Anonyme [1649], REMERCIEMENT DES BOVRGEOIS DE PARIS, A MONSIEVR LE COADIVTEVR, Archeuesque de Corinthe; OV RECOGNOISSANCE DES OVAILLES enuers leur vray Pasteur. , françaisRéférence RIM : M0_3279. Cote locale : A_8_65.
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LE LOVP AV PARC, ou
Recognoissance des Oüailles enuers leur
vray Pasteur.

[5 lettres ill.]cape saxa manu, cape robora Pastor.

Prend des pierres, Berger, & ton leuier en main.

N’EST-IL pas temps (apres que le Berger
sçauant aux Astres, & qui sçait aussi bien
preseruer son troupeau des tempestes & des
orages ennemis, le serrant dans les bergeries
en temps opportun, que de le defendre
contre les bestes nuisibles, lors qu’il void le Loup s’approcher
de son Parc, où ces animaux innocens reposent
exposez à toutes les iniures du temps, pour engraisser
la terre & la rendre fertile en froment) de prendre
les armes, d’inuoquer le secours de ses voisins, & non
content de crier au Loup, luy-mesme se saisir de pierres,
agasser ses chiens & esposer sa vie pour la defense de
ses oüailles ? Sera-t’il temps de crier au Loup & de fermer
ses clayes, quand les Brebis seront toutes, non seulement
escorchées, mais deuorées ? Il y a long-temps
que ce Loup rauissant rode autour de nous pour nous
engloutir. Il y a long-temps qu’il a estranglé les moutons
de nos voisins. Il y a trop long-temps que nous
voyons l’herbe de nos Pastis souïllée de leur sang, les
cabanes voisines font en feu, les Pastres sont massacrez,

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les Bergeres violées, & dans les champs & dans leurs
propres maisons. Tous nos amis prennent les armes :
les saincts Druïdes decernent contre cét ennemy commun :
les genereux Capitaines vont teste baissée contre
luy ; & le grand Pasteur demeurera les bras croisez ?
Non, non, il a trop de cœur, de tendresse & d’affection
pour son Troupeau. Ce Loup rauissant, c’est le Tyran
Sycilien, qui abusant de l’authorité d’vn Monarque
innocent, & de la bonté d’vne grande Princesse, rauage
nos campagnes, prophane nos Temples, massacre nos
concitoyens, fait deuorer par le feu ce qui reste de l’espée,
& ruine tout ce que sa conuoitise effrenée ne peut
attraper. Il pille nos tresors, il destruit nos armées, &
fait mourir plus de Soldats par la faim dans les Prouinces
estrangeres, que les ennemis n’en ont pû tuer par le
fer. Il veut vsurper la Souueraineté, & pour y paruenir
il veut détruire ce celebre Senat, fidele & genereux Protecteur
des interests de la Couronne. Il seme la haine
parmy nos Peuples, il arme les Princes contre leur propre
sang, expose tous les iours leurs vies à mille dangers,
& d’vn œil sec, à l’abry de la tempeste, il void regorger
nos riuieres du sang de nos Soldats, & de tant de
genereux Capitaines, que le courage porte aux lieux
les plus dangereux. Tout le monde pert de tous les
deux partis, luy seul gaigne toûjours en toutes façons,
tout reüssit à son pernicieux dessein. Il ne veut plus de
Soldats François, il ne veut plus de Princes, il ne veut
plus de Parlemens : les Tyrans sont ennemis des Loix &
de la Police. Et quand il se sera défait (de que Dieu
veuïlle empescher) de tous les bons François, il ne pardonner

