Anonyme [1652], RELATION VERITABLE, DE CE QVI S’EST PASSÉ à Compiegne, depuis le premier de ce mois iusques à present. I. L’expedition des Deputez de Languedoc. II. Les Ordres données à Monsieur le Duc de Mercœure, pour tenir les Estats de ladite Prouince. III. Et les Ordres enuoyées au Mareschal de Turenne par sa Majesté. , françaisRéférence RIM : M0_3209. Cote locale : B_9_33.
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RELATION VERITABLE,
de ce qui s’est passé à Compiegne depuis
le premier de ce mois iusques à present.

ON vid en cette Cour dans vne grande
quietude, qui donne la satisfaction de
seruir le Roy & de faire son deuoir.

Les bonnes nouuelles y arriuent à tous momens
de l’obeïssance des Prouinces & des Parlements
qui ne veulent point la guerre.

Barcelone rauitaillé par le Cheualier de la
Ferriere, le Mareschal de la Morthe Gueray,
& en estat d’attaquer les retranchemens des
Espagnols.

Mouron rendu, & les ordres enuoyées pour
le razer.

La resolution prise par Monsieur le Duc
de Vendosme, de secourir Dunquerque,
dont l’on espere auoir bien-tost bonne nouuelle.

L’enregistrement de la translation du Parlement

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de Paris à Ponthoise, faite dans les
Sieges des principalles Villes du Royaume.

 

L’Amnistie publiée au Parlement seant
à Ponthoise pour ceux de Paris & autres
lieux, qui ont par le mal-heur du temps,
adherez au Prince & qui reuiendront à leur
deuoit.

Monsieur le President de Mesme & son
fils Conseiller, se sont rendus au Parlement
de Ponthoise.

Le Roy a disposé de la charge de Capitaine
de Sainct Germain en Laye, vacante
par la defection de Monsieur de Maison
President au Parlement.

Monsieur le Cardinal s’estant embouché
auec le Duc de Lorraine, & n’en ayant rien
peu obtenir : Monsieur le Mareschal de Turenne
eust ordre de partir auec l’Armée pour
aller combattre celle dudit Duc.

Les Deputez de Languedoc sont expediez,
& Monsieur de Mercœur a ordre du Roy, d’aller
tenir les Estats de ladite Prouince.

Mais comme le C. Maz. fait profession de violer
toute foy, donner & tient pour maximes tres-pernicieuses,
que l’on ne doit tenir ny garder
la foy & la parole aux sujets, il en a bien fait connoistre

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les effets enuers ceste ville d’Angers : car comme
elle eut tres-librement ouuert ses portes à ceux que
le Cardinal y enuoyoit pour s’en assurer, & fait entrer
nombre de gẽs de guerre plus grand qu’il n’auoit esté
accordé, pour chastier ses habitans, qui auoient pris
les armes sous le Duc de Rohan leur Gouuerneur
pour leur iuste deffense à empescher leur ruine, comme
s’estant instruicts de ce que plusieurs ville de
Guyenne, Poictou, de Berry & d’autres pays auoient
enduré sous la tyrãnie des soldats de ce Cardinal, ils ne
furẽt si tost entrez qu’au lieu d’y entretenir les articles
portez par la capitulatiõ à eux accordée, que les soldats
commencerent d’y viure comme à discretion, & leur
chef à exiger des sommes immenses des habitans.

 

Et contre la Declaration expresse du Roy de l’année
1648. verifiées en son Parlement de Paris, les Intendans
de la Iustice eussent esté cassez & reuoquez,
le Cardinal, qui ne fait non plus d’estat des Ordonnances
du Roy, ni des Arrests de Parlement de France,
que d’vne chanson, y a enuoié vne personne à sa deuotion
pour Intendant de la Iustice, lequel auec deux
cens Mousquetaire qu’il a logez dans le Chasteau
contraint les Marchands par emprisonnement des
Magistrats & d’autres principaux habitans à payer les
sommes qui leur estoient imposez dont la ville à enuoyé
ses deputez au Parlement de Paris en faire
ses plaintes.

L’on sçait les deportemens violent barbares & inhumains

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que les Soldats Mazarins ont commis és enuirons
de Saumur, de Tours de Blois sans espargner
les lieux sacrez ny auoir esgard à sexe ny à la qualité
des personnes qu’ils ont cruellement traictés, outre
les vols, & Larcins incendiens & bruslements qu’ils
ont commis en vne infinité de lieux, à la ruine & desolation
du pauure peuple.

