Anonyme [1650], REQVESTE DE MADAME LA PRINCESSE A MESSIEVRS DE PARLEMENT de Bourdeaux, POVR LA SEVRETE DE SA personne, & de celle de Monsieur le Duc d’Anguien. , françaisRéférence RIM : M0_3474. Cote locale : A_9_21.
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REQVESTE
DE MADAME
LA PRINCESSE A MESSIEVRS
DE PARLEMENT
de Bourdeaux,
POVR LA SEVRETE DE SA
personne, & de celle de Monsieur le
Duc d’Anguien.

M. DC. L.

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REQVESTE DE MADAME
la Princesse à Messieurs du Parlement de
Bourdeaux, pour la seureté de sa personne
& celle de Monsieur le Duc d’Anguien : ensemble
l’execution de la Declaration & seureté
publique.

Svpplie humblement Madame CLAIRE CLEMENCE
DE MAILLÉ, DE BREZÉ, Espouse de Messire
LOVIS DE BOVRBON Prince de Condé, premier
Prince du Sang premier Pair & grand Maistre de
France, Duc d’Anguien, de Chasteauroux, de Montmorency,
d’Albret, & de Fronsac ; Gouuerneur & Lieutenant
General pour le Roy en ses Prouinces de Bourgogne, Bresse
& Berry : Disant qu’elle a veu opprimer l’honneur, la liberté,
& l’innocence de mondit Seigneur son mary, par
la plus extraordinaire violence dont l’Histoire ait iamais
parlé ; Que son respect a esté tel, qu’elle a veu pendant plus
de trois mois dans les fers de la plus estroite captiuité, dont
iamais criminel ait ressenti la rigueur, par l’ordre du Cardinal
Mazarin, vn Prince qui a si courageusement tant de
fois & dans des conjonctures si importantes, espanché son
sang pour le seruice du Roy, le bien de l’Estat & le soulagement
des peuples, sans oser s’en plaindre qu’à Dieu seul ;
Elle a pourtant veu redoubler sa persecution, jusques à luy
refuser la permission d’aller rendre ses deuoirs à son Pere
mourant, à qui leur malheur commun faisoit perdre la vie,
jusques à faire inuestir la maison de Chantilly, que la Reyne
luy auoit ordonné pour retraite, par plusieurs Compagnies
de Suisses & de Caualerie estrangere, où il enuoya le

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sieur du Vouldy, auec ordre de mener Madame la Princesse
Doüairere sa belle-Mere, Monsieur le Duc d’Anguien
son fils, & Messieurs les Comtes de Dunois & de saint Paul,
fils de Monsieur le Duc de Longueville en Berry, pour se
saisir en mesme temps de leurs personnes & du reste de
leurs biens ; Ce qu’elle n’auroit esuité que par vne fuite
precipitée, qui l’empescha de tomber entre les mains du
Comte de saint Aignan, qui auoit ordre de l’enleuer auec
toute sa suite, & auoit pour ce sujet fait assemblée de gens
inconneus, Que par vne visible protection de Dieu n’arriuerent
au village de Menetou que quelques heures apres
qu’elle en fut partie pour se rendre à Montrond, où elle
sauua en la personne de Monsieur le Duc d’Anguien, le
reste de cette Maison opprimée. Tous ces mauuais traitemens
ne firent pas perdre à la suppliante le souuenir qu’elle
estoit née sujette de celuy, sous le nom duquel le Cardinal
Mazarin la persecutoit : elle creut qu’elle deuoit escrire
à la Reyne comme elle fit, auec toute la soumission
possible de la laisser viure en repos, & esleuer mondit sieur
son fils en la crainte de Dieu, au seruice du Roy & au sien,
dans cette maison particuliere, ce que sa Majesté eut la
bonté de luy accorder par sa lettre du 18. Avril dernier.
Mais elle ne fut pas long-remps dans la tranquillité qu’on
luy faisoit esperer ; elle vit bien-tost renaistre en elle les
premieres inquietudes d’vne femme & d’vne Mere, à qui
l’apprehension de perdre vn mary & vn fils qui ont l’honneur
d’estre du sang Royal, ne donne que des pensées funestes :
Elle eut aduis de toutes parts que les troupes du Cardinal
Mazarin auoient leur route vers Montrond, & leur
rendez-vous dans toutes les Villes voisines de ce Chasteau
qui est au cœur du Royaume, dans vn temps qu’elles deuoient
estre sur la frontiere : Elle vit de ses fenestres le
Comte de saint Aignan, qui auec cent ou six vingts Cheuaux
fut reconnoistre la place ; elle eut vne copie de la Lettre
que Monsieur le Comte de Brienne Secretaire d’Estat

