persuader la haine contre ses Officiers, & la vengeance
contre ses sujets, en luy desguisant les malheurs & les desordres
de son Estat, & l’esloignant de ses Conseils & de sa Capitale
comme on fait pour l’empescher de les voir & d’y remedier.
Aristote tout Payen qu’il estoit n’instruisoit point ainsi
son Alexandre quand il luy apprenoit que ; Oportet populum reddere
beneuolum erga Reges, & reïpublicæ rectores ; & conari saltem ne
hostes putentur, qui patres, tutores, & conseruatores esse debuerunt.
C’est pourquoy Charles IX. qui n’estoit pas plus fidellement
seruy par son Cardinal de Lorraine, auoit raison de dire en se
consolant de ce qu’il mouroit sans enfans ; Se malle sine hærede
excedere é vita, quam Regnum infanti multa passuro, Galliam deformatam
bellis ciuilibus viro opus habere. Ce que d’Aubigné rapporte
ainsi en François, que le Roy se resioüissoit de ne laisser aucuns enfans
heritiers, sçachant tres-bien que la France auoit besoin d’vn homme,
& que sous vn enfant, le Roy & le regne sont mal-heureux. Laissant
à part ce que l’Escriture Sainte dit sur ce sujet auec des
paroles si remarquables.

 

Ammian.
Marcell.

Senec.

Arist. ethic.
lib. 8. cap. 12.

Senec. de
Clement.

Philon le Iuif
de l’erection
& creation
du Prince.

Aristot. Polit.
lib. 6.
cap. 7.

Papit. Masson
in vite
Carol. 9.
cap. 28.

Thuamhist.
lib.
d’Aubigné,
en son hist.
vniuer. tom
2. chap. 8.
ann. 1574

La Loy la plus dure, mais la plus iuste du monde, est celle de
la necessité ; il y a du mal-heur à luy estre soubmis, mais beaucoup

-- 114 --

de sagesse à luy obeïr. Les resolutions se doiuent accommoder
à la necessité du temps, & n’y a rien de tel pendant vne
grande tempeste, que de caler le voile, estant certain que
quand on ne peut changer le cours des affaires, on le doit suiure,
& c’est vouloir se noyer, que de se roidir contre vn torrent,
cause pourquoy Lipse donne ce conseil dans ses recueils
politiques, & dit que ; Rebus inclinatis, melius est vt te inclines, ce
que le sçauant Bodin n’a point oublié, disant que ; Quod faciendum
est necessario, & quod impediri nequit, sponte se facere Princeps
præserat, non plus qu’vn autre prudent Autheur qui s’estend
dauantage sur la necessité des conseils dont le Roy a besoin
auiourd’huy, & dit que ; Princeps rebus suis ad interitum vergentibus,
petitis licet iniustis annuat, priusquam dextrè ratiocinando pereat,
quia in omni calamitate, cogitatio ac Consilium de fama & existimatione
nominis conseruanda, postponi debet Consilio de seruanda rerum summa,
& tota Republica. Le Prince ne pouuant iamais blesser sa reputation,
non plus qu’affoiblir son authorité ; Si pluris omnes faciat,
quam vnum, & si cunctis inuisum vel demittat, vel iustitiæ se
purgandum relinquat.

 

Lipse Polit.

François Guichardin dit en quelque endroit de son Histoire,
que de mesme qu’vn malade ne doit pas estre traitté par vn Medecin
au quel il n’a point de creance, ou qu’il tient pour suspect,
ainsi vn Estat, & sur tout quand il est en trouble, ne doit point
estre gouuerné n’y manié par vn Ministre suspect, ou odieux au
peuple. Toutes les medecines de leur nature sont salutaires,
estans prises neantmoins à contretemps, ou en trop grande
abondance, elles sont plustost des poisons que des remedes vtiles,
& des medicamens necessaires.

Les crimes du Mazarin & sa mauuaise conduite l’ayant rendu
l’auersion des gens de bien, & la haine de tous les peuples ; & le
Roy deuant à ses sujets la consolation qu’ils luy demandent, &
le soulagement qu’ils en esperent ; ne fera que ce que doit vn
bon pere enuers ses enfans, & vn bon Prince pour ceux qu’il
gouuerne, s’il leur donne ce contentement d’esloigner celuy
qu’il a condamné le premier, comme le seul & veritable remede
qui peut adoucir leurs maux, & mettre tout l’Estat en repos.

Cela n’est point nouueau, & ce n’est pas receuoir la loy de ses
suiets que de les soulager, en mettant fin à leurs miseres ; &

-- 115 --

quand l’antiquité n’auroit rien de semblable, il ne faudroit pas
laisser de le practiquer, puisque les exemples d’amour & de iustice
sont tousiours plus nobles & plus glorieux en ceux qui les
commencent, qu’en ceux qui les imitent & qui les executent.
L’Histoire Grecque nous presente le miroir & le remede de ce
que nous voyons auiourd’huy dans cét Estat deplorable, racontant,
qu’Astigone Roy de Macedoine laissa Philippe son fils
en bas aage, & luy donna pour tuteur Appelles, distribuant les
autres charges importantes du Royaume à Leontius, Megaleas,
Taurion, & Alexandre. Or aduient que ceux qui deuoient conseiller
& conseruer ce jeune Monarque, furent ceux-là mesme
qui ruinerent dauantage ses affaires, & qui mirent tout son
Royaume en telle diuision, que sans Aratus Prince Achéen, il
estoit en danger de perdre sa Couronne. Les premiers qui conspirerent
furent Appelles, Leontius & Megaleas, luy suscitans
forces guerres estrangeres desquelles ils prirent la conduite, accablans
ce ieune Prince d’affaires afin de se rendre necessaires
aupres de luy, & ordonner de toutes choses plus aisément. Ces
traistres voyans qu’Aratus leur resistoit, & qu’ils ne pouuoient
rien sans luy, ils luy dresserent des querelles, & l’obligerent de
se retirer & de s’enfuïr ; ce que le ieune Roy trouua si estrange,
qu’il fit arrester prisonniers Crinon, & Megaleas ; Appelles
ayant peur se retira de la Cour ; Cependant Leontius qui estoit
àuprés du Roy tira Megaleas de prison à la priere d’Appelles, &
s’entendans plus que iamais quelques esloignez qu’ils fussent,
font pis qu’auparauant, Appelles seignant tousiours de n’oser
venir en Cour, disant se d’effier des autre Ministres. Ce ieune
Prince voyant les desordres de son Estat, & les factions de ses
Ministres, se resolut d’y mettre fin, tesmoignant qu’il auoit plus
d’attachement & plus de creance à Appelles & à Leontius qu’à
tous les autres. Ce qui fit qu’Appelles reuient en Cour accompagné
& suiuy comme vn Roy, où il fut receu & traitté plus fauorablement
qu’auparauant, ce qui dura tant que sa Maiesté
trouua l’occasion de le faire prendre & executer sur le champ.
Apres quoy il assembla tous ses Estats, & leur fit entendre la iuste
raison qu’il auoit euë d’y proceder par cette voye extraordinaire.

 

Polibe hist.
lib. 4. & 5.

Ie laisse au Lecteur prudent de faire l’application de cet

-- 116 --

exemple ancien, au nouueau de nostre Mazarin, & de prier
Dieu qu’il inspire nostre ieune Roy d’imiter au plustost l’amour
de ce genereux Monarque, pour deliurer son peuple des maux
qu’il souffre depuis tant de temps.

 

Nous lisons dans nostre Histoire que, Protade italien de nation
& fauory de la Reyne Brunehaut fille du Roy d’Espagne,
laquelle il entretenoit impudiquement au veu & sceu de tout le
monde, estoit Maire du Palais sous Clotaire II. en l’an 610. Lequel
n’auoit autre soin que de s’enrichir aux despens des François ;
& ce qui le rendit encore plus odieux estoit, qu’il retenoit
pour les siens toutes les charges qui venoient à venoient à vacquer, où
bien en tiroit de l’argent. Voyant que sa dignité luy donnoit
plus de creance & plus d’authorité en temps de guerre que de
paix. Il sema la diuision entre Thiery Roy de Bourgongne, &
Theodebert Roy d’Austrasie son frere. Brunehaut qui fomentoit
tous ces pernicieux desseins, se seruit d’vn artifice diabolique
pour allumer la guerre qui arriua, faisant entendre à
Thiery, que Theodebert n’estoit pas son frere, ny fils de Childebert
comme on croyoit, mais d’vn simple iardinier, & par
ainsi qu’estant illegitime & né d’vn adultere, il ne deuoit faire
aucun scrupule de conquerir ses Estats, & le despoüille de
son Royaume.

Aimon. hist.
I. 3. cap. 92.
Fredegar. in
Chronic. c.
27. 37. & 44.
Appẽdix ad
Gregor. Turon.
Cap. 27.
Paul Æmile
en Clotaire
II.

Les Seigneurs de Bourgongne qui voyoient clair dans ces
menées, & scachans que Childebert auoit reconnu ces deux
Roys freres pour ses enfans legitimes en leur partageant ses
Estats, considerans que cette guerre ne pouuoit estre qu’iniurieuse
à la mere de ces deux Roys, & dommageable à leurs sujets,
firent tous leurs efforts pour l’estouffer & reconcilier ces
deux freres qui n’estoient en diuision que par les mauuais conseils
de Protade. Ces valeureux Bourguignons voyans leurs aduis
mesprisé, & que Protade marchoit auec vne armée pour attaquer
leur Souuerain, ils luy courent sus, & le massacrent dans
la tante du Roy, nonobstant les deffences qu’ils auoient de sa
Maiesté de l’outrager en façon que ce soit, de fait ny de paroles,
disans qu’il valoit mieux qu’vn homme mourut tout seul,
que de mettre deux armées en peril ; ce qui fit que ces deux freres
poserent les armes, & se reconcilierent par ensemble.
Ce coup fut bien hardy, dit l’Historien, neantmoins Thiery

-- 117 --

fut contraint de dissimuler le ressentiment qu’il en auoit, crainte
d’vne rebellion plus grande contre luy-mesme. Brunehaut
comme enragée contre ceux qui auoient contribué à l’assassin
de son Estalon & de son Ruffien, dit Dupleix, en fit mourir
plusieurs inhumainement, & fit tant aupres de Thiery qu’il fit
lapider Didier Archeuesque de Vienne, qui depuis a esté canonisé
pour la grandeur de ses vertus, & la verité de ses miracles.
Mais comme Dieu ne laisse rien d’impuny, cette louue & ce
monstre d’horreur fut enfin elle-mesme liée par Arrest à la
queuë d’vne jumen indomptée, & traisnée par toute la ville,
afin qu’elle mourust ainsi cruellement & honteusement, apres
vne autre queuë que celle qu’elle auoit tant aymée, & qui au
lieu de l’adoucir luy auoit infusé dans le corps & dans l’ame tant
de rigueurs & tant de cruautez.

 

Nous auons remarqué cy-deuant en parlant de Louys le Debonnaire,
comme ce sage Empereur relegua Bernard Comte de
Barcelonne grand Maistre de sa Chambre, parce qu’il ne plaisoit
point à son peuple, & que ses trois fils pour pretexter leur
rebellion le soupçonnoient d’entretenir l’Imperatrice.

Nostre mesme Histoire raconte, qu’enuiron l’an 892. tous
les grands du Royaume se liguerent les vns auec les autres pour
chasser Aganon homme de basse condition, d’aupres de Charles
le Simple qui les negligeoit & les mesprisoit, pour donner
toute sorte de pouuoir & d’authorité à cét insolent fauory, auquel
il abandonnoit tout le gouuernement absolu du Royaume
sans en communiquer à qui que ce soit qu’à luy.

Frag. hist.
Floriacens-Flodoard.
hist.
Aimon. lib.
5.
cap. 43.
Duplex en
Charles le
Simple.

Apres ces trois exemples de la premiere & seconde Race en
voicy vn de la troisiesme & derniere, qui porte que le Roy
Charles VII. Prince recommandable par ses victoires & ses conquestes,
se trouuant en l’an 1424. enueloppé dans vne fascheuse
guerre estrangere contre les Anglois vsurpateurs du Royaume,
& en vne ciuile contre les Ducs de Bourgongne & de Bretagne
Princes de son Sang ; il ne trouua point de party plus seur
ny meilleur pour chasser les estrangers, que de reünir ces deux
Princes aupres de sa personne, & de leuer tous les obstacles qui
pouuoient empescher vn effet si salutaire.

Le principal estoit l’auersion que ces Princes, & generalement
toutes les grandes villes du Royaume auoient contre vn

-- 118 --

nommé Louuet President de Prouence ; L’Euesque de Clermont,
& Tanneguy du Chastel qui estoient maistres absolus des
affaires de l’Estat. De maniere que pour paruenir à la paix entre
le Roy & les deux Princes, l’Euesque de Clermont, & Tanneguy
du Chastel se retirerent, y ayant apparence que les Princes
& le public en demeureroient satisfaits. Mais d’autant que le
President de Prouence autant & plus odieux que les autres,
estoit demeuré seul dans le gouuernement, presque toutes les
grandes villes furent contre le Roy, iusques à ce que ce President
se fut retiré en Auignon, & ensuite la guerre ciuile cessa
par la reünion de la maison Royale. Estant certain que si ce Roy
eut obserué la maxime de ceux qui soustiennent que sa Maiesté
est engagée de retenir le Mazarin pour faire connoistre son authorité,
& qu’il eut tenu ferme pour faire demeurer ces trois
personnes dans son Conseil, il auroit entierement ruïné ses affaires,
perdu son Estat, & son authorité, qu’il recouura depuis
& conserua hautement.

 

De Serre, en
Charles VII.
Duplex, en
la vie de
Charles VII.

Le Roy d’Arragon sçachant qu’Aluare de Lune fauory &
Connestable de Iean II. Roy de Castille mettoit tout ce Royaume
en diuision, luy enuoya des Ambassadeurs pour le prier comme
son proche parent, d’aymer les Princes de son Sang, de leur
communiquer les affaires de la Couronne, de se gouuerner par
leurs aduis & par celuy des Seigneurs les plus puissants & les
plus considerables de son Estat, en faisant retirer l’objet & la
cause de tous ces troubles, & de tant de guerres intestines. Ce
qu’il fit quelque temps apres, commandant à Dom Aluare
d’Estuniga son grand Preuost de l’arrester prisonnier, & de le
tüer s’il se mettoit en deffẽce. Ensuite dequoy il luy fit faire son
procez, & fut condamné d’auoir la teste tranchée, qui demeura
neuf iours au bout d’vn poteau pour seruir d’exemple à tous
les ambitieux qui portent leurs desseins au delà du deuoir & de
la modestie. Allant au supplice vn trompette marchoit deuant
luy, criant à haute voix ; c’est icy la iustice que le Roy fait faire
de ce cruel Tyran qui a vsurpé son authorité. L’on eut beaucoup
de peine d’empescher que le peuple ne se iettast sur luy, &
ne le mit en pieces, luy disant mille iniures, & luy faisant mille
reproches, criant à haute voix ; voicy la iournée que Dieu a faite
pour nostre salut, sortons donc auiourd’huy de misere, &

-- 119 --

resiouїssons-nous, nos maux sont passez. Il mourut si pauure &
si abandonné apres auoir joüy de plus de deux cent mille doubles
ducats de rente, qu’on mit vne escuelle de bois aupres de
sa teste pour receuoir quelques aumosnes, afin de le faire enterrer.
Tant y a que cette mort iuste & funeste reconcilia les
Rois d’Arragon & de Nauarre, & ramena au seruice du Roy
de Castille tous les Princes & grands Seigneurs qui s’en
estoient retirez.

 

Le Cardinal
de Richelieu
n’estãt qu’Euesque
de
Luçon sous
le nom de
Chaintreau
en l’hist. de
Iean II. Roy
de Castille c.
14. 19. 21.