 

Le dessein de ces impie estranger & ennemy notoire
estant de faire approcher ses armées es enuirons
de Paris pour se vanger de ceste grande ville capitale
du Royaume en la faisant souffrir, la famine & la disette
de toutes choses par la resolution par luy prise
de faire saisir toutes les aduenues & faire que la necessité
mettant ceste grande ville en grande peine le
grand peuple seroit contrainct à s’entrecoupper la
gorge, & à se ruiner de luy mesme, ce qui eut assouuy
sa malheureuse retention : Mais la deroute d’vne
bonne partie des trouppes par les armes de son Altesse
Royale, commandées par Monsieur le Prince de
Condé, ont destourné ce grand mal, cela pourtant ne
fait perdre la volonté de ce Scelerat d’acheuer la ruine
de la France par la continuation de la guerre, empeschant
que le Roy ne retourne en sa bonne ville de Paris.

Car au grand Conseil de guerre qui se tint à Gyen
il y a peu de iours, pour voir à quoy l’armée Mazarin
seroit employers, il y eut de grandes parolles contestation
entre le Mareschal de Villeroy, Gouuerneur

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de la personne du Roy, & le Mareschal du Plessis
Praslin, esclaue de ce Cardinal, sçauoir si sa Maiesté
retourneroit à Paris, le Mareschal de Villeroy proposa
de conduire sadite Maiesté en sa bonne ville
de Paris sans le Cardinal & qu’il sçauoit quelle y seroit
tresbien receuë par les Parisiens qui ayment naturellement
leur Roy, & se tiennent tres heureux
lors qu’il y sejourne comme au centre de son repos.
Mais il fut aussi tost contredit par le Mareschal du
Plessis Praslin au contraire, selon la resolutiõ de Mazarin,
qu’il ne falloit point amener le Roy à Paris &
que son Eminence ne desiroit pas retourner en vne
ville qui l’auoit iugé & condamné comme, criminel
de leze Maiesté, & qu’il falloit continuer la guerre
pour rompre la sincere vnion des Princes : ce Mareschal
fut consideré par les Mazarins & le Mareschal
de Villeroy rebutté.

 

D’auantage le Cardinal pour estre plus puissant
contre Messieurs les Princes à tiré la pluspart des garnisons,
non seulement des villes & places Frontieres
de France, mais de celles de Flandres, d’Italie & de
Catalogne conquises par les armes du Roy, ce qui à
esté cause que l’Espagnol auec bon nõbre de vaisseaux
a assiegé la ville de Grauelines par mer & par terre (laquelle
auoit esté le commencement du bonheur &
de la gloire des armes de son Al. R.) sçachant que
le Mareschal de Grançey en estoit absent, que la garnison
en auoit esté affoiblie par vne bonne partie des

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Soldats qu’on en auoit tiré selon les ordre de Mazarin,
& qu’elle estoit mal pourueuë pour se deffendre
& soustenir vn l’on siege, de maniere qu’il est comme
asseuré qu’en l’estat present auquel la France se
trouuent à present, que c’este place tres-jmportante
au Royaume se perdre & retournera à ses premiers
Maistres, ne pouuant estre secouruë.

 

Le mesme se peut dire de la Cataloge d’où ce mesme
Cardinal à tirer les meilleures trouppes que le
Roy y entretenoit pour y cõseruer son authorité, puis
que les Catalans s’estoiẽt de leur pures libre & volõté
donné à sa Maiesté Tres-Chrestienne, laquelle à employé
tant de millions d’or & de milliers de bons &
vaillans Soldats pour sa conseruation contre l’Espagnol,
en sorte que le Mareschal Hodancourt qui y
commande pour sa Maiesté, n’ayant forces ny argent
pour empescher la perte de ceste principauté, & sans
esperance d’en renuoyer pendant nos troubles ciuile,
ayant fait tout ce qu’vn grand & vaillant Capitaine
peut tesmoigner en la conduite de la guerre, sera
contraint de ceder à la force Espagnole laquelle
ayant tenuë long temps la ville de Barcelonne Bloquée
& assiegée par mer & par terre, par Montjoux
Citadelle qui la commande, s’en rendra finallement
maistre, ce qui sera par necessité suiuy du reste
de la Catalogne qui ne se pourra plus conseruer.

