Anonyme [1649], HARANGVE HEROIQVE, De l’Aduocat de la Maison de Ville d’Amiens, AV ROY. , françaisRéférence RIM : M0_1607. Cote locale : A_4_11.
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HARANGVE
HEROIQVE,
De l’Aduocat de la Maison de
Ville d’Amiens,
AV ROY.

A PARIS,
Iouxte la Coppie Imprimée a Amiens,

M. C. D. XLIX.

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HARANGVE
HEROIQVE,
De l’Aduocat de la Maison de
Ville d’Amiens.
AV ROY.

SIRE,

LES Siecles passez nous apprennes que vos Ancestres
ont faict tant d’estime de la Monarchie Françoise,
qu’ils ont preferets leurs repos & leurs propres
interests, au bien & au soulagement de leurs peuples ;
à leur imitation vostre Majesté, dans vn aage encore
trop tendre, est sortie de Paris sans craindre la
rigueur de l’Hyuer, l’inconstance du Printemps, & les
ardeurs de l’Esté ; sainct Germain a eu le prit de l’honneur
de vous receuoir, dont il s’estimoit autant glorieux
qu’il estoit marry de vostre esloignement de vostre

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bonne Ville de Paris, fust la cause de tant de troubles
& de souleuemens de vos Peuples, non pas contre
vostre Sacrée Personne ny contre vostre Royalle authorité :
mais contre le rauisseur nocturne de vostre
Majesté, qui n’auoit autre dessein dans l’ame que de
ruïner ce bel Empire qui est le plus florissant de l’Vniuers,
ce fourbe par ses finesses & par ses charmes ayant
sé duit & gaigné l’esprit de la Reyne Regente, de Monseigneur
le Duc d’Orleans, & de Monsieur le Prince,
tâcha par surprise, de vous faire sortir de cette grande
Ville, au preiudice de vostre santé & au grand mesprix
de la France, Dieu qui conserue le cœur & le corps des
Roys & principalement le vostre, & qui tient les Estats
de vostre Royaume sous sa singuliere protection, a dõné
le vol à la Colombe pour porter le Rameau d’Oliue, &
de la Paix à vostre bon Peuple de Paris, & generallement
en toutes les Prouinces interrecez de cette
guerre Ciuille. SIRE, ie ne sçaurois assez vous exprimer
l’excez de ioye que toute la France a conceu
en cette conioncture : & principalement vostre tres-fidelle
Ville d’Amiens, Compiegne a eu le bon-heur
de receuoir vostre Majesté triomphante & Pacificque,
nous estions i’aloux de ce grãd aduantage, nos cœurs
sont allez à vostre rencontre se pendant que nos esprits
s’employoient a dicter à nos Langues vos immortelles
loüanges, maintenant SIRE, que i’ay le bonheur
& la gloire de vous Haranguer au Nom de toute
la Ville, ie suis obligé de dire à vostre Majesté que tout
ce peuple qui vous enuironne, & qui par ses acclamations
aussi bien que par les tonnerres des Canons & des
Mousquetades faict cognoistre le grand plaisir qu’il
prend de vous voir, & le desir qu’il a de vous obeyr &
seruir, desire & vous supplie à genoux d’esloigner de
vostre Cour & du Ministaire de vos Estats ce fidelle
Espion du Roy d’Espagne le Cardinal Mazarin nous ne
pouuons plus douter qu’il ne soit traistre à vostre Couronne,

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puisque nous auons surpris vn de ses valets qui
portoit vn pacquet des lettres à son Prince Naturel,
où sans doute tous les Conseils & les Secrets de la France
estoient inserez ; les plus grands personnages qui
sont versez dans les Sciences & dans les estratagemes
de la Guerre & qui sçauent manier l’espée auec la plume,
sont vos naturels vassauts ou sujets & veritables
François, si bien que si vostre Majesté les appelle à vostre
seruice, nous sommes asseurez que ces diuins Oracles
& ces Sages Orateurs restabliront le Siecle d’Or
dans ce Royaume, au lieu que vostre Ministre n’a autre
dessein que d’y entretenir celuy de fer : Amiens,
SIRE, qui depuis plusieurs Siecles a fait voir à vos
Ancestres aussi bien qu’aujourd’huy à vostre Majesté sa
fidelité inuiolables, par des preuues tres autanticques
& des tesmoignages tres-éuidents, & que nous esperons
de conseruer au despens de nostre sang & de nostre
propre vie, se croiroit dans l’Apogée de la felicité
si ma langue que cette Ville a choisi pour interpreter
à vostre Maiesté le violent ressentiment que nous auons
du bon-heur que nous receuons à ce iour, pour vostre
heureuse arriuée, vous pouuoit extremement le despeindre ;
Agrées SIRE, l’oblations que ie vous faits
des vœux de tous mes Compatriotes vos Tres-chers
Citoiens & habitans de vostre Ville d’Amiens, nous
souhaittons à vostre Maiesté vne douceur esgalle à celle
de Trajan qui estoit si extraordinaire que’lle portoit ce
Grand Empereur, & l’obligeoit d’auoir plus d’affection
& plus d’amour pour son peuple que pour sa propre personne,
Ha ! Dieu ne plaise que nous ayons ce souhait,
nostre desire est que Dieu vous fasse cognoistre le zelle
violant que nous auons pour vostre seruice, nostre fidelité
& nostre obeïssance sans exemple, afin que par
cette cognoissance vostre Majesté nous honnore de son
amitié paternelle, & nous tesmoigne la douceur qu’vn

