Anonyme [1649 [?]], GENEALOGIE OU L’EXTRACTION, ET VIE DE IVLLE MAZARIN Cardinal & Ministre d’Estat en France. , françaisRéférence RIM : M0_1478. Cote locale : C_5_29.
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GENEALOGIE
OU
L’EXTRACTION, ET VIE DE
IVLLE MAZARIN
Cardinal & Ministre
d’Estat en France.

A PARIS,
Iouxte la coppie Imprimé
A ENVERS.

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GENEALOGIE
OV L’EXTRACTION ET VIE DE
IVLLE MAZARIN,
A present Cardinal & Ministre d’estat en France.

LA premiere chose que ie demande de toy
(amy Lecteur) est la Loüange que tu dois à
Dieu, de ce que tu peus lire en France, ce qui
s’ensuit, & sçauoir comme si tu auois esté sur les
lieux de la Naissance de la personne de laquelle
ie pretends te faire voir icy vn abregé.

Pierre Mazarin estoit natif de Scicille, lequel estoit
Marchand, & apres auoir negocié quelque
temps, soit qu’il aye esté ruyné par les iniures du
temps, ou autrement, il fut contrainct de faire
banquerouste de sommes immances, & pour la
surrete du reste de son bien, prit la fuitte & se refugia
à Rome, auec sa famille, de laquelle il auoit
deux fils, dont l’vn estoit Archeuesque d’Aix, &
a present Cardinal de saincte Cicille, & l’autre
Iulle Mazarin, non encore en aucune charge.

Cetuy Iulle Mazarin commançant à deuenir
en aage competant, se mit à seruir en la maison
de Messieurs les Colonneze dans la Ville de Rome

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& apres en celle de Sachetty, auec l’argent desquels
non de petites sommes, pour luy eu esgard
à sa condition, par diverses voyes & particulierement
par celle du Ieu : devint grandement pecunieux.
L’affection que Messieurs de Sachetty luy
portoient luy causerent le commancement de sa
fortune, car l’ayant mis en bonne estime aupres
du Cardinal Antonio Barbarin, il le prit en sa
Cour, lequel pour monstrer l’affection qu’il portoit
à la maison de Sachetty, il l’auroit fait mettre
en dignité & Prelature, solicitant de tout son
pouvoir le Pape Vrbain 8. lors seant en la Chaire
sainct Pierre, de l’envoier pour Nonce aupres de
Charles Emanuel Duc de Souoye, ce que sa Saincteté
octroya à Antonio.

 

Mais auparauant cette legation, pour accorder
les differends qui estoient entre l’Empereur,
le Roy d’Espagne, & le Duc de Mantoue, & faire
partir les François de Cazal, il passa au Mont Ferrat
où il negocia, & par son intelligence secrette
fit sortir les François par une porte, & entre par
une autre : ayant premierement fait partir les Espagnols
& Allemans hors de Mantoüe, laissant les
François dans Cazal ; mettant par ce moyen la
consience & l’honneur d’Vrbain en conpromis,
trompant frauduleusement, non seulement le
Roy d’Espagne, mais encore l’Empereur, d’où

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s’en sont ensuivies les sanglãtes guerres & Batailles
de l’Estat de Millan, Flandres & Allemagne.

 

Par le moyen de cette negotiation, il ie mit dans
la bienueillance du Roy tres-Chrestien, puis entra
en affection avec le Cardinal de Richelieu, lequel
croiant l’esprit de Iulle, propre aux desseins quil
avoit pour le bien de la Couronne, auroit demandé
à sa Saincteté le Chappeau de Cardinal, pour
Iulle Mazarin, desirant le remmunerer & gratifier
de la trahison par luy faire au Roy d’Espagne, duquel
il estoit vassal.

Sa saincteté sçachant le procedé de Iulle, refuza
le Chappeau de Cardinal, disant que s’il plaisoit
à sa Majesté nommer quelqu’vn de ses subjets ou
autre personne, qu’il luy accorderoit volontiers,
mais non pas pour Iulle Mazarin : Neantmoins sa
Majesté pria de rechef sa saincteté auec grande
instance il prit cette affaire si à cœur que le Pape
fut contrainct de lui accorder, le fit appeller au
Cardinalat : & pour ne point faire tort au Roy
Catholique & ne voulant estre en mauuaise grace
avec luy, auquel il auoit refusé la mesme chose
pour Contalco, il lui accorda pareillement, & fut
aussi appellé au Cardinalat, & en excluds le sieur
Visconty, auquel il l’auoit auparauant refusé, luy
ayant esté demandée par la Couronne de Pologne.

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Tout cecy a succedé la mort du Cardinal de Richelieu,
apres laquelle il a commandé en sa place,
ayant esté iceluy Mazarin, par luy recommandé
à sa Majesté, elle le fit son Conseiller d’Estat,
dont il y en eut qui conceurent grande haine cõtre
luy, Ce Cardinal est de venu si riche & si oppulant
qu’il s’estime avoir plus d’or & d’argent
qu’aucun seigneur de l’Europe : il a acheté le fameux
Palais du deffunct Cardinal Bentiuoglio,
scitué au monté Cauallo, pendant la vie du deffunct
Pape Vrbain, il a demandé plusieurs fois
permission à sa Maiesté, de retourner à Rome
pour prendre le Chappeau de Cardinal, ce qu’il
ne peut obtenir.

