Anonyme [1651 [?]], RECIT SOMMAIRE DE CE qui s’est passé au Parlement, sur le sujet de la retraitte de Monsieur le Prince à Sainct Maur, dans la derniere deliberation. , françaisRéférence RIM : M0_2998. Cote locale : B_10_2.
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RECIT SOMMAIRE DE TOVT
ce qui s’est passé au Parlement, sur le suiet
de la retraitte de Monsieur le Prince à
Saint Maur, dans la derniere
deliberation.

LES Princes du Sang estant dans l’Estat,
ce que les yeux sont dans le corps humain,
il n’y a point de bon François, qui ne
doiue employer tous ses soins, pour empescher
que cette lumiere qui sert à diriger toute
la conduite de la Monarchie ; particulierement
dans la minorité des Rois, ne souffre
point d’éclipse, parce qu’elle ne peut
auoir que des effets tres-funestes pour le
public, & pour les particuliers. C’est ce qui
a obligé le Parlement qui veille sans cesse à
la conseruation de ce Royaume, de prendre
part à la retaite de Monsieur le Prince ; & de
ioindre ses soins à ceux de Son Altesse Royale,
pour oster l’interposition de ces corps malins,
qui arrestoient le cours des influences
de cét Astre si fauorable à toute la France.

Pour cét effet, Monsieur le Prince ayant
fait connoistre à cette illustre compagnie
ses defiances contre les sieurs de Servient, le

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Tellier & Lyonne, entierement desvoüez
aux passions du Cardinal Mazarin son ennemy,
qui l’ont obligé de se retirer de la
Cour, elles ont esté trouuées si iustes & si
legitimes, qu’elle a creu les deuoir porter
à la Reine par des supplications & des remonstrances,
afin qu’il pleut à Sa Majesté
donner à ce grand Prince toutes les seuretez
necessaires, qui ne peuuent estre autres,
que l’éloignement des trois personnes, sans
lequel, ni la fortune publique, ni la sienne
ne peuuent iamais estre asseurées.

 

Ie serois trop long à vous desduire par le
menu tous les aduis qui ont formé vne resolution
si importante, il me suffira de vous
faire connoistre les sentimens de Son Altesse
Royale, & de Monsieur le Prince de Conty,
comme ceux qui ont donné le mouuement
à ce bel Arrest, de l’execution duquel nous
deuons enfin nous prometre le calme de tous
ces orages, que ce genie de nos mal-heurs, le
Cardinal Mazarin a excitez depuis tant d’années,
& dont ses Partisans fournissent encor
la matière, dans l’esperance qu’ils ont conceuë
d’asseurer par la continuation des troubles
& des desordres son retour, & leur propre
conseruation.

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Monsieur le Prince de Conty a dit, qu’il s’estoit
toûjours imaginé, que la fin de cette deliberation
n’estoit point de chercher des seuretez à Mr son frere,
mais bien de prendre quelque resolution sur ce qu’il
auoit declaré de la part de Monsieur le Prince, qu’il
ne pouuoit prendre aucune confiance, ni reuenir à
la Cour, que les trois Creatures du C. M. ne fussent
éloignées ; repetant qu’il auoit crû que la compagnie
n’auoit qu’à voir ce qu’elle auoit affaire sur cette
seureté, que Monsieur son frere demandoit, estant
inutile d’examiner les autres que l’on proposoit, puis
qu’on ne pouuoit pas leur donner ce nom, parce
qu’elles n’estoient que les mémes asseurances, contre
la foy desquelles il auoit souffert la plus rigoureuse
& la plus injuste oppressiõ fut iamais, que Monsieur
son frere & luy auoient esté arrestez au prejudice de
deux declarations authentiques, que pour les persecuter
on auoit violé des paroles, desquelles mesme
Monsieur le premier President auoit esté le dépositaire,
qu’ils ne pouuoient donc attendre qu’vne fortune
pareille, tant qu’ils verroient à la Cour des gens
qui monstroient par leur conduite, qu’ils auoient
pris le C. M. pour leur modelle, aussi bien que pour
leur Maistre & leur Protecteur, qu’ils deuoient estre
persuadés, que puisqu’ils auoient esté capables de lui
conseiller toutes sortes de violence pour affermir sa
tyrannie, ils le porteroient parcillement aux mesmes
extremitez pour le restablir, contre des personnes,
qui seront toûjours les plus grands obstacles à son
retour, que c’estoit par cette consideration, que leur
éloignement faisoit également la seureté de Mr le

