Anonyme [1651 [?]], REFLECTIONS SERIEVSES ET IMPORTANTES Sur les Affaires presentes. , françaisRéférence RIM : M0_3064. Cote locale : B_6_26.
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REFLECTIONS
SERIEVSES ET IMPORTANTES
Sur les Affaires presentes.

C’est vne chose bien estrange que la tyrannie
que le Cardinal Mazarin a introduit en France
soit venuë iusques-là, qu’il soit permis à ses Emissaires,
quoi que bannis & condamnez aussi bien que
luy, de l’exercer indifferamment sur toutes sortes de
personnes auec impunité, & qu’il nous soit absolument
deffendu de nous plaindre auec toute sorte
de raison ; que les peuples ne soient pas seulement
suiets aux mesmes souffrances, pour lesquelles ce Ministre
a esté exillé ; mais que les Princes du Sang soiẽt
encores chassez par les persecutions qu’ils reçoiuent
à la Cour animée de l’esprit estranger, parce qu’ils
ne veulent point donner les mains à l’oppression
que le Conseil Mazarin du Roy nous prepare par le
restablissement de ce Monstre, sur le debris des
mieux intentionnés, & sur la perte generalle de
tout le Royaume.

Il n’est pas auiourd’huy permis à Monsieur le Duc
d’Orleans de dire son sentiment sur l’establissement
qu’on fait d’vn Conseil composé de personnes entierement

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desvoüées à ce Ministre estranger. Il ne
luy est pas permis de dire qu’il s’estonne de trouuer
des personnes dans le Palais Royal, qu’on en auoit
chassé, pour leur mauuaise versation, & que l’on y
fait rentrer sans qu’il en ait eu connoissance, ny
comme Oncle du Roy, ny comme Lieutenant General
de la Couronne. On trouue mauuais que Son
A. R. se plaigne que Chasteauneuf soit assez effronté
malgré son sentiment, de se trouuer aupres de la
personne du Roy ; sçachant bien qu’il n’y est souffert
que parce qu’il s’est attaché nouuellement aux
interests du Cardinal Mazarin. On ne trouue pas
mauuais que ce nouuel amy de ce Ministre soit depuis
cette reconciliation, en despit des Princes du
Sang, dans le Conseil, & l’on approuue qu’vn tel
outrage soit fait au Sang Royal en la personne de
Messieurs les Princes, parce que c’est la satisfaction
d’vn Sicilen banny, d’vn Espagnol de naissance, &
d’vn ennemy declaré de l’Estat.

 

Ce n’est pas assez pour le Cardinal Mazarin d’auoir
entierement ruiné la France, d’auoir affoibly
l’authorité Royale, & d’auoir pour ses interests particuliers
mille fois exposé la Couronne. Il faut qu’il
perde tout ce qui reste de l’illustre Sang de nos
Rois ; qu’il chasse tout ce qu’il y a de bien intentionné
dans le Conseil ; il faut qu’il y mette des
personnes à sa deuotion, & qu’il y regne plus souuerainement
que iamais par les intelligences secretes
qu’il y conserue.

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Les Arrests du Parlement donnez contre ceux qui
comercent auec luy, ne sont que des couleurs pour
amuser le peuple ; la negociation continuë auec ses
Emissaires ; il attente de Cologne sur ce qu’il y a de
plus entier & de plus sain dans le Conseil du Roy ;
sa Maiesté ne sert que pour authoriser de son nom
toutes ses entreprises ; puis que son propre sang
n’est pas exempt de ses persecutions dans la personne
mesme de ses plus proches s’ils osent parler pour
le bien de son Estat, & le repos de son peuple. Sa
iustice est differée par les artifices du Cardinal, & ses
parolles Royales sujettes au manquement de foy,
& aux fourbes, aussi bien que celles de cet Italien ;
Enfin toutes choses sont conduittes dans son Conseil
selon les inclinations de ce Ministre banny. Ce
que l’on fait auiourd’huy dire au Roy, on le nie
deux iours apres, si l’on fait declarer à sa Maiesté
qu’elle n’a point consenti au mariage de Monsieur
de Mercœur, on enuoye vn autre Messager au Parlement
asseurer la Compagnie que la consõmation
s’en est faite en sa presence, & par son cõsentemẽt.
Enfin l’on fait paroistre le Roy par tous les carefours
de Paris en Declamateur, en Autheur de libelles diffamatoires,
& en Calominiateur de la plus belle
vie, qui ait respiré sous le regne de tous ses predecesseurs.
On luy fait blasmer la conduitte de M. le Prince,
de qui sa Majesté a receu plus de seruices de plus
essentiels au salut de son Estat, de plus importans à la

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conseruation de la Monarchie, & plus en nõbre que
iamais Subjet n’en a rendu à son Souuerain. Et pour
mõstrer au moins esclairez iusques où va la tyrãnie,
ou l’ambition de cet estranger, on luy fait blasmer
la conduitte de Monsieur le Duc d’Orleans son Oncle,
parce qu’il ne veut pas laisser l’administration
de son Royaume à la direction des Emissaires du
Cardinal Mazarin, qui l’a desia mis sur le penchant
de sa ruine, & qui continuë encore de l’y precipiter ;
De maniere qu’on ne peut cõceuoir que ce Sicilien
puisse auoir si estroitement attaché la Reyne à ses
intests, que par quelque sortilege, ou par quelque
autre neud d’amitié indissoluble & volontaire qu’on
n’ose dire, quoy que peu de personnes en doutent ;
puis qu’il n’est pas seulement deffendu aux peuples
de declarer leurs souffrances, mais encore l’on bannit
les princes du Conseil parce qu’ils sont attachez
au bien de l’Estat, & ennemis de ceux qui l’ont d’estruit.