Il faut esperer le mesme de ce que les François possedent
en Italie, car l’Espagnol qui y a de grandes intrigues

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& intelligence, voulant se seruir de l’occasion
de nos guerres ciuille, trauaille à faire vne puissante
ligue auec les Princes & Republiques d’Italie, pour
en chasser les François & reprendre Cazal, Monacho
& autres places que le Roy a conquises par le bonheur
de ses armes : Ce Cardinal y ayant semé la diuision
& altere les cœurs & la bonne volonté que les
Princes & Potentats Italiens, auoient pour la France,
de laquelle ils ont tousiours esté puissãment secourus
lors que l’Espagnol leur a fait la guerre : mais depuis
que Mazarin y a entretenu des Corsaires & des Pyrates,
il les a rendus ennemis de la France, pauure, Frãce
malheureuse en ta condition presente, de voir que
pour maintenir vn estranger & tyran on y voye les
François armez contre les François, courir à ta ruine,
deschirant tes propres entrailles, & mettre l’Estat
au bord de sa perte, pour assouuir ce monstre impitoiable
& altere du sang de ton peuple.

 

Il est si insolent qu’au lieu de s’arrester dans le cours
de sa malheureuse conduite, & dessaier à se retirer
pour contenter la France, de laquelle il s’est rendu ennemy,
il recherche s’authoriser plus que iamais par de
nouuelles aliances qu’il proteste, comme celle du
mariage de l’vne de ses niepces auec le fils du Duc
de Boüillon, auquel il promet des Gouuernemens &
des Benefices, comme si la France dependoit toute de
luy & qu’il en peust disposer à son plaisir à, ce subjet
il a fait allé en Cour, le mesme Duc de Boüillon luy

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à fait donner la charge de Conseiller d’Estat, & d’estre
comme il est à present des premiers au Conseil secret
& de guerre du Roy, afin d’y faire passer & resoudre
tout ce qui entrera en l’Imagination de ce Cardinal,
qui veut esloigner sa Maiesté le plus qu’il pourra
de Paris, puis qu’il connoist que les grandes villes &
sur tout ceste capitale est resoluë de receuoir sa Maiesté
en cas qu’elle n’y amene Mazarin.

 

Son Altesse Royalle interessée au salut de la France
& au repos du peuple, trauaille grandement à grossir
son armée pour ruiner celle de nostre commun ennemy,
à quoy il n’espargne ses soins ny son credit, tant
enuers le Duc Charles de Lorraine, qui luy offre ses
trouppes, qu’enuers les Cours Souueraines, pour les
entretenir dans l’vnion resoluë pour le bien de
l’Estat.

Monsieur le Prince secondans la bonne intention
de son Altesse Royale, a tousiours protesté comme
il fait encore, qu’au cas que Mazarin soit esloigné,
il posera les armes & les joindra auec celles du Roy,
pour les employer contre les ennemis estrangers, &
empescher leurs irruptions en France, les autres Princes
vnis conspirent au mesme dessein.

Et defait son Altesse Royale & ledit Seigneur
Prince ayant fait leuer bon nombre de Cauallerie &
d’Infanterie dans Paris & aux enuirons, & fourny argent
pour l’entretenir, en font partir iournellement
des Compagnies pour s’aller rendre en l’armée de la

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dite Altesse en Gastinois, où elle grossit sous la
conduitte du Comte de Tauanne, assisté du Marquis
de la Boulaye & du Baron de Clinchant vaillant & experimenté
Capitaine, pour la subsistance de laquelle
armée, on achepte du bled & des fourrages aux lieux
où l’on en l’on en peut trouuer.

 

L’armée Mazarine a passé la Loire, & est entrée en
Gastinois prés la ville de S. Fargeau, qu’on dit auoir
comme inuestie, car pour Gerjeau, il ny passe personnes
à cause de quelques arches que fit rompre le
Baron de Sirop lors qu’il l’attaqua, contre le Comte
de Paluau, où il fut blessé au visage & au corps, en
telle sorte qu’apres auoir esté pensé fort soigneusement,
tant par vn Chirurgien que son Altesse Royale
luy enuoya que par d’autres Chirurgiens d’Orleans, il
mourut au tres-grand regret de sadite Altesse & de
toute l’armée, comme vieil & vaillant Capitaine qui
s’est trouué en six vingts batailles & combats & à
quantité de sieges où il a laissé mille belles preuues de
son grand courage.

