Anonyme [1649], PRECEPTES SAINCTS ET necessaires pour la conduite DES ROYS, AV ROY TRES-CHRESTIEN. , françaisRéférence RIM : M0_2837. Cote locale : B_20_13.
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PRECEPTES
SAINCTS ET
necessaires pour la conduite
DES ROYS,
AV ROY TRES-CHRESTIEN.

A PARIS,
Chez vefue A. MVSNIER. au mont sainct Hilaire
en la Court d’Albret.

M. DC. XLIX.

Auec Permission.

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Preceptes saincts & necessaires
pour la conduitte des Roys.

SIRE,

Les maximes, dont ie fay present à
vostre Maiesté ne pourront estre suspects,
puis qu’elles sont tirees d’vn lieu sainct &
sans doute il n’y aura que les prophanes &
les impies qui les condamneront : mais ie seray
en droict d’appeller de leurs sentences,
auec des Sages qui prononceront hautement
contre ces Arrests iniustes, de Iuges non competens
en ces matieres Ie seray assez satisfait,
pourueu qu’elles plaisent à vostre Maiesté,
dans le maüuais estat auquel ie vous les offre :
ie veux dire sans parure & sans ornemens, puis
que c’est vn effet de mon zele, & precipitation.
Toutes fois ie ne pense pas qu’il faille
parer la Sagesse, à moins qu’on voulut éclaircir
le Soleil auec vn flambeau, & c’est cette

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mesme sagesse que ie veux introduire auiourd’huy
proche de vostre Trosne, si vous donnez
ordre à vos gardes qu’elle entre en seureté
dans vn lieu où rarement elle est soufferte :
car on a accoustumé de la banir des Palais
des Monarques. C’est ainsi donc qu’elle parlera
à vostre Maiesté. La souueraineté des
puissans de la terre, est fondée sur les decrets
immuables de ma prouidence : c’est moy qui
leur a mis le diadesme sur le front, & le Sceptre
entre les mains : c’est moy qui dispose les
cœurs des peuples à leur obeyssance, & qui
leur imprime cette Maiesté qui les rend venerables,
& qui les fait regner dans les ames de
leurs subiets, comme il est tres vray, de dire
que Dieu a graué sur le front de l’homme vn
caractere, ineffaçable de Maiesté que les bestes
les plus farouches respectent : il sera tres
vray de dire aussi que c’est la sagesse qui fait
des esclaues, & des vassaux aux Souuerains.
Si vne sage Sibille, dit autresfois chez le Prince
des Poëtes Latins, qu’il n’y a rien de plus
vtile aux Grands que la crainte des Dieux, &
l’obseruation de la Iustice C’est vn enseignement
qu’elle a pris dans l’échole de la sagesse

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Ce Roy qui dit chez Cassiodore, que c’est
vne marque d’vne ame bien reglee de ne
vouloir que les choses honnestes, auoit plus
pris dans mon échole, que dans le lieu de
l’Academie, & fait bien voir qu’il sçauoit l’art
de regner de bonne grace. Sans moy les Estats
sont en desordre, & ie suis chez eux & qu’est
le Soleil à la terre qui la rend grosse de diuerses
moissons, & qui chassant les tenebres,
luy rend la lumiere qui luy tient lieu de seconde
vie. Que s’il est vray de dire, comme
tout le monde le dit que l’adresse est vne
science si necessaire aux Pilotes, ayans vn vaisseau
à conduire au milieu des bans & des
écueils sur des mers tousiours agitee, il faut
auoüer que les Royaumes de la terre où les
seditions tiennent lieu de tempestes, ont besoin
d’estre gouuernez par des testes qui
soient gouuernées par la sagesse. Si les Royaumes
sont comparez au corps, on peut asseurer
que les Roys en sont la teste, & quand
cette partie est incommodée, on espreuue
que les membres ne peuuent estre sains sous
vn chef malade. Les defauts, & les perfections
des grands sont en veuë de tout le