 

On approuue la conduitte du chef d’vne Compagnie
qui donne le branle à toutes choses, parce que
par ses artifices, il prolonge la decision des affaires
les plus pressantes, pour faire gagner la Majorité,
dans laquelle les Partisans du Cardinal luy promettent
les Seaux, ou le premier rang dans le Ministere.

Vn Prelat est bien receu dans le Palais Royal,
parce qu’il a quitté l’interest du peuple pour fauoriser
le retour du Mazarin, par le credit qu’il auoit

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sur l’esprit des Parisiens, sur l’esperance qu’il a de
faire prendre à ses habits la couleur du sang de
tant de bons Bourgeois qui sont resolus de l’espancher
plustost que de souffrir l’entrée de ce Ministre
dans leur Ville.

 

Des Dames qui estoient bannies de la Cour, y
tiennent maintenant le haut bout, parce qu’elles
ont juré la perte de Monsieur le Prince pour faciliter
le retour d’vn Sicilien.

A bien considerer les choses en elles mesmes, il
faut necessairement dire, que tous ces nouueaux
reconciliez, nont iamais eu d’autre dessein que de
troubler l’Estat, puis que le Cardinal estant en France,
il n’y a point d’artifice qu’ils n’ayent mis en vsage
pour l’en chasser, quoy que le peuple, les Parlemens,
& le Roy mesme l’y souffroit, & maintenant
qu’il en est chassé par les sollicitations des vns, par
les Arrsts des autres, & par vne Declaration authentique
de sa Majesté, ils n’obmettent rien pour
luy donner l’entrée dans le Royaume, contre le
sentiment vniuersel de tous ceux qui ne se sont pas
laissez corrompre par les promesses de ce Monstre.

Enfin tous ceux qui estoient mal à la Cour pour
auoir seruy le Peuple, y sont bien receus, parce
qu’ils sont deuenus esclaues du Mazarin, & ennemis
de Monsieur le Prince. Monsieur le Duc d’Orleans
en est esloigné, parce qu’on n’a sceu le corrompre,
qui n’ayant point d’autre pensée que pour

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le bien de l’Estat, n’a pû non plus entendre parler
du restablissement de celuy qui a pensé le renuerser.

 

Voyant vne si violente disposition de mal-heurs
prochains, qui nous doiuent infailliblement arriuer,
si ceux qui sont establis pour y apporter du remede,
ne veulent en empescher l’execution. Vn
chacun doit sçauoir qu’il n’est pas deffendu à qui
que ce soit de se rendre justice soy-mesme, quand
il ne la peut esperer d’autruy ; Nous estant permis
de nous opposer à nos Ennemis par quelque voye
que ce soit, si l’on ne veut y remedier par la justice.
Il est presentement question de proteger ceux qui
nous protegent ; De nous deffendre des Ennemis
qui nous attaquent. On a contraint les premiers
de sortir de la Cour pour faire place aux derniers.
Monsieur le Duc d’Orleans en est sorty, parce
qu’on n’a pas voulu souffrir qu’il demandast ce qu’il
a jugé estre necessaire pour le bien de l’Estat, & le
soulagement du Peuple. Il n’est pas seulement juste
d’employer tout nostre pouuoir pour le remettre
dans vn poste que sa naissance & son merite luy
donne sans conteste ; mais absolument necessaire
qu’il soit dans vn lieu, d’où il ne peut estre banny
sans tyrannie, & où le bien de toute la France l’appelle.
On attaque la vertu de Monsieur le Prince,
parce qu’il s’oppose au retour de nostre Ennemy, il
y va du repos de tout le Royaume, & principalement

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du salut des Bourgeois de Paris de le secourir
dans vn si bon dessein. Enfin tous les deux nous
protegent, & se mettent en danger de leur vie pour
ce sujet ; nous en deuons faire de mesme pour leur
conseruation. Le Cardinal & ses Emissaires, nous
veulent perdre, en les perdant, nous ne deuons rien
oublier pour chasser ces Harpies en les conseruant :
Et le sentiment vniuersel de tous les Gens de bien,
est d’aller à Limours supplier Son Altesse Royale,
de reuenir dans cette Ville, à la garde des Bourgeois,
& d’en chasser tout ce qu’il y reste de Mazarin, afin
d’oster tous les obstacles qu’on fait naistre à la reünion
de la Maison Royale, & à la tranquillité publique.

 

FIN.

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