Anonyme [1649], PREDICTION MERVEILLEVSE, En laquelle est prognostiquée la fin de nos maux. Trouuée dans les ruines d’vne Maison renuersée par l’inondation des eauës. , françaisRéférence RIM : M0_2844. Cote locale : C_6_64.
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PREDICTION
MERVEILLEVSE,
En laquelle est prognostiquée la
fin de nos maux.

Trouuée dans les ruines d’vne Maison renuersée
par l’inondation des eauës.

A PARIS,
Chez IEAN HENAVLT, au Palais, dans la
Salle Dauphine, à l’Ange Gardien.

M. DC. XLIX.

Auec Permission.

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PREDICTION
MER VEILLEVSE,
En laquelle est prognostiquée la fin
de nos maux.

Trouuée dans les ruines d’vne Maison renuersée
par l’inondation des eauës.

CE n’est pas sans grande raison qu’vn
S. Personage desirant donner quelque
consolation à vne Dame d’vne condition
eminente, affligée de la perte recente
d’vn cher Espoux, luy disoit : que
les œuures de Dieu estoient admirables. Puisque
cela s’estant tousiours trouué tres-veritable, est
encore confirmé par la conioncture de affaires
presentes. Quelles plus grandes afflictions pouuions-nous
souffrir que celles que nous auons ressenties
ces iours passez, voyants la moitié de nostre
florissante ville inondée des eaux, bloquée en
tous les passages, qui conduisoient les viures dans
son enceinte ? La campagne & les lieux circonuoisins
couuerts d’vne pernicieuse canaille, & d’vn

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amas de Monstres plustost que d’hommes de plusieurs
nations estrangeres, qui ne cherchoient que
la ruine de nostre chere patrie : Et nous voyons
tout soudain que par vn coup du Ciel inopiné, vn
rayon de lumiere vient éclairer nos tenebres & dissiper
nos craintes & nos apprehensions. Les eauës
se sont retirées dedans leur lict ordinaire, aprés
nous auoir fait plus de peur, qu’elles ne nous ont,
graces à Dieu, causé de dommage. Le plus grand
qui ait paru, s’est rencontré à la Chaussée, à vne
lieuë de Sainct Germain en Laye ; & c’est en ce mesme
lieu, où dans les ruines d’vn edifice, qui fut renuersé
de fonds en comble ; & comme pour nous
consoler de cette perte, on a trouué vne petite boëte,
de largeur de neuf poulces, ou enuiron en quarré,
assez mal composée, & aussi peu polie, qui enfermoit
deux petites placques de cuiure, où estoient
grauez quatre Quatrains en lettre antique. Comme
ces vers predisoient les calamitez qui nous
sont suruenuës ; aussi nous en promettoient-ils vne
fin auantageuse ; suiuant l’explication qu’en a fait
vn Personage sçauant, & vn arbitre & interprete
irreprochable. Le premier quatrain estoit conceu
en ces termes.

 

 


Quiconque est refractaire aux Lois,
Il faut qu’il fasse renitence ;
Mais ceux qui enluent les Rois,
Meurent dans la peine & souffrance.

 

L’explication de ce Quatrain est si facile, qu’il

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n’est pas fort necessaire, apres l’auoir simplement
proposé, de s’y trauailler dauantage. Ceux qui sont
refractaires aux Lois, suiuant le sentiment de ce
Personage, ne sont autres que ceux qui ont agi
contre l’Arrest donné en l’an mil six cens dix-sept,
portant qu’aucun estranger ne pourroit
estre receu à l’administration de l’Estat. Et cependant,
ils n’ont pas laissé de receuoir Mazarin
dans le maniement des affaires ; aussi a-il esté la
cause de toutes les trauerses, qui sont suruenuës
depuis qu’il a pris en main le gouuernement.
Et c’est dequoy ils font vne rude penitence.
Ne les voyons-nous pas tous les iours occupez aux
affaires publiques, surseoir la poursuitte de leurs
negoces particuliers ? Ne les voyons-nous pas continuellement
attachez à nos interests, mesme à leur
propre dommage, pour nous tirer de l’esclauage,
où nous vouloit engager vn temeraire vsurpateur,
qui est deuenu tel, de mauuais Ministre estranger
qu’il estoit auparauant. Le second Quatrain portoit
ces paroles :

 

 


Ie preuoy vn regne François
Qui sera semblable à Tibere :
O grand Dieu conseruez nos Rois,
Et nous retirez de misere !

 

Ceux qui ont autrefois fait lecture de l’Histoire
Romaine, n’auront pas grand besoin d’explication
pour le second Quatrain proposé : puisque la vie &
la prodigieuse fortune de Sejan Fauory de Tibete

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Empereur Romain, y est amplement descrite, & à
qui celle de Mazarin a vne tres-notable conformité.
Cette comparaison est encore parfaitement
bien tracée par vn Autheur de nostre temps, dans
vne Piece qu’il intitule, L’Ambitieux, ou le portraict
d’Ælius Seianus en la personne de Mazarin.

 

Voyons donc le troisiesme Quatrain, dont l’expression
est telle :

 


Quand l’on comptra quarante-neuf,
Auecque six cents & vn mille,
Les habitants d’vne grand’ville,
Auront plus de mal qu’vn estœuf.

 

Ce troisiesme n’est que trop veritable, & nous
ne le reconnoissons qu’auec vn fascheux ressentiment,
lors que nous voyons vn si grand nombre
d’illustres Personages qui composent le Corps de
nostre Auguste Areopage, souffrir iour & nuict de
si extraordinaires inquietudes. Dieu veuille, comme
nous l’esperons à ce coup qu’ils en reçoiuent
vne glorieuse recompense par vne issuë auantageuse.
La fin de leur trauail sera la fin de ce peu que
nous y contribuons, puisque toutes nos veilles &
nos desirs ne tendent qu’à leur satisfaction particuliere,
comme leurs trauaux n’ont pour but que le
soulagement de la misere publique. Tel est donc
le sens de ce troisiesme. Quatrain ; & il est aisé de cõprendre
qu’il ne nous marque autre chose que la
suitte funeste des mal-heurs passez, & qui deuoient
nous attaquer en cette année, puisque ioignant le

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deuxiesme vers auec le premier, il se trouuera le
nombre de mil six cents quarante-neuf, qui est celuy
de l’année courante. Mais il semble que l’Autheur
de ces Quatrains se soit oublié en quelque
chose, disant seulement que les habitans d’vne
grande ville souffriroient de grandes incommoditez,
puisque plusieurs habitans des bourgs & villages
circonuoisins en ont eu leur bonne part, & en
ont receu des pertes plus considerables.

 

Mais en fin le quatriesme Quatrain fait tout le
sujet de nostre resiouyssance, puisqu’il nous promet
la fin de tous ces troubles en telle façon :

 


Mais courage, Pasque viendra
Et nous aurons du changement,
Et l’encordonné vrayement
En grand’feste l’on detiendra.

 

Il n’y a personne qui ne voye euidemment que
ce Quatrain nous est autant fauorable, que le troisiesme
nous estoit funeste & espouuentable. Il faut
croire par là que les maux qui nous sont arriuez, &
qui prennent fin, Dieu mercy, par vne paix tant desirée,
nous ont esté enuoyez du Ciel, puisque nous
en trouuons, comme il paroist icy, les presages en la
terre, & que si la fin en est remise à Pasque, c’est
qu’on nous a marqué ce temps pour acheuer entierement
de nous mettre en repos, & nous rasseurer
de toutes nos inquietudes.

FIN.

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