L’Empereur Charles-Quint & Roy d’Espagne, voyant que
ses suiets auoient de l’auersion pour le gouuernement du Cardinal
Ximenes qui estoit vn des plus sages, & plus vertueux
Ministres qui ayent iamais esté, ne laissa pas de l’esloigner & de
luy commander de se retirer de la Cour ; Quia proceribus habebatur
inuisus, & ne hos omnes sibi alienaret, vnicum illum senem seponere
maluit.

Marian.
hist. Hisp.

Le Cardinal de Granuelle qui estoit Vice-Roy pour Philippe
II. dans les Pais-Bas, fut rappellé & mis hors du Ministeriat,
parce seulement que les Flamans croyoient qu’il estoit
l’autheur & la cause de tous leurs maux, & qu’ils prierent sa
Majesté Catholique de les en descharger.

L’Empereur Mathias permit aux Archiducs d’Austriche
de tirer de sa Cour & d’emmener prisonnier le Cardinal Cleselle,
qui estoit son principal Ministre, sans autre raison que de
les contenter en cela, & d’empescher les diuisions qui se formoient
dans son estat à son occasion.

Ferdinand II. se vid comme forcé d’esloigner de sa Cour &
de ses Conseils les Ducs d’Eggenberg, & de Valestein : comme
aussi Philippe IV. le Comte Oliuares ; A suis admoniti, &
prauo rerum successu edocti, cedere necessitati, & grandiora ante-venire
pericula, tutissimum & minime indecorum existimanies.

Comme on parloit à Henry IV. des differens que le Duc
d’Espernon auoit auec la Prouence d’où il estoit Gouuerneur,
il dit auec sa sagesse ordinaire : Si j’appuye le Duc d’Espernon contre
les Prouençaux, ie m’en attireray cent mille sur les bras, pour vn que ie
fauoriseray, & ie signaleray vn coup de puissance absoluë, par vn autre
coup d’iniustice ; ce qui fit qu’il le rapella, & leur enuoya vn homme
agreable pour calmer cette Prouince qui s’alloit ietter
dans vne rebellion dangereuse.

d’Auila des
guerres ciuiles
de France,
lib. 14.
ann. 1594.

-- 120 --

Apres ces maximes approuuées & ces exemples veritables,
ne vous estonnez plus si les peuples ont iuste suiet de demander
l’esloignement du Mazarin, & si les Princes & les Parlemens
soustiennent que le Roy ne peut pas leur refuser cette grace,
puisque c’est l’vnique remede qui doit appaiser les maux, &
les malheurs infinis de cet Estat. Et s’il est vray qu’vn Roy iuste
ne doit iamais aimer ceux qui sont remplis de vices, & chargez
de crimes, l’innocence & la vertu de nostre ieune Prince ne se
laissera pas soüiller dauantage tres-assurément par la presence
du plus abominable de tous les hommes, suiuant en cela le precepte
qu’Aristote donnoit à son Alexandre, de n’affectionner
& ne souffrir aupres de soy que ceux qui pourroient luy causer
de l’honneur, & procurer du soulagement à ses peuples.

Tous les Politiques sans passion sont d’accord que le Souuerain
doit plus à ses suiets qu’à ses propres enfans, parce que la
nature seule l’vnit à ceux-cy, & la Iustice à ceux-là : il n’est pere
que par hazard, mais Souuerain par choix & par bon-heur.
Quand il n’engendreroit que des idiots & des stupides, il ne
laisseroit pas d’estre pere comme les autres, au lieu qu’il n’est
plus Roy quand il ne gouuerne que des esclaues & des malheureux.
Le sang qui se communique fait le fondement de la
paternité, & la prosperité de l’Estat sert de base à l’Empire. Le
Prince est le pere commun de toute la Republique, ce qui l’oblige
à son amour : Il en est le fils aussi puis qu’il en reçoit la
qualité de Souuerain, c’est pourquoy il ne peut luy refuser sa
pieté, ny le soulagement qu’il luy doit, s’il ne veut auoir plus
d’ennemis, que de sujets, & d’vn Royaume libre & fleurissant,
en faire vn de serfs & de desesperez qui ne l’aimeront plus.

Plures hostes,
quam
ciues, vobis
remauebũt.
Tertull. in
Apol.

Si le Parlement a tort de surseoir la Declaration
qui est contre M. le Prince, & de presser l’execution
de celle qui est contre le Card. Mazarin.

L’Autheur des Sentimens que nous examinons s’estonne,
& rend le Parlement criminel, en la page 24. & 25. de
son escrit, parce que ce grand Senat veut que la Declaration

-- 121 --

contre le Mazarin subsiste & s’execute, & que celle d’vne mesme authorité
contre Monsieur le Prince demeure en surseance, ce qu’il appelle
injustice.

 

Le Souuerain donne des graces à qui il veut, & impose des
peines à ceux qui les ont meritées, mais ny l’vn ny l’autre n’opere
aucun effet que le Parlement n’ait prononce là-dessus, &
jugé si le premier est digne de faueur, & le second de peine.
Tous les accusez ne sont pas esgalement criminels, & tous les
coupables ne meritent pas vne mesme punition ; Monsieur le
Prince n’a failly qu’a cause qu’il aime le Roy, & ne peut souffrir
le Mazarin qui le trahit ; & ce Cardinal fait à la haste, est
l’ennemy du Roy & de son Estat, vn perturbateur du repos public,
& vn proscrit que sa Majesté a banny de ses Conseils & de
son Royaume, ce que les Parlemens ont confirmé & verifié par
vne infinité d’Arrests qui ne se peuuent reuoquer que par vne
abolition qu’il faut enteriner de dans les formes accoustumées,
& prescrites par les Ordonnances.

La Declaration du Roy contre Monsieur le Prince n’est que
comminatoire, & conditionnelle auec exhortation de venir à
la Cour ; & celle du Mazarin est definie, verifiée dans le lict de
Iustice de nos Rois, & sans espoir de retour, sous quelque pretexte,
cause, employ, alliance, ou occasion que ce soit. Et c’est
auoir plus d’aueuglement que de raison de faire entrer en paralelle,
vn Estranger, vn coupable, & vn proscrit, auec vn Prince
du Sang, vn enfant de la maison, vn homme qui n’a point
failly, & vn sujet naturel du Roy qui ne peut estre chassé du
Royaume pour quelque cause & pretexte que ce soit.

Pour monstrer auec plus de force & plus d’authorité qu’on
ne peut plus reuoquer justement la Declaration verifiée contre
le Mazarin ; c’est qu’il faut tenir pour certain, & pour vn
fondement indubitable, que les Rois sont obligez de garder
& obseruer les Loix qu’ils font & qui ont esté vne fois authorisées
& publiées par les Parlemens, qui en font l’acceptation
ou le refus auec connoissance de cause, comme Mediateurs
entre le Souuerain & le peuple, & ce à l’exemple de Dieu, qui
independant & tout-puissant qu’il est, veut neantmoins suiure
& executer celles qu’il nous a données sans y rien innouer ny
alterer, ne nous demandant que l’obeïssance, en s’obligeant à

-- 122 --

l’execution de ce qu’il nous a promis, & laissé par escrit, voulant
par sa Iustice infinie qu’elles soient reciproquement obligatoires
entre luy & ses creatures, accomplissant de son costé
ce qu’il a promis, & satisfaisant du nostre à ce qu’il nous ordonne,
& desiré de nous.

 

Les Souuerains qui ne peuuent pas estre plus justes, plus
sages, plus grands, ny plus jaloux de leur puissance & de leur
authorité, peuuent-ils demander plus de priuileges & plus de
liberté que le Roy des Rois, ny plus de pouuoir que celuy qui
peut tout sinon l’injustice & le desordre ? Quoy que les Rois
soient puissans, il y a neantmoins des choses qui leur sont impossibles,
non pas seulement par cette impossibilité Morale qui
regarde toutes les choses qui sont contre la bonne foy, contre
les bonnes mœurs, & contre l’honnesteté publique, Mais qu’ils
veulent encore leur estre impossible dans l’ordre de la puissance
& de l’authorité, puis qu’ils ne peuuent rien que par la
force de leur peuple, ou par l’aduis de leur Conseil ; N’estant
permis à qui que ce soit de frauder la Loy, ny de violer la Religion
qui la fait reconnoistre & reuerer ; Ce qui fit dire à Fabius
Maximus dans Tite-Liue ; Quid attinet leges ferri, quibus per
eosdem qui tulissent fraus fieret ; jam regi leges, non regere ; Ce qui est
si violent & si tyrannique, qu’vn grand Empereur auoit accoustumé
de dire, que puis que ; Eadem Majestas est, ne quis leges Imperij
violet, c’est pourquoy, disoit-il, nec me vnquam regnante, licebit ;
Autrement ce ne seroient plus les Ordonnances qui regleroient
& qui conduiroient les hommes, mais des hommes
ignorans, & des fauoris interessez qui ne s’en seruiroient que
suiuant leur caprice, & comme il leur plairoit pour contenter
leurs passions, & seconder leurs entreprises & leurs mauuais
desseins ; Nulla necessitas quantacunque sit, obtendi potest, vt Imperator
sub hoc pretextu leges Imperij, præsertim fundamentales, subuertere
illi liberum sit.

Tite-Liue,
lib. 10.

Clapmar. de
arcanis rerum
public.
lib. I. cap. 13.

Hippolit. à
lapide, de
ratio. Status
part. 2. cap.
3. sect. 4.

Sur ces principes Chrestiens & remplis de Iustice, le Roy, la
Reine Regente, & Monsieur le Garde des Sceaux, ayans assuré
& donné parole à Messieurs les Gens du Roy, le 9. Fevrier
1651. comme les Registres de la Cour en font foy ; Que l’absence
du Cardinal Mazarin n’estoit pas vne chose feinte ny supposée, susceptible
de condition, qu’il s’estoit retiré sans dessein ny pensée de retour ;

-- 123 --

que Monsieur le Duc d’Orleans le sçauoit, que cette parole ne manqueroit
iamais, & qu’ils pouuoient en assurer le Parlement.

 

En suite de ces promesses solemnelles, & de ces paroles
Royales qui ne peuuent & ne doiuent varier, sa Majesté fit
vne Declaration au mois de Septembre ensuiuant, qu’elle a
voulu estre verifiée au Parlement, laquelle contient les crimes,
& les causes qui l’ont portée à chasser ce mauuais Ministre
des terres de son obeïssance, sans espoir d’y pouuoir iamais rentrer,
ny ses parens & alliez, sous quel pretexte, cause, employ, alliance ou occasion
que ce soit, à peine d’estre declarez criminels de leze-Maiesté, &
perturbateurs du repos public, auec confirmation de tous les Arrests
qui ont esté donnez contre luy.

Si ces paroles Royales sont sans effet, si ces Declarations en
connoissance de cause sont sans obeïssance, & si tant d’Arrests
Souuerains & publiez sont illusoires & sans execution ; que deuiendra
l’authorité Royale ? Où trouuera-on la foy publique ?
& quelle assurance auront les peuples de leurs vies & de leurs
personnes ? Qui pourra les rechercher & les punir justement
des contrauentions par eux faites aux Loix du Royaume, si
elles sont incertaines, sans force, & sans execution pour les
coupables & les criminels ? La Iustice est esgale, tous les sujets
sont enfans d’vn mesme Roy, les Ordonnances n’en obligent
pas vn plus que l’autre, & si l’impunité regne pour les plus grandes,
il faut y adjoûter encore la compassion pour les pauures
& les petits qui ne pechent presque que par necessité, & qui
ne sçauroient faire de grandes maux quand ils auroient dessein
de l’entreprendre.

C’est pourquoy Monsieur le President de Believre, soustenant
l’importance de cette Declaration, & faisant connoistre à sa
Majesté comme elle est obligée de la faire valoir, & d’en appuyer
l’execution, luy dit auec sa constance & son integrité
ordinaire, dans la harangue qu’il luy fit à Poictiers le II. Ianuier
1652. Qu’apres la Declaration du 6. Septembre dernier, quand le
Cardinal Mazarin auroit toutes les qualitez de la sagesse, du sçauoir &
du bon-heur, il seroit honteux de l’appeller dans les Conseils, & dangereux
de s’en seruir. Qu’il y auroit de la honte, qu’au premier & plus
puissant Royaume du monde, qu’en la France remplie de tant de grands
hommes, de tant de capables & d’illustres sujets, & de reputation entiere,

-- 124 --

l’on se vid encore assuietty au Ministere d’vn Estranger, pour qui
l’on n’a plus de respect ny d’estime, & à qui l’on peut iustement reprocher
tant de fautes, & de si malheureux conseils, outre ceux pour lesquels sa
Maiesté l’a legitimement condamné.

 

Monsieur Talon qui est l’homme du Roy, & le premier mobile
pour soustenir ou abandonner cette Declaration qu’on ne
peut annuller ny reuoquer sans luy, ny ses deux Collegues, dit
sur ce suiet dans les conclusions par luy prises sur la fin de Fevrier
en l’an 1652. toutes les Chambres assemblées ; que comme il
n’y auoit aucun homme de bien qui put souffrir sans impatience & sans
indignation la mauuaise conduite d’vn Ministre descrié, qui mettoit le
trouble dans le Royaume, & l’Estat au hazard d’estre ruiné, aussi personne
ne pouuoit reuoquer en doute les ordres publics, sous la foy desquels
subsiste la Royauté, & sur le fondement desquels les suiets du Roy peuuent
esperer la tranquillité publique. Et vn peu apres representant
les desordres de la France, dit ; qu’ils ne peuuent estre imputez qu’au
retour du Cardinal Mazarin, & au seiour qu’il fait pres de sa Maiesté,
& à l’entrée qu’il a dans ses Conseils, & desquels desordres il est difficile
d’esperer la cessation, sinon par la retraite & l’expulsion dudit Cardinal,
lequel en effet est non seulement le pretexte, mais l’occasion & la
cause veritable de tous les maux dont nous sommes affligez. Nous sommes
informez qu’au mois de May dernier, ayant escrit au Pape, & s’estant
plaint à sa Sainteté des Arrests contre luy rendus en cette Cour, entr’-autres
de celuy qui porte qu’il luy sera couru sus s’il ne quitte le Royaume,
il voulut exciter sa Sainteté de s’irriter contre les Ordres publics, &
donner des censures Ecclesiastiques contre ceux qui en estoient les autheurs,
ce qui ne luy succeda pas auantageusement, parce que par la response
qui luy fut faite, & de laquelle nous auons la coppie, le Pape par
effet s’est mocqué de luy, & luy remonstrant sa condition Ecclesiastique,
& les grands honneurs & dignitez qu’il a receu de la France, il luy conseille
de la laisser en repos, & de preferer sa tranquillité à son interest particulier.
Adioûtant le mesme sieur Talon, que pour la contrauention
faite par le Cardinal à la Declaration du Roy registrée en la Cour le
6. Septembre dernier, il peut estre pour suiuy extraordinairement, condamné
& executé par effigie, cessant le respect que la Compagnie peut
porter à sa Sainteté, & au sacré College. Puis concluant, il dit, qu’il
sera remonstré au Roy, que le seiour du Cardinal Mazarin prés de sa Personne
& dans ses Conseils, est la cause, la matiere & le pretexte de tous

-- 125 --

les maux dont l’Estat est affligé, & de la suite de plus grands dont il est
menacé, & que l’esloignement dudit Cardinal est le plus prompt & le
seul remede pour y paruenir.

 

Si celuy qui porte la parole du Roy, & qui fait connoistre
ses volontez de dans ce grand Senat où est son lict de Iustice, &
la source de son authorité, parle ainsi touchant le retour du
Mazarin, & la Declaration qui le bannit ; N’est-ce pas se rendre
ridicule de vouloir soustenir le contraire par vn escrit priué,
inconnu, sans fondement, sans raison, & qui porte son
desadueu auec soy, puis qu’il est sans autheur, & sans personne
qui l’authorise.