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escriuoit de Dijon aux Officiers du Presidial de Moulins
pour leur deffendre d’aller dresser procez verbal de l’estat
dudit Montrond & de ses forces, comme la suppliante les
auoit inuitez de faire, pour justifier à la Reyne la sincerité
de l’intention qu’elle auoit de viure dans la paix qu’elle
s’estoit proposée, n’vsant d’aucune precaution pour sa deffence,
Elle apprit que dans le dessein de l’assieger, les Preuosts
des Mareschaux de trois ou quatre Prouinces voisines
auoient ordre du Cardinal Mazarin de courir sur tous
ceux qui venoient la visiter dans sa retraitte ; Elle eut nouuelle
qu’on auoit imputé à desobeïssance à Madame la
Princesse sa belle-Mere, contre toutes les Loix diuines &
humaines, la Requeste que cette Mere affligée auoit presentée
au Parlement de Paris ; par laquelle elle demandoit
seureté pour sa personne, pendant qu’elle feroit vne poursuite
fondée en la plus ancienne & plus juste de toutes les
Loix, qui est celle de la Nature, en demandant la liberté
de Messieurs ses enfans, authorisée par les Loix du Royaume :
en requerant que suiuant les ordres qu’elles prescriuent
leur procez leur soit fait par leurs luges naturels, & qu’enfin
ce iuste procedé d’vne Princesse du Sang, contre la violence
d’vn Ministre estranger, auoit esté puny comme vn
crime, & qu’elle auoit esté releguée à Vallery, auec deffences
d’en sortir sous quelque pretexte que ce pust estre. Sur
quoy ayant iugé que toute cette violence ne procedoit que
du dessein de long-temps premedité par le Cardinal Mazarin
de perdre toute la Maison de Condé, parce que celuy
qui en estoit le Chef, s’estoit pour le bien de l’Estat
opposé à des Alliances qu’il proiettoit de faire ; qu’il auoit
esté la cause que des Traitez de Paix auoient esté conclus
contre les interests de ses pretendus Alliez, & qu’il auoit
suplié la Reyne auec toute sorte de respect d’accepter les
offres que les Espagnols faisoient pour la conclusion de la
Paix generale La suppliante creut que puisque la terreur
que le Cardinal Mazarin auoit ietté dans les esprits des
gens de bien, empeschoit Madame sa belle Mere d’auoir

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Iustice au Parlement de Paris, elle deuoit la chercher en
cette Compagnie : outre qu’elle voulut esuiter le siege
duquel elle estoit menacée, & hazarder sa vie dans les fatigues
d’vn long & penible voyage pour conseruer celle
de Monsieur son fils, qui est le seul Prince du Sang qui soit
hors du pouuoir de cét ennemy commun, de tous ceux
qui ont bien merité de l’Estat ; Elle monta donc à cheual
auec peu de suitte, fit porter Monsieur son fils aagé de
sept ans deuant vn de ses domestiques, elle trauersa plusieurs
Prouinces par des chemins inaccessibles, contrainte
de camper toutes les nuits au vent & à la pluye pour esuiter,
en s’abstenant d’entrer dans les Villes, d’estre arrestée
suiuant les ordres que le Cardinal auoit donné par tout le
Royaume à l’insçeu de la Reyne, dans le temps mesme
que sa Majesté asseuroit la supliante de sa protection & de
son amitié, par les Lettres qu’elle luy faisoit l’honneur de
luy escrire. Et toute la precaution dont elle auoit vsé pour
cacher sa marche ne l’auroit pas garantie de la prison, sans
la faueur qu’elle reçeut de quatre ou cinq cens Gentils-hommes,
qui touchez des outrages qu’elle receuoit de celuy
que Monsieur son mary auoit sauué de la fureur d’vn
peuple justement irrité, par l’obeïssance aueugle qu’il voulut
rendre à la Reyne contre ses sentimens & ses interests
particuliers, luy vinrent au deuant auec Messieurs de
Boüillon, de la Roche-foucaut ses parens & amis particuliers,
qu’elle auoit prié de s’aduancer auec eux iusques
dans les montagnes d’Auuergne, parce qu’elle sçauoit que
l’Archeuesque de Bourges & le Comte de Noailles, gens
desuoüez audit Cardinal, assembloient du monde dans
leurs Gouuernemens à dessein de l’arrester dans le Limosin,
d’où elle croyoit sortir le lendemain pour implorer plus
diligemment vostre Iustice, & chercher aupres de vous le
remede aux maux qu’elle souffre depuis vn si long-temps,
& que les violentes factions dudit Cardinal l’ont empesché
de trouuer à Paris, quelque disposition que Messieurs
du Parlement ayent à luy faire Iustice, comme ils feront

