Anonyme [1652 [?]], PENSEES CHRESTIENNES SVR LA PAIX. , françaisRéférence RIM : M0_2742. Cote locale : B_16_18.
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PENSEES
CHRESTIENNES
SVR
LA PAIX.

 


SORTEZ de mon esprit perilleuses pensées,
Idolatres objets, vaines illusions,
Que vos foles erreurs de mon ame effacées
Laissent la place libre à d’autres passions.

 

 


Ie ne vous verray plus beautez que la Nature
A fait naistre icy bas pour admirer l’Autheur,
Qu’auec tous les respects, qui de la creature
Passent au mesme temps iusques au Createur.

 

 


Mes sens sur mon esprit n’auront nul aduantage,
Au contraire l’esprit des sens sera vainqueur,
Si ie preste mes yeux quelques fois à l’Ouurage,
A l’Ouurier Eternel ie garderay mon cœur

 

 


Ie fuïray ces Palais & ces Maisons dorées,
Où les yeux corporels ont leur attachement,
Ou plustost ces prisons des ames espurées,
Qui cherchent dans le Ciel vn plus beau logement.

 

-- 2 --

 


Aussi bien ce qu’on void, de rare, d’admirable,
D’excellent, de parfait, & de plus precieux,
L’or & le diamant n’ont rien de comparable
Aux tresors Eternels que Dieu cache à nos yeux.

 

 


Qui bastit pour le corps au monde sa demeure,
Ne void pas bien souuent la fin du bastiment,
Auant qu’il soit parfait, il faut que l’homme meure,
Mais qui bastit au Ciel, vit eternellement.

 

 


Ie ne veux plus d’amour qui mon ame surprenne,
Le plus aimable objet est sujet à mourir.
Le transport de l’amour & celuy de la haine,
Sont les deux passïons, qui nous font tous perir.

 

 


Ces flammes que l’amour, ou la colere allume
Dans les aueuglemens, où tombent les plus Saints,
Sont de foibles sujets pour exercer ma plume,
Que ie dois employer à de plus hauts desseins

 

 


Ie mesprise la Fable & ses Metamorphoses,
Ce n’est plus Apollon qui m’inspire les vers,
C’est ce Dieu Tout-puissant qui crea toutes choses,
Qui de rien fist le monde & forma l’Vniuers.

 

 


Qui fist en se joüant cette Machine ronde,
Qui disposa les temps, qui regla les saisons,
Qui n’eust pas plus de peine à loger tout le monde
Qu’à placer le Soleil en ses douze maisons.

 

-- 3 --

 


Celuy qui desbroüilla cette masse confuse,
Qui crea la lumiere & fist les Elemens,
Doit estre desormais l’entretien de ma Muse,
Qui profane autrefois eust d’autres sentimens.

 

 


Ces fausses Deïtez, qu’au Parnasse on respecte,
N’ont plus d’Autels pour moy, qui ne soient abatus ;
Ie hay la complaisance & la tiens pour suspecte,
Qui fait des Dieux du vice, & non pas des vertus,

 

 


Vne plus sainte ardeur à present me possede,
Ce Dieu que i’irritois m’a voulu visiter,
Et m’ayant fait sentir d’où son ire procede,
Ie me jette à ses pieds, pour ne le plus quitter.

 

 


Grand Dieu, si mes pechez ta colere ont émeüe,
Si quelque autre pecheur t’a fâché comme moy,
Nous ne sçaurions iamais nous cacher de ta veüe,
Le plus iuste de nous est pecheur deuant toy.

 

 


Estans nais pour le Ciel nous adorons la terre,
Elle enchante nos sens, & nous charme les yeux,
Et si nous recherchons la cause de la guerre,
C’est que nous auons pris la terre pour les Cieux.

 

 


D’attirer ton courroux nous sommes tous capables,
Si nous souffrons des maux nous les auons cherchez ;
Mais quoy que nous soyons de ton ire coupables,
Ta clemence tousiours surpasse nos pechez.

 

-- 4 --

 


Tu ne surprens iamais, tu menasses, tu tonnes,
Auant que de punir les fautes des humains :
Entre mille pecheurs, trois ames qui sont bonnes,
Arrachent bien souuent la foudre de tes mains.

 

 


Que ta bonté, Seigneur, la grace nous accorde
D’amander nostre vie, & que ton bras puissant
Soûmettant ta Iustice à ta misericorde,
Sauue mille pecheurs pour vn Prince innocent.

 

 


Ie ne m’étonne point de te voir en colere
Apres tant de pechez & de débordemens
L’innocence du Roy, qui seule te peut plaire
Esteindra tous nos feux & nos embrasemens.

 

 


Viens à nostre secours, le peuple se mutine,
Et le mal du dehors veut r’entrer au dedans,
Grand Dieu si tu permets cette Guerre intestine
Nous sommes menacez de plus grands accidens.

 

 


Nous auons desia veu, les meurtres, les pillages,
Desoler nos Maisons, dépeupler les Citez,
On ne laboure plus, les Champs & les Villages
Ne sont que de Serpens & de Loups habitez.