Ce n’est point encore assez, il faut que l’Aduocat du Mazarin,
& le contempteur des Ordonnances de nos Rois sçache,
que non seulement les Gens du Roy demandent la subsistance
& l’execution de cette Declaration que l’on pense
abolir par vne simple satire, & vne rebellion manifeste ; mais
encore le Parlement en Corps au nom de tout le Royaume en
general, ce que Monsieur le President de Nesmond, Illustre
pour ses rares vertus, & recommandable aux siecles à venir
quand il n’auroit fait que cette seule action, a fait entendre à
sa Majesté en luy presentant à Sully, au mois de Mars 1652.
Les remonstrances par escrit dont il estoit chargé par le Parlement,
& luy disant de viue voix, en presence de la Reine Mere,
& de toute sa Cour assemblée pour l’escouter, ce qui s’ensuit,
qui est fidellement tiré des Registres du Parlement.

Ces Remonstrances, Sire, ont pour fondement principal la Declaration
& les paroles de vostre Maiesté, données si souuent à vostre Parlement,
deposées dans nos Registres, & publiées à tout le Royaume si solemnellement,
qu’on ne pouuoit entrer en doute qu’vne Loy si authentique
deut estre enfreinte. Cette Loy pour suiuie auec tant de Iustice, & receuë
auec vn tel applaudissement, est demeurée si viuement grauée dans les
cœurs de tous vos suiets, qu’elle n’en peut estre ostée sans les arracher, sans
alterer leurs affections qui sont les plus riches thresors de la Couronne, &
blesser la reputation de vostre Maiesté, qui consiste dans l’entretien de la
parole Royale, la source & l’ame de nos Loix, lesquelles estant les nerfs
de ce Corps politique, les anchres de ce vaisseau public qui affermissent
l’Estat & la Royauté, ne peuuent receuoir atteinte sans diminuer l’authorité
du Prince, puis qu’vn changement si soudain est vn adueu de

-- 126 --

quelque faute, ou vne marque de foiblesse.

 

Puis remonstrant à sa Majesté les guerres qu’on luy suscite
de tous costez, & donnant le remede pour les faire cesser, il
dit, que le seul esloignement du Cardinal Mazarin peut causer ce bonheur,
dans lequel vostre Maiesté trouuera l’execution de sa parole, le
maintien de son authorité, l’vnion de la Maison Royale, la paix estrangere
& domestique. Et dans la connoissance certaine de cette verité que
personne ne peut contester dans son cœur, nous n’estimons pas qu’il se
puisse trouuer vn homme de bien dans le Conseil, qui donne à vostre Maiesté
celuy de le retenir, sans se rendre complice de la ruine de son Estat, &
attirer sur soy la vengeance du sang François qui s’espand dans tout le
Royaume.

Paroles dignes
d’vn
grand &
vertueux
President.

Voyez si apres ces paroles dignes d’vn President au Mortier,
& d’vn Deputé du plus sage & du plus prudent Senat du monde,
l’Autheur des Sentimens suspects que nous impugnons,
peut auoir quelque sorte de raison d’escrire & de soustenir calomnieusement
comme il fait, que le Parlement a tort de poursuiure
& demander l’execution de la Declaration du Roy contre
le Mazarin ennemy iuré de l’Estat. Et dire en presence d’vn
Roy, d’vne Reine, d’vn Garde des Seaux, de quatre Secretaires
d’Estat, & de tous ceux qui donnent des aduis si contraires
& si pernicieux à sa Majesté, Qu’il n’estime pas qu’il se puisse trouuer
vn homme de bien dans le Conseil du Roy, qui donne à sa Maiesté celuy
de retenir le Mazarin au preiudice de cette Declaration contestée, &
ne rien repliquer là-dessus, c’est montrer ce que peut la verité
dans vne bouche saincte & des-interessée, & comme vn homme
de probité ne doit rien craindre que le vice & l’infidelité.

Ce mesme President de Nesmond qu’on ne sçauroit nommer
assez souuent, representant à ceux qui l’auoient deputé,
les instances qu’il fit à sa Maiesté pour la supplier d’aggreer
qu’on luy leut les remonstrances qu’il venoit de luy mettre en
main, & luy donnant aussi la Declaration verifiée que nostre
Autheur anonime & sans adueu tasche de faire passer pour vn
ieu d’enfant, il luy dit auec sa premiere generosité, Qu’il portoit
cette Patente à sa Maiesté pour luy faire voir, que s’estant voulu engager
la premiere fois à ses suiets, par tant de tesmoignages de sa volonté, ses
Officiers & ses peuples n’auoient fait en cela que la suiure par leurs inclinations ;
& que cet engagement estant lié par la Loy du Prince pleine de

-- 127 --

raison, & la submission des suiets, il estoit bien difficile de le separer &
de le rompre ; & que ce manquement de parole dans l’execution pouuoit
seruir de pretexte aux suiets de manquer à l’obeissance. Puis se retirant
d’aupres du Roy, sans auoir pû obténir seulement qu’on leut les remonstrances,
il luy dit ; Nous nous retirons puisque vostre Majesté le commande,
auec beaucoup de desplaisir de ce qu’il ne luy a pas plû de faire lire
les remonstrances de son Parlement en nostre presence ; nous deschargeons
nos consciences des mal-heurs qui en peuuent arriuer, & en imputerons
la faute à celuy qui vous donne ces Conseils, & ceux qui le soustiennent,
lesquels sont cause de tous les maux que souffre le Royaume.

 

Cet Illustre President ayant fait recit des discours fidels qu’il
auoit tenu à sa Maiesté, & ce en presence des Gens du Roy ; ces
organes de la parole Royale, & ces depositaires de ses volontez,
ont dit ; Monsieur Talon Aduocat general du Roy portant
la parole, qu’apres auoir entendu tout ce qui s’estoit dit & passé,
&c. il estoit necessaire de faire connoistre à sa Majesté, que le Cardinal
Mazarin n’a esté condamné par aucun Arrest de la Compagnie, mais que
sa condamnation ayant esté prononcée par la bouche du Roy & de la Reine
lors Regente, le Parlement a donné les ordres necessaires pour en accelerer
l’execution. Et de fait le Cardinal Mazarin s’estant retiré de la Cour
le 6. Fevrier 1651. la Reine deuers laquelle nous fusmes enuoyez nous
commanda de dire à la Cour, que cette retraitte estoit sans esperance de
retour. Et sur ce que nous la suppliasme de ne nous point rendre porteurs
de cette parole si precise & si solemnelle, si sa Majesté n’auoit dessein de
l’executer, elle nous fit l’honneur de nous confirmer sa promesse, dont le
Parlement l’a remerciée, & dans vne infinité d’occasions Monsieur le
premier President a reiteré cette mesme parole Royale, auec quelque sorte
d’exageration & d’estonnement, contre ceux qui vouloient la reuoquer
en doute. De sorte que les Arrests qui ont permis au peuple de luy courir
sus, ne sont pas des condamnations qui ayent esté renduës contre sa personne,
mais vne simple execution de la parole Royale, suffisante pour l’expulsion
d’vn Ministre Estranger, duquel la personne & l’administration
sont dans l’auersion de tous les peuples.

Et depuis pour rendre cette Declaration plus authentique, elle a esté
confirmée par Lettres patentes qui ont esté concertées dans le Conseil du
Roy pendant quinze jours & plus, qui ont esté monstrées à Monsieur le
Duc d’Orleans, & examinées, & en suite registrées en cette Cour, publiées
en l’audiance, enuoyées dans tout le ressort du Parlement pour estre renduës

-- 128 --

publiques ; dans lesquelles Lettres le Roy blasme sa mauuaise administration
en deux poincts principaux ; sçauoir est d’auoir empesché la
conclusion de la paix generale, & l’autre d’auoir esté l’autheur des pirateries
qui ont attiré sur la France la haine de toutes les nations estrangeres,
qui refusent auec nous toute sorte d’alliance & de commerce sur mer.

 

Laquelle Declaration du Roy pouuant estre considerée comme le dernier
acte de la Regence, & le premier de la Maiorité, elle ne peut estre SVRSISE,
encore moins REVOQVÉE, (escoutez Autheur des Sentimens
desreglez, les conclusions des Gens du Roy contre vous) Sans mettre en
compromis tous les actes du gouuernement de la Reyne Mere du Roy pendant
sa Regence, qui n’ont autre titre ne fondement pour subsister, que
les marques de l’authorité Roy le, & l’enregistrement dans vne Compagnie
Souueraine, semblable à celle dont cette Declaration est reuestuë.

Et de fait, le Parlement auparauant icelle ayant ordonné qu’il seroit
informé contre le Cardinal Mazarin, & quelques tesmoins ayans esté
entendus, il a esté surcis à toutes sortes de procedures apres la Declaration
registrée, parce qu’en matiere de crimes de cette qualité qui regardent le
gouuernement de l’Estat, le iugement du Roy ioint à la notorieté publique,
& la verification du Parlement, ont plus de force que toute sorte de
procedure iudiciaire, de preuues pare escrit, ou par tesmoins qui sont susceptibles
de contredits & de reproches. Lesquelles considerations estant
expliquées au Roy & connuës par sa Maiesté, luy feront voir qu’il seroit
inutile de luy enuoyer les Arrests rendus, ny les informations commencées
contre le Cardinal Mazarin, puisque le fondement de tout ce qui a
esté fait contre luy n’est autre que le iugement de sa Maiesté, & de la
Reyne sa Mere, pour l’execution desquels ont esté rendus tous les Arrests
qui ont esté necessaires & iuridiques, puis qu’ils ont pour fondement la
volonté du Souuerain registrée dans les Cours Souueraines, laquelle subsiste
encore à present, & ne peut estre reuoquée selon les Loix de l’Estat
que par vne Declaration aussi solemnelle & legitime qu’a esté la premiere ;
Sçauoir est par vn enregistrement & approbation des Compagnies
Souueraines, qui sont les depositaires des actes de cette qualité pour les
rendre par leur approbation authorisés dans l’esprit des peuples.

Apres la volonté du Roy, apres les conclusions de ses principaux
Officiers, apres les Arrests du Parlement pour faire executer
& subsister la Declaration contre le Mazarin ; iugez Lecteur
sans passion, si l’aduocat inconnu de ce Cardinal aueuglé,
à raison d’escrire comme il fait, que le Parlement a tort de surseoir

-- 129 --

seoir la Declaration qui est contre Monsieur le Prince, & de
presser l’execution de celle qui est contre le Mazarin ; sans nous
estendre dauantage en rapportant mille authorités, & vne infinité
d’exemples pour monstrer combien les Roys doiuent estre
exacts & religieux obseruateurs de leurs paroles, puisque c’est
la seule chose qui leur peut acquerir le nom de Iustes, & les
rendre recommandables à la posterité. Alphonse Roy d’Arragon
qu’on nous donne pour l’idée d’vn Prince parfait, auoit accoustumé
de dire, que ; Verbum principis iurisiurandi loco habendum :
& que ; si turpissimum est omnino fallere, in Regibus vero longé
turpius.

 

Sãtes. in vit.
Alphons.
Reg. Arragon.
tit. 24.
Panormita,
ibidẽ. lib. 1.
cap. 58.

Si le conseil qu’on appelle d’Enhaut peut casser l’Arrest
du Parlement donné contre le Mazarin.

Pour appuyer l’Arrest que le Mazarin a fait donner au
Conseil d’Enhaut tenu à Poictiers le 18. Ianvier 1652.
Pour casser celuy du Parlement, du 29. Decembre 1651.
l’autheur des Sentimens que nous improuuons, dit en la page
26. de son escrit, que les Arrests qui proscriuent le Mazarin portent
que ce n’est qu’en consequence de la volonté du Roy, qui est tesmoigner
qu’ils n’ont de force que ce qu’il plaist à sa Maiesté leur en donner ;
& que le Souuerain changeant de resolution & de volonté, ceux qui
n’ont agy que pour luy obeïr, doiuent aussi changer en mesme temps que
luy, &c.

Ce Sophisme est puerile & ridicule, & Messieurs les Gens du
Roy qui sont plus croyables & plus intelligens mille fois que ces
petits chicaneurs, ont si solidement & si puissamment fait connoistre
ce que c’est que de la volonté du Roy en ce rencontre,
que ce seroit plustost affoiblir leur resonnement que le fortifier,
voulant adiouster d’autres raisons que celles que nous venons
de tirer de leurs conclusions, & de leurs remonstrances imprimées
& publiées par ordre de la Cour.

Ce n’est pas d’auiourd’huy que le Mazarin tasche d’establir le
pyrrhonisme en France, aussi bien que l’infidelité, & qu’il enseigne
à tous ses Sectateurs, & au jeune Roy qu’il obsede & qu’il

-- 130 --

corrompt ; qu’il ne faut pas qu’vn Prince, & vn Ministre d’Estat
soient tellement esclaues de leurs paroles, qu’ils ne s’en
puissent desdire & les reuoquer honteusement, quand le mensonge
leur est plus vtile & plus auantageux que la verité ; qui
est vouloir anneantir & violer les liens de la Societé humaine, &
tout ce qu’il y a de saint & de sacré parmy les hommes. Les Souuerains
que nous reuerons comme les images de Dieu en terre,
n’ont rien qui les approche de plus prés de cette ressemblance
glorieuse, que le credit & la fermeté de leurs paroles quand ils
en vsent comme ils doiuent ; & comme ils y sont obligés ; Et tout
ainsi que le Tout-puissant a fait les hommes & tout le monde
par sa seule parole, il faut aussi que ses Lieutenans visibles les
gouuernent par la leur, & qu’ils en soient aussi ialoux que celuy
qui leur apprend, que le ciel & la terre periront & changeront
vn iour, mais que sa parole sera eternelle, & tousiours veritable.

 

Fides dictis,
promissisque
nulla, nisi
quatenus
expediat ;
Tacit. Annal.
l. 12. c. 2.

Cœlum &
terra transibunt,
verba
autem mea
non præteribunt.
S.
Math. c. 24.
vers. 35.

Examinons maintenant si le Conseil d’Enhaut peut casser
l’Arrest du Parlement dont on se plaint, s’il a la moindre marque
d’authorité qui puisse donner quelque couleur à cette haute
entreprise, & si trois ou quatre particuliers qui le composent,
& qui n’y ont autre entrée, autre seance, autre suffrage, autre
pouuoir, autre prouision, autre examen, ny autre droit d’y demeurer,
que l’adueu & le consentement du Mazarin qui est
l’obiet de leur politique, & le fond de leur iurisprudence, peuuent
donner atteinte & renuerser, comme ils s’imaginent, des
Declarations verifiées, & des Arrests Souuerains donnez en
connoissance de cause, & sur les conclusions vniformes par tout
de Messieurs les Gens du Roy.

Qui estoit Procureur general ou particulier, dans ce pretendu
Conseil d’Enhaut, pour requerir ou empescher l’execution
de cét Arrest & de cette Declaration verifiée, & depuis peu
contestée ? quel desordre, & quel desreglement dans l’Estat, si
trois ou quatre particuliers empruntez & corrompus, pouuoient
de leur authorité priuée casser & renuerser sans partie,
sans Officiers, & sans connoissance de cause, ce que les Iuges
vniques & Souuerains de cette Monarchie en cét endroit, ont
decidé & ordonné apres cent assemblées considerables, & autant
de deliberations importantes qui ne produisent que des
Loix & des Oracles irreuocables. Par tout où la Tyrannie n’est

-- 131 --

point reconnuë, la foy publique, & les Ordonnances generales
& receuës, ont tousiours preualu aux infidelitez & aux parjures
des particuliers ; & toute la France sçait & confesse, que
ce qui est vne fois iugé Souuerainement ne peut plus se reuoquer,
& particulierement lors que les mesmes causes subsistent
& demeurent en leur entier ; autrement quelle asseurance dans
les familles, quel ordre dans la Police, quelle seureté dans les
biens & dans la vie des hommes, & quelle marque certaine de
la volonté du Souuerain, & de l’authorité de ceux qui le representent ?
A quoy bon tant de verifications, tant de grands
seaux, tant de patentes, tant de signatures du Roy, tant de
Secretaires d’Estat, & tant de Greffiers de Parlemens ? Si toutes
les Iustices du monde ne peuuent pas oster la force qui se
trouue dans vn contract passé en bonne forme par vn simple
Notaire & deuant deux tesmoins de neant ; où sera celle qui
cassera & reuoquera sans ordre & sans raison celuy que le Souuerain
fait solemnellement auec son Estat, qu’il signe auec le
Secretaire de ses commandemens, que son Parlement enregistre
& confirme, & duquel tous ses sujets sont tesmoins irreprochables.

