Anonyme [1652], RELATION VERITABLE DE CE QVI SEST PASSÉ AV PARLEMENT EN presence de son Altesse R. & de Messieurs les Princes, sur la détention des Députez en la ville de sainct Denys. Ensemble la Lettre de Cachet, du Roy enuoyée aux Deputez. , françaisRéférence RIM : M0_3223. Cote locale : B_5_54.
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RELATION VERITABLE
de ce qui s’est passé au Parlement en
presence de son Altesse Royale & de
Messieurs les Princes, sur la détention
des Députez en la ville de S. Denys.

IL ne faut iamais esperer rien de bon d’vn
homme qui fait profession de violer sa foy &
de rompre le droict des gens ; tel qu’est le Cardinal
Mazarin, qui a imprimé en l’esprit du Roy
cette pernicieuse maxime, qui n’est point obligé
à garder la foy à ses sujets.

Aussi sçait-il bien pratiquer cette perfidie,
comme il a fait enuers les derniers Deputez de
la Cour de Parlement, apres les auoir fait entretenir,
tant à Argenteüil, qu’à sainct Denys, par
le sieur le Tellier & Monsieur le Garde des
Sceaux à sainct Denis, & que le Roy vouloit la
paix, & ainsi prés de trois semaines se sont passées
sans leur faire response ny rien conclurre ;
pour par ces longueurs auoir moyen d’assembler
les forces, & assaillir Messieurs les Princes.

Mais le Mercredy 17. de Iuillet, le Roy estant

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sorty de sainct Denis entre les cinq & six heures
du matin pour aller à Ponthoise, ce Cardinal
a fait arrester audit lieu de sainct Denis,
lesd. sieurs Deputez de la Cour, contre la parole
à eux donnée de leur donner Audience fauorable,
puis retourner dés le Lundy 16. à Paris,
qui est violer proprement le droict des gens qui
a esté tousiours religieusement obseruée, mesme
entre les nations plus barbares.

 

Dans l’Assemblée du Parlement faite le Mercredy
17. Iuillet où estoient son Altesse Royale
& Messieurs les Princes, par Arrest a esté ordonné
que Monsieur le prince de Condé sortiroit
ce iour-là mesme auec bon nombre de Caualerie
& d’Infanterie pour aller querir lesdits sieurs
Deputez à sainct Denis.

Que le lendemain Ieudy 18. Iuillet Monsieur
le Chancelier seroit inuité de venir prendre sa
place au Parlement.

Qu’au mesme iour s’y rendroient aussi les
Ducs & Pairs de France, pour y prendre leur
sceance, & tous autres qui ont voix deliberatiue
au Parlement, marquez dans le tableau pour
deliberer & resoudre de ce qui seroit à faire en
cette occurrence.

Sur la fin de ladite assemblée vn Courrier,

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autres disent vn Huissier à la Chaisne, est entré
en la grand’Chambre auec lettre de Cachet du
Roy, portant que Messieurs les Princes enuoyeroient
leurs Deputez en Cour, pour déliberer
auec eux au sujet de la paix, laquelle Lettre a esté
rejettée, & sans y auoir voulu auoir égard.

 

Dés le Mardy 16. Iuillet, le Mareschal de
Turenne passa prés Senlis auec quinze cens cheuaux
& nombre d’Infanterie, sans sçauoir le
rendez-vous de ses trouppes ny les ordres
qu’il a.

Le Mercredy 18. Iuillet, Monsieur le Prince
assisté de Monsieur le Duc de Beaufort, du
Duc de Rohan, du Comte de Tauannes &
du Marquis de la Boullaye, auec la Caualerie
de leur Armée, & quatre Regimens d’Infanterie
& nombre de volontaires de Paris,
alla à sainct Denis sur les quatre heures apres
midy, où il entra sans trouuer aucune resistance,
il alla trouuer Messieurs les Deputez
du Parlement, qui sont à l’Abbaye, pour les
amener à Paris.

Monsieur le President de Nesmond, qui
parla prés d’vne heure à Monsieur le Prince,
luy dit, que le Roy leur auoit fait dire qu’ils

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demeurassent encores vingt-quatre heures à
sainct Denis, & qu’ils auoient baillé leur parole
à sa Maiesté, d’attendre à partir iusques
au lendemain, ce que Monsieur le Prince
trouua estre à propos, & que ce jourd’huy
19. Iuillet ils viendroient à Paris s’il plaisoit
à Monsieur le Prince leur enuoyer escorte,
ce qu’il leur promit.

 

Ce matin Ieudy, les mesmes Deputez receurent
vne Lettre de Cachet du Roy sur les
cinq heures, leur enjoignant de partir & se
rendre vers sa Maiesté, & qu’elle enuoyeroit
deux mille cheuaux pour les escorter. Cette
Lettre fut aussi-tost enuoyée à son Altesse
Royale, qui l’ayant leuë, s’est rendu à sept
heures au Parlement accompagné de Monsieur
le Prince & de Monsieur le Duc de
Beaufort.

Cette Lettre ayant esté leuë deuant le Parlement,
la Cour a donné Arrest, par lequel
Monsieur le Prince deuoit partir deux heures
apres pour aller à sainct Denis, & amener
à Paris Messieurs les Deputez, accompagnez
de Caualerie & d’Infanterie, & de receuoir

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ceux des Bourgeois de Paris qui voudroient
sortir, à laquelle sortie son Altesse Royale
y veut estre en personne,

 

La grande Assemblée qui se deuoit faire
auiourd’huy au Parlemẽt, à laquelle doiuent
estre Monsieur le Chancelier, Messieurs les
Ducs & Pairs de France est remise à demain
Vendredy 20. Iuillet.

Dans laquelle Assemblée doiuent estre
resolus les trois poincts suiuant le premier
de confirmer l’Vnion de la ville de Paris.

Le deuxiéme, qu’attendu que le Roy est
comme detenu prisonnier, son Altesse Royale
sera declarée Vice-Roy au Royaume par
l’espace de six ans, & que durant ce temps
les droicts d’Entrées seroient leuez pour suruenir
aux affaires.

Le troisiéme qu’il seroit enjoint à tous
Officiers de la Couronne qui sont auprés du
Roy, se rendre prés son Altesse Royale, à
peine d’estre declarez criminels de leze-Maiesté
& leurs charges & biens confisquez.

FIN.

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