La Cour est tousiours à Gyen, où se tient fort souuent
Conseil, pour resoudre où le Roy prendra sa
marche, le Cardinal Mazarin a beaucoup de fois
proposé de mener sa Maiesté à Lyon, peut-estre plus
proche d’Italie où il pourroit faire sa retraitte en cas
qu’il y fust contraint.

Autres ont esté d’auis de retourner en Berry, presser
& prendre Mouron, que Monsieur le Prince a fait

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nouuellement pourueoir de soldats & de munitions
necessaires pour la deffense.

 

Autres Conseillent de retourner à Tours, où est encore
le Grand Conseil auec ces deux Semestres, pour
de là aller à Angers, mais iusques à present il n’y a rien
de resolu, & le Cardinal attend les nouuelles leuées
qu’il fait faire sourdement à Paris & ailleurs, pour lesquels
faire, il a enuoyé des Capitaines auec argent &
Commissions, & lors qu’elles seront arriuées, son dessein
est de venir à vne autre bataille, qu’il s’imagine
gaigner sur Messieurs les Princes.

L’on escrit de Dijon qu’vne armée du Duc Charles
de Lorraine, commandée par le Major Hogge Sauoyard,
est arriuée à Iounelle & à Vezon en la Franche-Comté,
auec ordre exprés de passer en France, &
joindre l’armée de son Altesse Royale, pour à quoy
faire le pain de munition en plusieurs lieux, afin de
preuenir le desordre que ces trouppes Lorraines
pourroient faire en leur passage.

De plus le Comte de Volmo à quatre mille cheuaux
Allemans qu’il promet amener à sa mesme Altesse
Royale, aux conditions accordées.

On mande d’Amiens que le Duc d’Elbœuf & le
Mareschal d’Aumont ont ordre exprés de leuer le
plus de trouppes qu’ils pourront pour enuoyer à Calais,
à Dunkerque & au secours de Graueline, mais que
faute d’argent ils ne trouuent point de soldats qui se
veulẽt s’ẽrooller, ce qui pourra empescher de secourir

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Graueline, où les ennemis ont desia pris quelques
Forts, qui seruent pour les loger & incommoder
d’autant plus la place.

 

Les nouuelles de Bruxelles plus dernieres, sont que
le Duc Charles en deuoit sortir pour aller ordonner
vn autre corps d’armée conduitte par le Comte de Ligneuille
son Lieutenant General, qui doiuent passer
par le Barrois en Bassigny, & marcher vers l’armée de
son Altesse Royale.

Le premier corps d’armée arriué en Franche-Comté,
est venu d’Alsace où le Duc Charles les auoit enuoyez
hyuerner, ce dernier sort du pays de Liege, &
prennent deux differentes routes en leur marche pour
la France.

Qui est malheur bien grand de ce que l’on est contraint
de faire, ainsi entre des armées estrangeres au
Royaume qui n’y peuuent causer que de la ruine, &
de la desolation, & cela oblige pour preuenir la malheureuse
intention du Cardinal Mazarin, qui desire
voir les Princes, la Noblesse, les meilleurs Capitaines,
& les plus belles forces Françoises s’entre-ruiner pour
encourager, comme l’on croit, les ennemis estrangers
de nous faire plus facilement la guerre, n’entretenant
les armées d’hommes & d’argent que pour en
suitte se rendre Maistre des Prouinces de France qu’ils
iugeront estre plus à leur bien sceance, sans y pouuoir
estre empeschez.

Les trouppes de l’armée de son Altesse Royale qui

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estoit postée prés de Lorris en Gastinois, s’estendent
à present iusques à Montargis pour s’opposer aux Mazarins,
qui sont au deçà la Loire, & qui ont esté contraint
de quitter la Sologne, à cause de la peste & de
la charté des viures qui y regnent, & qui se pourroit
communiquer au reste de l’armée par les trouppes du
Marquis du Plessis Belliere, qui sont ainsi infectées de
la contagion, ce qui est cause qu’on leur fait changer
de lieu pour s’en garentir, ce semble que ce soit vne
iuste punition Druine qui se descharge sur ces gens-là
qui ont commis tant d’impietez, larcins & volleries,
& ruiné tant de peuples qui à present crient vengeance
à Dieu.