 

Cela estant, qui peut s’imaginer que ce grand Senat ordinaire
& reglé puisse estre reformé par ce pretendu Conseil, & que
des gens qui ne font aucun corps dans l’Estat, & qui se sont formez
eux-mesmes par la corruption du siecle, ayent le pouuoir
de casser ses Arrests ? Il n’y a pas vn François qui ne scache que
le Conseil n’a aucun caractere public, & qu’il y a tres-peu de
temps que le Roy donne des lettres à ceux qui le composent au
lieu des simples breuets qu’ils auoient auparauant. Toutes nos
Ordonnances attestent, & sa façon d’agir nous fait assez connoistre
qu’il n’a aucun territoire, ny aucune iurisdiction contentieuse.
Tellement que c’est plustost vne marque de son entreprise,
qu’vn effet de sa Iustice de casser cét Arrest, puis qu’il
n’a aucun droit n’y aucun pouuoir de ce faire, & qu’il veut par là
que la propre ruine de l’authorité de sa Maiesté, soit vne preuue
de la sienne particuliere, contre toute sorte de iustice & de
raison.

Quelqu’vn dira peut-estre, comme remarque l’excellent autheur
des maximes veritables du gouuernement de la France,

-- 132 --

que le Roy estant present à la deliberation, & que cela se faisant
dans le Conseil d’Enhaut, il n’y a point d’authorité au dessus
de la sienne.

 

Premierement, respond ce rare esprit, ce Conseil d’Enhaut
est vn mot nouueau, que les derniers Ministres ont inuenté
pour appuyer leur Tyrannie. Il n’y a pas dix ans qu’il estoit dans
l’idée, c’est vne inuention de la derniere Regence, on ne sçauoit
auparauant que c’estoit que ce Conseil emprunté, l’estranger
qui la baptisé de ce nom superbe, a voulu corrompre la façon
de parler de nos Peres, aussi bien que leurs mœurs & leur
discipline.

Et quoy qu’on en puisse dire, soit que le Roy se trouue en ce
Conseil, soit qu’il n’y soit pas present, il est certain neantmoins
qu’il n’y assiste pas pour y destruire les Loix de son Royaume,
puisque sa Souueraineté consiste particulierement à les
maintenir & obseruer ; c’est son serment, c’est le premier acte
de sa Royauté, c’est l’action la plus considerable de son Sacre, &
le contract le plus solemnel qu’il face auec son peuple, quia retinenda
sapienter reperta, & semper placita ; Ce qui a fait dire à vn de
nos plus sçauans François, que comme il n’y a que Dieu qui soit
Tout puissant, & que la puissance des hommes ne peut estre absoluë
tout à fait, il y a trois sortes de Loix qui bornent la puissance
du Souuerain sans interesser la Souueraineté ; à sçauoir
les Loix de Dieu, pource que le Prince n’est pas moins Souuerain
pour estre sujet à Dieu ; Les regles de iustice naturelles &
non positiues, pour ce que c’est le propre de la Seigneurie publique
d’estre exercée par iustice, & non pas à discretion ; & finalement
les Loix fondamentales de l’Estat, parce que le Prince
doit vser de sa Souueraineté selon la propre nature nature en la forme,
& aux conditions qu’elle est establie ; qui est l’aduis que Ioseph
donne au Roy qu’il instruit, disant que ; Rex quisquis fuerit,
plus Deo & legibus, quam suæ sapientiæ tribuat, nihilque præter Senatus
sententiam faciat. Voila pour quoy tout ce qui se traitte dans
son Conseil secret ne peut pas destruire l’ordre estably de tout
temps dans le Royaume, ny esbranler les colomnes les plus
fortes, & les plus necessaires de son Empire ; Nulla enim necessitas
quantacunque sit, obtendi potest, vt Imperator sub hoc pretextu leges
Imperii, præsertim fundamentales, subuertere illi liberum sit.

Tacit. annal.
lib. 3.

L’oyseau des
Seigneurs.
ch. 2. n. 9.

Ioseph. antiq.
Iudai.
lib. 4.

Hippolit. à
lapide, de
ratio. status,
part. 2. cap.
8. sect. 4.

-- 133 --

Le conseil a ses matieres, le Parlement a les siennes ; on
peut traitter dans le Conseil des recompenses, des honneurs,
& des dignitez ; on y peut encore deliberer (quand la guerre
a esté concluë & declarée comme dessus) de donner bataille,
ou de ne la pas donner, d’assieger vne ville plustost qu’vne autre,
parce qu’il y auroit de l’inconuenient de faire tout cela
dans le public, outre qu’on ne blesse point pour lors ny les loix,
ny la police generale de l’Estat.

Mais dés le moment qu’il s’agit de quelque chose où le
peuple a interest, ce n’est pas dans le Conseil qu’elle doit estre
resoluë, puis que le Roy ne peut contracter auec son peuple
que dans son Parlement, ny rien destruire de ce qu’il a fait que
dans le mesme lieu, parce que ces matieres sont publiques &
contentieuses. C’est là que tout se doit examiner auec liberté
de suffrages, le Roy y a son lict de Iustice, comme il auoit son
Tribunal esleué dans l’Assemblée generale des Francs & de ses
Barons. Le Parlement represente cette assemblée, c’est la mesme
authorité. Aussi ne trouue-on point de lettres de son Institution,
parce qu’estant la representation de la Monarchie toute
entiere qui s’assembloit tous les ans ; In campo Martio ; dans
la premiere Race, ou de l’assemblée des Grands du Royaume
dans la seconde, & fort auant dans la troisiesme ; il est aussi
ancien que la Couronne, & son commencement est celuy de
la France.

Ce n’est pas donner atteinte à la Souueraineté du Roy, de
deffendre les Loix fondamentales de sa Monarchie ; Chaque
Estat a sa police, & ce qu’il y a de plus remarquable dans le nostre,
c’est qu’il est tout naturel ; c’est à dire que toutes choses s’y
font par le consentement du Souuerain auec ses sujets, & des
sujets auec le Souuerain, par vne harmonie, & vne correspondance
reciproque. La Souueraineté de nos Rois est de faire
Iustice, & toute sorte de bien ; ils sont les veritables Images de
la Diuinité qui ne peut iamais faire de mal ; Leur Souueraineté
est absoluë lors qu’il s’agit de l’execution de la Loy, & non
pas de la destruire ; Est enim bonus Princeps, Minister & Vicarius
Dei in terris, vt iuxta Norman legis Dei & alias suæ Reipublicæ leges
honestas, regat subditorum mores ; Officium vero eius est, legum custodia,
& executio seuera.

Dauid Chythreus
de
hist. in præfat.

-- 134 --

Puis que c’est vne verité constante, comme nous venons de
prouuer, que toutes les grandes affaires du Royaume se traittent
& se sont tousiours traittées dans le Parlement ; Que c’est
le lieu seul où le Roy fait les Loix, & contracte auec son peuple ;
il est certain que par vn Arrest mandié du Conseil, on ne
peut pas destruire la Declaration qu’il a faite contre le Mazarin,
non plus que l’Arrest de sa verification, & celuy qui met
sa teste a pris, pour l’auoir enfrainte & violée.

Sa Majesté a donné plusieurs fois sa parole Royale que ce
Cardinal criminel ne pourroit estre restably pour quelque cause,
pretexte, & occasion que ce fut ; La Declaration enuoyée
& verifiée au Parlement le porte formellement, c’est vn contract
solemnel, & qui est le fondement d’vn nombre infiny
d’Arrests ; cette patente n’est point vne Loy nouuelle, c’est
vne maxime ancienne dans le Royaume, & la premiere de tous
les Estats, de ne laisser iamais le gouuernement entre les mains
des Estrangers, & principalement de ceux qui ont pris leur
naissance & leur origine dans vne terre ennemie ; l’Edict de
Loudun y est formel, & l’Arrest rendu contre le Mareschal
d’Ancre, donné à la Requeste du Procureur general du Roy,
confirme cét vsage.

Pour donc casser l’Arrest du 29. Decembre 1651. & cette police
naturelle & ciuile qui se trouue confirmée par la Declaration
verifiée contre le Mazarin, & par tant de paroles Royales
si souuent reïterées ; il faloit que le Roy vint au Parlement,
qu’il apportast luy-mesme, ou qu’il enuoyast vne Declaration
contraire, laquelle fut verifiée auec liberté de suffrages ; &
qu’il y fit voir & à toute la France, que la Loy qui deffend aux
Estrangers l’entrée dans le Ministere, & dans les charges publiques,
est vne Loy injuste ; qu’vn Estranger & bien souuent
vn ennemy de l’Estat, est preferable à vn Regnicole, à vn François
naturel, aux Princes de son Sang, à tous ses Parlemens, à
tous ses Officiers, à tous les Ordres du Royaume, & à tous les
peuples qui s’en plaignent, & qui luy ont tant de fois demandé
justice contre luy.

Il falloit que le Roy fit connoistre dans cette Assemblée des
Pairs & de tant de Senateurs irreprochables, que le Cardinal
Mazarin n’a point rompu la paix generale, que ce n’est point

-- 135 --

luy qui a exercé la piraterie sur la mer, qu’il n’a point esté d’intelligence
auec les ennemis pour laisser prendre Courtray, &
le Royaume de Naples qui nous tendoit les bras. Qu’il n’est pas
vray aussi qu’il ait traitté la pluspart des grands du Royaume
de Cromvvels, & de Fairfax. Qu’il ait voulu faire passer dans
l’esprit de sa Majesté, le Parlement de Paris pour le Parlement
d’Angleterre. Que c’est auec raison qu’il fit emprisonner
Monsieur le Duc de Beaufort dés le commencement de son
Ministere. Qu’il n’a point fait aussi empoisonner Monsieur le
President Barillon ; qu’il a pû retenir le Mareschal de la Mothe-Houdancourt
trois ans entiers en prison, & luy fait faire son
procez par des Commissaires tirez d’vn Parlement dont il n’estoit
point iusticiable ; faire arrester Monsieur de Broussel &
Monsieur le President de Blanc-Mesnil au milieu des prieres
publiques, & les enleuer de force comme des criminels ; enuoyer
chez plusieurs autres Officiers du Parlement pour les
faire prendre auec la mesme violence, à cause qu’ils auoient
deffendu l’honneur du Roy, & l’interest de ses sujets. Qu’il
auoit eu raison de faire emprisonner le Mareschal de Rantzau
pour le despouïller de son Gouuernement, & le donner à vne
de ses creatures. Que sans Declaration verifiée, & en vertu de
simples Arrests du Conseil, il auoit contre toutes les formes
du Royaume, pû faire des taxes sur des particuliers, retrancher
les gages, les rentes, & faire toute sorte de leuée sur les Marchandises ;
& que trois cent millions de liures imposées en
deux années de Regence, desquelles on n’a rien donné à personne,
auoient esté neantmoins vtilement employées.

 

C’estoit par cette iustification que le Mazarin deuoit preparer
son retour dans le Royaume d’où il est si iustement banny ;
c’estoit au Parlement, & non pas au Conseil qu’il a basty, qu’il
deuoit s’adresser ; c’est le lict de Iustice du Roy, il n’a point
d’autre Tribunal. Et puisque c’est le lieu mesme où sa Maiesté
l’a declaré criminel, & l’a condamné par vne Declaration authentique
& verifiée ; le Conseil n’a pû & ne peut rien pour luy
touchant son absolution, puisqu’il n’y a personne qui ne sçache
& qui ne demeure d’accord qu’il n’a point de iurisdiction contentieuse,
qu’il n’a aucun pouuoir de condamner ny d’absoudre
personne ; l’Ordonnance de Blois art. 81. y est formelle, ce

-- 136 --

sont les Loix de l’Estat, c’est l’vsage du Royaume, il les faut
obseruer & en demeurer là, autrement nier les principes, &
ramener les choses en leur premiere confusion.

 

Si Monsieur le President de Nesmond a dit en presence du
Roy & de tous ceux qui enuironnent sa Majesté, qu’il n’y auoit
point d’homme de bien dans son Conseil qui pût luy conseiller de retenir
le Mazarin auprés de soy ; ie dis aussi qu’il n’y a point
de bon ny de fidelle François qui puisse trouuer ces veritez
estranges & dangereuses ; puisque pour estre dans vn Estat
Monarchique, elles ne choquent en façon que ce soit l’authorité
Royale, y ayant tres-grande difference entre la personne
du Roy & la Royauté, parce que la personne du Roy n’est que
le Corps de la Royauté, qui veritablement est tousiours sainte
& sacrée ; mais l’ame & la substance de cette mesme authorité
est toute autre chose, sçauoir la Loy, la Iustice, les ordres publics,
la façon du Gouuernement, & la coustume ancienne ;
toutes lesquelles choses ne se trouuent, ne se conseruent, & ne
se pratiquent que dans le lict de Iustice de nos Rois qui est le
Parlement, qui n’est qu’vn auec le Souuerain, puis qu’il luy
communique toutes ses volontez, qui ne peuuent auoir aucune
force, ny aucun effet que celuy qu’il luy donne en les authorisant
& les verifiant ; ce que Louis XI. a bien reconnu
aussi bien que les Empereurs Romains, disant en son Ordonnance
de l’an 1467. que les Officiers de son Parlement, sont
parties essentielles de la chose publique, & membres du corps
dont il est le Chef ; sans que luy ny aucun de tous nos Rois l’ayent
iamais dit du Conseil d’Enhaut, ny du Conseil d’Enbas,
qu’ils sçauoient bien estre sans caractere & sans Magistrature
aucune.

D’où vient donc dira quelqu’vn, que le Conseil d’Estat est
Iuge des Reglemens, & que souuent il decide les contestations
qui sont entre les Parlemens ?

La response est bien facile, dit l’excellent esprit des Maximes
veritables cy-dessus alleguées ; c’est que les Parlemens
ayans esté multipliez par la suite des temps, & pour fournir au
grand nombre d’affaires qui s’augmentent tous les iours, il a
bien fallu vn tiers pour le iuger, & regler les differens qu’ils
ont les vns auec les autres. Autrefois le grand Conseil fut estably

-- 137 --

pour cela, ce que le Conseil a vsurpé comme beaucoup
d’autres choses, encore que cet employ ne soit point vne marque
de iurisdiction ny de superiorité, parce que les Reglemens
ne regardent iamais les affaires publiques, mais les moindres
de toutes les particulieres.

 

Et on void bien que ces Messieurs qui ont dressé ce pretendu
Arrest du Conseil qui casse celuy du Parlement, n’ont pas coustume
d’en donner, puis qu’il est injurieux à sa Majesté, contraire
à son authorité & honteux en sa forme ; en ce qu’on fait
dire au Roy qu’il fait reuenir ce Cardinal en France, pour amener
vn grand Corps de trouppes leuées à ses despens pour seruir
sa Majesté dans l’occasion des presens mouuemens, dont sa
seule presence est la cause. Nous auons fait voir l’impertinence
& la sottise de ce discours cy-deuant.