 

 


Encor ces animaux plus que nous charitables,
Au lieu de nos Maisons nous laissent leurs manoirs :
Nous changeons auec eux, & rendrons habitables
Les plus affreux deserts, les antres les plus noirs.

 

-- 5 --

 


Le fer, le feu, le sang, l’exil & l’esclauage
Où volontairement nous nous sommes soûmis,
Est ce que nous aurons de ce trouble en partage,
Nous-mesmes nous serons nos plus grands ennemis.

 

 


A quoy seruent nos cris, & nos larmes ameres,
Nous auons parmy nous des Demons incarnez,
Qui tuans les enfans au ventre de leurs meres
En font perir beaucoup auant que d’estre nez.

 

 


Tous les iours les vieillards, les filles & les femmes,
Par l’âge ou par le sexe exempts d’hostilitez
Esprouuent les rigueurs de ces bourre aux infames
Qui ne respectent plus aages ny qualitez.

 

 


L’vn perit par le fer, l’autre par la famine,
Le dernier en l’honneur souffre vn mortel effort ;
Il est vray que la mort nos miseres termine,
Mais qui perd son honneur souffre plus d’vne mort.

 

 


Contente-toy, Seigneur, de voir nostre souffrance,
Apaise ta colere, & retire ton bras ;
Quand nous voudrions perir auec toute la France,
Ie croy que ta bonté ne le permettroit pas.

 

 


Pecheurs si vous craignez comme moy la menace
De ce Dieu qui permet que vous soyez aux fers,
Nous pouuons aisement nous remettre en sa grace
Prenans en gré les maux que nous auons soufferts.

 

-- 6 --

 


Encore que sa main sur nous apesantie
Semble exposer la France au feu de son couroux,
Dés le mesme moment que ce Dieu nous chastie
Il nous monstre le Sang qu’il a verse pour nous.

 

 


Il nous r’appelle à luy par de si douces voyes,
Que lors qu’il paroist prest à nous exterminer,
En nous humiliant il nous comble de joyes,
Et ne nous veut punir que pour nous pardonner.

 

 


Il n’afflige nos corps que pour sauuer nos ames,
Et ne touche à nos biens que pour nous enrichir,
Auec l’eau de nos pleurs nous esteignons ses flames,
Dés que nous le prions il se laisse fléchir.

 

 


Pour nous donner la Paix, il a permis la Guerre,
Et n’a pas plustost veu nos cœurs humiliez,
Appeller au secours la Vierge de Nanterre
Qu’il a tout à l’instant nos pechez oubliez.

 

 


Ceste Saincte adioustant à nos pleurs sa priere
Escarta loing de nous deux ennemis puissans,
Nous tirant du peril de la mesme maniere
Qu’elle sauuoit des Loups ses Troupeaux innocens.

 

 


Le Lorrain qui pensoit augmenter nos diuorces,
Pour se joindre au party qui luy tendoit les bras
S’est reculé de nous auec toutes ses forces,
Nous auons veu son Camp, mais non pas ses cõbats.

 

-- 7 --

 


L’Espagnol d’autre part rauageant la Frontiere
Apres auoir icy des troubles excitez,
Contraint de repasser malgré luy la riuiere,
A luy-mesme trouué ses sujets reuoltez.

 

 


De ces deux Estrangers on a veu l’entreprise
Finir presque aussi-tost qu’elle auoit commencé,
Vn miracle éuident leur faisant lascher prise
A produit vn effet qu’ils n’auoient pas pensé.

 

 


Ils demandent la Paix en commençant la Guerre,
D’vn Dieu iuste vangeur ils éprouuent les coups,
Et l’Ange Gardien qui deffend nostre Terre
Leur fait trouuer chez eux, ce qu’ils portoiẽt chez nous.

 

 


On entend sur Paris vn tonnerre qui gronde,
Et comme le nuage est tout prest à creuer
C’et orage s’appaise ; & le Sauueur du monde
Veut encore vne fois cette Ville sauuer.

 

 


Vne rebellion de tous costez semée
Rauageoit cét Estat de l’vn à l’autre bout,
Lors que la main de Dieu, pour nous deffendre, armée
Humiliant nos cœurs a mis la Paix par tout.

 

 


Nous ayant deliurez des mortelles alarmes
Que donnoiẽt ces deux Cãps Espagnols & Lorrains,
Il a fait voir à ceux qui reclamoient leurs armes
Qu’il n’abandonne point les Princes Souuerains.

 

-- 8 --

 


Acheue donc, Seigneur, que ta main liberale,
Qui de faire du bien ne se lasse iamais
Donne à toute l’Europe vne Paix Generale,
Et fais iouyr Paris bien tost de ceste Paix.

 

 


Patrone de Paris, puissante protectrice
De ce peuple affligé, qui cherche ton secours,
Tu seras enuers Dieu nostre mediatrice
Quand tu parles de Paix, Dieu t’exauce tousiours.

 

 


Ta priere autre fois a calmé nos tempestes,
Au plus fort de nos maux tu nous as resiouys,
Sauue encore vne fois tant de coupables testes,
Sauue vn Estat penchant, sur tout sauue LOVYS.

 

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