 

Les Villes des Prouinces attendent la resolution
de celle de Paris, & lors quand elles sçauront, qu’elle
se sera ouuertement declarée contre le Cardinal Mazarin
& ses adherans, & qu’elle s’vnira auec les Princes
pour chasser ce cruel tyran, elles protestent faire le
mesme, & de receuoir le Roy lors qu’il luy plaira y
aller, mais sans armer & sans le Mazarin, comme ne
se pouuant fier à ce violateur de foy, qui expose ainsi
les villes où ses Emissaires entrent auec armés à la
proye de ses soldats, qui est la seule raison qui les fait à
present roidir & refuser leurs portes aux Mazarins
lors qu’ils s’y presenteront, aymant mieux employer
leurs vies, leurs moyens & leurs iustes deffences que
de souffrir telles violances & cruautez si barbares.

La ville de Sens estant assise sur la riuiere d’Yonne,

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& par laquelle se conduisent à Paris les vins d’Auxerre
& de Bourgogne & quantité d’autres marchandises,
comme tres commode ; cela auoir fait resoudre au
Cardinal Mazarin de faire marcher son armée de ce
costé là, pour s’emparer de ce passage & empescher
par cette conduite les vins & les bleds qui viennent
à Paris, auec dessein aussi d’y loger, & pour cet effet,
il auoit enuoyé à la ville vne lettre de cachet du Roy,
faire entendre que sa Maiesté desiroit y venir.

 

Sur quoy fut tenuë assemblée ou fut mis en consideration
les voleries, que les gens de ce Cardinal
auoient commis és villes qui leurs auoient ouuert les
portes, quelques promesses qu’on leur eust fait de
ne faire aucun tort, & qu’ils ne feroient pas moins
arriuer de desordre à leur ville ces choses representées
tout le corps d’vne commune voix resolurent de ne
point receuoir le Roy qu’auec sa seule maison, sans
armée & sans Mazarin, mais que sa Maiesté desirant y
venir ainsi, elle y seroit tres-bien receuë, en sa ville de
Sens comme ayant esté tousiours affectionnée à son
seruice & des plus portez à luy rendre l’obeïssance
quelle luy doit.

Le resultat de ceste assemblée de ville, fut mis entre
les mains de trois de leurs Deputez qu’ils enuoyerent
en Cour : Mais au lieu d’estre escoutez & d’entendre
leurs raisons. On les a fait arrester & pour se
vanger de ce reffus, ils enuoyerent quelques compagnies
de Caualerie aux enuirons de la ville de Sens on

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ils commencerent a piller & à brusler, & eussent faict
le mesme aux faux-bourgs, sans l’ordre que ceux de
Sens y donnerent.

 

Surquoy il faut remarquer sur l’aduis de l’approche
de l’armée Mazarine vers le pays Senenois, la pluspart
de la Noblesse abandonna ses Chasteaux & Maisons
de campagne, & s’estant retirez auec les meilleurs de
leurs meubles en ladite ville, comme auoient fait
aussi les paisans de plus de trente bourgs & villages
circonuoisins qui y amenerent tout ce qu’ils auoient
pour l’oster de la voye de ces volleurs, & estãt ainsi retirez
à Sens, les Caualiers Mazarins ne manquerent
pas de faire leurs courses ordinaires au plus prez de la
ville, auec des desolations incroyables.

Alors par le Conseil du corps de la ville, la pluspart
des Gentils hommes qui s’y estoient refugiez monterent
à cheual auec leurs domestiques, & entre les
paysans furent choisis enuiron deux cens, qui auec
cinq cens ieunes hommes de la ville, tous bien armez
sortirent sur les deux heures de nuict, & allerent donner
vne Camisade à cette Caualerie qui s’estoient auãcez
iusques à vn quart de lieuë de Sens, ils les surprirent
endormis & les esueillerent si promptement que
sans leur donner temps de faire brider leurs cheuaux,
ny de prendre leurs armes, ils en tuerent la pluspart,
& quelques prisonniers qu’ils emenerẽt en ladite ville
auec tout le butin, ce qui resioüit grandement
nostre Bourgeoisie de se voir ainsi desliurez.

FIN.

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