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pas au Souuerain, les testes sacrées & couronnées
n’éuiteront point sa rage. Il ne se sert de l’authorité
du Roy que pour la destruire. Il flate cét Enfant,
mais c’est pour l’estouffer. Ce n’est pas luy qu’il ayme,
c’est sa Couronne. Il sort d’vn Païs trop fertile en venins :
il a estudié en vne trop bonne escole, pour ne sçauoir
pas mesler le suc des herbes, pour ne pas cognoistre
la force des mineraux, & se seruir du poison où il n’osera
toucher auec le fer. Mais Dieu Tout-puissant a descouuert
ses desseins, on l'empeschera bien de venir à
bout de ses entreprises : les François n’ont pas tout à fait
perdu le cœur, nous auons assez de forces pour nous
defendre, & trop de iustice en nostre party, pour estre
abandonnez du secours diuin. Nous auons tous vne
vne tres-grande obligation, & nous deuons nostre salut
apres Dieu, à ces venerables Testes, qui par leur Prudence
& experience dans les affaires, destournent ces orages,
à ces Princes & Seigneurs qui abandonnent toutes
leurs fortunes particulieres pour le bien du public, &
pour sauuer ce grand vaisseau durant la tempeste, qui
s’exposent aux coups de mer, & qui font vn rempart de
leurs corps pour defendre cette noble Cité. Mais nous
deuons auoir des ressentimens particuliers aux soings
de nostre grand Pasteur, qui non content, comme ce
grand Sacrificateur de l’ancien Testament, qui auoit
toûjours les mains leuées au Ciel pendant que le Peuple
d’Israël combattoit contre les ennemis de Dieu, non
content de leuer les mains au Ciel, & d’inuoquer iour &
nuict le nom de Dieu, pour appaiser son ire & destourner
les mal-heurs qui nous menacent, il met luy-mesme

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la main à la paste, il prend les armes en main, & comme
ce sacré Pasteur, ce petit Dauid, il employe toutes ses
forces pour terrasser ce Geant, ennemy de nostre Patrie,
& vsurpateur de la Couronne : Il ne perd point de
temps, de l’Autel au Palais, du Palais en la chaire, de la
chaire en l’Hostel de Ville, & tout le temps qui luy reste
de l’occupation en l’estude des sainctes Lettres, il l’employe
pour mettre ordre aux troupes qu’il amasse pour
le salut de sa Patrie. Les menaces de ses ennemis ne l’estonnent
point : les iniures & calomnies ne peuuent
blesser l’innocence & sincerité de ses intentions : la proscription
de ses biens, tant spirituels que temporels, ne
l’espouuente point, il met tout au hasard ; & quand il
auroit tout perdu, il luy semble gaigner assez, si par sa
ruine il empesche la nostre ; si au peril de sa santé, par
ses continuelles veilles & fatigues il defend la vie de ses
concitoyens. Il parle hardiment pour nostre party, il
sçait que Dieu est de nostre costé, & que nos armes sont
iustes, authorisées des Arrests & du Clergé & des Parlemens,
qui ont tous interest en cette cause, pour la conseruation
de cette Monarchie, & la deliurance de nostre
Prince Monarchique. Quand nous n’aurions point
d’autres raisons pour prouuer que nos armes sont iustes,
& celles de Mazarin iniustes. Que les Estrangers, qui
n’ont point d’interest à la cause, considerent les procedez
de l’vn & santé du Roy & de la Reyne, le venerable
Sacrement exposé sur les Autels, tout le monde ne demande
que la Paix ; les Chaires & les Temples ne raisonnent
dans les voûtes de nos Eglises que ce sainct

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nom de Paix, & que le nom du Roy. Que l’on considere
l’ordre en la Police, la discipline dans les Armées,
le moindre Païsan, ny Bourgeois, se peut-il plaindre de
l’insolence d’aucun de nos Soldats ? Nos Generaux conduisans
les troupes, semblent des assemblées de Religieux :
le nom de Dieu est inuoqué parmy eux, les vols,
les blasphemes, & toutes sortes de vices ordinaires à la
soldatesque, sont estroitement defendus & rigoureusement
punis : leur solde reglément payée, est leur vie ;
& le seul honneur, leur recompense. De l’autre party,
les blasphemes, les reniemens, les violemens, les saccagemens,
les meurtres, les incendies ; & la paye du soldat,
le bien des pauures gens ; sa boisson, leur sang, & leurs
despouïlles, la recompense du cruel & insatiable Estranger.
Point de Dieu, point d’honneur, point de foy : le
plus estimé parmy ce grand amas de gensd’armes, est
celuy qui a plus forcé de filles, plus prophané de Temples,
plus pillé & plus tué de citoyens. Là le nom de
Paix est odieux, c’est vn crime d’en parler : La guerre, la
guerre, la vengeance, Point d’autres termes. Il faut tout
destruire, il faut tout ruiner. Les diuertissemens des
iours de resiouïssance ont esté tous ternis par cét Vsurpateur.
Les spectacles des iours gras, qui auoient accoustumé
d’estre innocens, sont des eschaffauts & des gibets,
dont sont menacez les gens de bien. On ne parle
que de cordes, on ne void que meurtres. Les flambeaux
qui esclairent la nuict à ces trop veritables Tragedies,
sont les Villes, les Villages & les Eglises en feu. Et Dieu
est de ce costé, Dieu soustiendra cette cause ! Non, non,
ne vous flatez pas, attendez la catastrophe de la piece,