On adjouste en suite, que l’Arrest du Parlement blesse le
College des Cardinaux, & le Chef de l’Eglise dont ils sont les
principaux Membres, &c. Nous auons si amplement iustifié le
contraire de cette proposition erronée & criminelle, dans vne
section precedente & particuliere pour cela, que ce seroit abuser
de la patience du lecteur de rebattre ce mesme erreur, & le
refuter dauantage ; estant vne ignorance, où plustost vne malice
insuportable à des gens qui se disent Ministres d’Estat, &
qui se font reformateurs des Parlemens, d’oser mettre en
auant que les Cardinaux & les Euesques de France ne sont
point justiciables du Roy ny de ses Officiers, puis si le Roy n’est
point leur Iuge, il ne peut pas estre leur Souuerain, & faut
que ces Messieurs luy soint esgaux, voire Superieurs en quelque
façon, puis qu’ils auront pouuoir de l’offencer, sans qu’il
ait droit de les punir, & qu’il sera sujet à leurs censures, pendant
qu’ils seront exempts de sa justice.

L’Autheur de ces Maximes dangereuses deuoit bien se souuenir
que le Pape d’aujourd’huy ayant faite vne Bulle le 19.
Fevrier 1646. laquelle fut publiée le lendemain, & affichée :
aux portes de Saint Pierre de la Chancellerie, & dans le champ
de Flora de la Ville de Rome, auec ordre à tous les Cardinaux
de se rendre à Rome dans six mois apres la publication d’icelle,
à peine d’interdit, & d’estre priuez de tous leurs reuenus sans
aucune reserue pour leur nourriture & entretien, & enfin despoüillez

-- 138 --

de tout ce qu’ils possedent, &c. Sans qu’ils se puissent
exempter de ces peines, sous pretexte d’estre employez au seruice
de quelque Prince, Estat où Royaume que ce soit.

 

Le Pape non content de cette Bulle rigoureuse, donna charge
à Monsieur le Nonce de faire des plaintes au Roy, & à la
Reine Regente sa Mere contre les Cardinaux Barberins qui
s’estoient mis en la protection de sa Majesté, & Monsieur le
Chancelier ayant esté mandé au Palais Royal pour estre present
à cette Remonstrance qui se fit le 26. Octobre 1646. Mondit
Sieur le Nonce ayant acheué son discours, & repeté ces
deux freres qui s’estoient refugiés en France, Monsieur le
Chancelier prenant la parole au nom du Roy, luy fit entendre
que le Conseil de sa Majesté s’opposoit formellement à l’execution
de cette Bulle, soustenant fortement que les Cardinaux
qui estoient en France, & sous la protection du Roy seulement,
n’estoient pas justiciables de sa saincteté. Apres quoy
on ordonna à Messieurs les Gens du Roy du Parlement de Paris
d’interjetter appel comme d’abus de cette Bulle, sur cette
seule consideration que les Cardinaux Mazarin, & Barberins
qui estoient pour lors en France, ne pouuoient par les Loix du
Royaume estre justiciables de sa saincteté. Apres cela qui ne
s’estonnera de voir ces Satires de Cour souffler le chaud & le
froid d’vne mesme bouche, & l’insolence où ils sont de ne
vouloir despendre ny de Dieu, ny du Pape, ny du Roy.

Sous pretexte que vous auez la personne d’vn Roy de treize
ans & demy que vous auez enleué aux Princes de son Sang, à
son Parlement, à la capitale de son Royaume, & à tous les bons
François, pour le mener par le né comme vn jeune Ours de
Prouince en Prouince, & le rendre esclaue d’vn Estranger qui
trompe la Mere, & qui se jouë du Fils, vous vous persuadez
que vous auez l’authorité Royale auprés de vous ; vous vous
trompés, le Roy n’est point libre, vous n’en possedés que l’ombre
ou le corps, la Royauté n’y est point tres-asseurément ; elle
est dans son lict de Iustice & dans l’ordre public, comme ie
viens de remarquer, & dans le Parlement qui est le lieu seul &
ordinaire où il exerce tous les Droits de son Empire ; Majestatis
iura penes Imperium, non penes Imperatorem sunt ; Simulachra Imperij
relinquuntur Imperatori, vis tamen Imperij, ac iura Majestatis, in ordinum
potestate manent.

Hippolit. à
lapide, de
ratio. Status
part. I. cap.
4. sect. I. &
part. 2. cap.
6. sect. I.

-- 139 --

C’est pour quoy il faut conclure sans iniustice & sans nouueauté,
que l’Arrest pretendu de cassation du 18. Ianuier 1652.
n’est qu’vne suite des entreprises du Conseil, qui n’a iamais esté
fait pour regler la police du Royaume, ny iuger les criminels
de leze Majesté, comme chacun sçait ; mais seulement pour
donner de simples aduis à la suite du Roy, l’authorité legitime
& veritable de sa Majesté n’estant que dans la volonté du Roy
expliquée & verifiée dans son Parlement, qui est-le lieu de son
throsne & de son Tribunal, dont les Princes du Sang, les Ducs
& Paris, & les principaux Officiers de la Couronne font partie
seulement, sans qu’aucun du Conseil d’Enhaut y ait ny voix
ny seance en qualité de Ministre, ou de Conseiller d’Estat simplement.

Les raisons solides & veritables manquant à nostre Panegiriste
Mazarin, il vient aux ridicules & aux impertinentes, &
taschant de rendre suspects & odieux Messieurs du Parlement,
il dit en la page 28. & 29. de son plaidoyer, Que tant qu’ils n’ont
esté que spectateurs des souffrances du peuple, ils n’ont dit mot ; mais que
venant au retranchement de leurs gages, ils se sont esleuez, troublez, &
irritez, & pour se vanger ont voulu prendre connoissance des affaires
d’Estat, sans considerer que les ministres subalternes estoient cause de
cola, & non son Eminence ; Ces subtils, & ces clair-voyans, (parlant
du Parlement par mespris & par derision à son ordinaire) n’ayans
ouuerts les yeux aux desordres de l’Estat, que lors que l’on a parlé
de leur faire ouurir leurs coffres, & leurs thresors, &c.

Aduocat de la tyrannie, vous accusez auec trop d’insolence
& trop d’impunité des Magistrats sans reproche, & parce qu’ils
vous condamnent en la personne de celuy qui vous corrompt,
vous n’en pouuez bien dire, ny bien escrire ; mais vos iniures
sont si ridicules, & vos inuectiues si peu raisonnables, qu’elles
se ruinent & se destruisent elles-mesmes ; & particulierement
quand vous dites, que ces graues Senateurs ne se sont esleuez, que lors
qu’on a parlé de retrancher leurs gages, comme si toute la France ne
sçauoit pas qu’ils n’en ont point, parce que de cinq cent liures
qu’ils deuroient toucher pour des charges de quarante mille
escus, il en faut pres de quatre cens à la Polette, & cent vingt-cinq
pour le quart de retranchement que vostre Mazarin, &
ses predecesseurs leur desrobent tous les ans pour assouuir leur

-- 140 --

auarice insatiable, & enrichir leurs valets, & leurs maigres parens
au poinct prodigieux où nous les voyons, à la honte & à la
confusion de tant de gens de bien & d’honneur qu’on laisse
abbatre & mespriser pour metamorphoser en vne nuict des petits
Bourgeois ou des pauures Cadets, en Princes, en Ducs &
Pairs, en Officiers de la Couronne, en Gouuerneurs de Prouinces,
& en Seigneurs de sept & huict cens mille liures de
rente, tirées du sang & de la sueur de sept ou huit cent mille
bons sujets qu’il faut mettre à la besace, & faire coucher dans
les ruës & dans les escuries, pour loger ces voleurs publics, &
ces sangsuës du peuple dans des palais dorés qui font honte à
nos Eglises, & faire manger leurs palfreniers & leurs marmittons
dedans de la vaisselle d’or & d’argent qui meubleroit toute
vne ville.

 

Si Messieurs du Parlement sont à blasmer pour ce qui est de
leurs gages & de leurs appoinctemens, c’est de se contenter
comme ils font du peu qu’ils en ont, & de souffrir que des partisans
& des maltotiers leur retiennent tous les ans pour festiner
& dormir la grasse matinée auec les femmes & les filles de
condition qu’ils desbauchent & qu’ils entretiennent auec tant
de profusion ; pendant que ces bons Senateurs quittent leurs
femmes & leurs enfans pour venir au Palais deuant le iour, &
qu’ils negligent leurs propres affaires pour trauailler à celles
de ceux qui leur demandent iustice, & qui n’ont autre bien que
celuy qu’ils leur conseruent. Ceux qui sçauront ce que c’est
du Parlement que vous accusez auec tant d’iniures, connoistront
assez que les Conseillers qui le composent n’acheptent
point leurs charges, ny pour les gages, ny pour les profits qui
en reuiennent, mais seulement pour auoir occasion de seruir le
Roy, & de soulager son peuple & ses suiets en les protegeans
contre les Ministres qui en sont les ennemis declarez, & en
leur faisant Iustice contre les Partisans. Le moindre valet du
Mazarin gaigne plus en trois mois, que le plus employé de tous
ces Messieurs en dix ans ; & s’il faut chercher des thresors on
en trouuera plus chez le dernier de cinq cens mal-totiers
qui sont assez connus, que chez tout le Parlement ensemble,
où il n’y pas vn Conseiller qui ne soit plus pauure &
plus incommodé, que lors qu’il achepta sa charge, ce qui ne se

-- 141 --

dira pas de ceux qui composent le Conseil d’Enhaut, & celuy
des Finances, dont la pluspart ont estez valets, ou de petits
commis à pied, qui ont trois & quatre carosses maintenant,
auec des deux & trois cent mille liures de rente, n’y ayant personne
qui ne voye encore auiourd’huy qu’il n’y a plus de place
dans le Conseil du Roy, dans le Conseil Priué, dans le Conseil
d’Estat, ny dans celuy des Finances qui sont le sang du peuple,
que pour les esclaues & les creatures du Mazarin, ou d’vn autre
Fauory comme luy ; sans qu’on y appelle iamais aucun du Parlement,
parce qu’ils sont incorruptibles, qu’ils ne connoissent
point l’injustice, & qu’ils empescheroient les voleries & les brigandages
qui s’y commettent tous les iours.

 

Combien d’Abbayes & d’Eueschez void t’on donner aux
Conseillers Clercs qui rendent la justice de dans ce grand Senat
auec tant d’integrité & tant de preuues de leur vertu & de leur
suffisance ? Pour paruenir à ces dignitez, il faut renoncer à l’honneur,
& pourueu qu’on puisse estre Maistre de Chambre, Aumosnier,
Chappelain, espion, ou macquereau du Mazarin, la
Mittre & la Crosse sont asseurées, encore qu’on soit sans doctrine,
sans naissance & sans probité, comme nous voyons presque
en tous ceux que cet ennemy des gens de bien a Prelatisé, à la
honte de l’Eglise, & au mespris du Sacerdoce.

Le Panegiriste Mazarin s’estonne, & s’escrie par forme de reproche,
en la page 29. & 30. de ses lamentations douloureuses,
que pendant le dernier siege de cette grande ville de Paris, on a veu son
Altesse Royale & Monsieur le Prince armez, & coniurez tres estroittement
pour la conseruation de ce Prelat, &c.

On void bien que cet Escriuain à gage est vn pecheur endurcy
qui condamne la resipiscence, & vn Conseiller aueuglé qui
ne veut pas qu’on reuienne de l’erreur dans lequel on est, ny
qu’on prefere la justice & la prudence aux desordres & aux violences
que l’on connoit. Quand ces deux grands Princes ont
suiuy la Reyne auec le Mazarin, ils ont crû que c’estoit la querelle
de sa Maiesté, & non pas les interests de ce proscrit qu’ils
auoient à combattre ; & si depuis ils ont descouuert les fourberies
de ce traistre, & les desseins qu’il auoit de les rendre Ministres
de ses passions pour ruïner plus facilement ceux qui s’opposoient
à ses Tyrannies ; n’ont-ils pas raison, non seulement de

-- 142 --

l’abandonner, mais encore de le chastier en faisant executer la
Declaration du Roy, qui le chasse de ses Conseils, & qui le
bannit de ses Estats sans espoir d’y pouuoir iamais rentrer.

 

Si apres tant de condamnations, & tant de connoissances
qu’ils ont des crimes & du mauuais gouuernement de ce perfide
qu’ils doiuent connoistre mieux que personne, ils venoient encore
à le proteger contre la volonté du Roy, le bien de son Estat,
leurs propres Conseils, les Arrests de tous les Parlemens, &
contre les vœux & les prieres de toute la France ; que deuiendroit
leur honneur & leur reputation ? Quel estime pourroit-on
faire de leur probité & de leur vertu ? Quel amour, & quelle
affection pourroient-ils desirer des peuples en les abandonnant
de la sorte ? Qui vangeroit l’emprisonnement rigoureux
de Monsieur le Prince, & qui empescheroit le second que ce
Tyran luy prepare s’il peut le surprendre encore vne fois ? C’est
pourquoy mieux conseillez & plus instruits des maluersations,
& des mauuais desseins de cet ingrat qui ayant emprisonné l’vn,
faisoit tout sans l’autre ; sans vser de la vengeance, & du pouuoir
qu’ils ont en main pour rabattre l’insolence d’vn petit
Italien qui les gourmande & qui leur fait la loy ; ils laissent faire
la iustice, & s’acquittans de leur deuoir, ils se rangent de son
party pour ne pas proteger dauantage vn meschant & vn temeraire
qui n’a rien de recommandable que sa qualité de Cardinal,
làquelle estant en luy vn present de la fortune, & non pas vne
recompence de la vertu, est vn ornement deshonoré par celuy
qui en est reuestu ; comme a tres-bien representé le Parlement
de Paris dans ses remonstrances par escrit, mises entre les mains
du Roy à Sully.

De plus les Conseils d’Estat ne se connoissans bien que par les
euenemens, ces deux soustiens de la Couronne voyans qu’vn
plus long sejour & vne plus grande tolerance du Mazarin, ne
faisoient qu’aigrir les maux, & redoubler les miseres du Royaume ;
ils ont crû, & tres-prudemment resolu, qu’il valoit mieux
s’en deffaire au commencement d’vn nouueau Regne, & à la
fin d’vne Regence, que d’attendre qu’il ait peruerty & corrompu
l’esprit d’vn jeune Roy, comme il a fait celuy d’vne bonne
Reyne.

Quand ce mesme autheur employe toutes ses couleurs pour

-- 143 --

tascher de persuader au peuple és pages 34. & 35. de son Eloge
Mazarinique, l’image affreuse qu’on luy a despeint de ce Cardinal, n’est
qu’vn fantosme qu’on luy presente pour l’effrayer, & le jetter dedans vne
rebellion insensée, & le precipiter dans vne ruïne infaillible, &c.

 

Il s’imagine fasciner les yeux des François par la beauté de ses
paroles, & leur persuader que les maux, & les miseres qu’ils
souffrent depuis tant d’années, ne sont qu’imaginaires & sans
douleur ; que les ruïnes de tant de familles ne sont que pour leur
faire exercer vne pauureté Euangelique ; que le violement de
tant de femmes, de filles, & de religieuses, ne sont que des excez
d’amour, & des tesmoignages d’vne amitié legitime que les
Satrapes du Mazarin ont pour elles, puis qu’elles sont faites pour
les hommes & non pour les cheuaux ; que le bruslement des Eglises,
& des villages, ne sont que des feux de joye ; que prendre les
chairuës & le bestail des laboureurs, n’est que pour les descharger
d’vn trauail ennuyeux ; & que tyranniser les peuples, & tuër
les plus foibles & les plus innocens, c’est les honorer de la gloire
& de la Couronne du Martyre.

