Anonyme [1649 [?]], REQVESTE DES PROVINCES ET DES VILLES DESOLÉES de France, A NOSSEIGNEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_3492. Cote locale : A_8_81.
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REQVESTE
DES
PROVINCES
ET DES VILLES DESOLÉES
de France,
A NOSSEIGNEVRS
DV
PARLEMENT
DE PARIS.

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REQVESTE DES PROUINCES
& des Villes, à Nosseigneurs du Parlement
de Paris.

VOVS remonstrent, pressez d’vne iuste douleur,
les Deputez des Prouinces desolées, depuis
la Declaration de Paix, qu’ayans toûjours
creu que vostre Compagnie estoit cette
puissance moyenne qui lioit les Subjets auec le Souuerain,
& qui sçauoit par vn temperament admirable
accommoder deux choses en apparence incompatibles
& contraires, la liberté des peuples & l’autorité
absoluë & independante des Monarques ; que vous
estiez cette forte barriere qui s’oppose aux mouuemens
impetueux du populaire, & les retient dans les
bornes du deuoir & de l’obeyssance ; & qui arreste en
mesme temps ce desbordement de puissance, ou cette
licence iniuste de tout faire, à laquelle tous les Ministres
du gouuernement ont aspiré. Nous vous auons
aussi consideré comme les colomnes inebranlables
de cette Monarchie, qui ne diminuëra iamais de son
premier lustre, pourueu que vous empeschiez, comme
vous auez fait, que l’authorité Royale ne degenere

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en vne tyrãnie odieuse, & insupportable à vne Nation
ennemie de la seruitude : & pour cette raison, quand
nous auons veu qu’vn Estranger inconneu fait Ministre
contre les loix de l’Estat, fâché de ne pouuoir introduire en France la barbare façon de dominer des
vieux Tyrans de son Isle, apres auoir vainement essayé
de vous chasser de Paris, & changer le lieu de vostre
Auguste seance, contre vostre institution, afin de vous
opprimer auec plus de facilité, & se deliurer de la
crainte qu’il auoit de vostre Iustice, estoit venu à cét
excez de fureur, que d’entreprendre de vous faire perir
auec la Capité le du Royaume, où il vous tenoit assiegez,
pensant auoir trouué le moyen d’abattre d’vn
seul coup tout ce qu’il y auoit de grand, & de puissant
dans cét Estat, dont il se proposoit de renuerser l’ordre
& les loix fondamentales auec moins de peine, quand
il auroit estouffé la Maiesté de vostre Compagnie, &
ruiné les principales forces de la France, en destruisant
la premiere & la plus florissante Ville de cét Empire.
Nous auons estimé qu’à l’exemple de vos grands
Citoyens qui se sont si courageusement interessez
dans cette querele importante, qui alloit à decider de
la fortune de ce Royaume aussi bien que de la dignité
de vos Charges, il estoit de nostre deuoir de nous declarer
en vostre faueur ; & qu’il estoit bien iuste de
prendre les armes pour la deffense de nos communs
deffenseurs, si nous voulions garentir l’Estat de sa ruine
prochaine.

 

Il est vray que nos forces n’ont pas esté assez tost
vnies, ny le secours que nous preparions assez prompt

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pour se monstrer aux portes de Paris au temps qu’il y
pouuoit estre desiré ; mais ce retardement ne doit
estre attribué qu’aux mauuais ordres qui ont esté mis
pour faire passer les lettres, & nous apprendre le veritable
estat des affaires, que nous n’auons pas plustost
sceu, que l’amour du Pays & de la liberté, nous a fait
ietter dans les mesmes perils dont nous vous voyons
menassez, afin que nous puissions auec que vous, ou
conseruer l’Estat entier, & dans sa premiere forme,
ou que si Dieu auoit ordonné la reuolution de cette
Monarchie, la posterité sceust au moins que nous
auons preferé de nous enseuelir auecque honneur
sous les ruines de ce vaste Empire, plustost que de
consentir auec infamie au renuersement de nos loix,
& de surviure honteusement à la perte de nostre ancienne
liberté, & nous n’auons point apprehendé
que ceux qui iugeront sainement des choses, vous reprochent,
ny à nous qui n’auons fait que vous suiure ;
en cette prise d’armes, à laquelle on vous a forcez par
cette derniere necessité, où vn Ministre ignorant vous
a reduit, de songer à vous deffendre, ou de vous voir
tomber, & tout l’Estat auec vous, sous l’oppression
de cét vsurpateur ; le Roy mesme pour lequel nous
n’auons iamais eu que des ressentimens de respect &
de veneration, ne trouuera pas qu’il se soit rien passé
en cecy contre le bien de son seruice, & contre l’obeïssance
qui luy est deuë. Il ne sçauroit approuuer
que ceux qui ont à present sa personne entre leurs
mains, & qui abusent insolemment de son nom dans
l’innocence de ses ans, ayent voulu porter son authorité