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sans doute quand son esloignement laissera agir leur probité
auec vne liberté toute entiere. Là elle fut inuestie aussitost
qu’arriuée par la Compagnie de Monsieur le Prince
Thomas qui se rendit à Briues, le Regiment de Cugnac à
Tulles, & toutes les troupes de Monsieur d’Espernon au
Pont de Terrasson sur la Veyzere, où vray-semblablement
elle deuoit passer, pour se rendre par sa Maison de Coutras
à Bordeaux. Le bruit courut par tout le païs qu’on vouloit
l’arrester auec Monsieur le Duc son fils, les Communes
s’assemblerent de leurs mouuemens, & la compassion leur
fit naistre le dessein & prẽdre la resolution de les suiure iusques
à ce que l’vn & l’autre fussent en lieu de seureté. Mais
la suppliante ne iugeant pas à propos de faire vne assemblée
si nombreuse, ne retint de ceux qui s’offrirent à elle,
qu’autant qu’il en faloit pour auoir des forces suffisantes
pour s’opposer à celles que commandoit le Cheualier Bastard
de la Vallette, & renuoya le reste pour oster tout
soupçon qu’elle voulut faire la guerre au Roy dãs vne Prouince
où elle venoit chercher la Paix vers les depositaires
de la Iustice Souueraine. Elle cõtinua son chemin, les troupes
qui estoient à Terrason enfurent aduerties, elles quitterent
ce poste, la suiuirent, trauerserent son passage, tascherent
de luy couper chemin pour executer l’ordre que
Monsieur d’Espernon auoit receu du Cardinal Mazarin
de les arrester separément ou coniointement, & de les
mettre sous bonne & seure garde, comme la suppliante le
iustifiera par escrit : mais à la faueur de cette escorte elle
aborda à ce Port apres tant d’orages qu’il auoit excité pour
precipiter cette Illustre Maison dans vn entier naufrage.

 

Ce consideré Nosseigneurs, & qu’en la detention de
Monsieur le Prince, & en celle de Messieurs les Princes de
Conty & Duc de Longueville ses frere & beau-frere,
qu’on ne colore que de crimes imaginaires, vous connoissez
la violence & l’oppression de ce Ministre, qui soumettant
l’aduantage & la gloire de l’Estat qu’il gouuerne à ses

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interests, & à sa vengeance, veut establir sa tyrannie sur la
ruine d’vne Maison, qui a tant de fois empesché celle du
Royaume, & par la perte du premier Prince du Sang qui a
par tant d’exploits soustenu & augmenté la gloire de la
Couronne, dont vous auez si souuent rendu graces à Dieu
par des prieres publiques & solemnelles. Et attendu que
le mesme Arrest qui a rendu le Testament de Louvs XIII.
de glorieuse memoire, inutil pour donner la Regence à la
Reyne, a fait Monsieur le Prince par son merite & par sa
naissance Conseiller necessaire de la Regence, comme
vos registres en font foy, qu’il n’est pas raisonnable que le
Conseil du Roy demeure plus long temps sans ce Chef,
lequel y a si dignement presidé en l’absence de Monsieur
le Duc d’Orleans, & qu’il est trop preiudiciable au seruice
de sa Maiesté, & à la grandeur de l’Estat, que les Armées
demeurent priuées de celuy qui les a faites triompher autant
de fois qu’il les a faites combatre, & tout cela par le
seul interest du Cardinal Mazarin nay suiet du Roy d’Espagne,
ennemy de l’Estat, Perturbateur du repos public,
declare tel par Arrest du Parlement de Paris du 9. Ianuier
1649. authorisé par le consentement vniuersel des peuples,
& que la Declaration du mois d’Octobre 1648. qui a
tant cousté de peines & de soins à toutes les Compagnies
Souueraines, est violée en la personne de mondit Sieur le
Prince, & de mesdits Sieurs les Prince de Conty & Duc
de Longueville ; Il vous plaise authoriser la suppliante, attendu
qu’elle ne peut l’estre par Monsieur le Prince son
Mary, pour se pourueoir & prendre sur le contenu en la
presente Requeste, & autres affaires de Iustice, telle conclusion
qu’il appartiendra ; & cependant que sa personne,
celle de Monsieur le Duc d’Anguien son fils, & tous les
siens, seront mis en la sauuegarde du Roy & protection de
la Cour, auec deffences d’attenter à leurs personnes directement
ou indirectement, & ferez bien.

 

FIN.

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