Si auec cette haute Rethorique vous pouuiez rendre les
corps impassibles, & leurs souffrances phantastiques, veritablement
vn peu de Christianisme produiroit beaucoup de vertu &
de patience ; mais puisque vos consolations sont fausses, que
vos promesses sont sans effet, que nos calamitez redoublent tous
les iours, que nos douleurs s’aigrissent de plus en plus, que nous
voyons que les desordres s’augmentent, & que tout va de mal
en pis par la malice & le mauuais gouuernement du Mazarin ; Si
vous n’auez que des paroles pour nous guerir, rengainez ie vous
prie vostre Eloquence, nous connoissons les remedes dont nous
auons besoin, & puis que nous sçauons la cause de nos maux, il
n’y a qu’vn meschant & cruel medecin comme vous qui puisse
nous conseiller de l’entretenir & de la flatter, au lieu de la couper
& d’y mettre le fer. Il seroit à souhaitter pour la consolation
des gens de bien ; que vous ayez à faire à vn Prince comme estoit
Alphonse Roy d’Arragon, qui ayant retiré dãs ses Estats vn Medecin
François qui s’y fit Aduocat voyant que la Medecine ne
luy apportoit aucun profit, & ce auec tant d’heur & tant de
succez, qu’il gagnoit toutes sortes de causes par la subtilité de
ses raisons, ce qui fit que personne n’osoit plus playder contre

-- 144 --

luy ; & fut contraint ce sage Roy de faire publier vn Edit pour luy
deffendre le Barreau, & d’ordonner que ; Omnis lis quam Gallus
patronus susciperet, ipso iure haberetur iniqua & iniusta. On en peut
dire autant & iustement, de celle que vous soustenez, & puisque
vous auez assez de presomption pour playder contre tous les
Parlemens, tous les Iuges & tous les Aduocats du Royaume, &
que vous pretendez faire passer pour innocent celuy qui est dans
l’abomination de tous les hommes, si vous gagnez ce procez,
ie crois qu’on sera contraint de demander à sa Maiesté vn pareil
Edict contre vous, que celuy du Roy d’Arragon, & qu’on vous
donnera tout au moins le premier rang entre ceux qui ont fait
les Apologies de Iuda, d’Appollonius Tyaneus, de Neron, de
Rauaillac, & de cent autres criminels comme ceux-là, & celuy
que vous paranimphez.

 

Santes. in vita
Alphons.
Regis Arrago.
tit. 14.
Panormita.
ibid. lib. 4.
cap. 38.

Que l’Authorité Royale est temperée,
& comment.

LE meilleur conseil qui soit dans vostre escrit, est le beau
sermon que vous faites depuis la page 37. iusques à la 47.
pour nous persuader qu’il ne faut point se rebeller contre
son Roy.

Cette doctrine est trop sainte & trop Chrestienne pour n’en
estre pas d’accord auec vous, encore qu’elle soit tres-inutile en
cet endroit, puis qu’il ne faut pas se tourmenter comme vous
faites, pour prouuer vne chose que personne ne conteste. Si
vous-mesme & vostre Mazarin donniez quelque creance aux
Peres que vous nous alleguez, vous appaiseriez tres-asseurément
tous les maux que vous causez, & rameneriez le Roy dedans
sa capitale, aupres des Princes de son Sang, & dans son
Parlement pour estouffer les desordres que son absence, & que
la presence de vostre Cardinal apportent.

Et pour vous rappeller de tous les erreurs où vous estes, &
leuer les soupçons que vos Sectateurs, & les simples qui vous
croiront, pourroient auoir contre le Parlement de Paris que
vous traittez de rebelle, il faut que ie vous face connoistre ce

-- 145 --

que peut l’authorité Royale, & ce qui est du deuoir du Parlement
qui l’a conserue, lors qu’il s’agit de destromper vn Roy, &
de luy maintenir son Estat quand il est dans son panchant.

 

Vous auez assez de lumiere naturelle, & assez de connoissance
de la Politique humaine, pour ne sçauoir pas que de toutes
les Monarchies de la terre, il n’y a que celle du Turc qui soit
Despotique, c’est à dire, independante, & de Maistre à Esclaue.
Toutes les autres que nous voyons sont temperées par vne
espece d’Aristocratie qui les maintient & qui les conserue, sans
pouuoir soustenir qu’elles en soient moins Monarchies, n’y
moins Souuerains pour cela. Tacite qui est vn des premiers, &
des plus intelligens qui ait jamais parlé de nos mœurs, descriuant
le gouuernement des anciens Germains dont nous sommes
descendus, dit qu’ils faisoient leurs Roys de la maison la
plus noble & la plus illustre, mais qu’ils n’auoient pas la puissance
de faire tout ce qu’il leur plaisoit. Regibus non est infinita,
aut libera potestas ; & s’expliquant dauantage au Chapitre suiuant
il adioûte, que les Princes deliberent seuls des petites affaires,
mais des grandes & de celles de consequence, tous en general,
ou ils parlent selon que leur aage le porte, ou qu’ils sont bien disans,
puis que leur authorité prouient plustost de leurs persuasions
& de la force de leurs raisons, que non pas de leur pouuoir,
ny de leur puissance de commander. Rex vel princeps, prout
atas cuique, prout facundia est, audiuntur authoritate suadendi magis
quam iubendi potestate.

Despotis. id
est, superbus,
imperiosus ; & selon
Platon,
imperiosissimus
pro suo
arbitrio dominati.

Tacit. de
morib. germa.
cap. 1. 2.

Dieu mesme de qui tout le monde releue & qui ne peut faillir,
n’agit & ne gouuerne les choses interieures que pour leur
propre vtilité, & iamais pour la sienne, c’est pourquoy ce seroit
vne espece de prodige que ceux qui n’ont point d’autre droit
pour estre obeïs, que d’estre les images viuantes de ce Roy des
Roys, se voulussent persuader qu’ils sont plus que luy, & qu’il
n’y a rien qui ne soit fait pour eux, & par ainsi qu’ils se peuuent
iouër impunément de la vie & du sang des peuples, & que toute
ame est tributaire à leurs passions desreglées, veu principalement
qu’il n’y a point d’Empire qui n’ait commencé par l’Election,
comme l’Histoire ancienne & la nostre mesme l’enseigne,
ce qui montre clairement que ce ne sont pas les Rois
qui ont fait les peuples, mais les suiets qui ont fait les Souuerains.

-- 146 --

C’est vostre mesme Espagnol Soto qui le dit, enseignant,
que ; Regalem potestatem, populi naturali perfusi lumine erexerunt, ce
qui fait que l’obligation reciproque de l’vn à l’autre est si estroitte,
que si la Republique appartient à Cæsar, Cæsar appartient
beaucoup plus à la Republique. Le saint Esprit mesme disant
qu’il les tire & les choisit du milieu de ses freres ; Regem é medio
fratrum tuorum ; & non pas du milieu de ses esclaues pour en faire
vn Tyran inconstant & desreglé.

 

Soto, de justit.
& iure
lib. 4. quæst.
4. art. I.
Regum. lib.

Il est vray que les Roys sont absolus & tout-puissans dãs leurs
Estats, mais il est vray aussi que les bons ayment mieux que l’on
dise qu’ils sont au dessus de leurs passions, qu’au dessus des Loix ;
sçachans bien que s’il est auantageux de pouuoir tout faire, il est
encore plus glorieux de ne vouloir que ce qui est iuste & raisonnable,
parce dit Platon, que ; Tyrannicum est dicere principem
legibus esse solutum ; ce qui est confirmé par Seneque, qui sçauoit
mieux que personne ce que peut & ce que doit vn Souuerain,
disant que, principi cui omnia licent, propter hoc ipsum, multa non licent,
qui est l’vnique moyen de regner auec toute sorte de
puissance & d’amour, parce qu’il n’y a point d’esprit si rebelle
qui ne reuere vne authorité qui fait que la raison commande, &
chacun regarde auec amour le pouuoir qui ne s’esleue au dessus
de luy que pour le couurir, & pour le deffendre.

Plato, de repub.
lib. I.

Les remonstrances que le Parlement fit au Roy deffunct en
vn pareil aage que celuy de nostre Roy, & dans vn temps pareil
à celuy que nous voyons, le 21. May 1615. confirment cette
maxime & ce temperament, puis qu’elles portent ces termes
genereux & veritables ; Nous osons dire à vostre Majesté, que
c’est vn mauuais Conseil qu’on luy donne de commencer l’année
de sa Maiorité, par tant de commandemens de puissance
absoluë, & l’accoustumer à des actions dont les bons Roys, comme
vous, SIRE, n’vsent iamais que fort rarement, estant certain
que les vrayes maximes des Estats sont, que plus vne puissance
est grande & absoluë, on doit la mesnager auec plus de
retenuë & moderation pour la faire longuement durer.

Monsieur Seruin voulant instruire ce mesme Roy, & luy
faire connoistre ce qu’il estoit & ce qu’il pouuoit, luy dit en la
premiere harangue qui luy fut faite lors que le Parlement le
declara Majeur le 2. Octobre 1614. seant en son lict de Iustice :

-- 147 --

Nous croyons, sire, que vostre Maiesté ne tiendra point pour gens veritables
ceux qui luy diront, que vostre puissance est si absoluë, que vous
estes pardessus les Loix, & que vostre seule volonté doit estre tenüe pour
regle. Il est vray que la puissance Royale, & la vostre mesmement entre
tous les Rois Chrestiens, est absolüe ; mais les sages Rois ont accoustumé
de dire, & de faire paroistre par bons effets, que le moins vouloir, est plus
pouuoir, & que c’est vne. Loy digne du Prince, de se declarer lié aux
Loix. Et vn peu apres : C’est à vous, Sire, à faire obseruer vos Ordonnances,
car ce n’est rien si elles ne sont executées, n’y ayant point de difference
entre les Loix nulles, & les incertaines.

 

Seruin dans
sesplaidoyers
part. 2.

Les peuples voisins loüoient autrefois le gouuernement de
la France, parce que la puissance Royale, disoient-ils, y est
temperée par l’authorité des Parlemens, lesquels encore bien
qu’ils tirent leur pouuoir de celuy que la Royauté leur communique,
comme les astres empruntent leur lumiere de celle
du Soleil ; neantmoins on peut dire que de mesme que les astres
ont vne lumiere qui leur est propre à cause que c’est vne qualité
du Ciel ; les Parlemens aussi, & entr’-autres celuy de Paris,
a vne authorité non participée selon les Loix fondamentales
de la Monarchie ; soit parce qu’il a vn establissement aussi ancien
que celuy de la Royauté, & qu’il tient la place du Conseil
des Princes & Barons, qui de tout temps estoient prés la personne
des Rois, comme nez auec l’Estat ; soit enfin que les Souuerains
luy ayent confié comme en depost le soin & la conseruation
des Loix, ausquelles ils ont bien voulu s’assujettir eux-mesmes,
à l’exemple de Dieu, qui dans la conduite de l’Vniuers,
suiuant la pensée d’vn Pere de l’Eglise, a commandé vne
seule fois pour obeïr tousiours, comme nous le voyons ferme
& constant en l’execution de sa parole qui ne change point.
C’est pourquoy le Parlement deuant apporter le temperament
necessaire aux entreprises continuelles des Ministres & des fauoris
qui abusent de la puissance Royale, & estant le seul qui
peut & doit empescher les factions naissantes, & le bouleuersement
de l’Estat ; il est de son deuoir, & particulierement pendant
la captiuité, & le bas aage d’vn Roy qui ne fait que sortir
de minorité, de ne point souffrir qu’il s’esleue quelqu’vn
qui puisse gourmander le Royaume, & tiranniser les sujets.

L’histoire Romaine nous apprend que la puissance de ses

-- 148 --

Empereurs ne seroit iamais montée au comble de violence où
elle a esté, si la lascheté du Senat n’eut fortifié par sa nonchalance
& son trop de complaisance, le progrés de leur tyrannie,
Le Parlement qui est aussi ancien que la Monarchie doit prendre
garde à cela, puisqu’il n’est estably que pour cela, & qu’il
est le depositaire des Loix fondamentales de l’Estat, qui l’obligent
en sa conscience, & par le deuoir de sa charge, de renoncer
plustost à sa dignité, comme il a voulu faire autrefois, que
de souffrir que les Loix soient violées par qui que ce soit.

 

Vos mussantes,
& retractantes,
verbis
& vatũ
Carminibus
pacẽ optatis
magis, quam
defenditis ;
neque intelligitis,
mollitia
decretorũ
vobis dignitatem,
illi
metũ detrahi.
Quibus
illa placeat,
in armis sũt,
vos in metu.
Quousque
cunctando
Rempub. intutam
patiemini ?
& verbis
arma tẽtabitis ?
si
tanta torpedo
animos
oppressit, vt
obliti scelerũ
Cinnæ, quid
opus decretis ? Oratio. Philip.
in Senat.
apud Salust.

Il est vray, ie le confesse, qu’il n’appartient pas à des personnes
priuées d’examiner la conduite des Souuerains, mais pour
ceux que la necessité de leur employ engage de veiller à la
seureté des peuples, & au bon gouuernement de l’Estat, il faut
qu’ils se souuiennent qu’ils répondront deuant Dieu & deuant
les hommes de la negligence qu’ils y apportent, & que toutes
les oppressions qui s’authoriseront par leur conniuence & leur
lerance criminelle leur seront à blasme, & quelque iour imputées.

N’estant pas besoin de faire sonner si haut l’authorité d’vn
Roy Majeur auant l’aage de quatorze ans, pour soustenir qu’il
ne veut point d’autres bornes, ny d’autres loix que sa volonté,
comme il tesmoigne dans ses Edicts & ses Patentes, qui s’acheuent
& finissent tousiours par ces mots de Souuerain ; CAR TEL
EST NOSTRE PLAISIR. Nous sçauons que cette clause s’y
trouue, & que ces mots s’y lisent, mais nous n’ignorons pas
aussi, que c’est apres auoir fait vne ample deduction des causes
& des motifs qui l’ont porté à faire cette Ordonnance, & qu’il
est fait mention des Princes & des grands personnages de l’aduis
desquels il s’est seruy pour la resoudre, & la faire garder
comme vne Loy ; Outre que toutes ces clauses pompeuses, &
ces paroles remplies de faste n’ont aucune force, ny aucun effet
qu’apres que le Parlement les a verifiées & registrées. Vn grand
Magistrat de nos iours, n’a point apprehendé de dire & de
prononcer dans vne de ses doctes & genereuses Harangues de
l’an 1648. en presence de son Altesse Royale ; Que nos Rois
n’auoient retenu ces mots dans leurs Edicts ; CAR TEL EST
NOSTRE PLAISIR ; Que pour rendre leur domination plus
venerable & plus mystérieuse, & non pas pour ne point obeïr

-- 149 --

à la raison, & ne prendre conseil de personne. Les Remonstrances
que le Parlement a presentées à sa Majesté estant à
Sully, portent que, Henry le Grand son ayeul, estant pressé
de faire vn Edict nouueau dans le Parlement, ayant appris par
la bouche de Monsieur de Harlay premier President, que ce
qu’il desiroit contre les Loix ne pouuoit passer qu’en employant
sa puissance absoluë, ce Prince juste & clement, dit ces
paroles dignes de luy. A Dieu ne plaise que ie me serue iamais
de cette authorité Souueraine qui se destruit souuent en la
voulant establir, & à laquelle ie sçais que les peuples donnent
vn mauuais nom. Louys XI. le plus violent & le plus imperieux
de tous nos Rois, n’en fit pas moins apres auoir entendu Monsieur
le premier President de la Vacquerie, qui luy porta sa teste
auec tout le Parlement en robbe Rouge, pour luy declarer
que luy & la Compagnie aimoient mieux vne mort glorieuse,
qu’vne vie esclaue & chargée de honte, & que le deuoir de
leurs consciences leur estoit plus cher & plus precieux, que
l’obeïssance injuste & criminelle qu’il desiroit d’eux.

 

Harangue
de Monsieur
Nicolaï, premier
President
de la
Chambre des
Cõptes, dans
l’histoire du
temps, fol.
269.