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Dieu est iuste. Les Anciens disoient, que leurs Diuinitez
auoient des pieds de laine, mais des bras de fer. Dieu
differe aucunefois l’execution de sa Iustice, par sa bonté,
attendant nostre conuersion : Mais quand il void
nos cœurs endurcis au mal, que son bras est pesant, que
ses Iugemens sont espouuentables ! Continuez, ô grand
Prelat ! de leur faire des Remonstrances. Là vostre Eloquence,
dont (comme cét Herault Gaulois) vous attirez
à vous tous les cœurs par les oreilles, & la verité de
vos Discours, qui est bien plus forte, peut-estre les touchera.
Les assiduitez que vous & vostre Clergé rendez
au Seruice de Dieu, peut-estre appaisera son ire. Mais
si les prieres, les vœux, les submissions & les larmes, ne
peuuent fléchir le cœur de nos Ennemis,
cape saxa manu, cape robora Pastor,
Prenez en main, ô digne Prelat ! les armes spirituelles &
temporelles, Vous serez suiuy, vos Oüailles cognoissent
vostre voix, & vous cognoissez ce qui leur est propre.
Vous n’estes pas de ces Euesques qui ne remplissent les
Chaites & les Temples de leurs Discours fardez, que
pour acquerir la bienueillance des Ministres, & estre
eux-mesmes Ministres de leur ambition ; & aussi tost
qu’ils ont acquis ce que leurs naissances ny leurs vertus
ne meritent pas, ils deuiennent muets, n’ont plus d’eloquence,
ny de science, que pour flater honteusement
leurs bienfacteurs, pallier leurs vices, & conniuer à leurs
pernicieux desseins. Mais vous, Monseigneur, tant plus
vous auez de dignitez, tant plus auez-vous veritablement
de charge. Et il semble que comme vn autre Hercule,
le Ciel vous voulant esprouuer, vous fasse tous les

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iours naistre de nouueaux trauaux. Ce n’est pas par
hasard, mais par vne preuoyance diuine, que vous portez
des massuës dans vos armes ; il y en a deux, & sont
liées ensemble d’vn lien d’amour : l’vne est celle que
vous auez employé & employez tous les iours pour
destruire ce monstre toûjours renaissant de l’heresie,
pour combattre & abattre le vice, & l’autre sera celle qui
écrasera la teste du Tyran. Vous ne nourrissez pas seulement
vos Peuples, de la nourriture spirituelle de la
parole de Dieu, mais vous employez tout ce qui est de
vostre pouuoir pour la nourriture des corps, pour leur
faire venir des viures, & pour les defendre de leurs ennemis.
Poursuiuez, ô digne Pasteur ! N’espargnez ny
l’vne ny l’autre massuë, combattez hardiment les vices,
estouffez les autheurs des blasphemes, des meurtres, des
violemens, des sacrileges & des brulemens. Vous ne
sçauriez defendre la cause du Peuple, que vous ne defendiez
celle de Dieu. Vous ne sçauriez destruire la Tyrannie,
sans restablir l’Authorité Royale vsurpée & captiue
entre les mains d’vn Estranger. C’est cette derniere
teste qui finira nos mal-heurs, qui nous redonnera
auec nostre bon Roy, la Paix tant souhaitée par
tous les bons François, & l’abondance de toutes choses.

 

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