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Monarque doit auoir pour des suiets qui preferent les
interrests de la Couronne a leur propre vie, son bon
plaisir & leur repos, & sa gloire a leur bon-heur,
ie vous puis asseurer SIRE, que ce peuple qui est autour
de vostre Royalle personne a le genereux dessein
de perdre plutost le repos son bon-heur, ses biens & sa
vie, que de ne vous obeïr plaire & seruir, cette Ville a
donné tant de preuues de sa fidelité à Louys XIII.
Ce Grand Monarque à qui vous estes redeuabie de vostre
Naissance, que vostre Maiesté est obligée de croire
que nous auons la gloire d’estre de l’eslitte de ses plus
fidelles peuples, cette rare fidelité nous donne la hardiesse
de nous estimer dignes de vos bonnes graces, &
de vous supplier d’auoir pour nous autant d’affection
que Louys le Iuste vostre Pere nous en a tesmoigné,
cét inuincible Prince auroit ioüy durant son Reigne
d’vne parfaite felicité s’il eust vescu sans fauory & sans
Ministre d’Estat, telle sorte de gens sont semblables à
des s’ensuës qui parce qu’ils ne peuuent point approcher
le Corps d’vn Estat & la personne de son Souuerain,
sans s’abreuer du sang de leur peuples ; D’ouuient
qu’Henry le Grand vostre Ayeul gardoit inuioablement
cette maxime, que de ne point créer des fauorys ny encore
moins des Ministres de ses Estats, ce Grand Prince
aymoit esgallement ses Subiets, & la Diuinité de son
esprit luy seruoit d’Oracle & de conseil, ce n’est pas de
merueille s’il a tousiours triomphé, & puis qu’il auoit
marié son indicible Sagesse auec sa supreme valeur, il
auoit raison de dire à son fils qu’Anée enseignoit à son
Ascanius. Disce puer virtutem ex me verumque laborem
Fortunam exalijs.

 

Nous vous souhaittons SIRE, vne valeur semblable
à la generosité d’Henry le Grand, & vne fortune
plus grande que celle du Roy Monseigneur vostre Pere,
vne plus sublime sagesse & vne vie plus longue que celle

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de Nector, nous esperons que nos vœux seront accomplis,
vostre Royalle humeur nous en dõne des asseuranrances,
vos mœurs si polies par l’estude des Lettres & par
la sage conduite du Mareschal de Ville-Roy nous les
confirment d’auantage, les preceptes de vostre grand
Gouuerneur sont dignes veritablement d’vne Ame si
diuine que la vostre, il vous enseigne SIRE, que le bon
Roy se doit porter en son Gouuernement ainsi que le
Pere à l’endroit de ses, enfans & Dieu enuers tout le
monde, que les Royaumes florissent heureusemẽt, quand
les Rois & les Princes desprisent leur propre guain, que
les Princes doiuent leurs exemples aux peuples, & que
les Rois se doiuent souuenir que s’ils d’omine sur les
peuples que Dieu d’omine sur les Rois, qu’vn Roy se
doit monstrer plutost terrible par mœurs que par opinion,
& qu’en l’ordre de Genrre humain c’est chose
tres-grande que d’estre Roy, mais plus excellans d’estre
bon Roy, ces preceptes sont extremement dignes d’vn
si grand Oragle, & ie crois que l’Ange Tutelaire de la
France les luy a dicté, pour vous faire reigner heureusement
& viure sans pareils par dessus les autres Monarques,
Monseigneur le Duc d’Anjou vostre Frere, que
i’honore auprés de vostre Majesté, promet en son ieune
aage de seconder si bien vos Heroïques pretentions par
son espée, que nous esperons de voir dans le cours de
vostre vie, celuy d’Honorius & d’Arcadius, aussi bien du
costé de la Reyne Mere Regente, ils sont dans le Rang
de vos Ancestres, en vn point, ils vous sont semblables,
c’est qu’ils estoient des Princes Souuerains, en vn autre,
ils vous estoient differents parce qu’ils n’auoieut pas
cette supreme valeur que vous monstrez dans vos plus
ieunes ans, ny ne pouuoient pas mettre sur pied tant de
forces que vous pouuez leuer en France, du commun
consentement de vostre bonne Ville d’Amiens, ie vous
demande SIRE, tres-humblement à genoux vne grace

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que ie vous supplie de m’accorder, c’est la Paix Generalle,
elle despend de vostre Majesté, puis que vous
estes l’Arbitre de l’Vniuers, vos Peuples seront soulagez,
les Subsides & les Charges rabessez, vos Estats seront
plus Florissants, les Peuples Estrangers vous en remercieront,
Dieu benira vos desseins, fera reigner &
ressusciter dans vostre Empire le Siecle d’Or.

 

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