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au dessus de celle qu’il a receuë de ses glorieux Ancestres,
Quand vn âge plus aduancé luy aura donné la
connoissance des loix, & de la forme du gouuernement
que Dieu luy a commis, il apprendra qu’il a la
conduite d’vn peuple libre sur lequel il doit regner
plus par l’amour, & par la douceur de la Iustice, que
par la terreur de ses forces, & que ses peres ont fait
gloire de se pouuoir dire Roys des François, plustost
que de la terre qu’ils habitent, parce qu’ils ont creu
que la veritable grandeur des Souuerains, estoit de regner
dans les cœurs de leurs subjets, dont ils se sont
tousiours acquis les affections par la moderation de
leurs regnes.

 

Il apprendra encore que son authorité n’est pas vne
forte puissance, de faire, & de commander des choses
de son Royaume à son plaisir. Qu’il n’a point le pouuoir
de faire mourir vn seul de ses subjets, qu’il ne soit
trouué coupable dans les formes de la Iustice. Qu’il
n’a point non plus puissance sur nos biens, pour les
oster des vns, & en gratifier les autres, selon son inclination,
ou au caprice de ses Fauoris, Et enfin, qu’il est
estably de Dieu pour la conseruation de ses peuples,
ausquels il est donné pour garentir leurs biens & leurs
vies, contre la violence de ceux qui leur voudroient
nuire ; C’est le noble employ de nos Rois, qui ne doiuent
pas s’imaginer que les peuples soient faits pour
leur propre grandeur, & pour leur seruir de joüet dans
le déreglement de leurs passions, mais qu’ils doiuent
sçauoir qu’ils sont responsables des miseres & des
souffrances de leurs subjets qui viennent du deffaut

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de leur conduite bien loin de pouuoir ordonner à leur
gré, de leurs personnes & de leurs fortunes.

 

Et c’est pour cela qu’il y a des choses qui ne peuuent
estre faites de la propre authorité des Souuerains,
& qui demandent l’exprés consentement des
Peuples ; comme sont tous les deniers qui se leuent
dans les necessitez de l’Estat, pour lesquels par vn
vsage de tout temps obserué, & aussi ancien que cette
Monarchie, l’on a tousiours assemblé les Estats du
Royaume pour sçauoir leurs forces, & ce qu’ils voudroient
contribuer au besoin present des affaires. Nos
Histoires sont pleines de pareilles propositions que
nos Rois ont fait dans ces Assemblées, & le refus
que souuent leur en a esté fait, marque assez le pouuoir
que nous auons en cela de leur contredire. Que
si l’on c’est depuis dispensé de cette formalité pour le
retardement qu’apportoit aux affaires presentes les
longueurs de ces Assemblées, l’on a tousiours eu recours
à vostre Compagnie, qui en elle conserue & represente
l’authorite des Estats dont elle est composée,
& nous auons porté sans murmure les charges
que l’on a mises sur nous, quand nous auons sceu
qu’elles auoient passé par vos suffrages, dans l’opinion
que nous auons tousiours conseruée, que vous n’estiez
pas capable de rien authoriser d’iniuste, ny qui
fust à l’oppression des peuples qui vous reconnoissent
encores pour les equitables Arbitres de leurs fortunes
& de leurs vies.

Cét ancien vsage ou plustost cette loy fondamentale
de l’Estat, a esté violée par des Ministres pleins

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d’ambition & d’auarice, à la foûle des pauures subjets
du Roy, & au mespris de vostre Compagnie : Il leur
fâchoit d’auoir des Controlleurs de leurs actions si seueres
que vous ; & ils ont bien creu qu’il ne leur seroit
pas facile de voler les Finances du Royaume, & establir
leur tyrannique domination tandis qu’il vous resteroit
quelque authorité, & que la France vous considereroit
comme les veritables peres de ses Peuples ;
C’est pourquoy ils se sont voulu tout d’vn plein saut
tirer de cette voye ordinaire, & comme ils disent, se
mettre hors de page, en s’exemptans de faire verifier
les Edits du Prince, dans la pleine liberté de vos opinions.