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Prince, & celle de tout le Royaume puis qu’il estoit
tres-certain, que la tranquillité publique estoit incompatible,
mesme auec la seule pensée du restablissement
du C. M. quand elle ne deuroit iamais auoir
d’effet, & qu’on voyoit clairement que les sieurs
Servient, le Tellier & Lyonne auoient ce dessein,
tant par l’attachemẽt qu’ils auoient toûjours eu à sa
personne, & par leur conduite depuis qu’il estoit hors
du Royaume, que par les aduis qu’on en auoit de
toutes parts, dont il n’estoit pas besoin de faire souuenir
la compagnie, parce qu’on en auoit déja assez
parlé, Qu’il estoit donc d’aduis pour establir le repos
de l’Estat, & celui de Monsieur le Prince d’informer
cõtre ceux qui auoient fait des voyages à Cologne,
& notãment contre ceux qui venoient d’estre nommez
par Monsieur le Duc de la Roche-Foucault ;
c’est à sçauoir les sieurs B. B. A.
Fouquet declarer ensuite criminels de leze-Majesté,
& perturbateurs du repos public, ceux qui negocieront
doresnauant auec luy en quelque maniere que
ce fut, & supplier tres-humblement la Reine d’éloigner
desConseils du Roy & de sa personne, les sieurs
Servient, Lyonne & le Tellier.

 

Son Altesse Royalle à laquelle la France n’est pas
moins obligé de la proscription du C. M. que de la
liberté de Messieurs les Princes, adjoûta excellamment
à tout ce qui auoit esté proposé, que la deliberation
rouloit sur deux points sçauoir sur la seureté
de Monsieur le Prince, & celle du public,
qui n’en faisoient qu’vne à son sens, par ce qu’elles
ne pouuoient estre separées, la seureté de Monsieur

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le Prince estant celle du public, comme la seureté
du public estoit celle de Monsieur le Prince, il s’estendit
ensuite sur les precautions que l’on deuoit apporter
contre le retour du Cardinal, pour lequel il
ne falloit point douter que ses Creatures ne trauaillassent
incessament, qu’il n’y auoit point de cabale,
qu’ils n’eussent forme dans ce dessein, soit dedans soit
dehors le Royaume, que l’entreprise de Brissac auoit
esté forte dans cette veüe, que la negotiation de
Sedan n’auoit point eu d’autre fin ; Ie ne puis obmettre
ce qui auoit esté remarqué peû de iours auparauant
dans la compagnie que des Lettres Patentes
pour remettre Sedan en souueraineté separée du
Royaume estoit entre les mains des gens du Roy, ce
qui est vne preuue certaine que l’on medite d’en faire
vne retraite à ce ministre ; Son A. R. exaggera
fort les diuers voyages faits à Cologne, & particulierement
celuy de Monsieur de Mercœur comme
vne conuiction de son mariage, dans lequel il n’y
auoit point d’aparence qu’vne personne de cette
condition eut voulu s’engager sans estre asseuré du
retour de ce Cardinal & de son restablissement dans
les affaires qu’il y auoit lettres du sieur de Vitermon
au Lieutenant Colonel du Regiment des Gardes,
comme il estoit attendu à Dunquerque pour sçauoir
de quelle maniere on luy receuroit & qu’ainsi
il n’y auoit point lieu de d’outer que ce retour n’occupât
toutes les pensées de ses creatures ce qui ioint
à toutes les autres considerations dont S. A. R.
Monsieur le Prince de Conty & Monsieur le Prince
par ses lettres s’estoient asses expliqué estoit vn juste

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sujet à M. le Prince de se retirer comme estant vn
des principaux qui s’opposoient à l’execution de ce
dessein, & conclut qu’il falloit donner toute sorte
de seureté à Monsieur le Prince & au public.

 

Ie ne vous parle point de l’opinion de ceux qui
estimerent que la compagnie ne deuoit point entrer
en cette deliberation, par ce qu’outre qu’elle
estoit fort particuliere, & qu’elle fut puissamment
releuée par Monsieur le premier President, celuy
qui s’appuya d’auantage, se trouua en quelque façon
contraire à luy mesme, estant vn des premiers
qui a soustenu auec plus de vigueur que l’esloignement
du Cardinal Mazarin & de ses creatures, estoit
absolument necessaire pour le repos & la tranquillité
de l’Estat.

Nous attendons le succez des Remonstrances
qui doiuent estre faites, auec dautant plus d’impatience,
que nous venons d’aprendre que l’on
s’efforce par des remises, & des delais qui sont le
grand ressort de la politique Mazarine, d’en empescher
l’effet par ce qu’on ne s’y peut oposer par la
raison & par la Iustice, jusques là qu’ils veulent
persuader, que Monsieur le Prince est entré en negotiation,
quoy qu’il ait publiquement declaré,
qu il n’en veut escouter aucune, & qu’il ne peut
chercher ses seuretez, que par l’entremise de S. A.
R. & du Parlement lesquelles il ne sçauroit iamais
prouuer que par l’eloignement de ces trois personnes,
qui ne sont pas moins ennemis du publicque
de sa maison & tres important pour leuer tous les
scrupules, tous les ombrages, & tous les pretextes.

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Anonyme [1651 [?]], RECIT SOMMAIRE DE CE qui s’est passé au Parlement, sur le sujet de la retraitte de Monsieur le Prince à Sainct Maur, dans la derniere deliberation. , françaisRéférence RIM : M0_2998. Cote locale : B_10_2.