Anonyme [1652], RECIT VERITABLE DE TOVT CE QVI S’EST FAIT & passé A l’arriuée du Cardinal Mazarin, vers sa Majesté. Auec la Reception qui luy a esté faite. , françaisRéférence RIM : M0_3017. Cote locale : B_13_4.
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RECIT
VERITABLE DE TOVT CE QVI S’EST FAIT
& passé A l’arriuée du Cardinal
Mazarin, vers sa Majesté.

Auec la Reception qui luy a esté faite.

A PARIS,
Chez IACOB CHEVALIER, proche Sainct
Iean de Latran.

M. DC. LII.

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Recit veritable de tout ce qui s’est
fait & passé à l’arriuée du Cardinal
Mazarin vers leurs Majestez.

Auec la reception qui luy d esté faite.

SANS doute que l’arriuée de Monsieur
le Cardinal Mazarin en Cour
& le bon accueil qu’il a receu de
leurs Majestez, à causé diuers mouuemens
dans les esprits de plusieurs
bons François qui ont tousiours eu auersion de la
conduite de ce Ministre Estranger : & de joye
pour ceux qui sont attachez à ses interests. I’ay crû
que les Curieux seroient bien aises d’apprendre
quelques circonstances de son arriuée.

Le 18. du courant le Cardinal Mazarin prist son
chemin vers le Roy, pour tascher d’arriuer au 20.
ce qu’il fit, accompagné de quinze cens Caualiers
armez de mousquets, & de deux mil Fantassins
tant fuzeliers que mousquetaires & piquiers, Lequel
estant arriué vers la Maiesté, luy auroit esté
rendre ses deuoirs, & luy tesmoigner auec ses douces
paroles accoustumées, qu’il ne desiroit rien
tant qu’vne paix, tant par le Royaume que par les
autres contraires à la France : & qu’il ne souffriroit

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iamais vne lascheté preiudiciable tant au bien de sa
Maiesté que de son Estat. Lequel apres auoir receu
de sa Maiesté auec toutes les courtoisies d’vn Prince
aussi bien né que fust iamais aucun, des remercimens
des bons desseins que le Cardinal Mazarin
auoit pour le bien de son Royaume, il se separa de
sa Maiesté auec vn contentement & vne satisfaction
toute extraordinaire, non seulement à cause
de son heureuse arriuée, mais à cause de la reception
que sa Maiesté luy auoit faite. En suite il alla
dans le departement de la Reyne, laquelle le receut
non pas seulement auec toutes sortes de reiouissances
& satisfaction, mais auec beaucoup de
bien veillance, qu’elle luy a tousiours tesmoigné
non seulement à cause de ses merites, mais encore
de l’auoir, malgré toutes les impetuositez de la
guerre, r’appellé & fait reuenir Ce qui n’empesche
toutefois que le Cardinal Mazarin n’aye tousiours
dans l’esprit vne crainte qui l’oblige de prendre soigneusement
garde à sa personne, d’autant que
l’Arrest qui a esté donné contre luy, ne luy est pas
beaucoup fauorable, & voyant sa teste à vn prix si
grand qu’il craint mesme que ses domestiques ne
taschent d’attenter à sa personne pour tascher d’auoir
la recompence que peut estre apres beaucoup
de trauaux & seruices ils ne pouroient esperer.
Mais pour reuenir au subiet que ie pretends vous
dire de son arriuée : Apres s’estre retiré en son departement,

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estant fatigué & lassé des trauaux de la
longueur du chemin pour tascher d’euiter la rencontre
de tous les Messieurs de la Cour, lesquels
taschoient de toutes façons d’aller rendre les hommages
au Cardinal, lesquels ne pouuoient à cause
des difficultez que i’ay déia dites, les pria de l’exempter
pour ce iour, ce qui fut aussi-tost executé,
mais apres que la nuict eust retiré les tenebres de
dessus la terre, le Soleil n’ayant pas le temps d’attirer
le reste de l’humidité de la nuict, que voicy arriuer
aussi-tost vne si grande abondance de personnes
de condition qui auec vn souhait tout particulier
de parler au Cardinal Mazarin franchirent
les anti-chambres, & aussi-tost arriuerent où le
Cardinal Mazarin auoit reposé cette nuict, où estants
tous assemblez, les receut auec toutes sortes
de ciuilitez & courtoisies, leur tesmoignant qu’il
desiroit absolument leur rendre des seruices &
biens-faits, pour recompence de tant de trauaux
qu’ils auoient receus à sa consideration, & que
pour cet effet qu’ils luy demandassent ce qu’ils
voudroient, pourueu qu’il fust en sa puissance, &
qu’il tascheroit de leur dõner satisfaction, dequoy
ils le remercierent auec autant de ciuilité qu’il leur
estoit offert. Cependant chacun ne cessa de le venir
asseurer de leur personne, & de luy tesmoigner la
reiouissance qu’ils auoient euë de l’action de la Baronne
de Ionzac, qui est,

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Que Monseigneur le Prince de Condé voulant
se retirer dans vn poste plus auantageux que ce.
luy où il estoit, auroit fait defiler son armée vers
le Chasteau de Iouzac, où il auroit esté receu par
la Baronne, auec toutes sortes de satisfactions,
d’autant que le fils de la Baronne s’estoit ietté
depuis quelques temps dans les trouppes de
Monseigneur le Prince de Condé malgré la volonté
de sa mere, laquelle ayant l’ame genereuse
& persistant dans l’opinion qu’elle auoit tousiours
eue, mais voyant que le Prince de Condé
auoit mis cinq cens hommes de Caualerie &
cinq cens d’Infanterie dans son Chasteau pour
s’en asseurer, la Barõne apres le depart de Monseigneur
le Prince de Condé, fit faire si bonne
chere aux soldats, qu’ils estoient tous enyvrez
de boissõ, ce qui fut cause que les paysans, crainte
de pillage, comme ils auoient eu autrefois,
se seroient saisis de leurs personnes, les auroient
tous mis à mort dans le Chasteau, pendant que
Monseigneur le Prince faisoit siller tant la Caualerie
que l’infanterie. Mais Monsieur le Conte
d’Harcourt ayant esté aduerty par personnes
expertes aux armes, que l’armée de Monseigneur
le Prince marchoit, auroit aussi-tost faict
decamper la sienne, lequel apres auoir fait sonner
la trompette & le tambour dans son camp,
auroit mis son armée en bataille, & auroit esté

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poursuiure Monseigneur le Prince, lequel il auroit
attrapé le lendemain à la pointe du iour, &
Monseigneur le Prince voyant l’armée de Monsieur
le Comte d’Harcourt si proche de luy, auroit
aussi tost tasché de r’assembler ses trouppes
pour tascher de donner bataille, mais apres s’estre
vne longue espace de temps deffendu courageusement
de mesme comme il auoit esté attaqué,
se retirerent enfin tous les deux partis,
auec autant de perte d’vn costé que de l’autre,
dequoy Monseigneur le Prince auroit eu beaucoup
plus d’auantage, sinon que la moitié de ses
troupes estoient allez d’vn autre costé à la petite
guerre. Voilà ce que i’ay peu apprendre par les
derniers qui m’ont esté escrites, & si tost que
i’auray d’autres nouuelles, ie vous en feray participans.

 

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