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monde, ou les particuliers peuuent pecher
en secret ; Comme leurs vertus ne
sont pas reconnuës : vn simple soldat veu
la gloire qui est deuë à sa valeur, comme
estouffée parmy la foule de ses compagnons,
ou si vn chef d’armée a donné quelque foible
tesmoignage de la sienne luy esseue des
Arcs de triomphe, & les applaudissemens des
peuples sont accõpagnez de Panegyriques.
La moindre action de generosité le place au
dessus de tous les conquerans, l’on le fait
marcher du pair auec les Scipions & les Alexaudres
La vertu a des charmes qui luy sont
des adorateurs des plus barbares, & celle
des Roys semble emprunter quelque lustre
particulier de leur dignité & de leur sacre,
c’est pourquoy i’ay raison de dire que le grãd
nombre de sujets & l’affluence des peuples
semblent donner du lustre aux Souuerains,
& qu’au contraire la solitude est vne tasche
à leur grandeur. Vne vertu qui a des gardes,
qui est assise sur vn Thrône ou sous vn Dais,
a bien plus d’administrateurs qui la reuerent
que celle qui est reduit da ns vne cabane ou
dans vn desert sans spectateurs. Les Louys &

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les Charlemagnes ont [1 mot ill.] saincts par
leur exemple, que les [1 mot ill.] & que les Antoines.
Mais apres [1 mot ill.] n’y a rien que les
Princes qui doiuent [1 mot ill.] auec plus de soin
que la colere, qui est bien moins dangereuse
che les particuliers, que chez les puissans,
c’est pour ce sujet que la fable a [1 mot ill.] la foudre
entre les mains de Iupiter qu’elle fait
estre le Pere de Minerue pour nous apprendre
que les armes qui seruent à se vanger, doiuent
appartenir au Pere de sa sagesse, celuy-là
a bonne grace qui a dit que cette passion
porte vn visage à faire peur. Apprenez, mon
Prince, qu’il en est de cette passion comme
des torrens qui ne se debordent que pour
causer des ruines, & qu’il en est comme des
incendies qui ne laissent que des cendres. Les
hommes, au dire d’vn ancien ne sont nais que
pour se secourir mutuellement, témoin cét
Atlas, qui portant les Cieux sur ses espaules
est soulagé par vn Hercule, mais la colere n’a
des bras que pour nous blesser, & non pour
nous deffendre. Elle est entierement opposée
à la clemence qu’on peut nommer par Eminence
entre les vertus, la vertu Royalle.
Cette vertu est iugée si necessaire à ceux qui

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gouuernent, [1 mot ill.] exemple s’en treuue parmy
les Abeille ou qui le Roy est sans aiguillon,
& c’est ainsi [2 mots ill.] Vespasian fut si
clement, qu’il aimoit mieux mourir que de
faire mourir personne. On dit que la vigne,
& que l’Oliuier refuserent l’Empire qu’on
leur offrit sur les autres arbres, de peur de
perdre ce qu’ils ont de bonté. Les augustes
marques des grandes qualitez qui sont nais
en vostre sacrée personne, nous promettent
vn regne heureux, & vos sujets n’auront que
des occasions de benir vostre saincte conduite.
Quand par les droits de la naissance vous
ne seriez pas monté à la grandeur de l’Empire
François, nous vous y porterions tous, & vos
su ets seroient comme des degrez pour vous
esleuer dessus le Throsne. Vn triomphe de
cette sorte seroit mille fois plus éclattant que
tout ce qu’on a decrit des pompes des anciẽs
triomphes, & ie n’ay point leu dans l’histoire
de magnificence à moins de frais, & plus
glorieuse Regnez tousiours, grand Prince,
sur le Throre de vos Ayeulx, où vous serez
consideré de vos sujets, auec des yeux de respect,
& d’amour, & des Estrangers vos ennemis
auec de la crainte, & de la frayeur.

 

FIN.

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