 

Nous auons ressenty les pernicieux effets de cette
nouueauté que vostre longue tolerance rendoit tous
les iours plus insupportable : Il n’y a point d’inuentions
dont l’on ne se soit aduisé pour épuiser nos bources :
l’on a leué des millions infinis sur des simples Arrests
du Conseil : l’on a veu les Prouinces couuertes
de Fuzeliers, pour exiger ces droicts iniustes, & les Intendans
ont ruiné les Eslections entieres, par cette
seule façon de contraindre : Les habitans des Villes
n’estoient pas plus heureux que les païsans de la Campagne,
& l’on a veu les plus aisez reduits ces deniers
iours, à se tenir cachés, pour se garentir des horreurs
de la prison, dont ils estoient à toute heure menassez ;
& à la fin, il est à croire que cette barbarie eust esté
plus loin, & que l’on eust ordonné la peine des galeres
contre ceux qui n’auoient plus dequoy se rachepter.

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Enfin, nos plaintes, & peut estre le feu qui approchoit
desia vos personnes de bien prés, vous ont tiré
de cét assoupissement, qui sembloit vous auoir rendu
sourds aux clameurs redoublées de tant d’Innocens
persectuez ; & la resistance courageuse que vous auez
faite dans ces derniers temps, auec tant de perils & de
trauaux, au progrez de cette tyrannie, a iustifié vostre
longue patience à dissimuler vn mal où vous ne
voyez que des remedes extrémes & dangereux.

Personne donc n’ignore que la haine que vous
auez attiré sur vous, ne vient que de vous estre opposez
à ce torrent qui rauageoit toute la France, & que
les Ministres ne vous ont fait la guerre, que parce que
vous leurs auez osté les moyens de continuer leurs rapines ;
quand vous auez remis l’ordre ancien de ce
gouuernement ; redonné la vigueur à nos loix, & restably
dans sa pureté & dans sa premiere veneration,
l’authorité Royale, estrangere, defigurée & mesconnuë
parmy les Peuples, lassez des cruels traittemens
qu’ils ont soufferts sous vne Domination toute violente.

C’est pourquoy nous ne pouuons croire que les
genereux efforts que vous auez faits pour le soustien
de cette Monarchie, ne soit vn iour agreable à nostre
ieune Prince, ny que les armes que nous auons prises
pour vne cause si iuste & si necessaire, nous fasse passer
pour rebelles à sa Maiesté, qui vous doit estre eternellement
obligée, de ce que vous n’auez pas permis
qu’vne puissance si iuste que la sienne, degenerast en
tyrannie, pour rendre le nom auguste des Rois de

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France autant odieux dans ce Royaume, qu’il y a esté
reueré pendant qu’ils se sont contenus dans les bornes
d’vne authorité legitime & naturelle.

 

Et comment pourroit-on qualifier de rebellion ce
que vous auez fait, pour ne pas tomber sous l’oppression
de vos ennemis ; ce que Paris a contribué pour
vous deffendre contre leurs entreprises ; & ce que
toutes nos Prouinces leurs entreprises ; & ce que
toutes nos Prouinces preparoient pour le mesme dessein ?
Nous n’auons point esté conduits par le mouuement
precipité de quelque Factieux ; C’est-il fait aucun
desordre dans Paris, ny dans nos Prouinces ? a-on
veu vne seule maison pillée, vn homme mal-traitté,
encor que nos Ennemis exerçassent toute sorte de
cruauté contre nous ? enfin, a on rien remarqué qui
sentist la mutinerie ou la sedition ? Nous nous sommes
laissez conduire à la prudence de vos resolutions, qui
nous ont parues pleines de Iustice ; Nous sçauions que
vous armiez pour la deffence des loix de cét Estat,
dont vous estes les sacrez Depositaires ; & qu’en
les maintenants, nous trouuions la seureté publique
aussi-bien que la vostre ; nous estions resolus
de ne rien espargner pour le soustien d’vn si iuste Party ;
toute la France estoit à vostre deuotion ; & les Villes
mesmes maistrisées par les garnisons, faisoient des
vœux pour le succez de vos armes : Et c’est à quoy, si
la Reine faisoit tant soit peu de reflexion, elle reconnoistroit,
sans doute, cette inuiolable fidelité que
vous auez tousiours euë pour nos Rois, dont vous
auez donné des preuues plus fortes que iamais dans
cette derniere renconter, où la fureur brutale de vos