Si donc les Rois les plus absolus, & les plus experimentez
dans les affaires sont obligez de prendre conseil, & de deferer
aux bons aduis qu’on leur donne dans les choses importantes ;
Sera-ce vn ignorant, vn trompeur, vn impie, vn perfide, vn
pirate, vn voleur public, vn estranger, vn criminel, & vn proscrit
comme est le Mazarin, qui aura la Sur-Intendance de l’Education
d’vn jeune Roy, & qui sera le maistre de son esprit & de ses
volontez pour l’esloigner des Princes de son Sang, & de son
lict de Iustice, & pour abuser de son nom & de son authorité
plus librement. Et parce que les Princes du Sang, & tous les
Parlemens du Royaume s’y opposent, comme ils y sont obligez
deuant Dieu & deuant les hommes, cét insolent fait escrire
qu’ils sont des rebelles & des seditieux, ne sçachant pas ce que
c’est d’aimer vn Roy, & de conseruer vn grand Estat qu’il prostituë
à sa haine & à son ambition ; & qu’vne des lumieres de
l’Eglise plus esclatante & plus croyable que luy a dit en semblable
rencontre, qu’on peut legitimement s’opposer aux entreprises
& aux desseins des Tirans, quand ils sont cruels & temeraires,
sans que cét obstacle & cette resistance puisse estre
qualifiée du nom de sedition, mais le remede d’icelle ; Illis nomen

-- 150 --

factionis accommodandum est, qui in odium bonorum & proborum
conspirant, & cum boni, cum pij congregantur, non est factio dicenda,
sed cura ; Saluste ayant dit long-temps auparauant, que ; Maiestatis
erat populi Romani prohibere iniuriam, neque pati cuiusquam
Regnum per scelus crescere. Et Cesar haranguant dans le Senat
luy disoit ; Hoc vobis prouidendum est, patres conscripti, ne plus apud
vos valeat P. Lentuli, & cæterorum scelus, quam vestra dignitas.

 

Nam impunè
quælibet
facere, id est
Regem esse.
Salust. de
bello Iugurt.

Tertul. in
Apologet.
cap. 39.

Salust. de
bello Iugur.

Salust. de
coniurat.
Catil.

C’est pourquoy on peut dire des Assemblées, & des resolutions
necessaires qui se font à Paris, ce que le Roy Theodoric
disoit de celles de Rome ; que cette Capitale n’estoit pas capable
de faire aucune sedition, ny de rien entreprendre contre la
gloire & la grandeur de sa reputation ; mais bien d’empescher
que des Estrangers mal instruits & mal affectionnez, & des Ministres
infidelles & mal intentionnez fissent aucun preiudice
aux Lois fondamentales de l’Estat, en desrogeant à leur ancienne
liberté ; c’est vn Chancelier non suspect & sans reproche
qui luy donne cet Eloge en ces termes ; Vrbis Romanæ celebris
opinio, suo conseruanda est nihilo minus instituto ; nec vitia peregrina
capit, quæ semper se de morum probitate iactauit ; leuitatem quippe
seditionum, & ambire propriæ ciuitatis incendium, non est velle Romanum.

Cassiod. variar.
lib. 4.
epist. 43.

Vn sçauant Politique de nos jours dans son traité ; De Iure
Magistratus in subditos, sur la question qu’il fait ; an subditi cum
principibus possint pacisci ; il prouue & conclut que les sujets ne
font aucune iniure au Roy, & qu’ils ne peuuent estre accusez
de rebellion quand ils s’opposent hautement aux choses qui
vont à la ruine de l’Estat ; Assero nullam Principi iniuriam fieri, si
ad officium compellatur, & vbi nullus amplius rationi locus super est,
vlterius etiam aduersus eum fiat progressus. A plus forte raison quand
ils ont droit & pouuoir de ce faire, comme les Princes du sang,
& le Parlement qui sont les tuteurs naturels du Roy, les conseruateurs
de la Couronne, les protecteurs de l’Estat, les peres
du peuple, & les seuls qui sont responsables de l’obseruation &
de l’execution des Loix fondamentales & politiques du
Royaume. Machiauelle qui est plus intelligent, & moins meschant
mille fois que son compatriot, enseigne, Qu’il n’y a rien
de plus necessaire en vn Royaume que de renouueller les Loix anciennes,
& les ramener vers leur principe, pour luy rendre la reputation qu’il

-- 151 --

auoit au commencement de sa fondation, & s’estudier à ce qu’il ait bonnes
Ordonnances, & gens de bien qui les fassent obseruer, comme fait
ce grand Senat qui s’est tousiours opposé aux nouueautez, &
sacrifié ses biens, sa vie, & sa liberté pour empescher la ruine &
le violement des Loix anciennes de la Monarchie Françoise.

 

Capite 9.

Machiau. en
ses disc. liu.
3. chap. I.

Ces resistances, & ces sortes de desobeïssances qui ne viennent
que d’vn excez d’amour & de fidelité, ont tousiours esté
si cheries & si bien receuës des Princes & des Souuerains qui
en ont connû le zele & le motif, que non seulement ils en reueroient
les Autheurs, mais vouloient encore que le peuple en
fit autant à leur imitation, tesmoin l’Empereur Charles-Quint,
qui entr’-autres parties excellentes qui l’ont rendu si recommandable,
auoit celle-cy de particuliere, de procurer en tous
rencontres que ses Magistrats fussent reuerés & obeïs, portant
ses sujets à ce deuoir par son exemple, & les respectant luy-mesme,
& deferant à leurs bons conseils & bons aduis. Trajan
connut tres-bien l’auantage de cette façon d’agir, Pline le jeune
son Panegiriste remarquant, que luy seul entre tous les Empereurs
sceut faire paroistre sa grandeur & son authorité, sans
diminution de celle du Senat, luy donnant toute telle authorité
en sa presence qu’en son absence ; encore que le propre des
moindres estoiles soit de ne paroistre pas, mais de perdre & cacher
leur lumiere à la veuë & au rencontre des plus esclatantes ;
Hæc natura sideribus, vt parua & exilia, validiorum exortus obscuret,
similiter Imperatoris aduentu legatorem dignitas inumbratur ; tu
tamen maior omnibus quidem eras, sed sine diminutione maior, eandem
authoritatem presente ie quisque quam absente retinebat, quin etiam plerisque
ex eo reuerentia accesserat quod tu quoque illos reuerebare.

Marquez,
homme d’Estat
Chrestien,
liu I.
chap. 18. sur
la fin.

Plin. in Paneg
Trajan.

Les Empereurs Theodose & Valentinian se sont rendus venerables
dans la Iustice, & l’affection des peuples, declarans
par vn Edict particulier que c’est vne chose digne d’vn Roy, &
qu’il n’y auoit rien de si glorieux à vn Souuerain, que de se
sousmettre aux Loix & aux Ordonnances de son Empire, puis
qu’il n’a ny puissance ny authorité que des Loix ; Digna vox est
Maiestate Regnantis, legibus alligatum se principem profiteri ; adeo de
authoritate iuris nostra pendet authoritas, & reuera Maius Imperio est,
submittere legibus principatum.

Cod. de legib.
& constit.
princip.
leg. digna
vox.

Theopompe Roy de Lacedemone, ayant accrû la puissance

-- 152 --

du Senat & fait eriger cinq Ephores en titre d’Offices, comme
Tribuns populaires, sa femme luy reprocha qu’il auoit beaucoup
diminué sa puissance ; aussi, dit il, ie l’ay bien plus assurée
pour l’aduenir, car il est bien difficile qu’vn-bastiment esleué
trop haut ne se ruine bien-tost.

 

C’est pourquoy le plus excellent de nos Politiques rapportant
cette histoire, & soustenant cette verité, dit, Qu’il n’y a
chose qui ait plus destruit de Republiques, que de despouiller le Senat &
les Magistrats de leur puissance ordinaire & legitime, pour attribuër tout
à ceux qui ont la Souueraineté : car d’autant que la puissance Souueraine
est moindre, d’autant elle est plus asseurée, estant tres-certain que l’Estat
ne peut faillir de prosperer, quand le Souuerain retient les poincts qui concernent
sa Maiesté, que le Senat garde son authorité, que les Magistrats
exercent leur puissance, & que la iustice a son cours ordinaire, autrement
si ceux-là qui ont la Souueraineté veulent entreprendre sur la charge du
Senat & des Magistrats, ils sont en danger de perdre la leur. Et ceux-là
s’abusent bien qui pensent rehausser la puissance du Souuerain, quand ils
luy montrent ses griffes, & qu’ils luy font entendre que son vouloir, sa
mine, son regard, doit estre comme vn Edict, vn Arrest, vne Loy, afin
qu’il n’y ait personne des suiets qui entreprenne aucune connoissance qui
ne soit par luy renuersée, ou changée ; comme faisoit le Tyran Caligula,
qui ne vouloit pas mesme que les Iurisconsultes donnassent leur aduis,
quand il dit ; faciam vt nihil respondeant, nisi, Eccum, id est,
æquum.

Bodin, de la
Repub. l. 4.
chap. 6.

Suetonius
in Caligula.

Claude Seyssel Euesque de Marseille, & Ambassadeur à Rome
pour le Roy Louïs XII. & François I. son Successeur, dans
son Traité de la grande Monarchie de France qu’il presente à
ce dernier, auec protestation dans son Epistre Liminaire, qui
est le prologue au Lecteur, qu’il n’escrit rien qu’il ne puisse prouuer
par raison politique, par authoritez approuuées, & par exemples d’histoire
authentique ; dit en la premiere partie de ce Liure approuué &
recherché, que les Parlemens de France ont esté principalement instituez
à cette fin de refrener la puissance absolue dont voudroient vser les
Roys. Et au Chapitre suiuant, apres auoir montré que l’authorité
& puissance du Roy est reglée & refrenée en France par
trois freins, qui sont la Religion, la iustice & la Police ; parlant
du dernier il dit, que le tiers frein qu’ont nos Roys est celuy de la Police,
c’est à sçauoir de plusieurs Ordonnances qui ont esté faites par les Rois

-- 153 --

mesmes, & puis apres confirmées & approuuées de temps en temps, lesquelles
tendent à la conseruation du Royaume en general & en particulier,
& ont esté gardées par tel & si long-temps que les Princes n’entreprennent
point d’y deroger, & quand ils le voudroient faire, l’on n’obeyt pas à leur
commandement. Adioustant au Chapitre 12. qui suit, qu’il y a plusieurs
autres Loix & Ordonnances concernans le bien public du Royaume,
qui sont en obseruance, dont ie ne veux parler pour éuiter prolixité, &
m’est assez d’auoir declaré les trois freins susdits, & restreintifs de la
puissance absoluë des Roys, laquelle n’en est moindre pour cela, mais d’autant
plus digne, qu’elle est mieux reglée ; Et si elle estoit plus ample &
plus absoluë, elle en seroit pire & plus imparfaite, tout ainsi que la puissance
de Dieu n’est point iugée moindre, d’autant qu’il ne peut pecher ny
mal faire, mais est d’autant plus parfaite, & sont les Roys d’autant plus
à louër & priser de ce qu’ils veulent en si grande authorité & puissance,
estre suiets à leurs propres Loix, & viure selon icelles, que s’ils pouuoient
à leur volonté vser de puissance absolue, & si fait cette leur bonté & tolerance,
que leur authorité Monarchique estant reglée par les moyens que
dessus, participe aucunement de l’Aristocratique, qui la rend plus parfaite,
& plus accomplie, & encore plus ferme, & perdurable.

 

Seyssel de la
Monarchie
de France,
part. I. chap.

Cét Autheur celebre qui estoit Euesque, & depuis Archeuesque
sans reproche, Ambassadeur sous deux Rois, & leur
Ministre principal, suffiroit seul pour conuaincre d’erreur vn
escriuain anonime, qui cache son nom aussi bien que la verité,
& qui croit deuoir estre moins blasmé, pour estre moins connu.
Neantmoins pour luy monstrer que les plus gens de bien ;
& que les plus considerez de nostre France ne sont point de
son aduis, & le condamnent en toutes ses maximes tres-fausses
& tres-corrompuës ; Monsieur le President de Thou, dans
l’Epistre qu’il escrit au Roy touchant le sujet de son Histoire,
l’exhortant à la Iustice, il luy dit sur la fin ; Rendez l’authorité aux
Loix & à vos Parlemens, tenant pour certain que les Villes & citez
n’ont ame, vie, & mouuement que Par les Loix, & ne peuuent non plus
que nos corps qui n’auroient point d’ames, vser de leurs membres, de
leurs forces & de leur sang, si elles n’obeissent aux Loix ; Or les Iuges &
les Magistrats sont les Ministres & les interpretes des Loix, desquelles
enfin nous deuons tous estre serfs, pour pouuoir estre tous libres.

Monsieur le
President de
Thou.

Vincentius Lupanus, en son Traitté des Officiers & Magistrats
de France, parlant du Pouuoir & de l’authorité du Parlement

-- 154 --

dit, que ; Parlamenti tanta est apud Francos authorit as, vt
propè Senatus Romani speciem habeat, Regesque bellum suscepturi authorem
fieri curiam velint, & in eius acta referri omnia ad Rempublicam
pertinentia ; Apud quam Edicta recitantur, quorum nulla ratio
prius habetur quam in supremo illo consessu promulgata sint.

 

Lupan. de
Magist. &
præf. Franc.
lib. 2. cap. de
Parlement.

Antoine Matarel Procureur General de la Reine, escriuant
contre François Hotman, & l’accusant de ce qu’il abaisse trop
dans sa Franco-Gallie, l’authorité Souueraine de nos Rois, en
luy despeignant quelle elle est, & comme elle s’exerce sur les
sujets, dit ; Dicam tamen quod ipse Hotomanus de industria prætermisit,
Reges nostros non omnia ex arbitrio facere ; Adjoûtant au fueillet
suiuant que ; Senatus quod Parlamentum vocant, est quid tertium
& arbitrum inter Principem & populum.

Matarel. in
Hotoma.
Franco-gal.
cap. 10.

Le docte Blacvod Conseiller au Presidial de Poictiers, & si
zelé pour la Royauté, dans son Apologie pour les Rois dit,
que ; Galliæ Reges, ne quid auarè, ne superbè, ne quid Tyrannicè committerent,
si quid grauioris momenti Edicto indigeret, eius authorem ac
fundum fieri Parisiensem senatum voluerunt ; Neque satis esse duxerunt
aulicorum procerum suffragio rem probari, nisi in Augusto illo Tribunali
promulgaretur. Cui non modo supplendæ legis aut corrigendæ, sed &
rejiciendæ potestatem contulerunt, si quid Reipublicæ damno, sancitum
esse videretur. Qua re Majestatem suam augustiorem fore temperamento
supremæ ditionis, ne dum ex ea quidquam derogatum iri iudicabant.

Blacvodeus
in Apolog.
pro Regibus,
cap. 35.

Tous ces liures, & vne infinité d’autres de cette nature, sont
imprimez auec Eloges, & dédiez à nos Rois mesmes, auec
noms d’Autheurs & d’Imprimeurs, auec Approbation & priuilege
au grand Seau ; Ce qui ne se trouuera pas dans la satire,
& le libelle diffamatoire que nous refutons.

Et puis que le peuple n’a point d’autre Mediateur, ny d’autre
protecteur que le Parlement, il est bien iuste qu’il prenne
connoissance de ses interests, & de ceux de l’Estat puis qu’il le
compose, afin de retarder les ruines & les miseres qui l’accablent,
quand il ne peut les destourner, ny les empescher entierement.
C’est le langage que Monsieur le premier President
de cét Auguste Senat tient à la Reine Regente pour lors, dans
la Harangue qu’il luy fit au mois de Iuin 1648. faisant entendre
à sa Majesté parmy sa Politique, que ; Les Magistrats estoient
les Mediateurs entre les volontez des Princes, & les supplications des

-- 155 --

peuples, ou comme vne barriere entre cette authorité independante, &
cette extreme foiblesse, &c. Ceux qui ont escrit de la Republique
des Laconiens, remarquent que Licurgue en dressant leurs
Loix ; Exorsus est ab ipso capite bene temperando, id est, potestate Regum
moderanda & temperanda, & que pour cét effet ; Senatum Regibus
apposuit vt medius esset inter Regem & populum, & vtrosque citra
limites officii retineret.