La mort de sa Maiesté estant survenue, il a
regy avec grande authorité, & fust declaré l’vn
des executeur de son testament, & pour dire uray
il a pretendu assuietir les Princes du sang Royal
à ses commandemens, & pour ce subiet, il a
supposé que l’on avoit uoulu attenter à sa personne,
Monsieur de Beaufort a le premier senty
les coups de son indignation, quoy qu’innocent
fut enfermé au bois de Vincenne par sa solicitation,
mais ç’a esté un stratageme duquel il s’est
servy, pour uoir si la Reyne pourvoiroit à la seureté
de sa personne & l’on luy bailleroit des gardes,
ce qui luy a succedé, car ladite Dame Reyne

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pour l’affection quelle luy porte, la fait changer
en son Palais, afin qu’estant gardé comme le
Roy, elle empescheroit qu’il ne fust offensé.

 

Ce Cardinal est celuy qui dés long-temps a
recherché à traverser dans le Conclave la felicité,
& ternir la gloire du Cardinal Panphilio, & c’est
encore luy qui auiourd’huy cherche seditieusement
à intimider le Pape par la uoye & force des
armes à se desister de la Iustice qu’il a droit de faire
contre les Barbarins.

Il aura le iuste & tres-digne chastiment de sa
faute.

Dans ce temps arriua à Rome monsieur de
Senneterre, qui portoit la figure du Roy pour la
presenter à la saincte Chapelle de Lorette, & par
iceluy Iulle Mazarin enuoya grande quantité de
richesses en intention de s’en retourner en Italie
crainte de quelque mauvais succez contre sa personne.

Dans ce mesme temps il courut vn bruit à Rome
qui dura assez long-temps, concernant quantité
de grande remises de deniers que le dit Mazarin
faisoit faire pour luy, ce qui est tout certain
ayant amassé de grands thresors, mais il n’a rien
advancé, car pendant que le Pape Innocent dixiesme
uivra, il se teint pour asseuré comme article
de Foy, que Iulle Mazarin n’entrera iamais

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dans Rome, estant d’Innocent mal affectionné
& ennemy d’iceluy.

 

Le mesme Mazarin cause le mal que souffre le
Roy Catholique en ses Estats, & pour cet effet
il l’a declaré non seulement à luy, mais à tous ses
parens traistres & rebelles à sadite Maiesté dans
tous ses Estats.

Au temps que Iulle Mazarin suiuoit la Milice, il
estoit grandement vitieux, grand ioüeur & dissolu,
& en plusieurs occasions & rencontres il a
reçeu, non de petites, mais de grandes blessures,
& notamment pour le differend des femmes,
mais a present l’on dit qu’il est plus modeste &
qu’il tient sa grauité, & s’attache fort aux bons
benefices de France, ne visant pas à la despence
pour regaler ceux qui bon luy semble, sçachant
qu’il n’y va rien du sien. Comme il a fait aux Barbarins,
lesquels il a deffendus, mais le Pape connoissant
bien que ce n’est pas le Roy qui les a protegez
& que c’est Iulle Mazarin, sous l’Auctorité
d’iceluy, ne se desiste nullement de l’adversion
qu’il a conceu contre luy, enfin ie veux dire les
parolles que dit sainct Paul,
Omnes in sulani Mali, sicule autem pessimi.

En la Cour de Rome il y est en tres mauuaise
estime pour les seditions que son esprit turbulant
y a esmeues contre la Chrestienté il n’est guere

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bon amy des Fiorenzela a cause de certains interests
particuliers & desgousts passez interuenus
en consideration du pere Mazarin son frere
cy-deuant nommé en la religion Dominiquaine
du temps qu’il estoit Maistre du sacré Palais, &
encore lors qu’il fut fait general dudit Ordre.

 

Tu sçait, amy lecteur, qu’il a empesché la conclusion
d’vne Paix generalle, pour les desseins
qu’il a de d’espouiller le Royaume de toutes ses
finances, se les appropriant ; au lieu de les employer
aux affaires de la Guerre, pour lesquelles
elles sont destinées : & lors que cet Auguste Senat
a voulu prendre cognoissance de tant de millions
qui se sont leuez en France, depuis la mort du feu
Roy, à par ses pernicieux Conseils, conseilé la
Reyne d’attenter, sur les Illustres Personnes de se
fameux Parlement qui a causé la reuolution de
de Paris, ce qui a failly de perdre Monsieur le
Chancelier, & mesme le Grand Maistre de l’Artillerie
de France & beaucoup d’autres Seigneurs,
mais Dieu nous ayant preserué iusques a present,
prions le qu’il nous maintienne à tousiours.

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