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Ennemi, vous ayant mis toutes les forces du Royaume
entre les mains, vous auoit donné moyen de châtier
leurs insolences, lors qu’ils pensoient à vous perdre
dans cette conioncture où vous pouuiez vous ressentir,
dont on auoit voulu noircir les plus vertueux
d’entre vous, & vengeant le traittement indigne qui
auoit este fait à tout vostre Corps, establir vostre seureté
dans la ruine de vos Ennemis : neantmoins vous
auez voulu oublier vos propres injures, & pour faire
connoistre que vous n’auiez en recommandation
que le bien de l’Estat, vous y auez apporté toutes vos
pensées, & vous vous estes pressez de la conclure,
afin de vous despoüiller plus promptement de cette
grande puissance, que l’Estat des affaires de la France
vous donnoit lieu de conseruer : c’est donc à la moderation
de vostre auguste Senat, que la Reyne doit le
restablissement de son authorité dans les Prouinces :
c’est par vous que les peuples respectent encor son
nom, & reçoiuent ses ordres : & si elle n’est point
aueuglée par la malice de ses Conseillers, qui luy cachent
les veritez les plus importantes, elle sçaura que
vous n’auez mis bas les armes, que dans la crainte que
vos forces extraordinaires ne fissent ialousie à l’authorité
Royale, & connoistra de quels esprits vous estes
portez quand pouuans disposer à vostre gré des choses
de la France, vous vous estes contenté de faire entretenir
les Declarations de l’année derniere, par lesquelles
vous auiez remedié aux desordres du gouuernement
& pourueu au soulagement des Peuples, autant
que l’estat des affaires le pouuoit permettre. Il

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est vray que quelques mal-contens, dont la patience
est lassée, osent vous blasmer de vous estre relaschez
à si peu d’auantage, & au lieu que vous pouuiez redonner
aux Peuples la felicité des siecles d’or, de n’auoir
fait par vostre resistance trop peu opiniastrée,
qu’esbranler l’estat des choses pour les laisser retomber
dans leurs premieres confusions.

 

Mais les mieux sensez ne sont pas dans ces sentimens,
& la plus saine partie des Peuples s’est laissée
persuader que vous n’auez rien fait que pour le repos
du Royaume, & pour ne pas souffrir que cét Estat fust
miserablement deschiré par les maleurs d’vne guerre
ciuile & inciuile : & c’est dequoy nous nous flatons,
que le Roy mesme se sentira obligé au zele que vous
auez eu pour son seruice, lors que l’âge le mettra en
possession d’vne Couronne, que vous auez pris soin
de luy conseruer toute entiere dans ces temps difficiles,
& parmy ces conionctures perilleuses : Vous deuez
toutes fois apprehender que les Ministres, entre
les mains desquels vous auez laissé sa personne sacrée,
ne s’efforcent de luy donner des impressions toutes
autres de vostre rare fidelité ; vous pouuez iuger de
leurs pernicieux desseins, par les brigandages qu’ils
commandent dans nos Prouinces au preiudice de vostre
Traicté, qui dans leur maxime de Tyrans, n’oblige
que d’vn costé, & ne les engage point pour leur regard
à vous tenir parole. Nous venons à vos pieds
pour les conuaincre à nos despens propres, & par les
maux qu’ils nous ont fait desia sentir, qu’ils ont rompu
le nœud sacré de la Paix, qui semble n’auoir esté

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faite que pour donner temps à leurs troupes de voleurs,
de nous venir surprendre nuds, & desarmer,
& nous saccager dans nos maisons. Nous estions encore
occupez à remercier Dieu de ce riche present de
la Paix, de cette fille du Ciel qu’il nous auoit enuoyée ;
les feux de cette commune réjouyssance esclairoient
encore dans nos Prouinces, quand cette generale allegresse
s’est veuë tout à coup troublée par les cris &
les gemissemens des femmes violées, & par les clameurs
des Vierges, qui cherchoient vn azile asseuré
contre l’insolence soldatesque : Nous auons veu en
mesme temps cette brutale canaille entrer tumultuairement
dans nos Villes, & s’emparer de nos forteresses
pour nous faire plier encor vne fois sous le ioug
impetueux de nos fiers tyrans, ces Ministres coseillers
de leur fureur, ne se contentent pas d’auoir pillé nos
mestairies, ruiné nos bourgs & nos bourgades, & desolé
nos vastes Campagnes : ils viennent en vainqueur
insolens, saccager les capitales des Prouinces, &
châtier comme rebelles, tous les Peuples qui auoient
armé pour vostre deffence, & sous vostre Authorité,
Que si c’est le repos que vous nous auez procuré, il
faut confesser que la guerre la plus cruelle, nous eust
esté beaucoup plus seure & moins dommageable, &
que nous vous sommes peu obligez de ce present funeste,
qui sous les branches d’oliues, nous cachoit le
serpent mortel qui nous est venu deuorer ; & que ce
qui nous a pensé ietter dans le dernier desespoir, c’est
que l’on nous rapporte le peu d’estat que faisoient de
nos miseres, & de nos plaintes, ceux qui s’estoient