 

Histoire du
temps, page
236. in 8.

Emmius de
republ. Laconum.

Apres cela, voyez Panegiriste Mazarin, & fauteur de la
Tyrannie, auec quel front & quelle audace, vous osez iniurier
& blasmer ce College des Dieux, & soustenir comme vous faites
dans tout vostre auorton de liure, & particulierement en
la page 36. 47. & 48. qui est la derniere, qu’vn Illustre Cardinal
n’est pas condamné par le Roy, mais par vn simple Parlement, & par
vne sentence renduë contre l’ordre, sans cause, sans forme, & sans pouuoir ;
Ce qui fait que l’Arrest a si peu de force, & qu’il paroist plustost
vne vengeance d’ennemis irritez, que la resolution d’vn Senat constant,
sage, magnanime, & inesbranlable dans l’amour de la Iustice ; Vt magis
iratorum hominum studium, quam constantis Senatus consilium
esse videatur.

Deus sterit
in Synagega
Deorum ;
Ego dixi,
dij estis, ps.
81. vers. I.
& 6.

Cicer. lib. I.
epist. 7. ad
Lentulum.

Vous auez appellé au commencement de vostre escrit ce
mesme Parlement, Grand Senat, la Cour des Pairs, le lict de Iustice
de nos Rois ; Et puis vous oubliant de vos premiers Eloges, &
vous abandonnant à vostre passion desreglée, vous finissez par
vn mespris criminel, en l’appellant simple Parlement, comme s’il
yen auoit vn plus releué dans le Royaume, & vn Tribunal plus
Auguste, plus Souuerain, & plus remply de majesté. D’adjoûter
que le Mazarin n’est point condamné par le Roy, apres tant
de Declarations, & tant d’Arrests fulminez contre luy, vous
faites injure à sa Maiesté, vous renuersez son lict de Iustice,
vous destruisez son authorité, vous ruinez ses ordonnances, &
vous monstrez que le salut de vostre Illustre Mazarin vous est
plus precieux que celuy d’vn grand Empire, & du Monarque
qui le possede. Il est permis d’aimer, mais il faut que ce soit
auec iustice & raison, les Payens mesmes bornent cette passion
par les Loix de la conscience ; Vsque ad aras. Puis que vous estes
payé pour mentir, vous pouuiez pallier les crimes de vostre
bien-faicteur, sans en charger ses Iuges, & sans les mespriser
pour l’auoir si iuridiquement condamné ; Et pendant que vous

-- 156 --

traittez d’Illustre, & de Sang Royal Vn petit Bourgeois proscrit
& criminel, vous dittes que l’Arrest donné contre luy toutes
les Chambres si souuent assemblées, en presence de son Altesse
Royale, & des Ducs & Pairs, n’est pas la resolution d’vn Senat constant,
sage, magnanime, & inesbranlable dans l’amour de la Iustice.
Et parce que le Mazarin s’en est porté pour appellant par deuant
vous, vous luy donnez le nom de Sentence, Comme si vous
auiez pouuoir de le reformer, & d’absoudre vn homme qui est
encore plus meschant que vous. C’est en venir trop auant, Aduocat
de causes perduës ; vostre zele est bien feruent pour vn
homme qui n’est plus aimé que de vous, supposé que son argent
ne le soit pas encore dauantage. prenez garde à vous, Dieu
qui ne laisse rien d’impuny fera tres-assurément que vous serez
vn iour griefuement chastié, pour auoir deffendu vn Tyran
auec tant de chaleur contre les Princes, & les Senateurs
sans reproche qui l’ont si iustement, & si religieusement condamné.

 

Quand le Roy Prusias vint pour salüer les Senateurs Romains,
& qu’il les traitta de Dieux Sauueurs ; Deos Saluatores, il
voulut tesmoigner par là qu’il sçauoit mieux que vous l’honneur
& le respect que l’on doit à ces graues Magistrats qui representent
Dieu par la Iustice, & le Roy en la rendant sous son
nom, & son authorité.

Tite-Liue.

Vn Italien plus intelligent dans les affaires d’Estat que vous,
ny vostre Mazarin, n’ayant pû celer l’estime qu’il fait du Parlement
que vous abaissez si fort, & voulant tesmoigner aux
siecles à venir combien il est necessaire au Roy, & à son Estat,
en parle ainsi dans trois endroits de ses escrits plus solides, &
moins pernicieux que les vostres.

Entre les Royaumes que nous voyons auiourd’huy (Voicy ses propres
termes en François) celuy de France est vn des mieux ordonnez & policez,
dans lequel se trouuent plusieurs bonnes Loix & constitutions, dont
la liberté & assurance du Roy dependent ; La premiere desquelles est le
Parlement, & l’authorité qu’on luy a donnée ; d’autant que les anciens
Fondateurs de ce Royaume, connoissans l’ambition & l’insolence de la
Noblesse, laquelle pour cette cause seule sembloit auoir besoin de quelque
bride qui la refrenat, & voyans de l’autre part, la haine du vulgaire contre
les Nobles, procedant d’vne crainte qu’il a naturellement d’eux, dequoy

-- 157 --

quoy voulans descharger les petits, & n’en donner la peine au Roy pour
l’exempter de la mal-veillance que les grands luy eussent portée soustenant
la populace, & semblablement du peuple, s’il eut fauorisé les grands ;
aduiserent d’establir vn jugement tiers & neutre lequel sans la charge &
blasme du Roy reprimeroit les puissans, & tiendroit la main aux petits,
& ne pouuoit-on trouuer vn remede meilleur & plus expedient pour
maintenir la tranquillité du Roy, & du Royaume.

 

Machiau. en
son Prince.
chap. 19.

Il adioûte dans ses discours politiques sur Tite-Liue, que la
France est vn Royaume qui vit sous les Loix & Ordonnances plus que
nul autre, desquelles les parlemens sont gardiens & entreteneurs, mesmement
celuy de Paris, lesquelles sont renouuellées par luy toutes les fois
qu’il fait vne execution contre vn Prince du Royaume, & qu’il condamne
le Roy en ses Arrests ; & iusques à present il s’est maintenu pour auoir esté
executeur obstiné contre cette Noblesse, & la premiere fois qu’il laissera
quelque impunité, & qu’elles viendront à se multiplier, il auiendra sans
doute, où qu’il les faudra corriger auec vn grand desordre, ou que ce Royaume
viendra à se resoudre. Qui est vn bel aduertissement contre ces
Fauoris qui pour contenter leur ambition, & assouuir leur auarice,
violent toutes sortes de Loix, mesprisent les Ordonnãces,
persecutent les Compagnies Souueraines, proscriuent les gens
de bien, & accablent le peuple de miseres qui ne se peuuent &
doiuent souffrir, non plus que formente ny dissimuler.

Machiau. en
ses disc. liu.
3. chap. 1.

Ce mesme Florentin qui s’est monstré l’admirateur, & non
pas le contempteur des Parlemens, a posé pour fondement ailleurs,
qu’on ne vit en repos & seureté au Royaume de France, sinon au
moyen des Loix qui y sont, lesquelles les Rois sont tenus de garder, &
gardent sainctement.

Machiau. en
ses disc. liu.
1. chap. 16.

Vn grand Aduocat general de France qui ne pouuoit ignorer
le pouuoir de son Seigneur, ny l’vtilité & la maiesté de cét
Auguste Senat, dit, que nos Rois doiuent trois & quatre fois plus au
Parlement de Paris, qu’à tous les autres ordres Politiques, & toutes &
quantes fois que par opinions courtisanes ils se des-vniront des sages conseils
& remonstrances de ce grand Corps, autant de fois perdront-ils beaucoup
du fond & estoc ancien de leurs Maiestez, estans leur fortune liée
auec cette Compagnie.

Pasquier, recherche
de la
France, liu.
3. chap. 16.
sur la fin.

L’vne des plus belles lumieres du Palais, tesmoignant la connoissance
qu’il auoit de la grandeur & de la necessité de ce
corps Illustre & Venerable, dit que le Parlement est sans doute le plus

-- 158 --

fort lien qui soit pour maintenir la Souueraineté, & faut confesser que c’est
luy qui nous a sauuez en France d’estre cantonnez & demembrez, comme
en Italie & en Allemagne, & qui a maintenu le Royaume en son entier.

 

L’oyseau des
Seigneuries,
chap. 5. nu.
60. 61.

C’est assez de ces trois Autheurs celebres, approuuez de tous
les sçauans, & suiuis de tous ceux qui aiment la verité, pour
monstrer le tort qu’a nostre Mazarin sans nom, de l’auilir &
de l’abaisser comme il fait, pour flatter vn infame, & dementir
tant de gens de bien. Si la vertu n’auoit ses ennemis, elle en
seroit moins parfaite ; les rochers sont heurtez des flots & des
tempestes sans changer d’assiette ny de place pour cela, & les
Astres ne sont que plus fermes & plus brillans, parmy les tonnerres
& les broüillards qui les offusquent. Ce n’est pas d’aujourd’huy
que cette Compagnie inesbranlable soustient les
chocqs & les attaques de ses ialoux & de ses mal-veillans Et ce
qui est d’inconceuable & de miraculeux dans sa conduite &
son gouuernement est, que les Rois, les Princes, & tous les plus
puissans qui ont voulu luy donner atteinte, sont ceux-là mesme
qui la recherchent, & qui s’en seruent comme d’vn temple
& d’vn azile quand ils se trouuent en peine, & qu’il faut trouuer
du soulagement. C’est ce que nostre Histoire remarque en
cent endroits de ses Liures, & de ses narrations ; comme nous
ferons voir dans l’autre partie de ce traitté necessaire.

Nous voyons le comble de la malice, & le surcroit de la rage
& du desespoir prochain de l’Aduocat Mazarin, quand sur la
fin de son plaidoyer, addressant sa parole aux Euesques de
France, il les inuite & les exhorte aux desordres & à la sedition.
Et pour les y porter plus facilement, il dit en là page 47.
& 48. que les Prelats, les Prestres, & tous les Ministres de la parole de
Dieu demeurent muets, froids, & in sensibles, dans vn mal si deplorable ;
Que si les Euesques, ces heritiers Augustes des Apostres, ne sont point touchez,
ce qu’a Dieu ne plaise, du malheur public, & du dechet de l’authorité
Royale qui leur a tousiours esté si chere & si precieuse, &c. Au moins
qu’ils se laissent toucher à leur propre honneur & à l’excellence de leur
propre caractere, qu’on profane & blesse mortellement en la personne d’vn
cardinal de l’Eglise de Rome. L’Arrest d’vn simple Parlement, contre la
personne d’vn Illustre Cardinal, ne sera point capable a’allumer le zele
& l’indignation sainte des Euesques de ce temps ? Et ne comprennent-ils
pas, ne voyent-ils pas qu’ils sont proscrits en quelque sorte auec ce Prelat,

-- 159 --

& exposez auec luy à l’impieté, & à la cruauté des ames les plus desesperées ?
Que tous les cousteaux qui pendent sur la teste du Cardinal, pendent
sur leur teste, & que la licence de le tuer est vne porte ouuerte à la licence
& à l’impunité des assassinats les plus abominables ? Qu’ils pensent donc
serieusement à se ressentir de l’outrage fait à la saincteté de leur Ordre auguste
& inuiolable, à soustenir la cause de leur dignité sacrée & Apostotique,
à proteger courageusement vn accusé, &c.

 

Il ne faut point de Rethorique pour prouuer que ce discours
est tres-criminel, puis qu’il est tres seditieux, & la priere injuste
& inciuile qu’on fait aux Euesques de proteger vn proscrit &
vn coupable condamné, fait bien voir qu’on les prend pour des
fauteurs de crimes de leze Majesté, & des gens qui ayment l’injustice
& l’impunité. Ce ne sont point les Iuges qui punissent
les Ecclesiastiques, qui font deshonneur à la robbe, ce sont
ceux qui faillent & qui se rendent indignes de leur ordre & de
leur caractere qu’il faut charger de ce blasme, autrement Dieu
seroit sujet à la calomnie de cet illustre Panegiriste, parce qu’il
y a des Papes, des Cardinaux, des Euesques, des Abbez, des
Prestres & des Moines dans les enfers. Que vostre Mazarin soit
homme de bien, & tres-asseurément on ne luy fera point son
procez. A vous entendre, il semble que vous vouliez poser en
fait, que pour estre Euesque ou Cardinal, on ne peut plus estre
accusé ny repris de iustice, quelques desordres & quelques
abominations que l’on pourroit commettre ; c’est inuiter tous
les voleurs, tous les meurtriers, & tous les plus detestables de
se faire Prestres, afin qu’en reuerant leur qualité, on ne punisse
point leur crime.

La Iustice est pour tout le monde, & les peines pour toute
sorte de meschans, fussent-ils Papes, Cardinaux, Euesques,
Abbez, Moynes, voire mesme Mazarins, & faut que vous
soyez bien malade vous & vostre client, d’implorer de si petits
Saincts, qui n’oseroient auoir entrepris d’excommunier le
moindre Officier du Royaume, comme vous leur conseillez, &
taschez de leur persuader contre leur pouuoir, & l’vsage de
la France.

L’Eglise ne preste point ses foudres pour proteger les meschãs,
& sauuer les criminels. Et si quelque Euesque de ceux que vous
exhortez estoit assez simple ou assez Mazarin pour l’entreprendre

-- 160 --

afin de vous contenter en cela, nous auons les remedes tout
presens dans nos Libertez de l’Eglise Gallicane, dans nos appels
comme d’abus, & dans nos Parlemens qui sçauent reprimer &
chastier comme perturbateurs du repos public ceux qui s’oublient
& qui sont temeraires comme vous. S’ils ayment leur
honneur, & s’ils font leur deuoir, ils desaduouëront vostre Mazarin,
comme ils firent dans leurs remonstrances au Roy & à la
Reyne Regente, touchant l’emprisonnement de Monsieur le
Prince de Conty ; ils le retrancheront de leur Corps comme vn
membre pourry, & vne Brebis galeuse, suiuant le precepte
Euangelique, & s’il ne vint à resipiscence, fulmineront leurs
anathemes plus iustement que vous ne leur conseillez, contre
cet ennemy des peuples, ce perturbateur du repos public, cet
opprobre de l’Eglise, & ce receptacle de tous les crimes dont
vn maudit de Dieu peut estre remply & composé.

 

Vous auriez bien meilleur grace d’implorer les prieres de ces
Euesques pour la conuersion de vostre pecheur endurcy, &
pour le soulagement du pauure peuple qu’il opprime depuis
tant de temps, que de les exhorter à la sedition, & à se ranger
du costé des coupables, pour lancer leurs excommunications
sur les Iuges qui le condamnent, & sur les gens de bien qu’il afflige
auec tant de Tyrannie. Il faut que vous soyez, ou bien foible,
ou bien deuot, puis que vous n’appellez plus à vostre ayde,
que des Prelats qui ne vous sçauroient assister que de leurs vœux
& de leurs prieres pour vous accorder ce qu’ils doiuent, & vous
donner ce dont vous auez besoin. Ie les en coniure auec vous,
& de les redoubler par tous leurs Dioceses, pour la santé &
prosperité de sa Maiesté, pour le repos & la tranquillité de son
Estat, & pour l’extirpation des esprits malins & corrompus, qui
obsedent & qui ternissent l’innocence & la vertu de nostre jeune
Monarque.

Pyrrhus cum Copiis Italia excedito, vbi excesserit de pace
si volet agito, ni excesserit, arma, & viros, & aciem
expectato. Dionis. Halicar. lib. 8. Et Plutarque
en la vie de Pyrrhus.

FIN.

Section précédent(e)


Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.