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rendus les cautions de la Paix, & les garands de la seureté
publique. S’il y auoit beaucoup de semblables
parmy vous, il seroit difficile de vous lauer d’vne si
lache conniuence pour les maux que nous souffrons,
& de satisfaire à ceux qui vous accusent de ne prendre
plus de part dans les interests des Peuples, & d’en
auoir abandonné la protection, apres auoir tiré d’eux
le secours dont vous auiez besoin quand l’orage vous
menaçoit ; mais nous ne pouuons conceuoir que vous
ayez si tost perdu cette haute generosité ; & ce grand
zele qui a paru auec esclat dans vos dernieres actions,
& que vous ayez pû degenerer de la vertu de vos ancestres,
dans vn temps où vous sembliez en auoir releué
le merite, & surpassé la reputation qu’ils s’estoient
acquise, nous sommes encore dans la croyance,
que vous estes les mesmes que vous estiez, lors
que pour vous opposer à l’auarice des Traittans, &
aux rapines des Financiers, vous auez resisté auec courage
aux commandemens absolus, & aux menasses
de ceux qui auoient les forces du Royaume entre les
mains, Nous sommes persuadez que le Parlement ne
change iamais, & que s’il reçoit quelque alteration
en quelqu’vn de ses membres, qui ne sont pas incorruptibles,
le Corps entier ne laisse pas de demeurer sain ;
à l’exemple de ce grand Monde, que quelques Philosophes
n’ont pas laissé de croire eternel, encore que
chaque iour nous n’arque quelque nouuelle corruption
dans les parties qui le cõposent : Nous esperons
donc que nous trouuerons encor chez vous, le secours
puissant de la Iustice ; que vous nommez encor

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vn coup des Loix en nostre faueur, & que vous allez
mettre fin à tant de calamitez, pour le chastiment
exemplaire que vous ferez de ceux qui nous les causent ;
Ce seroit vous faire iniure, & il n’est pas possible
de s’imaginer, que vos courages soient desia rebuttez
du dernier essay que l’on a fait de vos forces, & que
effrayez des perils passez, vous soyez deuenus sourds
à nos plaintes, & insensibles au recit de nos miseres :
Non, vous n’estes pas capables de tomber dans cét
aueuglement ; & il n’y a personne entre vous, qui ne
voye qu le mauuais traittement que nous receuons,
n’est que pour nous faire sentir que nous auons choisi
des foibles deffences, & pour ruiner la reputation que
vous auez d’estre les peres des Peuples : vos Ennemis
ont esprouué que vous tirez vos forces de nostre affection,
& n’esperans plus de vous pouuoir destruire
qu’en nous diuisans d’auec que vous, & nous faisans
perdre la confiance que nous auons tousiours euë en
vostre protection ; c’est là le perpetuel dessein
de leur Politique. Prenez y garde ; & le succez n’en est
pas trop esloigné, si vous laissez de plus longues suittes
à nos maux ; & nous osons vous dire en finissant,
qu’il vous importe autant qu’à nous d’en apporter vn
prompt remede.

 

CES CHOSES CONSIDEREES, NOSSEIGNEVRS, Il
vous plaise, en continuant les soins que vous auez pris
pour la conseruation de cét Estat, dans les minoritez
de nos Rois, faire informer des degasts, rauages, &
bruslemens, qui ont esté faits dans nos Prouinces depuis

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Paix publiée, faire le procez aux Infracteurs, &
à tous autres, qui ont donné ou expedié les ordres : Et
cependant, attendant que l’Ennemy paroist sur nos
Frontieres, ordonner, Que les gens de guerre respandus
au-dedans de ce Royaume, se retireront dans trois
iours en vn corps d’armée, pour s’opposer à la marche
de l’Archiduc : sinon, enjoint aux Communes de courir
sus à son de Tocsein, & vous serez obeys.

 

FIN.

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